ㅤ📃 CHAPITRE 63

Finalement, le jour des retrouvailles avec Lahssen avait été plus tôt que prévu. Céleste avait profité d'accompagner les soldats de la cent-quatrième brigades et leurs supérieurs aux Brigades d'Entraînement pour chercher son ami.

Et tandis que les autres s'en allaient avec Shardiz, elle s'en alla vers les terrains d'entraînement. Elle connaissait suffisamment le brun pour savoir qu'il était là-bas en train de s'échauffer. Seulement, plus elle approchait vers sa silhouette, plus l'angoisse la prenait. Et s'il la détestait ?

Lorsqu'il la vit approcher, un sourire se dessina sur ses lèvres. Tout en remettant son haut, il se précipita presque vers elle, la prit dans ses bras.

« Bah alors, mamie, on reprend goût au Bataillon ? Tous les autres sont revenus, qu'est-ce que tu fous encore avec eux tous ? »

Il n'y avait aucun reproche dans sa voix, seulement sa curiosité naturelle et... Non. Céleste n'était pas dupe, voyait parfaitement dans le regard de l'instructeur qu'il savait. Il attendait simplement qu'elle s'engage sur ce terrain-là pour éclater.

Si elle n'était pas rentrée, ce n'était pas parce qu'elle appréciait passer du temps au quartier général.

« Est-ce que je dois lancer le sujet moi-même ?

— Lahssen...

— Je pensais qu'on avait dépassé le stade de se faire des cachotteries, Céleste. Je vaux si peu à tes yeux pour être le dernier à l'apprendre ? »

Sa voix vacillait légèrement et ça brisait le cœur de la noiraude. Incapable de soutenir son regard, elle regarda sur le côté, serra ses poings. Elle qui aurait aimé amener le sujet plus délicatement, il sautait les deux pieds dans le plat, ne lui laissait aucun répit.

« Je ne veux pas que tu y ailles. Je refuse. »

Les tremblements dans la voix de Lahssen avaient disparu. Ferme et sec, l'instructeur s'était mis au niveau de Céleste, la regardait sans faillir.

« Pas cette fois. C'est trop. »

Elle le savait, jamais il n'aurait accepté qu'elle parte pour cette opération de reconquête. Il n'avait pas tort, à quoi allait-elle servir, là-bas ? Elle avait beau ne plus être réellement blessée, avoir été acceptée dans l'escouade de Hanji, elle n'allait pas se montrer si utile que ça... Mais si elle ne faisait rien... Elle était soldate, tout comme lui, non ?

« Je ne vais quand même pas rester ici, les bras croisés...

— Non. Tu vas retourner aux Brigades d'Entraînement avec moi pour faire ton boulot, tu vas te reposer à la maison, tu vas voir ton frère. Mais, tu n'iras pas avec eux. »

Lentement, le brun se pencha vers son amie, fit disparaître le petit espace qui demeurait encore entre eux. Ce n'était pas là un contact amoureux, plutôt une sorte de menace qu'il tentait de faire planer, une interdiction qu'il voulait imposer.

« Tu n'es pas en l'état, tu le sais tout aussi bien que moi. Et je ne suis pas le seul qui te le dira, l'autre hargneux le confirmera. Tout comme Becca. Ce n'est pas ta place. Je sais que tu t'inquiètes pour Kris, que tu aimerais être là-bas pour être que tout va bien... Mais tu ne risques que de te faire tuer et ça, je ne peux pas l'accepter. »

Céleste attrapa du bout des doigts ceux de Lahssen. Elle entendait son appel, savait aussi qu'elle ne pourrait peut-être pas y répondre positivement.

« Je ne veux pas te perdre. Pas toi. »

Et s'il avait tenté de garder un minimum la face, il laissait désormais tomber le masque. Les yeux brillants, il attrapa franchement la main de la noiraude, ne la lâcha pas.

« Je ne peux plus voir ma famille s'en aller. Caius, Zeyn, Jorj, Ophélie... Et maintenant toi ? Non. Impossible. Ne me fais pas ça, Céleste, je ne le supporterai pas. J'ai déjà failli te perdre... Je n'aurai pas la force de recommencer. S'il te plaît... »

Sa voix devenait un souffle lent, presqu'une supplique. Que pouvait-elle y faire ? Si elle lui disait qu'elle partait quand même...

« Si je ne fais rien... Je ne pourrai plus regarder les autres.

