ㅤ📃 CHAPITRE 46
« Je ne savais pas que tu buvais. »
La déclaration soudaine manqua de faire sursauter Céleste. Assise sur le rebord du toit, les jambes battant dans le vide, elle n'avait néanmoins pas tourné sa tête pour voir qui venait d'arriver. Elle le savait parfaitement. Dans un haussement d'épaules, elle essuya sa joue trempée, renifla en même temps. L'action sembla déconcerter Levi, avant de l'inquiéter. L'avait-il déjà vue de la sorte ?
« Qu'est-ce qu'il se passe ? »
La noiraude ne lui répondit pas. Ou en tout cas pas directement. Son regard se dirigea plutôt vers une petite carte, posée là sur le rebord, près de la seule bougie du coin. Le soldat s'en saisit et lu les quelques lignes. Il comprenait mieux, maintenant.
Dans un soupir, il reposa le fairepart, l'annonce malheureuse du mariage de Cassandre. Il savait pourtant que la soldate aurait pu y aller mais était aussi conscient que ça aurait pu finir en aller simple, qu'elle aurait pu ne jamais rentrer au quartier général. Et puis, au fond de lui-même, il ne voulait pas la savoir à cette fête, là où père, ancien fiancé et autres idiots se trouveraient aussi. Même si pour cela, elle devait manquer le jour le plus heureux de la vie de son frère.
« Je suis désolé pour toi. »
Levi posa sa main sur l'épaule de Céleste, conscient que cela n'allait pas la réconforter. Mais au moins, elle savait qu'elle pouvait compter sur lui pour essayer de lui changer les idées. La jeune femme posa sa joue contre ses doigts, signe qu'elle appréciait le geste. Doucement, il s'installa à ses côtés, ne voulant pas trop l'effrayer ou la brusquer. C'était la première fois qu'il la voyait ainsi et il avait presque peur de cette facette-là. La soldate leva ses mains, les fixant en tremblant, comme si elles allaient se jeter sur elle.
« Tu sais, quand il m'a dit de partir moi aussi, je ne pense pas qu'il avait pris cet événement en compte. On s'était toujours promis de rester les uns pour les autres, soudés coûte que coûte, tous les trois. Quand Claude est parti, il n'y avait que Cassandre et moi. Mais on ne pouvait pas faire face. Je ne pouvais pas, en tout cas. Je suis partie parce que c'était plus simple de disparaître ici. Si je m'étais évanouie dans la nature, on m'aurait retrouvé et enfermé dans une chambre jusqu'à mon mariage.
— Et jamais ne vous est venu à l'esprit l'idée que tu pouvais mourir à n'importe quel moment ?
— N'ai-je donc jamais le droit d'être idiote ? »
Il fallait le dire, jamais elle n'avait pensé à cette éventualité. Mais elle avait tellement envie de survivre, le temps que son frère prenne la tête de la famille, qu'elle se disait bien qu'elle pouvait être surpuissante. Et maintenant que Becca était sans cesse avec elle, qu'elles se serraient les coudes, elle ne craignait plus rien. Céleste soupira, reposant ses mains sur ses cuisses.
« Mais je dois bien te l'avouer, je donnerai cher pour pouvoir danser avec mon frère. Rien que ce soir. Même juste une fois. Il me manque. »
Et elle se mit à pleurer de plus belle, serrant ses dents malgré tout. Même si elle ne le disait pas, elle se sentait honteuse d'offrir un tel spectacle à Levi. Elle qui se tenait toujours aussi droite et fière lâchait totalement prise. Elle avait pourtant retenu toute la journée cette boule d'angoisse dans sa poitrine, avait supporté les dents serrées l'entraînement et les repas, s'était même tâtée d'aller tout de suite dormir. Mais elle l'avait su au moment où elle avait fini de dîner, elle avait besoin d'évacuer.
Du coin des yeux, elle vit le soldat se saisir de la bouteille de vin et en boire plusieurs gorgées. Lui aussi avait besoin de noyer son chagrin ? Tient, elle ne l'avait jamais vu boire, elle aussi. Il finissait déjà la bouteille, la terminait peut-être un peu trop vite.
Il croisa un instant son regard, alors que de nombreuses questions brûlaient à ses lèvres. Est-ce qu'il avait, lui aussi, perdu quelqu'un ? Quels étaient ses regrets ? Les questions lui brûlaient les lèvres mais rien ne venait ; malgré tout ce temps passé ensemble, Céleste n'avait toujours pas eu l'audace de dépasser certaines limites. Lui demander ce qu'il ressentait à propos de son ancienne vie en était une.
