Chapitre 42

L'Ilcalmë se paraît de ses plus beaux drapés orientaux, témoignages lointains du passé glorieux d'Atalantë. Des motifs d'entrelacs et d'arabesques couraient sur le tissu dans des formes géométriques. Des senteurs inédites se propageaient grâce à deux lourds brûle-parfums de bronze, en forme de cobras, à l'entrée même de l'hôtel particulier.

Comme à chaque Salon, des badauds s'arrêtaient aux grilles de la splendide demeure pour observer les non-astres. Des charrettes avaient déchargé des œuvres d'art durant les précédentes journées si bien que la curiosité avait piqué les habitants. La place de la cathédrale regorgeait de vie ; certains commerçants voyaient l'opportunité de vendre leurs produits aux étrangers.

Du haut de son balcon, Othélio scrutait les convois dans l'espoir d'apercevoir une voiture d'une origine bien précise. Mais l'esplanade de la cathédrale Sainte-Hallebarde restait vide d'intérêt à ses yeux. L'immense bâtiment religieux côtoyait toujours ces hôtels privés vertigineux et ces maisons closes réputées.

Une angoisse palpable s'empara de l'astre. Et si Davyan changeait d'avis de peur d'éveiller les soupçons chez ses semblables aux oreilles pointues ? Le vernissage commençait dans une heure et tout L'Ilcalmë attendait patiemment ses derniers invités pour commencer les festivités.

— Je ne cautionne pas ce regard, lança Ozanor derrière son épaule, sois heureux qu'il ne vienne pas.

Le marchand d'art sourit et déclara après une légère tape sur le bras de son ami :

— Ne parle pas trop vite. J'ai confiance en Davyan. Il se déplacera.

— On ne fait jamais confiance à un elfe.

— Regarde ; qui avait raison ?

Trente mètres plus bas, un carrosse finement monté sur quatre hautes roues s'arrêta aux marches du palais. Le métal argenté qui soudait les différentes parties de la voiture luisait sous le soleil du soir et de fins feuillages dorés couvraient le bois clair dans un raffinement bien elfique.

Une escorte casquée encadrait l'attelage sans montrer la moindre hostilité. La porte s'ouvrit et un marchepied fut déplié par un gnome pour laisser le maître sortir. Comme sa longue chevelure immaculée, le costume de Davyan ne souffrait aucune touche colorée. Sa peau de porcelaine s'approchait de l'albinisme et ses yeux d'un bleu délavé se levèrent vers les étages supérieurs de l'hôtel.

Ozanor sentit immédiatement que son ami était happé par le physique onirique de l'elfe. Les souvenirs des blessures béantes lui revinrent en mémoire. Mais malgré les souffrances endurées, Othélio oubliait et gardait son intérêt initial pour son ancien amant.

Le marchand d'esclaves ne tenta même pas de raisonner son comparse. Désormais, il ne lui restait qu'à protéger l'astre naïf et éconduit des griffes de Davyan. Si besoin, Ozanor se promit de trancher la tête de cette maudite sirène.

— Je te laisse à tes désillusions, souffla-t-il, j'ai un contrat à conclure.

Othélio ne réagit que lorsque l'elfe disparut à sa vue. Il comprit alors le sens de la dernière phrase.

— Comment peux-tu profiter ainsi d'un enfant ?

— J'ai passé ma vie à gagner de l'argent sur le dos des puissants comme des faibles.

— J'avais espéré que tu changerais...

Ozanor haussa les épaules et prit le chemin de ses appartements temporaires. Lordan et Kabar l'attendaient dans ce séjour, intrigués par cette convocation. Leur associé avait mentionné la présentation d'un esclave unique et ils comptaient bien juger cette déclaration par eux-mêmes.

Enfin, le Berserk passa le seuil, tirant derrière lui un enfant de cinq ans.