— Tu ne leur dois rien. Que ce soit ton sang comme ta mort. Si tu veux disparaître, c'est ton droit. Mais pas à eux. Ils ne le méritent pas. »

Elle n'avait pas envie de l'abandonner mais que pouvait-elle faire d'autre ? Elle s'était déjà engagée...

« Tout a été acté. Et même si, comme tu le dis, personne n'est vraiment d'accord, c'est mon choix. C'est ma volonté.

— Dictée par le besoin de venger ceux qui ne veulent pas l'être. Tu es prête à mourir pour des fantômes alors que nous, les vivants, nous sommes bien là. Nous t'attendons. Si tu meurs, je deviens quoi ? Je dois te suivre ? Je dois crever aussi ?

— Quoi ? Non !

— Pourquoi je devrai vivre alors que toi, tu acceptes aussi simplement de mourir ? Déteste-moi pour mon propre égoïsme, Céleste, mais je dois faire comment, moi ? Tu m'as aidé à me relever, je ne peux pas te voir disparaître aussi... »

Que pouvait-elle répondre ? De sa main libre, il attrapa son visage, la força à relever la tête.

« Et même au-delà de moi... Tu penses vraiment avoir le droit d'abandonner les autres ? De laisser Kris qui te vois comme une mère ? Becca qui te considère comme sa sœur ? Levi qui t'aime plus que de raison ? Ton frère qui t'a enfin retrouvé ? Tu es vraiment prête à tout laisser tomber seulement pour ton besoin égoïste ?

— Oui. »

Sa réponse n'avait été qu'un murmure étranglé mais il l'avait parfaitement saisi.

« Je sais que tu m'en veux mais c'est mon choix. Je veux choisir ça. Je sais que tu ne me comprends pas, même moi je n'y arrive pas, mais je ne peux rester ainsi... Je veux y aller, je veux mettre un terme à tout cela. Et si ça a raison de moi, qu'importe. J'aurai choisi ma mort.

— Alors c'est ça. Tu veux tellement crever que plus rien n'a d'importance.

— Non. Je veux vivre. Je veux vaincre. Je veux rentrer. Mais je veux aussi y aller, tout risquer et demeurer malgré tout. Peut-être que tu as raison, que je veux venger ce qui ne doit pas l'être, peut-être que je veux avoir l'impression de donner une véritable raison à Caius de m'avoir sauvé... Je veux juste... Avoir la sensation d'avoir réellement servi à quelque chose dans tout cela. Je veux vous rendre fière en gagnant.

— Céleste, tu n'as rien à me prouver. À prouver à qui que ce soit, d'ailleurs.

— Alors je veux me prouver à moi-même qu'on ne peut me tuer. »

Elle le voyait bien, il ne la reconnaissait pas. Seulement, malgré les rares larmes qui coulaient sur ses joues, il hocha sa tête, ferma ses yeux.

« D'accord... De toute manière, je ne peux te faire changer d'avis, tu es plus têtue qu'une mule...

— Je suis navrée de te faire subir tout cela.

— Tu n'es pas quelqu'un qu'on peut arrêter quand tu as pris ta décision ultime. Sache que tu n'as pas ma bénédiction de faire tout cela mais... Rentre. Pitié, rentre. Qu'importe que tu sois blessée à vie, qu'il te manque une jambe ou trois, reviens à la maison.

— Je te le jure.

— Je refuse d'être le père de Kris alors tu as intérêt à, en effet.

— Ahah, c'est vrai que- Quoi ? »

Presque aussitôt, elle sut comment il avait fait pour savoir. Le rire mouillé de Lahssen lui brisa le cœur.

« Ton frère aime prendre les devants. Il m'a dit pour l'arrangement que tu as avec le criquet et que s'il t'arrivait quelque chose, la responsabilité me revenait. Je t'avoue que je serai un bien meilleur parent que qui que ce soit d'autre mais ce n'est aucunement mon rôle.

— Je suis désolée de t'imposer tout ça... J'aurai dû te consulter avant et...

— Céleste, eh, regarde-moi. »

Du bout du pouce, il écrasa la larme qui avait roulé jusqu'à la lèvre de la noiraude.

« En effet, tu aurais dû m'en parler avant que tu voulais faire cette expédition de reconquête. Peut-être qu'à ce moment-là, j'aurai réussi à te faire changer d'avis. Mais concernant Kris ? Tu peux me forcer à faire tout ce que tu veux. Je sais que j'aime bien le rabrouer, peut-être pas aussi franchement que je peux le faire avec Becca, mais c'est notre criquet.

