ㅤ📃 CHAPITRE 64
Jamais on ne s'organisa aussi rapidement. Puisque le Quartier général était derrière le mur Rose, personne ici n'était en danger. Mais les civils à l'extérieur l'étaient et il fallait vite agir. Malgré ses quelques tremblements, Céleste se porta volontaire pour partir tout de suite évacuer les survivants. Le reste de son escouade suivit aussitôt.
Au galop, avec un cheval supplémentaire et son équipement tridimensionnel toujours équipé, elle partit à l'ouest avec tous les quatre soldats. Et si certains s'en étaient allés car leur famille se trouvait dans cette zone appartenant désormais aux titans, les cinq étaient un peu plus sereins. Aucun membre de leur famille n'était en danger et c'était le plus important.
Il fallait maintenant trouver des gens, les faire monter en selle et partir en sécurité. Mais le temps que l'information ne vienne et que tout le monde parte, les monstres avaient déjà commencé à tout envahir. Alors que le soleil déclinait, Céleste vit avec horreur que les villages au loin avaient déjà été pris. Et même si elle ne les captait pas d'où elle était, elle entendait malgré tout les hurlements des civils.
Et puisque le monde était mal fait, ils ne purent pas sauver tout le monde lorsqu'ils arrivèrent près d'habitations. Tout le monde avait beau crier pour leur vie, on privilégia les enfants, en fit monter deux par selle.
Voyant que ce n'était pas assez, Céleste finit par descendre de son cheval, aida une mère et son fils à monter à sa place, convint en un regard avec Becca qu'elle partirait derrière elle. On essaya de faire grimper le plus de monde possible dans les carioles qui se trouvaient là, demanda aux personnes les plus énergiques de laisser les autres s'asseoir...
Ce jour-là, Céleste dû faire un tri entre ceux qui devaient assurément vivre et ceux qui allaient devoir courir pour leur survie. Et même si durant tout cet instant qui sembla durer une éternité, elle avait tout fait pour garder un sérieux et calme inépuisables... Tout se brisa lorsqu'elle rentra avec les autres. Dans les bras de Caius, elle s'effondra en longues larmes chaudes, trembla contre lui et se maudit au moins sept fois.
Personne ne dormit, cette nuit-là. On fit plusieurs roulements pour que des soldats soient tout le temps dehors, tentent d'évacuer le plus possible de civils. Au petit matin, l'escouade y retourna malgré tout, plus dans le but d'essayer de trouver des survivants qu'autre chose. Malheureusement, en quelques heures, tout avait été envahi et ils ne trouvèrent qu'une ou deux malheureuses personnes déjà condamnées, des visages sanglants, des corps auxquels il manquait des parties.
Voir des soldats tombés, ils connaissaient. Ils avaient l'habitude, le vivaient à chaque expédition. Mais des civils ? Des enfants ? C'était inimaginable. Pourtant, Céleste dut éviter de marcher sur ce qu'il restait d'une petite. Ne restait surtout d'elle qu'une peluche déchirée...
Après eux, on ferma tout. Ceux qui demeuraient toujours derrière le mur Rose allaient y rester. Cette pensée acheva définitivement la jeune femme.
La mamie garda la face devant toute l'équipe, se tint debout face à tous les autres, marcha avec ses camarades quand il fallut saluer malgré tout le nouveau Major. Mais dans l'obscurité de sa chambre, quand elle était enfin seule, elle étouffait ses cris dans ses dents. Elle n'avait plus la force, même pour aller voir Levi, restait recroquevillée dans ses draps d'été et tremblait. Qu'importe si elle fermait les yeux ou les gardait ouverts, les mêmes peintures tournaient devant elle.
La petite qui avait été à ses pieds devenait ce garçon à Shiganshina, prenait ensuite les traits de Claude. Et Lahssen. Aucune nouvelle n'avait été entendue de sa part. Caius n'avait pas pu le retrouver, il n'avait aujourd'hui plus le temps, et l'inquiétude la rongeait. Elle était sûre, il avait été en danger. Assurément, il s'en était sorti, mais que restait-il aujourd'hui de lui ? Elle avait besoin de savoir qu'il allait bien.
Une semaine s'écoula ainsi. Chaque réveil était de plus en plus dur et chaque coucher était insupportable. La huitième fois, alors que la noiraude attendait que la fatigue l'emporte définitivement, elle entendit toquer à sa porte. Le son la fit sursauter et elle eut à peine le temps de souffler un « entrez » que le visage de Zeyn apparu dans l'encadrement. Quelques secondes plus tard, toute l'escouade était sur le lit de la jeune femme, offrait bras et réconfort.
Céleste s'écroula contre Becca.
Enveloppée par la tendresse de ses camarades, la mamie du groupe se laissa aller. Au bout de plusieurs minutes, elle ne sut finalement plus à qui appartenait les larmes qui coulaient sur ses joues ; tout ce qui comptait, c'était qu'elle n'était plus seule.
