ㅤ📃 CHAPITRE 49

Le matin de l'expédition, la fébrilité avait pris les tripes du Bataillon d'Exploration. Maintenant qu'elle n'était plus vraiment perdue dans toute son organisation, Céleste voyait plus nettement les soldats se mouvoir, les préparations minutieuses. Harnais sur son corps et équipement tridimensionnel en attente, elle avait accompagné Caius aux écuries pour s'occuper des chevaux. Cela laissait le champ libre aux autres pour finir de s'habiller mais surtout pour remplir toutes les bombonnes de gaz de l'escouade. Il fallait aussi vérifier que les fils n'étaient pas emmêlés, qu'il n'y avait pas de résistance dans les manettes.

La noiraude préférait assurément rester avec les montures.

« Bien dormie ?

— Oui, ça va. Le pire était surtout hier, Becca n'a pas arrêté de se plaindre de son mal de crâne.

— Ah, ça, c'est ce qui arrive quand on boit à ce point. Enfin, le principal est qu'elle aille bien aujourd'hui. Et Zeyn ? Je ne l'ai pas vu depuis la dernière fois. Il est toujours aussi stressé ?

— Non, j'ai l'impression que ça va mieux pour lui. J'imagine que c'est un petit peu comme moi : le stress de la première expédition passé, ça se passe plus facilement pour nous. »

Bien évidemment, l'adolescent n'était pas serein de la situation mais il avait réussi à prendre un petit peu plus de recul, à calmer sa crainte de mourir tout de suite. Il n'était toujours pas prêt à se battre contre une horde de titans, le serait-il un jour ?, mais il n'avait plus vraiment peur de la situation.

Lorsque les cinq chevaux furent prêts, Céleste et Caius sortirent des écuries qui commençaient à être bondées pour se diriger vers le reste de leur équipe. Contrairement à la dernière fois, le vétéran avait demandé à ses soldats de se lever plus tôt que prévu, qu'ils soient un petit peu plus tranquilles et puissent se préparer sans qu'il n'y ait trop de monde autour d'eux. Et si Lahssen avait râlé en comprenant qu'il allait avoir moins de sommeil que d'habitude, tous savaient que c'était pour qu'ils ne paniquent pas dans la foule.

On donna aux deux arrivants leurs équipements et quand tout le monde fut fin prêt, il ne restait plus qu'à rejoindre la formation. Petit à petit, on se rassemblait, se mettait en place pour l'expédition.

Céleste tenta un regard vers Becca. Les deux amies se regardèrent en silence avant que la jeune tende sa main vers son aînée. Leurs doigts se lièrent quelques secondes, continuant la promesse qu'elles s'étaient faites la première fois. Elles allaient s'en sortir.

Ce matin aussi, quand ils arrivèrent devant la porte du Mur Maria, à Shiganshina, ils furent accueillis par le silence sourd des habitants. Espoirs et jugements se mêlaient, dans un poids qui coulait dans l'estomac de la soldate. Elle ne voulait pas rendre ces gens fiers, leur prouver que ce qu'ils faisaient eus du sens ; mais elle se sentait tout de même obligée de se justifier. D'expliquer pourquoi tout cela était important pour l'humanité entière. Pourtant, elle ne pouvait pas le faire. Sûrement car elle-même n'avait pas la réponse à cette question...

« Rappelez-vous. Ne paniquez pas, restez groupés. »

La voix de Caius se voulait rassurante, la plus posée possible. Et alors qu'ils commençaient déjà à galoper dans la plaine, c'était ce dont Céleste avait le plus besoin. Cette fois encore, elle perdit son regard dans le paysage qui s'étendait devant elle, savoura l'air qui rentrait dans ses poumons. Il n'était en rien différent à celui qu'elle respirait habituellement mais le simple fait qu'il soit normalement inaccessible lui donnait un autre goût.

Les troupes se déployèrent rapidement, commencèrent à prendre possession de la plaine. Céleste vit le bras de Caius se lever en l'air puis son poing se serrer : ils restaient ensemble pour le moment mais allaient se distancer un petit peu, pour couvrir un maximum d'espace. Avec le bruit des galops, elle ne l'aurait pas entendu crier ses ordres ; cette manière là de communiquer était meilleure.

Il fallait faire attention aux titans, ici. Même si la zone était dégagée et qu'il était aisé de les repérer, elle était aussi compliquée pour les manœuvres à l'équipement tridimensionnel. Il valait donc mieux éviter le combat, surtout pour les soldats les plus expérimentés. Il fallait cependant bien observer les alentours pour pouvoir mieux cartographier les lieux. Ici, ils étaient déjà venus, ce n'était peut-être pas la peine mais plus loin ? Les soldats avaient une double mission et quelques courageux faisaient déjà quelques dessins à même leur cheval.

Cette fois, l'escouade ne se sépara pas. Ils n'avaient eu à se battre que deux fois mais Lahssen et Caius s'étaient occupés sans grand mal des monstres. Et si les deux noiraudes étaient soulagées de voir que tout se passait bien, l'aînée remarqua tout de même Zeyn qui serrait de plus en plus ses dents. Elle ne savait pas ce qu'il avait, se demandait s'il n'avait pas envie de se jeter dans la bataille, craignait que ce soit le cas.

Quelques heures après leur départ, le Bataillon se rejoignit sur un point en hauteur pour se poser un temps. Un groupe se forma rapidement pour rejoindre les nouvelles données aux anciennes et on commençait à définir une route à suivre. Les autres s'occupaient du repas, servaient ceux qui le voulaient, ou soignaient les blessés qui étaient revenus bon gré mal gré.

Becca et Céleste avaient été affectées au ravitaillement, rechargeaient en silence les bombonnes vides. Que pourraient-elles se raconter, de toute manière ?