Les deux astres se levèrent du sofa pour inspecter cette singulière créature ; ils étaient assez expérimentés dans leur travail pour reconnaitre au premier coup d'œil quand un esclave valait au-delà de la moyenne.

Féathor avait beau tirer la tête et baisser le nez vers ses bottines, son aura n'en restait pas moins extraordinaire.

— Où as-tu dégoté cette petite merveille ? demanda Kabar en replaçant sa ceinture sous son ventre proéminent, tu as dû bien trimer pour le déterrer.

— Il n'est pas très jouasse, plaisanta Ozanor, mais il saura se démarquer en grandissant.

— Combien comptes-tu le vendre ?

— Le louer pour pas moins de huit mille écus par an me semble préférable. Il sera une véritable mine d'or en moins de trois ans.

Kabar grimaça devant la somme conséquente qui risquait de refroidir les plus gros poissons. Lordan se pencha et redressa la face du garçon en se saisissant de sa chevelure noire :

— C'est un bâtard, n'est-ce pas ? Je crois deviner l'origine d'un des deux parents... Je n'ose imaginer la puissance de son Vala lorsque son Éveil aura lieu. Il sera une arme redoutable à l'âge adulte.

— Je connais des clients qui seraient déjà prêts à débourser des sommes faramineuses pour un enfant, remarqua Kabar en s'humectant les lèvres.

Ozanor croisa les bras et lâcha :

— Je souhaite toucher quatre-vingts pourcents de la prochaine transaction. Cela me semble juste au vu de ma contribution. De plus, je veux avoir la possibilité de garder un droit de regard sur ce qu'on lui réserve.

Lordan plissa les yeux et ajouta :

— Vous avez établi un chantage avec ses parents ? devina-t-il, c'est malin de votre part.

— Vous avez intérêt à accepter mes conditions, vous gagnerez vingt pourcents des recettes.

La singularité de l'enfant convainquit les deux marchands qui flairèrent la bonne opportunité. Féathor fut reconduit à la suite d'Othélio où un serviteur l'enferma dans le fumoir.

Fier de ses affaires, Ozanor descendit vers les salles de réception où la foule d'artistes, de marchands et de collectionneurs déambulait, allant d'un buffet à un groupe de convives.

— Ozanor ! Quelle surprise, je savais que je te trouverai à l'Ilcalmë !

Quelle ne fut pas la surprise pour le mercenaire de trouver son ancien maître, Tarcenya de Von Dablen, chef des Berserks, flanqué de quelques-uns de ses hommes de main. La carrure de l'astre s'imposait dans l'étroit couloir ; son encolure de taureau et ses épaules développées dénotaient aux côtés des autres invités.

Depuis quelques décennies, le clan Berserk avait comme connu une forme de décadence, une des raisons qui avait convaincu Ozanor de partir. Après s'être enrichis à outrance, en partie grâce à l'exploitation des elfes, ils s'étaient embourgeoisés et avaient troqué leurs armures rustiques pour des atours chatoyants. Cependant, ils étaient restés fidèles à leur brutalité et le contraste sautait bien souvent aux yeux.

— Tarcenya, salua sèchement Ozanor, cela faisait longtemps que nos chemins ne s'étaient pas croisés.

— C'est bien dommage, tu étais un de mes meilleurs atouts au clan...

— Mon ambition ne pouvait se contenter de la tiédeur dans laquelle les Berserks macéraient.

Tarcenya sourit, mais pas d'un sourire bienveillant. Une forme de violence sous-jacente animait son corps, prête à être réveillée.

— J'ai un cadeau pour toi, Ozanor.

— M'en voilà honoré. Que me demanderez-vous en échange ?

Le colosse se rapprocha et baissa la voix :

— Je sais que tu t'es détaché du clan, mais j'ai passé un contrat avec la secte des Gardiens de la Justice ; maintenant que l'Église du Baldavik a été détruite, ils s'installent à Arminassë et un ménage s'impose. Tu connais la capitale mieux que moi et tu connais les personnalités incontournables. J'aurai besoin de ton expérience pour arriver à bout de ce contrat.

