Chapitre 29
Ozanor n'eut pas le loisir d'assister aux réunions du nouvel Ordre Interracial. Il n'était pas qualifié pour soutenir les débats entre les différents royaumes pour asseoir la puissance d'Arminassë. C'était le rôle de Caraks. Ce dernier n'avait pas encore sommé son assassin d'éliminer un diplomate.
Le mercenaire errait donc oisif dans l'immense navire. Heureusement, un luxe omniprésent rendait les journées plaisantes ; des banquets débordants de plats délicieux et de confortables salons l'accueillaient dans toutes les parties communes. Même sa cabine étincelait de propreté.
C'était original de convoquer les races en pleine mer mais c'était finalement l'endroit le plus neutre de la Dimension.
Frappé par l'ennui, il s'avança dans un jardin intérieur. Il y surprit Oryana, un bouvreuil gazouillant sur la main.
— Vous n'assistez pas aux réunions ? demanda-t-il en croisant les mains dans le dos.
L'elfe ne sembla pas surprise par sa présence. Elle avait probablement dû le voir arriver de loin ou sentir son odeur.
Heureusement, elle n'affichait plus cette méfiance et aucune crainte ne marquait son visage délicat.
Au contraire, une lueur de défi luisait dans ses prunelles azurées et cette témérité plut à l'astre.
— L'échange s'est achevé, déclara-t-elle en langue universelle, puis-je connaître la raison de votre venue à ce colloque ? Vous ne semblez pas vraiment participer.
— J'accompagne le ministre Caraks.
Elle plissa les yeux, ne sachant quelle conclusion tirer de cette information.
— Arquen vous a présentée comme une elfe sylvestre. Vous portez les costumes traditionnels fëalocens, pourtant.
Un sourire étira les lèvres parfaitement ourlées de la femme :
— Vous ne connaissez guère la géopolitique elfique, je remarque. Cela fait des siècles que les Fëalocen ont intégré les elfes des forêts. Depuis le mariage entre Elaglar et Hirilnim, plus exactement.
Elle ne machait pas ses mots. Mais Ozanor préférait s'entretenir avec une femme qui était prête à le confronter.
— Je vois. Vous avez dû connaître le prince Morgal, dans ces cas-là.
— Tout le monde le connaissait. Un homme étrange et impitoyable. J'aimais l'avoir comme allié.
— Je suis navrée que nous ayons dû le supprimer.
Oryana éclata de rire :
— Vous ne l'êtes pas !
— C'est vrai... Vous devez haïr les astres et garder d'affreux préjugés sur ma race.
La sylvestre le détailla un instant, comme pour se faire une opinion précise sur son interlocuteur. Ozanor en profita pour la reluquer tout autant mais probablement avec une arrière-pensée moins avouable. Oryana était une ravissante elfe. Sa peau dorée rappelait ses bijoux en or alors que ses joues roses s'accordaient parfaitement avec le vert de ses yeux et de sa longue robe cintrée. Même si elle s'était vêtue avec une élégance et une pudeur notable, l'astre imagina sans mal la teneur de son anatomie sous les jupons et le corsage ajusté. Il s'y connaissait suffisamment en matière de femmes pour comprendre qu'il ne passerait pas un mauvais moment dans ses bras. Surtout que la retenue de la belle titillait son envie de la prendre. C'était connu que les dames de cette race montraient une chasteté bien plus remarquable que dans les autres peuples.
La compromettre serait un jeu fort amusant.
Mais pour l'heure, Oryana ne montrait pas de signe d'attention pour le bel homme qui comptait bien la courtiser. Après un rapide regard à la ronde, elle accepta de lui répondre :
— Mes préjugés se sont bien souvent avérés, Monsieur. Vous êtes un peuple décadent pour nous. Vous vivez dans l'hédonisme le plus complet.
— Contrairement à vous, nous n'esclavagisons personne, rétorqua Ozanor avec culot.
Elle haussa les épaules.
— Je suis contre l'esclavage, aussi. Je suis duchesse et j'ai donc décidé d'affranchir mes gnomes et de leur verser un salaire.
— Vous êtes une femme admirable, altruiste et sincère.
Oryana l'écoutait en caressant les plumes de l'oiseau. Finalement, elle leva son petit bras potelé pour lui permettre de s'envoler :
— Pourquoi me parlez-vous, Monsieur ?
— Vous êtes la première personne sur ce navire que j'ai découvert. C'est assez naturellement que je suis venu converser avec vous.
Elle le scruta un instant, puis se détourna :
— Quelle idée saugrenue. Contentez-vous de la compagnie d'Arquen, il est bien plus amusant que moi. Et puis... Vous cherchez les problèmes à venir me côtoyer.
Il pouffa de rire et se rapprocha d'elle :
— Vous faites allusion aux charmes dont vous êtes capables sur nous ? Vous êtes une elfe sublime, je ne peux le nier...
Oryana rougit brusquement et ne trouva que répondre. Ozanor sentit les battements de son cœur s'emballer. Il trouva cette réaction adorable, elle était si prude.
— Ne cherchez pas à me courtiser, murmura-t-elle, vous perdez votre temps.
— Vous ne me paraissez pas appréciée à votre juste valeur. Une femme avec un tel potentiel, vous devriez être traitée comme une reine.