« Tenez les filles, vous devez manger. »

Lahssen était arrivé à leur hauteur, avait tendu aux noiraudes un bol et une gourde. Les biscuits secs et insipides du Bataillon se battaient en duel avec deux pommes. La cadette fit une grimace dégoûtée, tout en prenant ce qu'il leur offrait, alors que son amie se saisissait déjà d'un fruit, remerciant le bras droit.

« Beaucoup de pertes ?

— Pas tant que ça. Le Major la joue plus tranquille cette fois, il veut qu'on prenne notre temps. J'imagine qu'il espère qu'on tiendra jusqu'à la nuit pour mieux explorer sans les titans collés à nos fesses.

— Est-ce que c'est une bonne idée ?

— Ça, je ne pourrai pas te le dire. »

L'idée d'explorer dans le noir effrayait légèrement la soldate, même si elle savait qu'ils avaient suffisamment de lanternes et torches pour tout le monde. Croquant dans sa pomme, la jeune femme se demanda ce qu'ils allaient faire maintenant. Elle vit sa camarade s'occuper des bombonnes de leur supérieur, tout en grommelant.

« Merci pour le gaz. Je vais vous abandonner maintenant, je dois retrouver Caius pour savoir ce qu'on va faire après. Ne faîtes rien de stupide pendant que je ne suis pas là les merdeuses.

— Zeyn n'est pas là, ça devrait aller.

— Oh non, lui est occupé à intoxiquer les autres soldats. »

Becca pouffa tandis que Céleste partait ravitailler de nouveaux arrivants. Les gestes étaient devenus mécaniques mais elle vérifiait à chaque fois minutieusement qu'elle faisait tout correctement. Elle ne voulait pas être la raison de la mort de personnes qui ne lui avaient rien demandé.

« Tu as besoin d'aide ?

— Non, va te reposer. Je t'appellerai s'il faut. »

Même si sa cadette avait récupéré de sa cuite de la veille, elle savait qu'elle avait malgré tout moins d'énergie que d'habitude. Alors elle la laissait souffler au fond de la tente, se chargeait de tous ceux qui venaient lui demander du gaz.

« Tout se passe bien pour toi ?

— Mieux que la dernière fois. »

Cela ne l'étonnait pas de voir Levi devant elle : le soldat était bien plus expérimenté qu'elle, s'était sûrement battu pour éviter que des titans ne pénètrent dans leur formation. Mais ça l'inquiétait tout de même de savoir qu'il avait été face à la mort.

« Finalement, je regrette un peu de ne pas être restée la dernière fois, Becca a ronflé toute la nuit.

— Je te l'avais dit. »

La peur de ne pas être avec son amie au cas où elle soit malade durant la nuit avait été l'excuse de Céleste pour qu'elle ne finisse pas par dormir dans son lit. L'autre raison était bien évidemment qu'elle ne voulait pas se retrouver à nouveau dans ses draps, se rendre compte de son odeur et sentir sa présence à l'autre bout de la pièce.

« C'est tout bon. Aucun problème avec ton équipement ?

— Non, ça, ça va. Je venais juste pour le gaz.

— Alors tu peux y aller. Tu as mangé ?

— J'y vais. Et toi ?

— Lahssen nous a apporté des rations, ça devrait faire l'affaire. Je n'ai pas trop faim de toute façon, je pense que ça s'arrangera à notre retour. »

Le noiraud hocha lentement sa tête.

« Est-ce que je devrai préparer une tasse pour toi ?

— Peut-être. »

Elle ne savait pas si elle allait le retrouver le soldat juste après leur expédition mais quelque chose lui disait que oui. Sûrement parce qu'elle se doutait bien qu'une fois encore, elle ne retrouverait pas le sommeil de sitôt. Levi secoua une nouvelle fois sa tête de haut en bas et sortit de la tente de ravitaillement.

Le Bataillon d'Exploration resta un moment sur leur campement rapide et il était le début de l'après-midi lorsqu'ils se décidèrent à partir. Le Major annonça qu'ils allaient à l'Est et recherchaient une forêt d'arbres géants. Tous comprirent l'idée : s'ils devaient passer la nuit quelque part, il valait mieux être dans cet endroit en hauteur et permettant une meilleure utilisation de l'équipement. De toute manière, ce type de bois était le lieu typique pour l'entraînement, personne n'allait être trop dépaysé.

Prenant à nouveau la route, l'escouade de Céleste se retrouva rapidement et se remit à galoper dans la plaine. Caius donna une nouvelle l'ordre de rester groupé, au moins pour le moment. Il fallait la jouer sécurité, s'ils voulaient arriver à bon port.

Ils restèrent ainsi un moment, on mit au sol un titan sur le chemin, inspectaient les environs à la recherche de la forêt. Soudain, le chef de l'équipe pointa une colline assez haute puis leva son bras, fit un cercle en l'air avec son index. Il était temps de se séparer, de s'enfoncer dans l'inconnu. Très vite, Lahssen et Becca partirent, laissant les trois autres seuls. Ce n'était pas idéal mais il ne fallait pas perdre de temps. Céleste repéra leur lieu de retrouvailles s'ils perdaient la formation, fut étonnée que son supérieur trouve un point repérable aussi rapidement.

Toujours au galop, la jeune femme commençait à se demander ce qu'il adviendrait si elle devait se battre dans ces conditions. Elle ne savait absolument pas si elle allait y arriver et ça l'inquiétait ; elle priait alors, un peu malgré elle, de rentrer sans jamais combattre ou avoir du sang sur les mains. 

jokes on you céleste, t'as cru que ton expédition allait bien se passer ? 

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