— Je ne travaillerai plus pour toi.

— Tu changeras d'avis en voyant mon présent.

— Ce n'est pas un cadeau si tu exiges quelque chose en échange...

Tarcenya s'emporta dans un rire tonitruant à en faire frémir les murs de l'hôtel :

— Raccourcir quelques têtes est un besoin viscéral pour toi, après tout, tu faisais bien parti de notre clan.

— Que m'offres-tu donc ?

Son ancien supérieur se lécha la lèvre et après un raclement de gorge fort peu ragoûtant, il glissa sa large main dans son manteau de fourrure pour en sortir un étrange bocal opaque.

— Un héritage de l'Ancien Monde que nous avons trouvé dans les ruines du Manoir de la confrérie d'Hervan. Tu n'as jamais été frileux avec les anciens sortilèges, tu en feras meilleur usage que moi.

— Vous me refourguez votre camelote ?

— C'est un artefact de domination. Tu connais leur usage, les astres d'Atalantë y avaient recours du temps de leur apogée. Sers-en toi pour accomplir à bien ton contrat avec moi.

Ozanor plissa les yeux mais accepta le présent ; cet outil pourrait bien lui servir à l'avenir. Le sortilège n'était pas sans risque pour lui car non adapté aux Valas de la Dimension actuelle, le sien y compris. Quoiqu'il en soit, à cet instant, il s'agissait d'une arme non négligeable qu'il se promit de garder à bon escient. Après un bref salut de la tête, il prit congé de Tarcenya, pressé d'échapper à sa présence. Sa vie de Berserk devait rester loin derrière lui : il valait désormais bien mieux que vivre à la botte de commanditaires pour accomplir les basses besognes. Son ancien chef pourrait bien lui rappeler plus tard sa part du contrat... D'ici quelques heures, plus rien ne s'opposera à sa volonté. Sur ses pensées, il rejoignit la réception, le pas léger.

Tout se déroulait donc pour le mieux et il s'autorisa à boire une coupe de champagne avant d'observer l'assemblée. Comme il se trouvait sous les arcades intérieurs, surélevé de quelques marches, il avait une vue intéressante sur les invités tout en restant sagement planqué derrière le buffet richement garni.

Othélio ne semblait pas avoir encore parlé à Davyan puisque chacun s'entretenait avec des groupes différents. En revanche, il remarquait bien que son ami jetait des regards éperdus vers l'elfe sans que ce dernier ne daigne le calculer.

— C'est mignon de vous voir vous inquiéter pour lui, lança une voix à ses côtés.

Ozanor se crispa en reconnaissant la voix de Dorgon. Accoudé au buffet, le duc d'Aldëon s'était lancé la mission de nettoyer la table de tous ses petits-plats. Sa boulimie comme sa bonne humeur apparente restaient d'une récurrence effrayante.

— J'ignorais votre passion pour les arts, rétorqua sèchement l'astre.

— Vous vous doutez bien que le talent des artistes n'animent que très peu mon intérêt actuel. Même si j'avoue que je repartirais bien avec une œuvre ou deux...

Ce détachement hérissa les poils d'Ozanor. Il sentait son cœur s'emballer : Dorgon était là pour le tuer. Son sourire mielleux ne tentait même pas de tromper sur ses réelles intentions.

Cette fois-ci, Arquen ne serait pas là pour lui sauver la mise. Mais contre toute attente, l'astre se sentait désormais prêt à affronter l'Ilfégirin. Ses réflexes étaient revenus et il était trop proche de son apogée pour reculer. Cette nuit, il trancherait la tête du Tigre et prendrait même soin de l'envoyer au prince des Falaises Sanglantes, en signe d'avertissement.

