ㅤ📃 CHAPITRE 69
« Tu as fait du bon boulot. »
Sous ses yeux, les silhouettes de Caius et Zeyn se dessinaient plus au moins distinctement. Mais pour la première fois depuis longtemps, Céleste distinguait aussi Jorj dans le lointain, bien plus flou que ses deux camarades.
« Alors... C'est fini ?
— Ça, rien n'est moins sûr, mamie. »
Le chef d'escouade parlait lentement, son habituel sourire aux lèvres. Aucune animosité n'était visible dans son regard, aucun jugement. Seulement la douceur qu'elle lui avait toujours connue.
« Je suis désolée... Je... Becca...
— Mamie, voyons. Qu'est-ce que tu aurais pu faire ?
— Je savais qu'elle était en danger. J'ai tout de suite compris pour Berthold... J'aurai pu...
— Non. Il y a des choses que tu ne peux maîtriser et certains destins sont déjà écrits bien en avance, malheureusement. Tu as fait ce que tu as pu, ce qui était en ton pouvoir, et c'est déjà suffisant. »
Et malgré son dessin trouble, l'homme tendit sa main, la posa sur la joue de la noiraude. Ressentait-elle réellement sa chaleur ?
« Tu peux te reposer, maintenant. »
C'était la première fois qu'elle ressentait autour de douceur autour d'elle, dans son inconscient malmené. Elle qui aurait cru subir des remontrances et injures, elle était enveloppée par la chaleur du soldat, avait envie de s'effondrer dans ses bras et se laisser flotter.
Faire comme il avait dit : se reposer.
« Sans vous... C'est si dur... Je ne sais pas comment j'ai fait, comment...
— Tu n'as jamais été seule. On a toujours été là, avec toi. Et tu le sais parfaitement.
— Mais ce n'était pas pareil. Oh, Caius, tout aurait été si différent si tu étais resté à ma place. Zeyn ne serait sûrement pas mort et-
— Oh, mamie, j'ai toujours été condamné. Caius ne pouvait rien à ma blessure, tu le sais parfaitement. »
L'air désolé du blond coupa net la noiraude. Tremblante, elle le regarda s'avancer lui aussi, s'arrêter à sa hauteur sans esquisser le moindre geste vers elle. Contrairement à la dernière fois, il n'y avait aucune trace de colère sur son visage ; c'était le Zeyn qu'elle connaissait.
« Kris... Je... Il...
— Je sais. Je sais. Merci. »
Elle aurait aimé tomber à ses pieds. S'excuser un millier de fois pour l'avoir désormais abandonné, pour lui avoir donner un faux espoir.
« Et quoi qu'il en dise, Lahssen sera le meilleur père possible. Alors sois sans crainte, d'accord ? Tu as fait le maximum, c'est le plus important. »
Au loin, Jorj se rapprochait lui aussi, resta tout de même à distance du trio. Lorsque son regard croisa celui de l'instructrice, il esquissa un sourire gêné, fit un mouvement de tête en sa direction. Éternellement jeune, le bleu du groupe n'avait rien à lui dire. Et Céleste n'avait plus la force de se confondre en excuse.
Petit à petit, le décor plongé dans le noir laissait place à une sorte de nuit étoilée avant de se transformer en plaine. Sous ses pieds, elle reconnaissait les fleurs qu'elle avait vu avant de se déclarer à nouveau à Levi.
Si c'était le dernier paysage qu'elle voyait avant de s'éteindre, alors ça lui allait parfaitement.
« Ça change de mes cauchemars.
— C'est ce qui arrive quand on prend de plus en plus conscience de soi-même. Ce que tu auras toujours appelé malédiction t'aura au moins permis ça, non ?
— Sincèrement, j'aurai préféré le néant... Et que ma famille ne traficote pas avec les pouvoirs des premiers rois.
— Ça... »
Caius émit un léger rire. Plus triste qu'amusé, le chef d'escouade finit par se reculer, regarda autour d'eux.
« Au moins, c'est plus agréable que rien.
— Et quand est-ce que tout ça prendra fin ?
— Quand tu te réveilleras. Ou quand tu mourras. Tout dépend de quand on te trouvera, en réalité. Si on vous retrouve...
— Alors je...
— Non, Cæl, tu n'es pas morte. »
Cette voix.
Céleste se retourna brusquement, tomba nez à nez face à Claude.
« Il n'y a que Sandre qui a le droit de m'appeler comme ça.
