Chapitre 31

— Tu aurais pu me prévenir que le duc d'Aldëon était le compagnon d'Oryana, reprocha Ozanor à son commanditaire.

— Quel est le problème ? demanda-t-il innocemment en piquant les tomates chaudes de sa fourchette.

— Tu veux que je le liquide, c'est ça ?

Caraks s'essuya la bouche et posa les coudes sur la nappe. En face, son interlocuteur n'avait guère touché à son assiette.

— Oui, un petit verre de trop et cet aristocrate prétentieux aurait eu le malheur de trop se pencher par-dessus bord ; les elfes tiennent si mal à l'alcool.

— Quelle justification minable... Personne ne gobera cette histoire.

— Mmh... La manière de faire te regarde. Mais débarrasse-toi du corps.

Ozanor hocha la tête et soumit un autre sujet à la table :

— Caraks, penses-tu qu'Arminassë pourrait rétablir l'esclavage ?

Le ministre soupira et alluma sa pipe. Les gobelets glissèrent sur la table à la suite d'une vague un peu trop violente. Les nuages s'étaient accumulés toute l'après-midi pour que finalement, une tempête se déchaine.

— J'en serai le premier heureux, et pas le seul ! Mais Luinil refuse catégoriquement.

— Tu sous-entends donc que le Conseil suivrait la restitution ?

— Sans aucun doute. Les astres de Lombal y ont bien recours, après tout.

Ozanor garda le silence et laissa le ministre envahir l'espace de fumée.

D'autres membres de leur délégation les rejoignirent pour le dîner, tous précédés d'Arquen. Ce trublion parvenait à se faire aimer chez tout le monde. Il finissait même par apprivoiser les elfes ! En revanche, Ozanor l'appréciait de moins en moins, sans doute à cause de sa proximité auprès de Luinil.

Sans broncher, il se leva de table, abandonna son assiette de saumon fumé et regagna le chemin de sa suite. Le temps pressait avant que le duc d'Aldëon ne passe à l'attaque ; l'astre était persuadé que l'ancien esclave prendrait un plaisir flagrant à le torturer et l'éliminer pour de bon.

Oui, Ozanor devait frapper avant. Il remplirait ainsi son contrat auprès de Caraks et se débarrasserait de la menace. Après ça, la belle Oryana serait à lui.

Après avoir récupéré ses dagues et vérifier que son bâton astral fonctionnait à la perfection, il rejoignit les appartements elfiques. Tous les invités avaient quitté les lieux pour le dîner et il ne restait que les gnomes dans les couloirs et les cabines.

Le mercenaire s'enveloppa d'un sortilège de dissimulation et masqua son aura afin que les elfes ne sentent point son passage à leur retour.

C'est sans mal qu'il retrouva la suite du couple d'Aldëon.

Le bois du navire s'imprégnait d'un doux parfum de campanules et de roses, semblable à celui de la duchesse. En adéquation avec les origines sylvestres de cette dernière, des fleurs de toutes variétés poussaient dans des pots en terre cuite.

Ozanor se demanda d'ailleurs si le ménage ne faisait pas chambre à part car il n'y avait aucun signe de la présence du mari.

Des panières de fruits et des plateaux de victuailles vinrent contredire cette impression. Le Berserk avait remarqué que Dorgon ne parvenait à se défaire d'une addiction. Il mangeait sans arrêt, victime d'une faim insatiable.

L'idée d'empoisonner la nourriture serait loin d'être idiote. Avec précaution, l'assassin inséra le poison dans tous les mets en évidence. Impossible pour un boulimique d'en réchapper. Même avec un Vala puissant, l'elfe ne survivrait pas à cette charge.

Ozanor hésita à partir. Mais il devait attendre que le duc ne meure pour qu'il se débarrasse du cadavre.

Il prit donc le choix de se dissimuler dans un placard, avec la mission de s'assurer que le plan se déroulerait comme prévu.

