Chapitre 25

Du thé alcoolisé avait été servi quelques minutes plus tôt et la reine ne se gêna pas pour entamer franchement sa part.

Sur son coussin, Ozanor l'observait avec attention, tentant d'analyser ses moindres faits et gestes. Heureusement, elle ne semblait pas montrer un seul signe d'hostilité. Tout dans son attitude traduisait la paix et l'emphase.

Le guerrier nota qu'elle était peut-être légèrement plus charnue qu'auparavant ou bien était-ce l'effet donné par la robe. Son bassin paraissait plus large et un léger renflement au niveau du ventre apportait une note chaleureuse quelque peu étonnante au personnage. Si sa taille était toujours aussi élancée et fine, sa poitrine non maintenue offrait un spectacle délicieux par ses rondeurs et ses rebonds attrayants.

Avec une telle apparence sous les yeux, Ozanor se dit que la déesse-même de la fertilité pouvait aller se rhabiller.

— Vous gardez votre masque, Lys ? demanda-t-il en reprenant quelque peu ses aises.

Elle secoua la tête. Ses mèches noires vinrent caresser ses épaules nues et même glisser sur la courbe d'un sein.

— Non, je n'y compte pas, on ne sait jamais.

Ozanor se pinça les lèvres pour ne pas trop attarder son attention sur certains aspects de son interlocutrice et remarqua :

— J'ai appris vos agissements au gouvernement...

— Oui, j'ai été forcée de changer le régime. Nous sommes en période de crise.

— Au point d'instaurer une dictature ?

— Vous m'en voulez ? Sachez que le Conseil et le peuple me soutiennent.

— Ils n'ont pas leur mot à dire, de toutes façons...

— Vous m'accablez beaucoup pour un homme dont j'ai payé les soins.

Il fronça les sourcils :

— Caraks l'a fait.

— Balivernes. Il comptait vous dénoncer en échange d'une prime. Alma l'a convaincu de te garder puisque je payais les sortilèges adéquats.

— Vous ? La reine ou Lys ?

— Lys, bien sûr.

— Je ne vous remercierai pas. C'était la moindre des choses. Je suis devenu un de vos sujets, après tout. Vous êtes sensé me protéger, pas me blesser.

— Vous avez attenté à ma vertu !

Il écarquilla les yeux et lâcha éberlué :

— C'est vous qui vouliez me mettre dans votre lit !

— J'admets. À l'époque, je souhaitais me changer les idées et ma foi, vous étiez l'homme qui me plaisait le plus.

Il sourit malgré lui.

— J'imagine que si j'avais des oreilles pointues, vous ne m'auriez pas rejeté...

— Je refuse de vous suivre, Ozanor.

— Le roi Nilcalar d'Atalantë adorait les elfes et la reine Wendu de Lombal en profitait bien lorsqu'elle allait le rejoindre en Narraca pour des « raisons politiques ». Vous êtes tous pareils : dès que le pouvoir tombe entre vos mains, vous délaissez votre propre race. Je parie que vous auriez adoré avoir le prince des Falaises Sanglantes en tant qu'esclave sexuel.

Le visage de la reine blêmit. Le Berserk ignorait si c'était du malaise ou de la rage et il regretta vivement d'avoir trop parlé.

— Vous ne savez rien, Ozanor. J'ai délaissé Atalantë justement à cause de l'esclavage. N'en déplaise à votre royaume d'origine, j'ai aimé le voir brûler et chuter. Quant à la personne que vous évoquez, je ne souhaite pas en parler ; elle m'a fait bien trop de mal.

Ozanor hocha la tête. Il n'appréciait pas ces mots mais il en resterait là et murmura :

— Mes excuses si j'en ai trop dit, Lys. Cependant, je reste d'avis que je ne vous ai causé aucun tort dans le passé. J'ignorais que vous étiez la reine... Mais trêve de nostalgie, qu'attendez-vous de moi ?

Le sourire revint sur les lèvres écarlates de Luinil :

— Je souhaite vous embaucher, Ozanor.

— Je ne cherche pas du travail, Lys, je suis navré.

— Je vous paierai grassement. Vous êtes un mercenaire après tout, non ?

Ozanor plissa les yeux :

— Ça dépend. Ces derniers temps je tente de me libérer de cette profession. Mais peut-être pourriez-vous m'avoir en me donnant ce que je souhaite.

Luinil haussa les sourcils :

— Et que voulez-vous, monsieur le négociateur ?

— Que vous rendiez l'esclavage légal.

Elle éclata de rire :

— Vous voulez que tout Calca allie ses armées contre Arminassë ? Je me doutais bien que vous vouliez vous venger mais je ne serai pas si naïve.

