ㅤ📃 CHAPITRE 9
Céleste avait tourné sa tête sur le côté lorsque Levi lui avait une nouvelle fois déclaré qu'il était capable de la chercher. Refuser totalement cette affirmation la déculpabilisait peut-être ? Après tout, elle avait fini par se convaincre que ce n'était pas vrai.
« Tu es une peureuse, Céleste Fosten.
— Je n'ai jamais eu l'audace de dire que j'étais forte.
— Ne confonds pas ces termes. Est-ce que j'ai dit que tu étais stupide ? Oui. Égoïste ? Terriblement. Faible ? Jamais.
— Est-ce encore l'un de tes grands discours ?
— C'est un rappel à l'ordre. »
Elle avait voulu qu'il la haïsse après tout cela. Tout en espérant qu'il voulut encore d'elle. Ah ! Toutes ces années, la noiraude n'avait souhaité qu'une chose, demeurer encore un peu dans l'esprit de Levi. Pas comme une simple connaissance ou la sœur d'un ami ; elle priait pour être un peu plus importante que cela. Et puis, elle s'était raccrochée à son souvenir, à toutes les paroles qu'ils lui avaient dites, au frôlement de leurs lèvres, au fait qu'elle l'aimait peut-être encore tout en se demandant si c'était le cas pour lui, si une seconde il se rappelait leur amitié. Ce qu'ils avaient partagé.
Mais maintenant qu'il la regardait droit dans les yeux, il lui rappelait seulement à nouveau à quel point il lui avait manqué. Elle qui avait craint qu'il ne se souvienne plus d'elle, de son visage, de sa voix, de son être tout entier...
« J'ai encore quelques questions.
— Dis-moi ?
— Est-ce que tu as prévu de rentrer chez toi ? De faire comme il avait été décidé au départ avec Cassandre ? Ou est-ce que tu vas définitivement rester ici.
— Je ne sais pas, Levi. Il y a d'autres complications. Pour le moment, je reste. Ensuite, on avisera. »
Elle aurait aimé lui dire qu'elle avait fait son choix, qu'elle avait trouvé une autre vie ailleurs qui lui allait tout aussi bien. Qu'il y avait une autre famille qui l'attendait. Mais il y avait malgré tout cette tension froide dans ses bras, l'envie de rester à ses côtés et de rentrer à la « maison ». Le soldat semblait chercher une réponse dans son regard, un indice à un problème qui le tourmentait. Il avait lu la lettre, pris à nouveau connaissance de tous les sentiments qu'elle avait pu avoir. Qu'attendait-il de plus ? Que voulait-il savoir ? Aurait-il aimé avoir la confirmation de quelque chose ?
Peut-être que si elle avait osé clairement, sans passer par mille détours, il aurait parlé. Il aurait formulé ses propos autrement. Mais la dernière fois qu'elle avait avoué ce qu'il pesait sur son cœur quand il s'agissait de lui, elle avait été violemment désillusionnée.
« Allez. Va te coucher.
— C'est tout ? Moi qui pensais que tu allais me dire autre chose.
— Peut-être. Mais il faut que tu te reposes. Les prochains jours risquent d'être compliqués et je ne veux pas que tu sois épuisée.
— Je ferai attention. »
Un instant, elle se demanda si elle parlait bien à Levi. Mais elle n'avait pas envie de percer cette petite bulle qu'elle avait l'impression de voir et préféra mettre fin à tout maintenant. Au diable les questions, l'envie de savoir s'il y avait toujours un « nous », une amitié. S'il comprenait sérieusement ce qu'elle avait écrit, réalisait encore une fois ce qu'elle ressentait. Peut-être feignait-il maintenant l'indifférence ? L'innocence ? Céleste aurait aimé avoir le courage de lui demander.
Finalement, elle se leva, dit bonne nuit au caporal et sortit du bureau, un goût d'inachevé dans la bouche.
Levi l'avait aussi. Lui qui s'attendait à autre chose, était presque déçu de ne pas avoir franchi le pas. Il aurait pu, tout simplement, demander à Céleste de lui expliquer ce qu'il avait besoin de comprendre. Car si c'était ce qu'il avait saisi, si la noiraude avait bien écrit ce qu'il pensait, alors la situation changeait. Un tout petit peu, au moins.
Pour la troisième fois de la journée, le caporal se pencha sur la lettre, peut-être dans l'optique d'y trouver une nouvelle réponse.
« Je n'ai jamais voulu te quitter. Ou au moins disparaître. Ne plus être à tes côtés a été un choix qui m'a grandement coûté et brisé le cœur.
C'est assez ironique de me dire ça, de t'écrire ces mots, alors que j'ai accepté de m'en aller, de ne jamais te souffler la vérité. J'aurai pourtant aimé te jurer de ne jamais te laisser, car cela était mon seul et unique rêve ; demeurer près de toi éternellement. J'aurai aimé te revenir, ne pas t'abandonner tant de temps. J'aurai aimé, d'un autre côté, oublier tout ce qui fait que tu existes, la brûlure qui demeure encore en mon cœur. J'aimerai, aussi, que tu me haïsses pour tout ce que j'ai fait, que tu souhaites ma mort pour avoir décidé de m'en aller. De ne plus être jamais revenue, de ne pas être restée, de ne pas t'avoir promis de survivre. Peut-être que j'aurai dû rester, au lieu de m'enfuir lâchement. Ou sinon courir te retrouver, demander qu'on aille te chercher.