Le temps s'écoula et le bruit léger de pas dans le corridor indiqua la fin du dîner et le retour des invités dans leurs pénates.

Dorgon et Oryana parurent dans la cabine, toujours affublés de leurs tenues de soirée.

— J'aime bien notre hybride, soupira la duchesse en langage elfique, mais j'étais soulagée de le voir rejoindre ses semblables pour le dîner...

— Il sait se montrer fatiguant, en effet... Mais que veux-tu ? C'est l'ami du prince.

Oryana hocha la tête et s'assit sur la couche imbriquée à même la structure du navire.

Dorgon s'approcha de la table basse où reposaient les différents plats mais se servit un verre d'eau au lieu d'entamer une énième collation, cette fois-ci peu digérables.

— Tu as parlé à l'astre ? s'enquit Oryana en retirant ses gants.

— Ozanor ? Oui, je le connais depuis bien longtemps.

Sa femme détourna la tête, les traits soudain marqués par l'angoisse :

— Je ne veux pas d'effusions de sang supplémentaires, Dorgon. Tu en as assez fait.

Le concerné, dissimulé derrière le battant de bois, sourit à ces mots. Cette jolie créature ne comptait pas le voir mort. Se serait-elle éprise de lui, en fin de compte ?

— Qui te dis que je vais lui trancher la tête ?

Elle roula des yeux et se leva, les poings sur les hanches :

— Je te connais par cœur, Monsieur mon mari. Surtout que tu as remarqué que cet homme me courtisait.

— Tous les hommes te courtisent, Oryana, expliqua-t-il en se penchant vers un kaki mûri à point, je n'égorge pas tous tes prétendants.

Oryana perdit patience et lui arracha le fruit des mains.

— Arrête de contourner le sujet, je suis sérieuse. Et tu as suffisamment mangé pour ce soir. La moitié des cuisines a fini dans ton estomac.

Dorgon baissa ses longues oreilles en signe de contrariété. Il n'insista pas et partit dans la salle d'eau adjacente pour se changer.

Son épouse écarquilla des yeux et commença à retirer sa robe de velours bleue. Ce n'était pas vraiment un spectacle qu'Ozanor regretta d'assister.

Un à un, les jupons tombèrent aux chevilles de la femme, dévoilant un corps aux courbes aussi délicates que généreuses. L'astre se serait volontiers dévoué pour l'aider dans cet effeuillage, mais au lieu de ça, la belle appela son abominable mari.

— Dorgon, j'ai besoin de ton aide, mon chéri.

Il rappliqua avec une obéissance étonnante, vêtu d'une chemise de flanelle par-dessus un pantalon large.

— Je me demande parfois si j'ai vraiment retrouvé ma liberté, râla-t-il en délassant le corset de sa conjointe.

— Dois-je comprendre que tu souhaites me quitter ? sourit-elle après s'être débarrassée de son dessous gainant.

Ozanor se retint de se racler la gorge depuis sa planque. Qu'est-ce que c'était que cette affaire ?

Oryana ne portait plus qu'une jolie culotte de dentelle transparente qui épousait parfaitement les formes de ses fesses dodues. Un adorable petit bourrelet apportait cette note chaleureuse que sans doute sa poitrine venait corroborer. Mais l'astre la voyait de derrière et à part son joli dos creux, il ne voyait guère plus d'elle.

Il pensa que Dorgon était bien chanceux d'avoir épousé ce petit fantasme vivant.

— Je ne sais pas, assura-t-il sur le même ton joueur, peut-être que le prince Morgal me refera une offre alléchante si je te quitte ?

— Tu lui diras surtout que tu es bien incapable de te passer de certains agréments de ta nouvelle vie.

L'astre se figea à ces mots : il lui semblait que les deux elfes parlaient du prince des Falaises Sanglantes comme si de dernier était encore en vie. Son pressentiment se confirmerait-il ?