— Je ne parle pas d'esclaves elfes. Nous savons bien que cela tourne systématiquement au désastre.

— Je ne donnerai pas d'essor à vos ignobles commerces, Ozanor...

— Même si je me plie à toutes vos exigences ?

Luinil pouffa et se leva pour rejoindre son interlocuteur. Sa démarche souple malgré la hauteur des talons lui donnait presque l'apparence d'un fauve.

Elle s'affala contre le dossier du canapé et ajouta sur le ton de la confidence :

— Tous les hommes se plient à mes moindres exigences, Ozanor...

Elle réajusta l'ourlet de son décolleté et continua simplement :

— Ceux qui me résistent, mon cher, je les écrase sous mon talon.

— Je ne peux donc pas refuser votre offre ?

— Exactement ! Je ne vous demande rien d'insurmontable. Je veux simplement que vous intégriez mon escadron d'espionnage.

C'était un honneur certain mais aussi une perte de liberté.

— Qu'obtiendrais-je en échange ?

— Une solde de cinq mille écus par an.

Ozanor sourit et ajouta avec son culot incontrôlable :

— Mettez-vous nue devant moi, Lys, et j'accepterai ce marché.

Son bon sens le reprit juste après ces mots. La Reine Vierge allait le détruire !

Mais étonnamment, elle ne s'emporta pas.

— La vision que je vous offre suffit amplement, mon cher. Vous en avez déjà clairement assez profité par le passé. Je ne coucherai pas avec un rustre qui veut instaurer l'esclavage dans mon royaume.

— Très bien, je ne toucherai pas à votre honneur, Lys, en revanche...

Il se pencha vers elle et l'embrassa. Luinil fut surprise par cette initiative et ne repoussa pas d'office l'importun. Ce dernier en profita aussitôt pour lui attraper la taille avec la volonté de lui prendre les seins et les pétrir entre ses mains. Rien que ressentir ces deux protubérances moelleuses dans ses paumes lui rappellerait de bien agréables souvenirs et cette vision provoqua de violentes décharges dans son bas ventre.

La femme gémit d'inconfort et se dégagea aussitôt après avoir giflé le mufle. Ce dernier adopta une distance respectable mais dans la lutte, le col de la robe avait glissé, dévoilant ce qui avait à voir. Luinil rougit de colère et se rafistola rapidement :

— Vous ne retenez rien de vos erreurs ! s'écria-t-elle en croisant pudiquement les bras sur sa poitrine, je vous ai coupé les mains et crevé les yeux pour cette raison !

Ozanor ne pensait guère à la menace. Il songeait uniquement à finir ce qu'il avait commencé cinq ans plus tôt. La dénommée Lys était toujours aussi alléchante et si son Vala n'avait pas été si puissant, il l'aurait sans aucun doute forcée. Mais avec une telle tigresse, il ne pouvait se permettre de recourir à la violence.

— Je vous plais, Lys, se justifia-t-il, inutile pour vous de le cacher. Vous avez beau vouloir sauvegarder votre vertu, vous n'en restez pas moins une femme avec ses envies.

Il utilisait le prénom factice afin de lui parler d'égal à égal. Luinil le comprit mais ne le releva pas.

— Je n'ai pas envie que mon partenaire me considère comme un bout de viande, Ozanor. Et calmez votre excitation, vous ne m'aurez pas.

Le guerrier avait désormais oublié toute ses angoisses pour devenir chasseur. La proie devant lui était délicieuse et sa fausse pudeur l'excitait. En étant assise, la jolie astre brune ne remarquait pas que sa robe remontait jusqu'à ce que sa culotte de dentelle fine apparaisse, épousant parfaitement les courbes discrètes de son sexe.

À cet instant, Ozanor regretta amèrement d'avoir retiré le masque de Lys par le passé. S'il s'était abstenu, il aurait pénétré l'écrin interdit. Comment ce maudit elfe avait-il pu y parvenir ? Il en était vert de jalousie et reprochait à la reine d'accorder plus d'intérêt à un non-astre. Rien qu'imaginer l'elfe souiller sa souveraine l'enragea. Et il n'y avait pas dû y aller à moitié étant donné qu'il l'avait engrossée sans difficulté.

— Le prince, demanda-t-il, pourquoi a-t-il eu ses chances ? Pourquoi devrais-je m'abstenir alors que l'ennemi a eu ce que tous vos sujets voulaient ?

Luinil serra les poings :

— Il m'a violée. Comment osez-vous prétendre que je l'aimais ?

— C'est un pressentiment. Et je connais cette race. Les elfes sont des démons mais ils ne violent jamais.

— La preuve que si.

— Vous avez honte d'avoir mal jugé cet homme. Vous ne pensiez pas qu'il vous empoisonnerait. Tout ce que vous vouliez était de baiser un elfe, et par conséquent le déshonorer auprès de son peuple à la morale exacerbée.

