ㅤ📃 CHAPITRE 48

La crainte d'être isolée dans la plaine prenait souvent le ventre de Céleste. Elle ne savait si elle réussirait à garder son sang-froid sans ses camarades, mais elle voulait tout de même y croire. Se donner l'impression qu'elle était capable de se débrouiller sans eux. Mais Lahssen avait raison, ils devaient trouver un moyen de communiquer s'ils venaient à être séparés. Levi lui avait mentionné, une fois, la technique que mettait au point son chef d'escouade. Il n'avait pas l'air furieusement emballé par l'idée mais suivait son supérieur, faisait confiance en son jugement.

Et elle s'était dit que ce n'était pas une mauvaise idée, les fumigènes.

« Je refuse de finir comme la dernière fois et de vous perdre. Cette fois, on reste ensemble. Comme l'a suggéré notre mamie, nous désignerons un endroit où nous retrouver. Si possible en hauteur et assez dégagé pour que, un, vous puissiez voir les autres et, deux, les autres puissent vous voir. Je veux surtout éviter de vous courir après des heures et qu'on se tourne autour en boucle. Si la météo nous pose problème, que vous êtes en situation de détresse ou vraiment, et j'insiste sur le mot, vous êtes dans une urgence absolue, utilisez un fumigène. De préférence un noir. Au mieux, l'un de nous le verra, au pire quelqu'un d'autre comprendra qu'il y a un problème. Est-ce que ça vous va ?

— J'imagine qu'on ne peut pas faire mieux.

— Et rappelez-vous. Même si nous avons offert nos cœurs à l'humanité, ma priorité est de rentrer avec vous quatre à la maison. Ne tentez aucune folie. Céleste, tu es la seule réveillée actuellement donc tu diras bien ça à tes amis : faîtes nous confiance. Vous pouvez et devez croire en nous.

— Ça coule de source. Ne t'en fais pas Caius, nous avons tous les trois compris ce principe. »

Un rappel à l'ordre ne faisait cependant pas de mal. La noiraude savait que ses deux aînés feraient tout pour les garder en vie et ça lui suffisait amplement. Sur son épaule, Becca avait sombré et elle craignait devoir la traîner sur le trajet jusqu'à leur dortoir.

Les trois encore réveillés discutèrent encore un peu jusqu'à ce que le chef d'escouade décide qu'il était l'heure pour son escouade de dormir. Il rappela aux deux de bien se reposer le lendemain, demanda à la jeune femme de bien surveiller ses camarades assommés, qu'ils ne fassent rien de stupide la veille d'une expédition. Puis, il attrapa l'endormie et demanda à son bras droit de ramener l'adolescent dans sa chambre, le plus délicatement possible. Et il avait bien insisté sur ce point.

Désormais dans le couloir, Caius et Céleste marchaient à pas de loup. Son supérieur lui avait demandé de tout laisser dans la salle de musique, il rangerait après l'avoir raccompagnée. Ne voulant pas réveiller ceux qui dormaient depuis longtemps, ils ne discutaient pas. Ce n'était pas la peine qu'ils le fassent, ils comprenaient les pensées de l'autre.

Devant la porte de leur dortoir, l'aîné confia à la jeune femme son amie qu'elle soutint du mieux possible sur son épaule.

« Repose toi. Pas d'entraînement.

— Je sais.

— Et merci d'avoir motivé les autres à écrire quelque chose.

— C'est normal. Je n'allais pas rester les bras croisés à regarder tes efforts partir en fumée.

— Même. Ça m'a touché. Tu es une bonne personne, Céleste. »

Un sourire gêné passa sur les lèvres de la noiraude. Les éloges, elle n'en avait rien à faire. Elle voulait juste que tout le monde s'entende bien...

« Claude serait fier de toi.

— Tu penses ?

— Je ne l'ai pas vraiment connu. Mais si tu avais été ma sœur, je l'aurai été. Et de ce que je sais du personnage, il n'en aurait pas pensé moins. Dors en paix, mamie.

— Toi aussi. »

Céleste regarda plusieurs secondes son supérieur partir avant d'entrer dans le dortoir. Surprenamment, elle vit que leur colocataire ne dormait pas, était assise sur son lit en hauteur, occupée à lire un livre.