— Comment tu fais pour ne pas me détester... ?

— Parce que je t'aime, mamie. Et aussi dingue que ça puisse sonner, ça ne me viendrait jamais à l'esprit de te détester. D'accord, je suis un peu fâché, je pense que tu peux me comprendre mais c'est pas ça le plus important. »

Non. Le plus important, c'était qu'elle rentre à la maison. Qu'elle soit en sécurité, à la fin de toute chose, qu'ils se retrouvent une fois encore. La colère de Lahssen, il la renvoyait sur les autres. Sur ceux qui n'avaient rien fait pour la faire dévier de sa nouvelle trajectoire, sur ceux qui n'avaient pas tenté de la dissuader.

Mais maintenant, il était trop tard pour se battre contre la terre entière, ça ne servait à rien à part entretenir une rage qu'il contenait depuis trop longtemps.

Et puisqu'il n'avait plus rien à dire, qu'il était inutile de se battre des jours durant, qu'il fallait aussi avancer et accepter les choses dans l'état, l'instructeur s'avoua définitivement vaincu. Il ne pouvait rien contre les décisions, aussi idiotes soient-elles, de Céleste.

Alors il n'avait qu'une seule à faire ; tout en prenant son amie dans ses bras, il soupira dans ses cheveux, grava une fois encore son odeur dans son esprit.

« Rentre. S'il te plaît. Et si tu pouvais, au passage, faire en sorte que Becca et Kris s'en sortent aussi, tu serais plus qu'un amour. Quitte à aller mourir avec eux, autant que vous reveniez en vie tous les trois.

— Promis.

— Et quand tu seras enfin de retour à la maison... Ah, non, c'est stupide de dire qu'on reprendra notre vie comme avant. Il y aura toujours quelque chose...

— Ce n'est pas parce que les choses changent que je ne serai plus jamais « à la maison » avec toi. Tu es ma famille, tout comme Kris et Becca et ça ne changera jamais. Peu importe ce qui arrive, je ne reviendrai jamais sur ce fait là.

— Qu'est-ce que tu parles bien, dis donc. »

Et même s'il avait beau dire qu'il la laissait partir en guerre contre le monde, il ne la lâchait pas. Son emprise se faisait même un petit peu plus forte ; Lahssen avait beau tenter de se convaincre qu'il était « d'accord » avec tout ça, il n'y arrivait physiquement pas.

« Rassure-moi, tu n'as pas fait d'autres conneries durant tout ce temps ?

— Je n'ai tué personne, il me semble...

— Peut-être, peut-être... »

Le simple ton soudainement sarcastique fit souffler du nez la noiraude.

« Cassandre parle trop.

— Je n'avais même pas besoin de lui pour deviner. »

D'ordinaire, elle lui aurait légèrement frappé le bras alors qu'il se serait mis à vociférer ô combien elle méritait mieux que ça ; mais là, il ne frottait que simplement son dos, soupirait par intermittences.

« Si ça te donne une autre raison de rentrer, je n'ai pas le droit de dire grand-chose... Quoique, si, que Zeyn me doit de l'argent et que je devrai faire raquer son frère. Ou peut-être toi ? Dans quel sens vont les dettes, de nos jours ?

— Tu es insupportable.

— Crois-moi, tu préfères ça plutôt que me voir pleurer. »

Elle n'avait pas besoin de le voir pour sentir contre elle son léger sanglot. Même si n'importe qui pouvait passer à n'importe quel moment, le brun s'en moquait bien ; il ne voulait simplement pas laisser partir son amie, se retrouver seul à prier pour qu'elle revienne en un seul morceau.

« Moi aussi je-

— Non. Tu me le diras quand tu reviendras, d'accord ? Parce que si tu me le dis maintenant... Ça sonnera un peu trop comme des adieux. Et ça, je n'en veux pas. »

Du bout des lèvres, il embrassa son crâne.

« Tu me diras que tu m'aimes et que je suis le meilleur quand tu seras de retour à la maison. »

l'expédition de reconquête est pour bientôt, à vos paris ! ; qui vivra, qui mourra ? :D

bon, les choses ont été dites entre céleste et lahssen, contente de voir qu'il ne lui en veut pas trop trop...

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