— Maintenant que tu me le rappelles, j'ai justement très envie d'y regoûter, murmura Dorgon en se mordant les lèvres.

Il se pencha vers elle et l'embrassa avant de la pousser justement contre le placard. Ozanor retint sa respiration, peu enthousiaste à l'idée d'assister aux ébats de deux elfes, qui plus est, à quelques centimètres de lui. Si le duc le découvrait, il serait bon pour un duel immédiat et une nouvelle crise politique.

Mais l'aristocrate était trop occupé à s'emparer des lèvres de sa femme. D'un geste habile, il se débarrassa de la culotte, si bien que ces fesses nues si délicieuses pour le mercenaire se retrouvèrent qu'à quelques pouces de lui.

— Ce n'est pas ce soir que tu me quitteras, rit-elle en répondant à son partenaire avec entrain.

Voilà qu'elle était soudain bien plus jouasse le soir que la journée. Et surtout plus lubrique. Elle échangea les positions et ce fut Dorgon qui se trouva dos au placard, la respiration saccadée.

Enfin Ozanor bénéficia d'une vue royale sur la face avant de sa cible. Certes, elle n'égalait pas la perfection de la Reine Vierge mais son physique n'avait pas à en rougir. Avant que l'assassin dissimulé n'ait pu la détailler, elle s'accroupit et baissa le pantalon de son compagnon pour le caresser.

L'astre pensa que ce stupide elfe détraqué avait largement gagné au change. Il était sorti des bordels d'Atalantë pour venir se faire masturber par une adorable petite déesse sylvestre. Il ne put s'empêcher de remarquer qu'à un mètre près, c'était lui qu'elle astiquerait. Mais les gémissements de Dorgon ne faisaient clairement pas oublier sa présence.

Ozanor ne se souvenait pas du jour où il l'avait vendu à Nilcalar mais il comprit rapidement pourquoi il avait été acheté. Car à défaut d'avoir un visage d'éphèbe, il compensait bien par d'autres aspects de son physique.

Comme il était légèrement de biais par apport au couple, il put entièrement assister aux préliminaires. Oryana avait posé les mains sur les hanches de l'homme et le suçait avec application, jouant de sa langue avec le piercing qui ornait l'extrémité de la verge humide.

Face à ce tableau indécent, Ozanor commença à bander à son tour. Madame la duchesse aurait intérêt à lui faire vivre la pareille une fois son mari écarté définitivement de l'équation. Ce dernier prenait son pied avec insolence à mesure qu'il se faisait prendre mais il finit par arrêter sa partenaire et la relever. Il la prit dans ses bras et la conduisit à leur couche avant de lui écarter les jambes et la doigter fermement.

Ce fut au tour d'Oryana d'apprécier. Ses joues roses virèrent au rouge et ses tétons se durcirent. Ses éclats aigus de plaisir vinrent tinter en adéquation avec les gémissements de son compagnon.

À ce moment, Ozanor ne parvint à déchiffrer ce que se disaient les deux amants, sa compréhension de l'elfique n'était pas si poussée. En tout cas, il n'aurait pas pensé assister à une telle scène...

Dans un rire partagé, les deux acteurs de ce spectacle commencèrent à forniquer sans se soucier de leur spectateur inattendu. Il aurait préféré occuper la place de l'un des deux comédiens, d'ailleurs. Même si tout ceci semblait bien réel et que l'accouplement qui avait lieu paraissait être vécu avec beaucoup d'entrain du côté des partenaires.

Monsieur besognait madame avec joie et celle-ci l'encourageait de plus belle pour qu'il continue à exercer ses rapides coups de butoir en elle.

Au moins, Oryana devait être comblée par son mari sur cet aspect-là de leur couple. Lui avait pris une belle revanche sur son passé et sans doute était-ce ce qu'il ressentait lorsqu'il jouissait en elle.

