ㅤ📃 CHAPITRE 45

En arrêtant le trafic, Charles-Henry ne s'était pas fait que des alliés. Tandis qu'il cherchait dans ses tiroirs les fameux registres, Giovani expliqua à Céleste et Levi que la famille Fosten avait représenté pendant de nombreuses années le plus gros chiffre d'affaires des lieux. Le fait que ses trois enfants n'aient pas été envoyés ici avaient bousculé leur organisation et plusieurs clients avaient limité leur visite dès lors.

La noiraude avait tiqué en entendant parlé de trois enfants. Lorsqu'elle demanda à l'homme en costume de préciser s'il entendait les garçons et les filles, il la regarda avec un sourire, hocha sa tête. Et tandis qu'il posait sur son bureau deux énormes carnets remplis, il se pencha vers elle.

« Poulette, ne crois pas que ton papa t'a tout dit. Si tu savais combien de gamines de ton genre j'ai vu passer ici. Moins que les frères, ils trempaient partout, mais elles finissaient toujours par y passer à un moment.

— Et tout est là ?

— Bien plus encore.

— Où est la cour du fond ?

— Oh, poulette, tu n'es pas prête à voir ça.

— Je croyais qu'on était clair. Tu veux m'aider, visiblement, ne t'arrête pas en si bon chemin.

— Très bien. Mais tu auras été prévenue. Premier couloir à droite et toujours tout droit. Je peux laisser tes registres au chien de garde ?

— Fais attention, il mord. »

Et tandis que Giovani regardait avec une certaine crainte Levi, Céleste suivait la direction indiquée. Peut-être qu'elle aurait dû attendre son ami mais elle n'avait pas envie qu'il voit la chose en même temps qu'elle.

C'était quelque chose qu'elle devait découvrir seule.

Lorsqu'elle arrivait au bout de son couloir, elle s'arrêta devant une porte plutôt miteuse. Derrière cette dernière, elle sentait un faible courant d'air, le signe qu'il y avait l' « extérieur » de l'autre côté. De plus en plus tremblante, elle baissa la poignée, pénétra dans une petite cour sale.

Au premier coup d'œil, on ne remarquait rien d'étrange. Mais quand on regardait mieux, on pouvait voir que l'un des murs n'était pas complet, dissimulait une partie de la cour. Pas à pas, l'instructrice s'y dirigea, passa derrière. Les lieux s'étendaient encore sur plusieurs mètres, étaient seulement « meublés » par des poubelles et une sorte de grand âtre. Ce dernier était éteint mais le bois par terre lui faisait comprendre qu'il avait servi. Était-il utilisé en hiver, quand il fallait se réchauffer ? Après tout, il était collé contre le bâtiment, il devait certainement y avoir de quoi diffuser sa chaleur dans les fondations.

Seulement, plus elle s'approchait de la chose, plus elle sentait quelque chose d'anormal. Lorsqu'elle fit le tour, elle le vit : un grand parterre délimité par des lignes au sol, s'étalant sur plusieurs mètres. La terre ne semblait pas avoir été remuée depuis un moment mais elle constatait parfaitement qu'on l'avait travaillée de nombreuses fois...

Céleste s'arrêta devant le monticule. Quelques petits tas créait du relief et elle voyait bien sa couleur, ce qui avait été mal caché. À en jauger par sa taille... Ce n'était pas tombe d'une seule personne.

« Je sais, je sais, c'est terrible. Mais bon, c'était soit ça, soit la rue. En tout cas, l'âtre était pratique.

— Pourquoi les garder ici... ?

— Pour les mères. Elles ont un endroit où se recueillir. Tu sais, dix ans, ça laisse le temps de s'attacher au gamin.

— Et vous avez accepté ça ?

— Poulette, l'argent fait loi ici. Et puis, ces gamins, c'étaient des bouches de trop à nourrir. Ils n'étaient que des parasites.