— Admirez la beauté d'Arminassë, murmura-t-il, mes cendres ne s'éparpilleront pas ce soir, pas plus qu'en ce lieu.

Dorgon sourit :

— Je l'espère pour vous. Mais... Ce ne sera peut-être pas le cas de votre ami.

Sur ces mots, il prit congé pour admirer hypocritement les tableaux qui pendaient provisoirement aux murs moulurés.

Ozanor pesta : mieux valait liquider Davyan avant qu'il ne commette un crime. Mais son chemin fut arrêté par la silhouette sinueuse de la reine. Comment avait-il pu ne pas deviner sa présence avec toute l'animation qu'elle provoquait à son passage ? Alors que son enfant venait d'être livré en pâture à l'esclavage, elle souriait de ses lèvres rouges et riait auprès de ses courtisans. Même sa robe rouge qui tranchait sur le velours noir de la cape ne laissait aucune place à la sobriété ou à l'austérité. Des rivières de diamants se mêlaient aux rubis et glissaient sur le tissu de brocard comme dans l'épaisse chevelure ébène. En contraste avec la légèreté de la femme, son aratayas particulier se mouvait sur le sol, retenu par une laisse qu'elle tenait fermement. Les écailles dorées du reptile scintillaient à la lumière des chandeliers et heureusement, l'animal se tenait tranquille, habitué à toute cette effervescence.

Le Berserk patienta que la foule s'écarte suffisamment pour rejoindre la souveraine.

— Majesté, salua-t-il dans les respects de l'étiquette, notre dernier entretien remonte à bien longtemps à mes yeux.

La reine le dévisagea hautainement. Une ombre de dégoût glissa sur sa face fardée :

— Je me doutais que vous aviez trouvé refuge chez votre ami. Je ne partage pas votre regret. Cette séparation ne me déplaisait pas.

Ozanor ne retint pas un sourire sardonique :

— Je suis certain que vous serez ravie de me suivre, Majesté. Je vous rappelle que ces derniers temps, vous avez ressenti comme un regain d'intérêt pour ma satisfaction. Vous en connaissez les raisons.

Luinil passa innocemment les bras derrière le dos, entre sa robe et la lourde cape. Son interlocuteur parlait avec suffisamment de détours pour que les courtisans autour ne comprennent pas exactement de quoi il en retournait.

— Je crois que nous ferions mieux de continuer la conversation en privé, proposa le Berserk en tendant la main, si vous permettez, Majesté.

La souveraine acquiesça et céda la garde de Fimou pour suivre son sujet jusqu'à l'ascenseur où ils s'enfermèrent tous deux, au grand dam de la cour. Mais après tout, la reine avait l'habitude de se retirer de la sorte.

Dans l'étroit habitacle, Ozanor ne put s'empêcher d'apprécier l'éloignement avec la réception pleine de dangers et le rapprochement auprès de la femme qui animait ses passions. Comme la dernière fois, elle ne se montrait pas fermée à lui. La robe évasée se dotait d'une fente importante qui remontait jusqu'à la hanche, découvrant de temps en temps de jolis bas brodés. Les galons d'argent s'éparpillaient sur la soie avant de rejoindre la ceinture étroite et le bustier invitait clairement les regards à contempler son délicieux contenu, savamment pressé dans ce carcan trop étroit. Un ras-du-cou piqueté de pierres laissait dégringoler de fines cascades de perles sur cette opulence de chair.

Au moins, ce spectacle réconforta Ozanor quant à sa faiblesse de la précédente soirée où il s'était laissé chavirer contre cette merveille au lieu de la soumettre.

L'ascenseur s'arrêta au palier souhaité et le couple gagna la suite du marchand d'esclaves. La pénombre infiltrait le corridor maintenant que le soleil disparaissait derrière les toits des palais.

