Chapitre 13
C'est trempé de sueur que Luinil se réveilla. Elle avait l'impression de revenir d'un voyage lointain et que tout s'était effondré à son retour.
— Que se passe-t-il avec moi ?
Par la fenêtre, la lune éclairait froidement la chambre. La reine se recroquevilla sur elle-même ; sa folie empirait, elle le savait. Les voix ne se taisaient plus désormais.
En plus de ça, le constat de sa soirée lui revint en mémoire. Elle avait torturé Ozanor en plus de lui avoir dévoilé des informations bien trop secrètes.
Abattue, elle prit tout de même la décision de se lever. Comme un spectre en quête de rédemption, elle vint errer dans les jardins du palais, vêtue de sa longue chemise blanche. Le bruissement des feuilles dans le vent entretenait sa tristesse et le chant des fontaines semblaient la poursuivre de leurs rires entêtants.
Elle avançait sans but ; ses pieds s'écorchaient sur les cailloux tranchants des chemins et se trempaient sur les pelouses touffues.
— Majesté ? Que faites-vous là par cette heure ?
Elle se tourna vers Handelë. Le vieil astre s'était levé de son banc, surpris par une telle apparition. Sans crier gare, elle se précipita dans ses bras.
— Handelë, je vous en supplie, ne partez pas ! Restez à mes côtés.
Le pauvre homme était complètement déboussolé par la scène. Mais la tendresse qu'il avait nourri pour sa reine pendant tous ces siècles prit le dessus et il referma chaleureusement ses mains dans le dos de Luinil.
— Bien sûr, Majesté, je serai toujours là pour vous.
Elle éclata en sanglots :
— J'ai fait des choses horribles, Handelë. Mes proches, mes sujets, mon propre bébé... J'ai tout détruit. Je suis un monstre.
— Non, vous avez fauté mais il faut vous ressaisir pendant qu'il est encore temps.
Comme pour chercher davantage de réconfort, elle enfouit son nez dans le col de son conseiller :
— Vous me pardonnerez, Handelë ?
— C'est déjà fait, Luinil. Il nous faut avancer, maintenant, même si nos fautes sont lourdes et nous ralentissent, ce n'est qu'en persévérant que l'on gagnera la rédemption.
— Merci, merci d'être là.
L'astre chauve sourit et frotta doucement les épaules de la souveraine pour la consoler. Il y avait des deuils à faire et des batailles à gagner.
Kaliss croisa les bras sur sa poitrine, contrariée. Entre ses bagages, Luinil se tenait en tenue d'exercice, légèrement gênée.
— Vous voulez repousser mon départ, Majesté ?
— Voyons, Kaliss, supplia-t-elle, cesse de m'appeler par mon titre, nous sommes amies !
— Je ne suis que votre lieutenante.
— Je...
La reine poussa un long soupir et articula :
— Je suis désolée.
La guerrière haussa les épaules et se reconcentra sur ses affaires :
— Désolée de quoi ? Ce n'est pas à moi que tu dois des excuses mais à tous ceux qui sont morts par ta faute.
Le visage de son amie se grimaça de colère mais elle se retint, sachant que c'était bien elle la coupable dans l'histoire :
— Je m'excuse devant toi parce que tu aimais Lagordus. Et il est mort pour me protéger.
— Inutile de me le rappeler, je suis au courant.
Luinil se mordit la joue et insista :
— S'il-te-plait, Kaliss, je tiens beaucoup à toi. Je ne veux pas que tu disparaisses.
— Alors donne-moi un ordre royal. Mais sinon contente-toi de la présence d'Alma. Vous avez l'air de bien vous amuser, toutes deux.
— Alma est trop superficielle pour être supportée une journée entière. Et puis... J'ai besoin de toi. Je ne me suis pas entrainée depuis cinq mois.
— Bien...
Vaincue, Kaliss laissa choir son sac sur le sol et s'avança vers la reine d'une démarche martiale :
— Puisque tu y tiens tant, nous allons nous exercer dans la courette privée.
Les joues de son interlocutrice reprirent des couleurs et un sourire de satisfaction étira ses lèvres démaquillées. Elle ajusta son plastron de cuir et suivit la guerrière dans les couloirs privés.
— Ne pense pas que je vais te pardonner de sitôt, Luinil.
— Je suis certaine que nos entrainements t'ont manqué !
— Tu es insupportable...
— Et tu es obligée de me supporter : je suis ta reine.
— Hélas.
Toutes deux se retrouvèrent dans la cour exiguë. Au-dessus de leurs têtes, un cerisier secouait doucement ses branchages alourdis de fleurs roses. Quelques mèches se libérèrent de la tresse de la reine pour danser dans la brise.
Depuis trop longtemps elle n'avait pas exercé son rôle de combattante. Son Vala se rétablissant, il devenait urgent pour elle de retrouver sa dextérité avant la prochaine bataille. Cependant, une douleur lui brûla une nouvelle fois les entrailles.
— Tout va bien ? interrogea Kaliss devant la grimace que tirait son amie.
— Mon plastron est peut-être un peu trop serré, mentit-elle en frottant son ventre.
— Tu n'as pas perdu tes kilos en trop ?
Luinil baissa le regard :
— « Je n'ai pas seulement perdu du poids... » pensa-t-elle tristement.
Kaliss la ramena à la réalité en lui lançant une rapière.
— En garde, Majesté. Nous avons des séances à rattraper !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top