Après de longues minutes, loin d'être glaciales, ils mirent fin au devoir conjugal après que l'homme se fut entièrement soulagé entre les cuisses de sa compagne. Leurs râles de plaisir se transformèrent en rires et tous deux s'étendirent sur le lit.

— « Tu avales ton fruit quand tu veux », grommela Ozanor pour lui-même.

Il commençait clairement à s'impatienter. Heureusement, Oryana se leva, non sans mal, et rejoignit la salle d'eau, les yeux encore mi-clos par l'orgasme. Sa belle chevelure blonde avait été défaite et les mèches bouclées couvraient avec pudeur son corps marqué.

Elle disparut du champ de vision du guetteur. Seul resta Dorgon, encore fatigué par sa performance. Avec difficulté, il se releva et profita de l'absence de sa femme pour s'attaquer à la panière présente sur la table de nuit.

Ozanor retint son souffle. Enfin sa future victime avalait, l'un après l'autre, tous les fruits empoisonnés.

Ce n'est que lorsqu'il entama le cinquième agrume qu'il s'arrêta dans sa mastication, se rendant compte que quelque chose ne tournait pas rond.

Mais avant qu'il n'ait pu s'interroger davantage, le kaki lui échappa des mains. Une paralysie éclair le fit choir sur le parquet. Ses yeux devinrent vitreux et de la bave mousseuse apparut à la commissure de ses lèvres blanchies.

Lentement, Ozanor sortit de sa cachette et s'approcha du corps. Du sang s'échappait déjà des narines et de la bouche du condamné pour venir se mêler au liquide précédent. La mort était si triviale.

Une fois que l'astre s'assura que l'elfe ne serait plus une menace, il rejoignit Oryana.

La duchesse chantonnait sur le rebord de la baignoire. Elle venait de se laver et elle tressait naïvement ses cheveux dorés.

Ses oreilles se dressèrent à la venue de l'intru mais avant qu'elle ne comprenne ce qui se tramait, l'assassin était sur elle.

— Ozanor ! cria-t-elle d'effroi.

— Tu m'appelles donc par mon nom, désormais, sourit-il en refermant ses doigts sur le cou de la femme, cela me fait bien plaisir.

— Dorgon... tenta-t-elle de sa voix étranglée.

— Ton mari est mort, ma puce. Ce détraqué m'aurait poursuivi pour me faire la peau. Et puis, je voulais mettre la main sur sa splendide petite compagne.

L'elfe était terrorisée. Son corps dénudé tremblait nerveusement alors qu'elle refusait d'admettre l'évidence.

— Lâchez-moi, murmura-t-elle, je ne vous ai rien fait.

L'astre brun sourit et desserra son emprise sans pour autant la laisser filer.

— Tu étais moins timide, tout à l'heure, Oryana.

La concernée rougit en réalisant que cet homme l'avait vue dans sa plus profonde intimité avec son mari. Même lavé des souillures de l'acte, son corps gardait les rougeurs des frottements et des baisers un peu trop passionnés.

— Vous... Vous allez me violer ? demanda-t-elle dans un sanglot retenu.

— Je ne veux pas te faire de mal, ton rire est si mélodieux et ton sourire si ravissant.

Ce discours ne la rassura pas. Ozanor remarqua bien qu'elle ne se défendait pas, sans doute parce qu'elle était trop chamboulée par ce qu'il se passait. Elle comprenait très bien ce qu'il l'attendait et la tétanie était très fréquente dans ces cas-là.

Ses membres frémissaient et instinctivement, elle se recroquevilla contre la cuve d'eau chaude.

Sans la moindre compassion, le Berserk lui saisit les poignets et la jeta sur un divan tout en la maintenant fermement. Oryana cessa de bouger et ferma les yeux avec force. Seule sa respiration rapide trahissait son état.

Le mercenaire se contenta de cela. Après tout, il aurait le temps de l'apprivoiser ensuite.