« Tu as besoin d'aide pour la coucher ?

— Non, je vais la mettre sur mon matelas, je n'ai pas la force de la soulever. »

Elle ne voulait pas dormir au-dessus mais savait qu'au moins, si Becca vomissait tout ce qu'elle avait bu, elle aurait directement le sol pour tout accueillir et non le vide. L'endormie ne fut pas mise en pyjama et fut presque jetée dans les draps, encore en uniforme. C'était de sa faute, elle n'avait qu'à faire comme son amie et se doucher après le dîner. Elle, au moins, ne sentait pas le fauve.

La jeune femme demanda ensuite à la soldate encore debout quelle heure était-il et elle fut étonnée de voir qu'il n'était pas si tard. Minuit n'était pas encore passé ; ils avaient commencé leur soirée plus tôt que prévu. Céleste n'avait pas encore assez sommeil pour s'allonger tout de suite dans le lit de sa camarade mais elle ne voulait pas rester ici, entre les ronflements de la noiraude et le silence pesant de la troisième.

Elle lui demanda alors si ça ne la dérangeait pas qu'elle lui laisse Becca et elle fut soulagée d'entendre un « si elle vomit, je m'occuperai d'elle ». Bien sûr, elle lui assura qu'elle le lui revaudrait ça mais la demoiselle lui souffla que ce ne serait bientôt plus la peine.

Ignorant la remarque, qui voulait soit dire qu'elle pensait que l'une d'entre elles viendrait à mourir durant l'expédition ou qu'elle allait quitter l'armée, elle sortit du dortoir et prit naturellement le couloir vers le toit. Pourtant, à mi-chemin, elle s'arrêta. Là-haut, elle allait être seule. Et ce n'était pas la solitude qu'elle cherchait. Levi était très certainement dans sa chambre, à l'heure actuelle.

Un pivot, nouvelle route. C'était uniquement la deuxième fois qu'elle y allait et la première, elle avait été emmenée par le noiraud, mais elle savait où aller.

Cependant, quand elle arriva devant la porte, elle hésita. Et si elle ne dérangeait ? Le doute la prenait toujours et ça l'agaçait. Il fallait qu'elle ose, qu'elle comprenne qu'elle avait le droit et... Son poing avait agi. Le « Entre » se fit entendre presque aussitôt et quelque chose dans son esprit lui fit comprendre qu'il lui était directement adressé. Elle abaissa la poignée et ouvrit, curieuse.

Le regard qu'elle échangea avec Levi répondit à sa question ; il savait d'avance que c'était elle.

« Je suis si prévisible ?

— Personne n'ose déranger un vétéran à cette heure.

— Tu préfères que je parte ?

— Reste. »

Sur son bureau, plusieurs papiers. Des rapports ? Sûrement. Elle n'avait pas envie de savoir, ça ne la regardait pas. Par contre, elle remarqua deux choses : l'enveloppe où un sceau rouge avec des bois de cerf et une tasse vide posée à côté d'une remplie et d'une théière. Le soldat capta sa curiosité.

« Une vieille lettre de ton frère que j'ai laissé trop longtemps de côté.

— Quoi, il te demandait dedans de me surveiller ?

— Ça, je te laisserai lui demander.

— Et la tasse ? Une double envie de boire ?

— Je me suis simplement dit que cette fois, je ne l'oublierai pas.

— Tu savais donc que j'allais venir. »

Il ne répondit pas. Céleste fut presque déçue. Qu'espérait-elle comme réplique ?

« J'espérais que ce serait le cas. Je savais que tu étais avec ton escouade, ce soir, mais j'avais quand même envie que tu passes par là.

— L'habitude ?

— Sûrement. »

Ils se voyaient désormais presque tous les soirs. Même pour la noiraude, ça avait été bizarre de ne pas le retrouver sur le toit. Elle prit place sur la chaise en face de lui et le regarda remplir sa tasse. L'odeur du thé était familière et elle sourit en comprenant duquel il s'agissait.

« Comment tu te sens ?