— C'était trop tentant, navré. Ah, regarde-toi, tu as beau être plus vieille, tu ne me dépasseras jamais. Éternellement la petite sœur, n'est-ce pas ?
— Si c'est pour te moquer... »
Et si revoir Caius et Zeyn l'avait légèrement affectée, si apercevoir Jorj lui avait serré le cœur, elle ne pouvait plus retenir ses larmes maintenant que son aîné se trouvait devant elle. Car il avait été le premier à la hanter, le premier à se taire par la suite, le premier à l'injurier.
Mais aujourd'hui ? Il essuyait du pouce ses joues, détaillait son visage avec minutie.
« Tu aimes nous faire des frayeurs, n'est-ce pas ?
— Je suis désolée...
— Voyons, pourquoi t'excuser ? Tu n'y es pour rien. »
Dans d'autres circonstances, elle aurait hurlé que si. Qu'elle était fautive. Qu'elle aurait dû faire mieux. Mais face à ce frère qui n'avait plus montré de visage amical depuis bien longtemps, elle ne put que s'effondrer. Et qu'importe que tout soit une hallucination, que ces sensations soient imaginaires, elle restait contre son torse, s'agrippait à sa chemise comme elle le pouvait.
« Je suis désolée ! »
Contre lui, elle pleurait comme une enfant, mouillait son vêtement sans ménagement, s'accrochait de toutes ses forces pour qu'on ne la laisse pas partir. Et dans son dos, elle sentait les trois soldats se poser contre elle, l'envelopper entièrement.
« Tu as fait ce que tu pouvais. Tu t'es bien battue. »
Ce n'était pas ce qu'elle voulait entendre. Ce n'était pas ce qu'elle attendait. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était la certitude que son amie était encore en vie. Que elle, elle allait s'en sortir et qu'elle pourrait vivre longtemps. Heureuse.
Mais comment formuler une telle demande ? Les cieux avaient toujours ignoré ses requêtes et elle savait parfaitement que ce n'était pas aujourd'hui qu'ils le feraient. Elle n'avait que ses yeux pour pleurer, cette chaleur factice contre elle.
« Bats-toi. Tu ne peux pas mourir maintenant.
— Pour qui... Pour quoi...
— Pour toi, Céleste. »
Qui avait parlé ? Elle n'arrivait pas à savoir, les oreilles bourdonnant trop dans cette étreinte.
« Parce qu'au-delà des autres qui tiennent à toi plus que tu ne veux bien l'admettre... Tu as aussi envie de rester. Sinon, pourquoi aurais-tu laissé Kris te sauver, ce jour-là ? Pourquoi aurais-tu ouvert ton cœur ? Pourquoi aurais-tu autant agi ? »
Elle avait des rêves, oui. Elle avait des envies. Elle désirait encore croire que le monde pouvait s'ouvrir à elle, lui offrir un tout autre chemin que celui auquel elle pensait. Mais en avait-elle seulement encore la force ?
Céleste aurait aimé hurlé la vérité, crier au monde entier à quel point il se trompait, à quel point elle était invincible. Mais elle savait mieux que quiconque qu'elle ne l'était pas.
Qu'elle ne tiendrait pas ses promesses.
« Et même si tu nous manques, d'autres ont encore plus besoin de toi. »
Devait-elle continuer à avancer pour les autres ? Devait-elle résister pour tenir encore d'autres accrochés ?
« Si tu meurs maintenant, Becca mourra aussi. »
Cette phrase, elle n'était pas une tentative de la faire vriller. C'était la vérité. Pure, simple, évidente. Si elle mourrait, Becca succomberait à ses blessures maintenant. Et même si elle y survivait... Céleste savait parfaitement que désormais seule, la vétérane ne tiendrait pas longtemps.
Quoi ? Elle devait se réveiller, alors ? Attirer l'attention alors que le combat faisait rage dehors ? Alors que c'était la fin du monde à l'extérieur ? Alors qu'elle ne pourra certainement pas la porter...
Et alors ?
Si elle mourrait, elle perdait Becca. Elle perdait Kris. Elle perdait Cassandre. Elle perdait Lahssen. Elle perdait Levi.
Qu'importe la douleur. Qu'importe qu'elle doive vivre pour elle. Ils étaient encore là. Ils étaient encore présents. Et ça avait bien plus d'importance que son envie d'abandonner.