Pour l'instant, il avait une vue exquise sur la féminité de sa proie. Le sexe délicat de sa future compagne lui paraissait moulé par un sculpteur frappé d'une extase divine. Un léger renflement plus haut traduisait le ventre charnu de la femme qui se resserrait à la taille pour former une silhouette harmonieuse. Au-dessus, sa poitrine se soulevait à une vitesse presque inquiétante.

— Oryana, murmura l'astre, tu es magnifique.

La concernée ne réagit pas, même lorsque l'assassin commença à lui caresser la chair.

Ozanor commençait à ressentir les puissantes phéromones de sa conquête. Elle lui plaisait à souhait avec ses beaux yeux verts, ses longues oreilles et sa peau dorée. Ceci-dit, son côté salace le ramena rapidement à la belle paire de seins qui se trouvait sous son nez, lourde et ferme.

Il cueillit les lèvres de sa partenaire et commença à jouer avec les attributs bien gras qui étaient à portée de main. C'était comme vivre un rêve ou se trouver sous les effets de l'alcool. Pour la première fois, Ozanor vivait cette expérience inédite et il la trouva entièrement à son goût. Ses sens s'enivraient à mesure qu'il saisissait la chair de l'elfe et son sexe commençait à exiger la conclusion du rapport.

Enfin, il avait l'impression de s'affranchir de la frustration causée par la Reine Vierge. La douceur d'Oryana était une bénédiction divine pour lui ; comme dans ses premiers désirs, elle s'offrait à lui sans résistance.

Il la contempla pendant quelques secondes, hésitant à la souiller. La face tremblante de l'elfe le retint ; la duchesse ne méritait pas d'être forcée, l'expérience serait sans doute meilleure si elle y mettait du sien. Mais Ozanor se rappela le comportement de Morgal ainsi que des sévices infligés à Othélio. C'était justice qu'il succombe aux charmes de sa proie.

Il porta la main à la ceinture pour la déboucler. Mais ce fut sa dague qu'il dégaina en une fraction de seconde pour empêcher la lame de lui trancher la gorge par d'arrière.

Dorgon avait survécu au poison.

Ozanor s'écarta du divan et saisit sa deuxième arme pour affronter la bête enragée qui lui faisait face.

— Je vais t'éviscérer, sale porc, cracha l'ancien esclave.

Il avait beau être en vêtements de nuit, il demeurait un adversaire de taille que l'astre regrettait de n'avoir décapité plus tôt.

Avec une rapidité surnaturelle, Dorgon fondit sur le mercenaire et parvint à lui trancher un tendon avant de mettre à une distance raisonnable entre lui et son ennemi.

Ozanor pesta : pourquoi devait-il affronter le Tigre d'Atalantë après cinq années privées d'exercices ? Dorgon ne ferait qu'une bouchée de lui.

Abandonnant l'idée du corps à corps, il matérialisa son bâton astral et eut juste le temps d'arrêter l'elfe dans son élan. Propulsés, les deux hommes traversèrent le salon et heurtèrent la baie vitrée. Elle ne résista pas longtemps aux déversements de sortilèges des deux combattants.

Ozanor s'effondra sur le balcon du gaillard d'arrière. La tempête se déchaînait et les éclairs reflétait la lueur de démence de son adversaire. Il avait l'impression de se retrouver des siècles en arrière, lors de la chute d'Atalantë. C'était la même folie qui avait animé les Tigres à commettre ces massacres et l'astre ne comptait pas vraiment en faire les frais en cet instant. Pourtant, il savait qu'il ne faisait pas le poids face à la vélocité et la dextérité de Dorgon.

Le bâton valique crachait des sortilèges sans parvenir à blesser sa cible. Au contraire, le duc prenait l'ascendant et un sourire malsain commençait à déformer sa face. Il prendrait plaisir à étriper le Berserk.

— Les astres ne retiennent rien de leurs erreurs, proféra-t-il avec toute sa haine, tu m'as vendu à Nilcalar !