Pour la première fois depuis cette tragédie, elle dormit pour de vrai. Et même si elle avait été en boule pour laisser de la place à tout le monde dans ses bras, elle s'était enfin sentie bien. Hélas, cette bulle éclata le lendemain même.
Tout avait changé en un claquement de doigts.
On arrêta immédiatement les expéditions. Il fallait tout réorganiser, définir de nouveaux plans d'action, décider ce qu'il fallait faire. Puisque le mur était endommagé, il fallait trouver comment reboucher les trous. Et surtout un moyen d'y aller. C'était seulement une entreprise bien trop compliquée pour être menée à bien rapidement...
La priorité était surtout donnée à la population réfugiée, à comment nourrir toutes ces bouches avec tant de terres en moins. À comment loger tout ce monde. Beaucoup d'orphelinats virent le jour. On rasa des parties de forêts pour créer des champs, bien plus pratiques, limita certaines consommations. Beaucoup de monde finit dans les bas-fonds.
Toutes ces faces misérables, elles frappaient Céleste quand elle aidait à la distribution de nourriture. Elle en regrettait presque les retours d'expédition, les insultes et leurs jets de fruits. Ici, il n'y avait que la mort, les yeux creusés et le désespoir. Mais elle préférait faire ça plutôt qu'accompagner les autres pour incinérer les corps. Même si c'était une vie misérable qui se tenait devant elle... C'était mieux qu'un cadavre.
L'automne arriva avec un début de famine.
Tout fut rationné méticuleusement. Il fallait penser aux civils avant tout mais on savait parfaitement que si rien n'était fait cet hiver, les prochaines années offriraient des affrontements inutiles. Personne n'avait besoin de voir ce qu'il restait d'humanité s'écharper.
Plusieurs soldats finirent par abandonner. On ne fêtait aujourd'hui plus rien ; quand la fin d'année arriva, on resta en silence dans sa chambre et ne fit aucune soirée.
L'hiver hui cent quarante cinq fut le plus rude que l'on ait vécu depuis des années.
Et le seul instant de lumière qui demeurait encore contre Céleste était lorsqu'elle était, rien qu'un instant, dans les bras de quelqu'un. Peu importe qui voulait bien l'accueillir, elle l'acceptait sans rechigner ; elle avait besoin de ne sentir qu'un peu de chaleur. Levi répondait le plus souvent à l'appel.
Lorsqu'Erwin avait été nommé Major, il en avait profité pour faire monter de grade le soldat, l'annonça comme étant désormais son bras droit, chef d'un nouvelle escouade. Et si la noiraude avait été heureuse pour lui, elle le regrettait aussi un peu ; maintenant, il avait beaucoup moins de temps et elle était nostalgique de leurs longues conversations.
Pourtant, malgré toute la paperasse qu'il avait, il était toujours à ses côtés quand elle venait le voir, quand elle se réveillait en sursaut, quand il fallait rester cinq minutes en silence l'un contre l'autre. Ce n'était plus pareil mais il y avait malgré tout cette tendresse qui faisait oublier le chaos qui régnait dehors, les interventions pour aider la Garnison et les Brigades Spéciales pour s'occuper de la population.
Mais la bulle éclata quand le printemps arriva. Les tensions s'étaient élevées dans le Bataillon d'Exploration et une rumeur se faisait entendre alors que ça allait bientôt faire un an que le Mur était tombé.
C'était assez logique : il y avait trop de monde, pas assez de nourriture. Bientôt, plus rien ne serait viable, il fallait trouver une solution... Et une idée commençait à s'imposer de plus en plus dans les esprits. Seulement, on savait tous que la foule ne l'accepterait pas aussi aisément et cette idée-là, elle tendait tout le monde.
Le jour où on décida d'annoncer l'expédition de reconquête, Céleste sentait une boule dans son ventre. Elle avait la sale sensation que quelque chose allait mal tourner et ça l'angoissait. Caius le présentait aussi, il se doutait parfaitement que la nouvelle ne ferait pas plaisir. Que ce soit à eux et aux civils qui n'avaient jamais rien demandé.
Il lui avait été demandé de partir pour transmettre l'information et son escouade au complet l'accompagnait. Faire passer la nouvelle au journal n'était pas suffisant, il fallait aller directement dans les districts et lieux les plus bondés, apprendre à tout le monde que cette sortie aurait lieu à la fin du mois.
Ils n'avaient même pas le temps de correctement préparer tout le monde.
La première fois que le vétéran se présenta aux gens, on retint son souffle. Un murmure avait parcouru l'assemblée mais aucune protestation s'était fait entendre. On « acceptait » avec dépit la nouvelle, commençait déjà à s'organiser. Voyait la vie déjà quitter quelques regards alors qu'on commençait à se rendre compte qu'on n'était plus vivant pour très longtemps.