Il se colla contre elle et lui saisit les hanches. Oryana écarquilla les yeux et tenta de se soustraire à cette étreinte. Les mots de l'astre ne la touchaient pas, au contraire, la rendaient nerveuse et animaient sa colère.
— Écartez-vous, Monsieur. Votre comportement vous fait honte.
À contrecœur, Ozanor se détacha d'elle. Inutile de la braquer et de la forcer, elle en sortirait gagnante. Mais le sérieux dont elle pouvait faire preuve l'agaçait.
— Loin de moi l'idée de vous importuner, Madame. C'est simplement que je plains votre quotidien à vivre dans un tel carcan. Vous êtes vous-même esclave, en fin de compte.
— Merci pour cet élan de générosité. Vous pensez peut-être que je suis assez naïve pour ignorer ce que vous cherchez auprès de moi.
— Non, j'ai de la peine pour vous, vous êtes tellement cloisonnée dans une morale destructrice. Vous ne profitez pas de votre éternité ni des occasions que vous offre la vie pour découvrir de nouveaux horizons. Vous êtes loin de Calca, ce qui se passera sur ce navire restera là.
— La philosophie ne vous sied guère, Monsieur.
— Appelez-moi Ozanor.
— Je ne serai pas si familière avec vous. Maintenant, si vous voulez bien, je vais rejoindre mes semblables.
Sur ces mots, elle le quitta. Cette vertu ostentatoire amusait Ozanor. Il savait à quel point cet empressement à défendre son honneur était dérisoire lorsqu'il savait comment ça se finirait. Au premier abord, ces femmes sortaient toujours les griffes pour masquer leur réelle envie charnelle. Le temps venait à bout de leur rigueur et de leurs bons préceptes.
Ce serait une première pour lui de forniquer avec une elfe. Les légendes qui courraient sur le pouvoir aphrodisiaque de cette race se concrétisaient lorsque le mercenaire s'approchait d'Oryana. Elle dégageait une senteur enivrante qui réveillait en lui ses instincts de chasseur. Il était persuadé de vivre un enchantement avec elle, à goûter ainsi une chair nouvelle.
Ce n'était pas juste que ces qualités elfiques ne se partagent pas avec les autres races.
Oryana disparut au détour du couloir, laissant Ozanor avec ses élans d'intérêt pour elle. Ce serait fort appréciable de l'entendre jouir avec lui après tous ses beaux discours.
En attendant, le Berserk espérait qu'elle se montrerait plus conciliante pendant la soirée. Il ne comptait pas attendre une dizaine de jours avant de pouvoir la soumettre à sa volonté.
Caraks l'interrompit dans la fomentation de ses plans machiavéliques.
— Te voilà enfin, toi. Je sors d'une réunion épuisante. Les nains savent s'y mettre quand ils le veulent... Les lumbars sont toujours aussi stupides et les humains aussi méfiants. Le pire était les elfes. L'un d'entre eux n'a pas arrêté de me charger.
— Ma foi, la jolie blonde a dû être un spectacle distrayant.
— Oryana ? Peu souriante, surtout ! Ses yeux verts ne laissent pas indifférents et elle en abuse lorsqu'il s'agit de débattre, la coquine.
Il sortit sa pipe du manteau et l'alluma d'un claquement de doigts.
— Elle est un peu grasse pour une elfe mais ma foi, on ne cracherait pas dessus.
— Lys ne te suffit pas ? railla Ozanor.
— Ça n'a pas de rapport. Je ne suis pas assez fou pour mettre une elfe dans ma couche. Mais quelle idée de faire participer de si jolies créatures à des débats politiques. Dès qu'elle parlait, j'imaginais ses lèvres à un tout autre travail.
— J'espère que ton imagination débordante ne t'a pas empêché de prêcher pour notre royaume...
— Notre reine peut dormir sur ses deux jolies oreilles. Je me bats pour mettre en avant nos intérêts.
— Et les tiens.
Le ministre ricana :
— L'un n'empêche pas l'autre... D'ailleurs, je souhaiterais que tu enquêtes un peu du côté des elfes.
— Tu veux que j'en liquide un ?
— À voir... Le premier diplomate me gêne terriblement. Et puis... Tes paroles de ce matin me hantent, je dois bien avouer.
— Lesquelles ?
— Et si Morgal n'était pas mort ?
— Les elfes n'ont pas l'air de crier sur les toits sa survie... Et puis, on se moque, non ?
— Cela ne présage rien de bon. Quoiqu'il en soit, ce colloque ne me dit rien qui vaille.
— Cela ne tourne jamais bien lorsqu'on mélange les races.
— C'est sûr... J'ai remarqué que tu t'intéressais à Oryana, d'ailleurs. Évite de nous attirer des ennuis ; Arquen sera là pour tempérer les elfes en cas de dérapage mais nous ne devons pas en abuser.
— Je serai sage comme une image.
Caraks grimaça et recracha la fumée épaisse de son tabac. Il savait qu'Ozanor aimait jouer de son charisme auprès de la gente féminine et plus d'une fois, il avait provoqué la colère d'un homme jaloux. Son physique avantageux lui attirait plus de problèmes que l'inverse, finalement.
— La soirée organisée dans les salons sera l'occasion pour nous de connaitre davantage les intentions nos ennemis, continua le ministre, renseigne-toi sur l'elfe dont je t'ai parlé.
Ozanor hocha la tête. Cependant, il préférait finir la réception avec la ravissante créature sylvestre.
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