Luinil ne s'emporta pas malgré les accusations. Contrairement à la violente altercation d'antan, la reine était sereine et sa folie semblait l'avoir définitivement quittée.

— Il ne me plaît guère d'entendre les détails de l'ambassade, Ozanor. J'ai interdit mes sujets d'évoquer le nom du prince. Et croyez-le ou non, j'étais vierge avant qu'il ne vienne à moi. Je l'avoue, je ne l'ai pas repoussé. Mais qu'importe, aujourd'hui je hais son souvenir.

— Laissez-moi être votre amant, Lys et je vous marquerai d'une affection intarissable.

Elle ne silla pas, sans doute parce qu'elle savait qu'il lui était déjà dévoué.

— Entrez sous mes ordres, Ozanor. Et peut-être que votre dévouement que vous vantez tant sera récompensé.

Il lui prit délicatement la main et déposa un baiser dessus :

— Vous exigez de moi que je me refuse à une vie de liberté, Lys. Cinq mille écus, ce n'est pas rien... Mais ça ne paiera jamais la soumission que doit subir un espion.

— Je suis bien triste de vous voir refuser mon offre, Ozanor. C'est donc la dernière fois que nous nous voyons.

À ces mots, le mercenaire se tendit ; paradoxalement, il désirait plus que tout demeurer auprès d'elle, malgré le mal qu'elle lui avait infligé. C'était le moment où jamais pour glisser sa propre proposition.

— Je peux travailler pour vous, Lys. D'une autre façon, je souhaite vous servir.

Elle leva les sourcils, amusée.

— Me servir ?

— Je côtoie bon nombre d'aristocrates dont vous serez curieuse d'apprendre l'opinion.

— Vous voulez être mon indic ?

— Oui.

Le mercenaire détournait le désir tout puissant de la reine pour y trouver son avantage. En étant son espion personnel sans appartenir à la moindre institution contraignante, il pourrait la côtoyer et à la longue, obtenir ce qu'il souhaitait. Il pourrait continuer à gérer ses commerces tout en insufflant à la souveraine l'idée de légalisation de l'esclavage. Si en plus, il parvenait à obtenir le corps plantureux de sa commanditaire, ce ne serait que mieux. Les cinq années de souffrance s'évaporèrent devant cette apparence sublime, à la fois symbole de puissance et de danger.

— J'y réfléchirai, Ozanor. Surprenez-moi donc : d'ici quelques jours, Caraks rejoindra la délégation de l'Ordre Interracial. Il vous demandera sûrement de l'accompagner...

— Je serai vos yeux et vos oreilles.

Avec grâce, elle se releva et conclut :

— Bien, je ne vous retiens pas. On vous attend, après tout.

Ozanor quitta le canapé et suivit la silhouette sinueuse de la reine jusqu'à la porte. Lorsqu'il dut la quitter, il hésita à cueillir une nouvelle fois ses lèvres écarlates. La vue était si tentante : sa mâchoire parfaitement dessinée, son cou de cygne et ses courbes généreuses.

Fougueusement, il enroula le bras autour de ses hanches pour la rapprocher de lui. Mais avant qu'il ne puisse assouvir son envie, il se retrouva brusquement à terre, dans l'impossibilité de se relever. Un genou lui écrasait les omoplates et de longs ongles lui rentraient dans la gorge à l'instar de griffes.

— Tu as déjà trop dépassé les bornes, Ozanor. Je te permets de temps à autre de profiter de ma présence parce que tu me plais et que j'aime jouer avec toi. Mais n'oublie pas : tu ne vis que parce que je l'accepte.

Sur ces menaces, elle le laissa se redresser et prendre la porte. Du sang coula sur ses clavicules à cause des vilaines entailles.

— « Toujours aussi sauvage », pensa-t-il en s'éloignant.

Malgré tout, il ne parvenait à regretter cet entretien. Luinil avait beau jouer avec lui et le maltraiter de manière odieuse, il aimait ce côté pimenté de leur relation. Il n'était pas sadomaso mais il ne détestait pas non plus lorsque la reine le malmenait comme elle venait de le faire. En réalité, cette domination l'excitait car il fantasmait du jour où il pourrait enfin la rabaisser au rang de pure femelle et la soumettre à ses désirs les plus obscènes ; le contraste serait jouissif.

Mais cette nuit, il ne la posséderait pas. Comme un spectre, elle s'évaporait pour laisser un souvenir envoûtant à son esprit.

Il souffla pour remettre de l'ordre dans sa tête et tira sur sa veste comme pour abaisser les battements de son cœur.

Caraks l'attendait et il faudrait jouer serré.

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