— Plus apaisée que la dernière fois. Je n'ai pas moins peur de partir en expédition mais je crois en mon escouade. Je sais que nous rentrerons. »

L'odeur de la boisson lui montait au nez. Demain, elle allait se reposer, vider son esprit avant le grand jour. Elle avait beau être confiante, il ne fallait pas qu'elle devienne inconsciente. C'était une mauvaise idée qu'elle perde tous ses apprentissages soi-disant parce qu'elle croyait en son équipe. Levi semblait comprendre son raisonnement puisqu'il s'était mis à hocher de la tête.

« Sans vouloir être indiscret... Tu as bu ?

— Je sens tant l'alcool que ça ?

— Non. C'est surtout que j'ai vu ton amie et l'autre con se promener dans les couloirs avec des bouteilles, ça m'a intrigué.

— Et quoi ? Tu penses que je ne serai pas en forme pour l'expédition ?

— Loin de là. Et si là maintenant tu es ivre, je pense qu'on va s'en sortir.

— Je n'ai rien bu. Mais Becca et Zeyn sont rincés. Lahssen a ramené le môme dans son dortoir.

— Et la seconde ?

— Dans mon lit. Je n'ai pas réussi à la porter. »

Levi souffla du nez, l'air de se moquer. C'étaient les plus jeunes qui finissaient à terre, visiblement.

« Alors quoi ? Tu es venue ici pour profiter de mon lit ?

— Quoi ? Non ! Je voulais juste te voir !

— Ça ne me dérange pas, tu sais.

— Et toi ? Ne me dis pas que tu vas rester sur ta chaise.

— Tu préférerais que je te rejoigne, peut-être. »

Avait-il fait exprès de presque chuchoter sa phrase au moment où Céleste portait sa tasse à ses lèvres ? Elle n'en savait rien. Mais elle manqua de boire de travers en l'écoutant et le fusilla du regard. Déjà qu'elle avait peiné à vaincre sa gêne d'être proche de lui sur le toit, il osait formuler cela ? Le pire était son visage sérieux, dénué de moquerie ou de flirt. Si ça avait été Lahssen, elle aurait tout de suite vu qu'il se moquait d'elle et elle l'aurait grondé. Pourtant, là, le soldat posait honnêtement la question. Valait-il mieux qu'il dorme avec elle, si elle ne voulait pas qu'il soit à son bureau ? Ou peut-être suggérait-elle subtilement qu'il aille par terre, à même le parquet...

« Tu te moques de moi !

— Loin de là. Je te le demande honnêtement. Si là, dans une heure, tu finis par sombrer ici, qu'est-ce que je fais ? Je t'abandonne ici ? Je te porte jusqu'à ton dortoir ? Je te mets dans mon lit ? Et moi ? Je reste ici ? Je te rejoins ?

— Je... Je ne sais pas.

— Alors le mieux serait de me laisser agir. Certes, la chaise n'est pas le lieu le plus confortable que j'ai connu mais j'imagine que ce n'est pas le type de situation qui va éternellement se reproduire. Je peux supporter ça les rares fois où tu seras là.

— Je ne veux pas que tu sois mal à l'aise parce que je suis là...

— Ta présence n'a jamais été inconfortable. »

La phrase fit écarquiller les yeux de la jeune femme. Elle n'était pas si puissante, ne lui avait rien fait découvert. Mais l'entendre lui faisait réaliser quelque chose : depuis le départ, depuis qu'ils se connaissaient, il ne lui avait jamais fermé la porte. Elle hésitait juste à venir alors qu'elle avait toujours été la bienvenue auprès de lui...

Peut-être qu'elle avait trouvé des frères et sœurs dans son escouade, mais elle avait découvert bien plus en face du soldat. Cassandre avait eu raison, il était un allié en qui elle pouvait faire aveuglément confiance.

Mais s'était-il douté qu'elle voyait désormais en lui une figure plus qu'amicale. À la veille de sa deuxième expédition, Céleste avait l'impression d'enfin comprendre pourquoi son aîné était tombé pour Serena.

Parce qu'elle avait chuté pour Levi, en était désormais parfaitement consciente. 

eh j'espère vous profitez de ces chapitres "feel good" parce que moi oui et que le prochain c'est l'expédition pouaha ;

céleste qui affirme enfin qu'elle est amoureuse de levi (non non juste un crush de jeunesse qu'elle vous aurait dit avant ou "rien qu'un ami oupsi"), ma passion 

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