Et cela affecta avec force le groupe. Caius avait tenté, en vain, de rassurer son équipe. Il avait alors demandé au groupe de le retrouver dans la vieille salle de musique, comme à chaque avant-veille d'expédition. Cette fois seulement, il n'eut pas la fébrilité qui prenaient les cinq alors qu'ils s'échangeaient leurs mots, jouaient au piano et buvaient un alcool un peu trop mauvais. Non, on restait plutôt dans les bras l'un de l'autre, parlait à voix basse et attendait que la nuit file pour profiter du dernier jour à être réellement en vie.
« Je vous le dis maintenant, je ne viendrai pas la prochaine fois. »
Becca avait été la première à parler après un long moment plongé dans le silence. Les mains serrées entre elles, elle fixait le sol sans rien dire. Peut-être qu'elle attendait qu'on lui réponde, elle-même n'en savait rien.
« Je n'aurai pas le courage de vous voir en agissant comme si tout allait bien se passer alors que...
— Alors on se verra à notre retour. »
D'eux tous, Jorj avait, étonnement, été celui qui avait le plus gardé sa sérénité. Avec toute la douceur du monde, il avait posé sa main sur l'épaule de la noiraude.
« Je sais que tu crains que nous disparaissions tous bientôt. Mais je crois en nous. En nos capacités. Je vous ai vu, tous les quatre, à l'œuvre et je sais que vous rentrerez. Que vous ferez en sorte que nous rentrerons. Tu en doutes peut-être maintenant pourtant... J'ai la certitude qu'au moment venu, tu seras la première à t'élancer. »
Le sourire du roux ne fut pas communicatif. Cependant, il apaisa les tremblements légers de la soldate. Il avait sûrement raison ; ils étaient assez forts pour se sortir de cette histoire. Et si elle n'arrivait à en être certaine, elle devait au moins en avoir l'espoir. Encore cette fois. Encore un petit peu.
Ils restèrent là, ensemble, sans rien se dire, encore un petit moment. Quand il fut l'heure de partir dîner, Zeyn força Becca à se lever et à manger quelque chose. Celui lui, la jeune femme ne se nourrissait pas assez et c'était hors de question qu'elle s'affaiblisse. En voyant qu'elle était alors seule avec Caius et Jorj, Céleste hésita à s'en aller elle aussi. Ce n'était pas qu'elle ne voulait pas rester avec eux mais elle avait besoin de prendre l'air, de se retrouver seule.
Elle prit alors congé quelques minutes plus tard et quand elle croisa le regard de son supérieur, elle s'arrêta dans son mouvement. Un léger sourire s'était dessiné sur ses lèvres et sans même prononcer un mot, il fit comprendre à la jeune femme ce qu'il voulait dire.
Même si c'était absolument inutile, il lui affirmait une nouvelle fois qu'ils rentreraient à la maison. Il en était convaincu.
Pourtant, ses convictions furent ébranlées la seconde fois où ils rencontrèrent le peuple ; la foule fut bien virulente et les cris se firent rapidement entendre. On essayait de garder difficilement la face, de ne pas laisser les choses escalader. Mais quand un homme hurla qu'on les envoyait à la mort, les considérait uniquement comme des choses dont on pouvait se débarrasser, de la simple chair à canon pour faire vivre les riches qui ne se saliraient jamais.
En entendant cela, ils n'arrivèrent plus à regarder les civils droit dans les yeux. Tous savaient que bientôt, ils se reverraient. Dehors. Et qu'ils rentreraient sans eux.
« Répondez ! Vous nous envoyez tous au charnier et vous n'avez rien d'autre à dire ?!
— Parce que vous croyez que ça nous fait plaisir ?! De venir voir des gens qui n'ont rien demandé pour leur demander de retourner dans l'enfer pour mourir ? Vous pensez que c'est nous qui l'avons décidé ?! Qui l'avons souhaité !
— Becca, calme-toi.
— Et pourquoi ?! Ces gens ont toutes les raisons d'être en colère comme j'ai toutes les raisons du monde de l'être aussi ! »
Et pour la première fois, Caius vit dans les yeux de la soldate le plus désespoir du monde. Elle n'allait pas abandonner l'affaire, ce n'était pas son genre... Mais quelque chose en elle s'était définitivement brisé et rien n'allait pouvoir le réparer.
Elle n'avait plus foi en ce qu'elle aurait autrefois appelé les ailes de la liberté.
frère y'a rien qui va, franchement c'est pas cool de la part de l'autrice ;
par contre, vous attendez pas à ce que becca ait son mental breakdown pendant 40 chapitres, profitez vite et bien de ce moment parce qu'il ne va pas durer toute une vie ;
plus que quatre chapitres
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