Le soldat se leva soudainement et un instant, elle se dit qu'il la laissait là, lassé de l'écouter pleurnicher. Et il avait bien raison, tiens, elle devait être insupportable à ne jamais réfléchir comme il le fallait.
« Viens. »
La jeune femme releva sa tête, regarda la main que lui tendait le noiraud. Ni un sourire rassurant ou une parole tranquille ne vinrent à elle et elle se demandait bien ce qu'il mijotait. Voulait-il l'emmener loin d'ici ? Peut-être dans sa chambre pour boire un thé ? Hésitante, la jeune femme toucha ses doigts, attendant un geste de plus. Elle était surprise de ce contact, apprécia néanmoins le contact de leur peau ; contrairement à elle, ses doigts étaient beaucoup plus secs. Finalement, il ne fit que l'aider à se relever, elle qui titubait déjà malgré quelques gorgées de vin.
Enfin à sa hauteur, elle attendit qu'il agisse, qu'il dise quoi que ce soit. Cependant, il ne disait toujours rien et Céleste patientait dans le vide. Quelle idée saugrenue avait-il derrière la tête, cette fois ?
« Je ne suis pas Cassandre. Au contraire, je suis un très mauvais danseur.
— Qu'est-ce que tu racontes.
— C'est son mariage, aujourd'hui, non ? Même si tu n'es pas avec lui, physiquement, toutes tes pensées sont tournées vers lui. Et le connaissant, les siennes sont dirigées vers toi. À l'heure actuelle, il doit se demander ce que tu fais, si tu dors correctement, si tu manges, si tu as reçu sa lettre. Es-tu triste ? Dévastée ? En colère contre le monde ? Peut-être devrait-il te relancer. Ça fait longtemps qu'il ne t'a pas parlé. C'est sûrement ce qu'il se dit. Peut-être qu'il craint ne t'avoir offensée, en t'informant de cet événement. Moi, tout ce que je sais, c'est qu'aux mariages, on danse.
— Où est-ce que tu veux devenir avec ces grands discours ?
— Je te l'ai dit, je suis un très mauvais danseur. Et l'alcool n'arrangera rien. Mais si te faire tourner quelques fois, en te faisant croire que tu es avec ton frère, peut te rendre un peu plus heureuse, ou en tout cas te faire arrêter de pleurer, je veux bien. Ce ne sera pas forcément la meilleure danse qui soit mais je compte sur toi pour nous guider un minimum. »
Céleste comprit facilement ce que Levi proposait, un peu maladroitement. Ce n'était pas dans son caractère d'agir ainsi, mais elle mettait cela sur le compte de la bouteille déjà finie. Et puis, elle n'irait pas refuser une danse avec lui, loin de là. Pire, un sourire touché fendit ses lèvres trempées et elle hocha sa tête de haut en bas.
Confuse au possible, la jeune femme montra à son ami des pas basiques, où poser ses mains, leur donna un rythme à suivre. Mais l'alcool les avait déjà sifflés et ils se marchèrent très vite sur les pieds. Pourtant, ce n'était pas grave.
La noiraude s'y voyait, à cette soirée. Elle aurait été une demoiselle d'honneur, peut-être chargée d'emmener les anneaux au nouveau couple. Assurément, elle aurait fait un discours, émouvant au possible, où elle dirait à quel point Cassandre et sa douce étaient adorables tous les deux. Puis elle les aurait regardé danser, tous les deux, réellement amoureux et aurait fini par valser avec son frère. Les enfants Fosten, au milieu de cette piste, répétant des pas qu'ils avaient appris par cœur. Plus pour se souvenir de Claude qu'autre chose, ils auraient tourné plusieurs fois entre tous ces spectateurs, se remerciant à nouveau d'être là encore aujourd'hui l'un pour l'autre.
Mais aujourd'hui, Céleste n'était plus là et l'héritier était tout seul. Il n'avait plus sa fratrie un peu bancale, leurs rires et leur danse maladroite. Les larmes aux yeux, la noiraude se laissa porter. La nuit était douce, il ne faisait pas trop froid. Et la boisson semblait la réchauffer un petit peu.
Alors, ils se mirent à esquisser quelques pas, s'inventant par la même occasion une musique qui n'existait pas. Ou qui ne se jouait que pour eux, dans leurs esprits déjà embués. Et, comme pour lui faire oublier cette danse qu'elle ne pourrait jamais savourer, il la fit tourner distraitement.
