ㅤ📃 CHAPITRE 58

Levi avait été un magicien. Et peu importe le sort qu'il avait lancé sur Céleste, il soulagea une des blessures dans son cœur. Ça n'effaça pas totalement ce qui dormait au plus profond d'elle mais lui donna un temps de répit. Le soldat n'était peut-être pas des plus doués mais il fit tout de même en sorte de changer les idées de la jeune femme.

Ce n'était rien d'extravaguant ou de grandiose, seulement des gestes simples, couplés à un quotidien de plus en plus terrifiant. Les expéditions avaient repris, entraînant avec elles rituels et prières. À chaque avant-veille de départ, les cinq membres de l'escouade se retrouvaient dans la vieille salle de musique, partageaient un verre puis quelques mots, rigolaient tous ensemble en se demandant ce qu'ils feraient à leur retour. Durant ces heures nocturnes, la jeune femme se perdait dans l'amusement, laissait son esprit vagabonder, lui permettait un instant de répit. Qu'elle ne se concentre pas sur ce qu'il restait, dormait toujours dans les eaux troubles.

Les journées devinrent semaines. Les semaines se transformèrent en mois. Et très vite, presque cinq années passèrent.

Certaines choses n'avaient pas changé, en autant de temps. Les cauchemars étaient toujours là, les discussions sur le toit avaient repris, la deuxième tasse de thé était encore présente. Mais ce n'était plus jamais seul. Demeuraient désormais cette chaleur et douceur qui étaient propres aux mains qui séchaient ses larmes, remontaient sa couverture, serraient ses doigts toute la nuit.

D'autres avaient évolué. On avait fêté des anniversaires, rencontré des familles et amours, coupé des cheveux. Les mots des expéditions s'entassaient dans une boîte précieusement gardée à tour de rôle, passée de mains en mains quand il était l'heure d'y rajouter de nouveaux papiers.

Et en ce début d'été huit cent quarante-quatre, l'escouade était surexcitée. Pour la première fois depuis tout ce temps, un nouveau membre se rajoutait à l'équipe. Cela faisait bien longtemps que Caius n'avait pas eu de nouveau soldat. Mais puisque Lahssen allait bientôt se marier et quitter le bataillon pour vivre enfin sa vie avec sa future femme avant la fin de l'année, l'opportunité s'était présentée et avait été saisie au vol. C'était d'ailleurs assez arrangeant, vu le haut niveau de l'adolescent, placé en neuvième position du classement de sa promotion.

« Tout le monde ! Je vous présente notre nouvelle recrue ! »

Petit comme un moineau, l'adolescent se tortillait de gêne devant tous ces regards brillants près de lui. Il semblait regretter avoir choisi le Bataillon d'Exploration, plus à cause de ces têtes devant lui plutôt que la mort qui l'attendait très certainement. Le plus vieux de cette bande-là avait posé sa main sur son épaule, tout en le présentant avec joie.

« B- Bonjour.

— Ne tremble pas comme ça morveux, on ne va pas te dévorer. Enfin, je crois.

— Ta gueule Lahssen. »

Becca avait frappé son dos d'une grande claque. Le soldat s'en étouffa, avalant sa salive de travers et se mettant à tousser jusqu'à en recracher ses poumons. Cela fit exploser de rire Zeyn tandis que Céleste échangeait un sourire à moitié caché avec Caius. Le nouveau semblait de plus en plus perdu, à mesure que l'hilarité des deux premiers soldats augmentait.

« Jorj, c'est ça ?

— Oui madame.

— Bienvenu dans l'équipe. Viens, on va retourner à l'intérieur, en espérant que les deux-là se calment. Et après, on fera des présentations en bonnes et dues formes. »

Il lui répondit par un simple sourire, tandis que la noiraude l'accompagnait dans le quartier général. Le chef d'escouade les suivait à la trace, abandonnant par la même occasion les trois autres soldats qui séchaient leurs larmes, de rire et de réflexe.