Ozanor grimaça et trouva une ouverture pour planter une dague dans les côtes de l'elfe. Mais ce dernier ne lui donna pas l'opportunité de se dégager. Les bourrasques trempaient leurs vêtements et dans la nuit, les iris dorés du duc étincelaient comme deux flammes affamées de vengeance.

— Je suis certain que ça t'a plu de te faire baiser par le roi, le provoqua l'autre en parvenant à lui brûler l'épaule.

Cette déclaration ne fut guère bien reçue par l'ancien esclave dont la magie incendiaire commença à ronger la chair d'Ozanor.

— Tu peux m'insulter, grinça-t-il, dans tous les cas, je vais te tuer comme tous tes semblables qui nous ont abusés.

Ozanor fut contraint de lâcher son bâton magique. Cette fois-ci, c'en était fini de lui. Ses membres s'atrophiaient et il savait que le Tigre le torturerait jusqu'à ce qu'une mort atroce vienne mettre fin à la boucherie.

— Dorgon ! Arrête immédiatement !

Arquen sépara les deux combattants avant que le point de non-retour ne soit franchi.

— Écarte-toi, Arquen, je vais buter ce chien.

— Dorgon ! Tu vas déclencher un accident diplomatique !

— Et alors ! nous sommes déjà en guerre contre cette race !

— N'annule pas les possibilités d'alliance pour te complaire dans ta petite vengeance personnelle.

Les averses glaciales plaquaient leurs cheveux sur leurs visages blafards. Ozanor enclencha ses sortilèges de guérison et se releva tant bien que mal, bénissant l'hybride de toute son âme.

— Tu crois que je vais le laisser impuni ? Il a violé Oryana !

Arquen se tourna vers l'astre, choqué. Il ne savait plus où donner de la tête entre les deux énergumènes qu'il séparait tant bien que mal.

— Sans parler de sa tentative d'assassinat contre moi. Ce type est devenu Berserk à la chute d'Atalantë : c'est un mercenaire payé par Caraks.

— Ce sont de lourdes accusations, murmura le demi-dieu.

— Laisse-moi le supprimer. Il est au courant pour le prince.

— Merde...

Ozanor se pinça les lèvres ; il ne savait comment se sortir de cette impasse. Tout l'incriminait et le condamnait. Sur ce coup, il avait très mal manœuvré, un vrai fiasco dont il n'avait pas de quoi être fier. La reprise après la convalescence était dure.

Arquen s'avança vers lui et lui chuchota :

— Je suis désolé, l'ami. Mais je ne peux pas te laisser filer. Tu en sais trop et tes actions ne méritent pas que je prenne un seul risque pour toi.

— Vous allez me tuer ? déglutit Ozanor en refermant ses doigts sur sa dernière dague.

— Accepte une mort rapide. C'est ça ou l'autre taré derrière moi te cuisinera et je te passe les détails.

Dorgon mit fin à leurs messes basses :

— C'est bon, Arquen, lâcha-t-il avec un calme inattendu, laisse-le partir. Il ne dira rien.

L'hybride hésita, comprenant que l'elfe fomentait une nouvelle supercherie.

— Comment peux-tu en être sûr ?

— Fais-lui passer un pacte de sang, si tu préfères. Tu as raison, il serait fâcheux d'éliminer un membre de la délégation d'Arminassë.

— Tu prévois de le retrouver par la suite pour lui faire payer. Ne te moque pas de moi.

L'elfe étira ses lèvres dans un sourire carnassier :

— Demain est un autre jour.

Sur ces mots, il tourna les talons et regagna sa suite pour retrouver Oryana et se soigner.

Arquen foudroya son semblable du regard :

— Tu n'es qu'un imbécile.

— Je peux te demander de m'accompagner jusqu'à ma cabine ? Je me vide de mon sang et cette pluie est abominable.

L'hybride hocha la tête et passa un bras autour du torse du mercenaire pour l'aider à marcher.

Quelle nuit épouvantable !

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