« Et si je n'arrivais pas à la sauver...
— Tu ne le sauras qu'en essayant.
— Et si je meurs avant...
— Tu auras quand même tenté l'impossible. Quoi qu'il arrive, on te portera. »
Quoi qu'il arrive, ils resteraient toujours avec elle. Ils seront toujours dans son cœur, dans ses rêves et tourmentes.
« Alors, quand tu te réveilleras, et que tu sauveras cette tête de mule, n'oublie pas aussi d'embrasser les autres pour nous. D'accord ?
— Zeyn...
— Vis heureuse, pitié. Vis. »
Il fallait déjà qu'elle se réveille. Céleste inspira longuement contre la chemise de Claude, tenta de capter son odeur qui avait fini par être oubliée par son esprit. Ce dernier embrassa le haut de son crâne, la serra avec force.
« Je suis fier de toi. Tu peux l'être aussi. Alors montre au monde que tu avais raison lorsque tu as dit qu'on ne pouvait te tuer. Rassure notre idiot de frère. »
Comment se réveiller quand on n'en a pas envie ? D'ordinaire, la noiraude se forçait car elle était envahie, n'arrivait plus à gérer. Mais là ? Son corps était beaucoup trop engourdi et elle était fatiguée d'avoir tant pleuré. Pourtant, elle ferma ses yeux avec force, se hurla de se réveiller, de-
La première chose qu'elle sentit fut la douleur déchirante dans sa jambe. Comme si des millions de morceaux de verre s'étaient plantés en elle. C'était cassé, aussi, elle reconnaissait parfaitement cette sensation.
Le pire résidait en réalité dans ses mains. Elles lui brûlaient et elle le sentait bien sous leur moiteur : elles devaient être rouge d'un sang qui continuait à couler.
Elle était allongée, face contre le sol. Non. Elle était allongée à moitié sur une forme irrégulière qui bougeait par intermittence.
Becca.
Malgré ses oreilles bourdonnantes, Céleste réalisa bien vite qu'il n'y avait plus aucun bruit autour d'elles, plus aucune bataille. Seul le silence accablant, le bruit du vent qui s'infiltrait dans les décombres au-dessus d'elle. Le cadavre de la petite maison dans laquelle elles avaient fini les avaient emportées dans le lointain et elles étaient désormais bloquées sous des poutres et morceaux de verre prêts à tomber à n'importe quel moment.
Mais là, au-dessus de leurs têtes, l'instructrice remarqua la sorte d'interstice, l'éclat de lumière. Il était aveuglant, manquait de lui brûler la peau.
La gorge sèche, elle baissa la tête vers son amie, eut mille difficultés à poser sa main sur son épaule pour tenter de la secouer. Aucune réponse. Aucun mouvement. Il n'y avait que le mouvement de poitrine plus ou moins régulier pour lui faire comprendre qu'elle respirait encore.
Il fallait qu'elles sortent de là. Comment ? Seule, Céleste en était bien incapable. Crier à l'aide n'était d'ailleurs pas une solution, elle avait la sensation qu'elle ne pouvait plus produire le moindre son.
Malgré son cou de plus en plus douloureux, elle réussit à se tendre vers la ceinture de son amie, vit sous sa cape déchirée le bout d'une poignée ; celle de leur pistolet à fumigène. Elle avait gardé le sien ?
Peut-être que les cieux l'avaient entendue, finalement...
Tout en serrant les dents sous la douleur qui la lançait à chaque micro mouvement, l'instructrice se pencha pour agripper l'objet, le ramener à elle tant bien que mal. Il était chargé. Et peu importe la couleur du fumigène, il y en avait un. C'était le plus suffisant.
Seulement, sa tête lui tournait de plus en plus et elle savait qu'elle avait bientôt s'évanouir à nouveau. Cette fois, elle savait qu'elle ne retrouverait pas les autres et qu'elle finirait dans le néant qu'elle avait demandé. Alors elle pointa comme elle pu la fameuse interstice, tira un coup.
« Pitié. »
Céleste ne put voir si le fumigène parvint à l'extérieur, elle s'écroula avant au sol, sombra une fois encore.
oh le chapitre de l'angoisse, pitié retrouvez les deux dames, je peux pas tuer becca quand même >:(
plus sérieusement, on retrouve une sûrement dernière fois le gang du tome 1 avec claude en bonus, si c'est pas beau !! ; au moins, on a un peu de "bonheur" mdr-
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