Ainsi, ils lui montrèrent le réfectoire, le couloir pour aller aux dortoirs, par où aller pour rejoindre les terrains d'entraînement... Le petit roux semblait intrigué de voir tous ces lieux et une fraction de secondes, Céleste et Caius surent que le garçon était venu ici par pure « passion ».

Finalement, ils s'installèrent autour d'une des tables de la grande salle commune, où ils attendaient les trois retardataires. Puisque ce n'était pas encore l'heure de manger, pas grand monde ne se trouvait là mis à part quelques soldats qui voulaient discuter tranquillement sans aller dehors.

« Avant que les autres ne nous rejoignent, est-ce que tu as des questions ?

— Non monsieur.

— Tu peux m'appeler Caius.

—Et elle c'est ta future supérieure donc le madame est de mise. Pour le moment c'est moi mais fais attention, dès qu'elle va prendre ma place, on sait tous qu'elle va devenir une véritable tyran. »

Une tête avait surgi sur l'épaule de Céleste, la faisant par la même occasion sursauter. Le brun se faufila entre le chef d'escouade et la noiraude, cette dernière profitant pour frapper son front en soupirant longuement. Jorj mis quelques secondes à assimiler les informations, tandis que Becca s'installait à sa droite et Zeyn à gauche. Tous deux se présentèrent avec un sourire, s'excusant par la même occasion s'ils lui avaient fait peur ou simplement mis mal à l'aise.

Les deux « seconds » en avaient profité pour se chamailler dans leur coin ; elle décoiffait ses cheveux d'un simple mouvement de main en chuchotant avec lui, tandis qu'il se mettait à grogner.

« ... Enfin, ça aurait bien plus simple de t'abandonner pendant une expédition, si une main venait à te manquer, Lahssen.

— Tu mens. »

L'homme avait pris une mine boudeuse, presque vexé, bien que cela fût pour de faux. Caius se pencha pour tapoter son dos, rieur.

« Vous allez faire peur au nouveau vous deux.

— Mais tu l'entends ?! Elle dit qu'elle va me laisser ! Moi !

— Voyons, tu sais bien que jamais notre mamie préférée ne ferait ça.

— C'est sûr, tu ne seras pas au goût des titans.

— Becca n'en rajoute pas ! »

Jorj trouva un semblant de rassurement dans le regard de Zeyn. Du bout des lèvres, il lui murmura un « ne t'inquiète pas » qui le détendit légèrement. Oh, le petit roux allait l'apprendre bien assez vite ; il n'y avait pas de volonté de sauver sa propre peau, ici. Seulement tendre sa main vers le reste de l'équipe pour la soutenir, la sortir d'une mort certaine.

Il lui fallut une seule expédition pour le comprendre. Lui qui s'était dit qu'il tomberait tout de suite sous les dents et le sang ne vit que les lames et les cris des deux noiraudes, leurs mains le forçant à se relever pour retourner sur son cheval et rentrer à la maison.

Il suffit d'une journée de permission en famille pour qu'il réalise qu'il faisait partie de l'escouade. Assis au milieu du jardin de la maison de Caius, il regardait le trio venant des brigades d'entraînement jouer avec le petit-frère du blond, les fiancés mettre la table et le chef d'équipe enlacer sa mère. S'il avait osé, il aurait demandé à ses sœurs de venir aussi, se serait sûrement senti plus à l'aise. Mais quand il voyait les noiraudes sans personne à part elles-mêmes et leur ressemblance, il culpabilisait un petit peu moins.

Très vite, Zeyn lui avait chuchoté de ne jamais leur demander si elles étaient de la même famille. La question ne lui était, en réalité, jamais venue à l'esprit, mais cela le fit sourire malgré tout. Si on lui soufflait ce conseil, cela voulait dire qu'elles avaient trop de fois manger cette interrogation. Comme tout le monde, cependant, il adopta le surnom de « mamie » pour Céleste mais devint surtout proche de Becca. Elle lui faisait penser à sa plus grande sœur ; ça le rassurait.