Mais ça ne s'est pas fait. C'est là quelque chose de terriblement ironique ; moi qui souhaitais rester toute ma vie en ta compagnie... Je n'ai rien fait pour retourner à tes côtés. Que s'est-il passé, me demanderas-tu. Suis-je encore fâchée ? Suis-je accablée par autre chose ? Les regrets ? La culpabilité d'être la seule en vie ? Le désir de mourir ? Sûrement tout ça réuni.
J'ai voulu disparaître de ce monde. Ne plus jamais te voir pour éviter ta pitié malvenue. Ce n'est pas ton genre mais j'en étais convaincue, il y a encore peu de temps.
Cela fait quatre ans que j'essaye de t'écrire cette lettre, où j'essaye d'aligner mes mots, mes pensées. J'aurai sûrement aimé te dire simplement « Je suis en vie, adieu. Soigne ton cœur comme tu le peux, épouse qui tu veux car je n'ai pas pu le faire avant. Oublie-moi, s'il le faut. Oublie mon nom. Mon visage, ma voix. Oublie que j'ai existé, qu'un jour j'ai fait partie de ta vie. Qu'un jour j'ai pensé pouvoir partager la mienne avec toi. ».
Mais je ne veux pas que ça soit le cas. Je ne veux pas que tu ne te rappelles plus de moi. Je veux te hanter, que tu aies l'impression que je demeure encore à tes côtés, que tu te souviennes qu'il y avait un « nous ». Pas celui que j'espérais, mais celui qui était malgré tout. Qu'on ne pouvait pas ignorer.
Peut-être que demain, je partirai. Peut-être que je disparaitrai dans la nature. Peut-être que je m'effacerai avec le reste. Peut-être t'aurai-je laissé le temps de me trouver. Peut-être que ça sera trop tard. Il est bien naïf de croire que je peux dépasser tout ça seule. Que je peux vivre pour autre chose qu'une promesse. Que je peux entièrement revivre. Mais je survis malgré tout et peut-être que c'est là le plus important.
Levi ; je ne sais si je reviendrai un jour à toi. Si je te parlerai à nouveau, si je nourrirai encore les espoirs d'une amitié avec toi, de quelque chose d'encore plus grand. Je sais cependant que si je te retourne, que si je reviens à tes côtés, je ne repartirai pas. Et tu pourras me poser toutes les questions que tu désires, me tuer avec elles d'ailleurs. En espérant que je trouve le courage de te parler, de te dire ce qu'ai sur le cœur.
C'est là quelque chose d'idiot. De terriblement stupide. Comment pourrais-tu vouloir de moi après tout ce temps ? C'est là une question que je me suis toujours posée.
J'aurai aimé changer le destin, avoir eu le courage de te retrouver, de t'avouer à voix haute ces craintes. Mais je crois que le plus important est que j'ai réussi à survivre, bien plus que ce que j'aurai espéré. Et contrairement au « adieu » que tu aurais dû subir, je te dis à bientôt. Car c'est là quelque chose que je sais parfaitement : un jour, lointain comme proche, nos chemins finiront par se recroiser et je pourrai te regarder sans faillir, sans laisser mon cœur régner en maître sur ma raison aveuglée. Et même si je ne te l'avouerai jamais en face ou en pensées, sache que je n'ai pas oublié tes paroles. »
À nouveau, la voix de Céleste chuchotait à côté de lui les paroles qu'elle avait écrites, donnait un ton qu'il n'aurait pu reproduire à ces mots. Encore une fois, il retrouvait l'effrontée qui passait plus de temps dans sa chambre que dans la sienne, qui hantait ses nuits encore aujourd'hui, celle qu'il avait promis de surveiller, de protéger le temps qu'elle puisse rentrer à la maison. Qu'il avait fini par plus qu'apprécier. Et en quatre ans, rien n'avait changé dans son esprit.
Que ce soit son ombre, ses paroles, son souffle, tout demeurait en lui comme si elle avait toujours été là. Il ne pouvait pas faire autrement, à vrai dire. Comment aurait-il pu ? La noiraude avait fini par marquer tout son être, l'affecter bien plus qu'il ne l'aurait jamais imaginé... Et désormais, Levi était soulagé de n'avoir jamais eu l'audace de tirer un trait sur ce fantôme.
Mais maintenant, une question précise tournait dans son esprit. Il n'avait su comment demander à la noiraude ce qu'elle entendait, car il craignait sa réponse. Encore aujourd'hui, elle nourrissait de tels désirs ?
L'aimait-elle encore ?
La tête dans sa main, il entendait une nouvelle fois Cassandre lui crier qu'il était allé trop loin, avait brisé son cœur. Aurait-il pu faire autrement ? Est-ce que c'était pour cette raison même qu'elle l'envoyait aimer quelqu'un d'autre ?
« Epouse qui tu veux car je n'ai pas pu le faire avant » ? À croire qu'elle aurait eu l'intention de se marier avec lui. C'en était ridicule. Et même s'il avait pu y songer, bien des années plus tôt, quand était-il aujourd'hui ? Irait-il encore le penser ? Cette idée-là, il la gardait pour plus tard. Il lui demandera des comptes plus tard, lorsque lui-même connaîtra cette lettre par cœur. Et toutes ses intonations possibles.
Pour le moment, il préférait se dire qu'il avait retrouvé son amie et que, peu importe ce que d'autres pouvaient en dire, il la garderait cette fois ci près de lui.
cette lettre si je la réécrit pas tous les cinq matins, je sais pas quoi faire ;
ouin ouin snif snif ;
des fois j'ai l'impression que c'est une ado de 15 ans qui a écrit cette lettre et pas une grande dame de 30 ans mais ensuite je me rappelle que c'est céleste donc c'est ok, on pardonne ;
maintenant, on espère que levi lira entre les lignes
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