Sans hésiter, l'homme emmena sa compagne dans sa chambre avec l'intention claire de la dépouiller de ses jolis jupons. Elle recula d'un pas et tendit le bras pour établir une distance respectueuse entre elle et lui :

— Je crains qu'il n'y ait un changement de projet, avoua-t-elle de sa voix profonde, je ne compte pas vous satisfaire, Ozanor.

— Vous savez que vous n'êtes plus en position de décider, déclara-t-il en lui saisissant le poignet pour la tirer à lui.

Luinil plongea ses iris émeraude dans ses yeux et ajouta :

— Féathor est à l'Ilcalmë. Rovenna a tout admis et Viroque a été intercepté dans la capitale pour être placé sous détention. Je ne serai jamais à vous.

Un sentiment de doute s'empara du mercenaire : la cathors l'avait trahi, il aurait dû le prévoir. Mais il n'était pas question que la Reine Vierge lui échappe. Surtout que désormais, rien ne l'empêchait de le supprimer et d'exercer sa vengeance.

— Vous ne pouvez apparaitre aux yeux de tout Arminassë avec un enfant, rétorqua-t-il, vous rencontrerez quelques difficultés à sortir le garçon de là. D'ailleurs, il ne tardera pas à quitter Fanyarë ; après tout, sa mère vient de légaliser l'esclavage.

Le visage de la reine se transforma sous la colère :

— Je n'ai plus besoin de vous, Ozanor, je pense qu'il est grand temps que je me débarrasse de votre personne.

Il la tenait toujours fermement contre lui, aussi s'autorisa-t-il à plaisanter nerveusement :

— Vous élimineriez le seul homme qui vous rattache à votre nature féminine ? Ou bien avez-vous une prédilection à envoyer à la mort vos amants plutôt que de les aimer ?

— Vous êtes l'homme qui s'en est pris à mon fils. Vous n'êtes en rien mon amant ; ce n'est pas parce je vous ai fait jouir par ma simple présence dans votre lit que je vous appartiens.

Ozanor se serait vexé dans d'autres occasions. C'est vrai qu'après avoir déclaré avec grandiloquence sa volonté d'entretenir la reine, il n'avait su saisir pleinement sa chance.

— Je suis navré de n'avoir su me montrer aussi galant avec vous. Cependant, il est dans mes projets immédiats de vous satisfaire pleinement.

— Vous vous adressez à moi comme si vous aviez une quelconque valeur à mes yeux. En réalité, vous n'êtes qu'une brute dans un joli costume.

Si Luinil se montrait agressive dans ses propos, elle n'était guère farouche et cette provocation dans le regard alors qu'elle se trouvait toujours enlacée enhardit l'astre d'Atalantë.

Il savait que bien souvent les femmes se contredisaient dans leurs choix et il comptait profiter de la moindre faille pour s'engouffrer. Mais en plus, cette possibilité d'entraîner sa proie dans une turpitude morale où elle pourrait trouver du plaisir auprès de l'homme qui maltraite son enfant lui plaisait bien. Cette déchéance crasse l'excitait, il y trouvait un bonheur malsain à la trainer dans cette boue de vice où il avait lui-même pataugé.

Il usa de son sourire séducteur qui faisait tant chavirer les courtisanes et rapprocha ses lèvres de celles de la reine avant de poser la main sur son ventre :

— La brute que je suis vous a séduit, Majesté. Et vos entrailles vous appellent à exaucer vos envies. Votre corps demande réparation à la suite de l'outrage infligé par un elfe. Il est à sa place auprès du mien.

Ces mots étant dits, il se pencha davantage pour l'embrasser. Luinil ne le repoussa pas. Elle plaça ses paumes contre les tempes de l'homme et une chaleur d'abord légère commença à se répandre.

Ozanor comprit immédiatement qu'elle comptait lui pulvériser la cervelle. Face à la reine, ses chances étaient minces de l'emporte, aussi puissant qu'il était.

En désespoir de cause, il ouvrit le bocal.

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