« Il n'a que neuf ans, ce n'est pas le moment de se poser ce genre de questions.

— Je vous assure que ce morveux va s'enrôler et ma mère s'en arrache les cheveux. Elle dit que c'est de ma faute mais je suis sûr et certain que c'est l'un de vous qui lui a soufflé la mauvaise idée. Lahssen, tu peux tout de suite te dénoncer.

— Tu penses que je veux deux Lecourt au Bataillon d'Exploration ? Tu me suffis amplement. Demande plutôt à ta vieillarde, le merdeux était accroché à elle toute la journée.

— Je t'emmerde. »

Une nouvelle avant-veille d'expédition, une nouvelle soirée dans l'ancienne salle de musique. Jorj était resté avec Becca, regardait avec elle la discussion animée des autres. Il s'agissait plutôt d'un pseudo procès, Caius tentant bon gré mal gré de service de juge dans la bataille.

« Ce n'est pas à cause de moi si le petit est comme son frère.

— Est-ce que ça veut dire que tu t'occuperas aussi de lui quand il sera là ?

— Je deviendrai exprès sa chef d'escouade pour éviter aux autres vétérans ce supplice. J'ai eu la première version, la deuxième ne me fait pas peur.

— Et me laisser seul avec Zeyn et Becca ? Non, non, autant avoir aussi le petiot avec nous, je refuse de perdre notre mamie.

— Tu dis ça parce qu'elle va me remplacer et que personne ne peut m'égaler.

— Je dis ça parce que je refuse de voir la meilleure escouade que j'ai eu de toute ma vie se dissoudre. Bien sûr, si vous pouvez avoir demain vos propres équipes, je serai ravi pour vous mais... si ça ne tenait qu'à moi, je vous garderai tous éternellement. Sauf toi, Lahssen. Tu as une femme qui t'attend à la maison et joli poste dans les brigades d'entraînement à la fin de l'année.

— Tâchons de rester en vie d'ici là ! »

Le rire du brun sonnait plus faux qu'autre chose. Même si une nouvelle voie était totalement dessinée sous ses pieds, tout pouvait malgré tout basculer à n'importe quel moment. C'était ça le plus effrayant dans l'histoire. Parfois, rien ne bougeait pendant des années, aucune nouvelle ne se faisait entendre et tout se brisait le lendemain.

Céleste en savait quelque chose. Tout ce temps passé, il s'était écoulé dans une crainte amère. Parfois, la peur s'apaisait. À d'autres moments, elle revenait. Heureusement, il y avait toujours quelqu'un pour rassurer ses craintes. Restait alors à chaque fois la chaleur, l'assurance que les choses finiraient par s'arranger, que la protection était réelle.

Et ça, la noiraude faisait tout pour le transmettre à son camarade. Qu'il sache qu'il pouvait se reposer sur leurs épaules et qu'ils finiraient très certainement par tout sacrifier pour qu'il puisse s'offrir sa vie rêvée sans plus jamais craindre la mort.

« Si ça se trouve, Kris sera un véritable petit ange. Et très intelligent !

— Mais bien sûr Lahssen. Et tes futurs mômes ne seront pas des emmerdeurs.

— Merci Becca pour cette intervention fort intéressante. J'espère que si tu finis par devoir supporter les deux Lecourt, tu en chies tellement des bulles que tu me regrettes. »

La tête de Zeyn sur son épaule, Céleste regardait ses deux amis s'échanger de magnifiques doigts d'honneur. Et même si Caius soupirait en voyant ses soldats agir ainsi, gêné pour Jorj qui ne savait jamais où se mettre.

Et aux yeux de la jeune femme, si cela devait ressembler à la paix, cela lui allait totalement.

OH L'ELLIPSE ???? ; LES PROMOTIONS ??? ; LE NOUVEAU ??? ; Jorj my beloved, bébé, bébou, must protect ; 

la douceur de ce chapitre, on aime, on adore, on kiffe, c'est si beau, c'est magnifique ; 

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