« Il me manque. »
Il écoutait tranquillement ses plaintes, les murmures qu'elle soufflait de temps à autres, fatiguée par un peu tout ce qu'il se passait. Parfois, elle voulait remonter en arrière, ne jamais agir, se contenter de la vie qu'on lui avait toujours promis. Car même si c'était ce qu'ils avaient convenu, elle regrettait quelque part ses gestes, choix et tout ce qui en découlait désormais. Elle avait dit non à tout ce qui aurait pu être merveilleux ce soir et se retrouvait ici, aux côtés du plus piètre danseur qui soit.
Pourtant, il la faisait tout de même valser bon gré mal gré. Lui aussi semblait triste, bien qu'il fût plus alcoolisé qu'autre chose.
Levi marcha une nouvelle fois sur les pieds de Céleste. Du bout des lèvres, il s'excusa, plus confus qu'autre chose. Pourquoi n'arrivait-il plus à se coordonner ? La noiraude pouffa, ce n'était pas grave. Elle semblait rire, maintenant, alors qu'elle se balançait de droite à gauche. Tourner encore et encore leur donnait la nausée et ils faisaient désormais du surplace, bougeant leurs bras plus ou moins vigoureusement, comme s'ils brassaient de l'air.
Et puis, doucement, le soldat colla son front contre celui de la jeune femme, comme pour l'empêcher d'avoir le vertige, de vomir. Elle était brûlante.
Que pouvait-il faire ? Comment apaiser cette peine qu'elle taisait tout le temps ? Il n'avait pas la réponse et ça l'agaçait.
« Tu crois qu'il est heureux ?
— Pourquoi ne le serait-il pas ? »
Céleste hocha sa tête, s'éloignant petit à petit du front de Levi. Il avait raison ; Cassandre était forcément heureux. Peut-être triste, au fond de lui, de ne pas avoir sa sœur mais ça ne devait pas surpasser le bonheur qu'il devait ressentir. Et puis, même s'il ne le disait pas, elle le savait. Elle devait avancer, arrêter de croire qu'elle aurait pu tout changer. Il fallait qu'elle assume. Si on lui avait donné la possibilité de partir, ce n'était pas pour qu'elle revienne aussitôt.
Alors, doucement, elle se mit à sourire. Pour elle. Pour eux deux. Une nouvelle fois, Levi la fit tourner, à lui en donner le tournis, faire revenir les vertiges et la nausée. Mais elle s'en moquait, elle savait qu'il la rattraperait si elle venait à tomber, perdre tout son équilibre, pourquoi pas pleurer à nouveau à cause de sa tête qui la lançait.
Elle haïssait sentir au plus profond de son cœur tout l'ouragan qui se déchaînait, la colère qu'elle ne pouvait exprimer.
« Tu n'es pas obligée de te retenir, tu peux laisser aller. »
Alors, enfin, quand elle se laissa tomber dans les bras de son ami, inondant son haut de larmes salées, son cœur s'apaisa un peu. Car quelqu'un entendait ce qui la faisait souffrir toujours un peu plus, qu'elle détestait tout ce qu'elle avait fait dans sa vie, qu'elle aurait préféré rester chez elle, bien au chaud, loin du danger. Mais qu'elle maudissait aussi ce qu'elle serait devenue sans tout ça. Doucement, Levi passa presque timidement sa main dans son dos, le tapota sans vraiment savoir quel effet cela avait.
Etpuis, elle regrettait de savoir que demain, tout allait être ignoré, remisédans une case de l'esprit, loin de tout. Et que seule restera une pensée, uncoup d'œil, un souvenir caché.
depuis combien de temps céleste n'a pas pleuré ? ;
moment un petit peu inévitable de l'histoire, ç'aurait été étonnant qu'elle ne réagisse pas autrement le jour du mariage de son frère ; ce qui est étonnant c'est plutôt ce qui lui arrive mais, en même temps, je suis pas là pour enfiler des perles ;
enfin, maintenant, concentrons-nous sur le principal de ce chapitre et que dire ? ;
déjà, je l'ai écrit sur la première version de cette ff, il y a fort fort longtemps mais je n'avais pas pu le publier parce qu'il devait être un flashback et je n'ai jamais atteint ce stade ; là, on peut se permettre de l'inclure maintenant parce que c'est une histoire qui suit un ordre chronologique et qu'est-ce que je suis heureuse de vous le présenter !! ;
pour faire un petit peu de parlotte, ce chapitre signe un véritable tournant dans la relation entre céleste et levi et on peut dire qu'ils en ont pris du temps pour y arriver ! ; on n'est pas encore au bout du chemin, on n'est même pas sur la saison 1 de l'anime, mais ça avance, petit à petit... ;
les barrières de céleste tombent, celles de levi aussi ; ce n'est pas encore l'heure des déclarations mais ça ne saurait tarder.
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