— Alors pourquoi Bénédict est resté en vie ? Et les autres ?

— À l'époque, mon prédécesseur s'est fait avoir par la malice d'une pute. Ça a sauvé sa fille puis sa fille après elles. À l'heure actuelle, elles ont dû sauter, cependant. On ne reste jamais vraiment en vie ici sans soutien. Pour le merdeux, par contre... Il nous a eu. Il a réussi à faire croire à ton paternel qu'il était ce qu'il voulait et a réussi à s'échapper. Tellement doué qu'il a fait récupérer sa mère récemment.

— Et tous tes prédécesseurs ont fait ça ? Depuis combien de temps ton entreprise dure ?

— Ne crois pas que je faisais ça de gaieté de cœur. Mais la vie est ainsi ici et les enfants, c'est pas quelque chose qu'on veut. De toute manière, la plupart des mômes étaient étouffés par leur mère quand elles comprenaient qu'ils n'étaient pas leur ticket pour leur sortie. »

La manière qu'il avait de dire les choses lança un long frissonnement dans sa colonne vertébrale. Ni pitié ou compassion, il n'y avait que l'idée d'avoir gagné de l'argent dans cette histoire, d'avoir trouvé son compte à la fin.

« Tu as tout ce que tu voulais, poulette. Ton chien de garde t'attend à l'entrée, je ne pense pas qu'il avait besoin de voir ça.

— Tu sais que je vais devoir mentionner ce fait là aussi ?

— Le temps que des soldats descendent ici... On sera déjà parti ailleurs.

— Je m'en moque. Je ne veux faire tomber qu'une seule personne.

— Ah ça ! Tu le verras dans les registres mais le merdeux n'est pas le seul. J'espère que tu ne l'apprends pas.

— Je ne suis pas stupide.

— Ça, je l'avais bien vu. »

Céleste évita soigneusement de croiser le regard de l'homme. Elle sentait cette observation fine sur son corps, ses longs arrêts sur ses courbes, la proposition qui pendait au bout de ses lèvres.

« Je vais partir. Merci pour ton aide. »

Elle fit un pas en arrière. Elle devait partir, retrouver Levi. Venir ici sans lui avait été une très mauvaise idée. Elle vit le mouvement de bras de Giovani vers elle, l'évita en se décalant sur le côté.

« Ce service n'était pas gratuit, tu le sais.

— Si c'est de l'argent que tu veux-

— Non, non. Pas toi. Les hommes payent avec leur bourse. Les femmes les vident.

— Je t'ai déjà dit que je n'étais pas là pour te servir de pute.

— Il fallait y penser avant de venir dans mon bordel. Je ne te mentais pas quand je te disais que les clients allaient bientôt arriver. Peut-être que tu seras encore plus utile que ce que tu pensais.

— Lâche moi.

— Poulette, si tu crois que tu me fais peur... Ton chien de garde est très certainement occupé à l'heure actuelle et tu es seule avec moi. Ce n'est pas toi qui dois menacer, ici.

— Je crois que tu ne sais pas dans quelle situation tu es. »

Peut-être que cela faisait un moment qu'elle ne s'était pas entraînée et peut-être qu'elle n'était pas aussi forte que Lahssen ou Becca, mais Céleste n'était pas une débutant. Lorsque la main de l'homme fusa droit vers son visage, elle l'arrêta, fit voler son poing dans son nez. Le craquement significatif d'un os brisé se fit entendre et alors qu'il reculait en la maudissant, elle attrapa son bras, le tourna grossièrement, le fit tomber à terre.

« Qu'on soit clairs, toi et moi. Tu veux un paiement pour ton service ? Le voici : disparais. Ce n'est pas ta tête que je veux alors profite. Tente de te relever alors je pars et tu tomberas avec ceux d'en haut. Je m'en assurerai personnellement.

— Toi !

— N'essaye pas. Je prendrai plaisir à écraser la vermine que tu es.

— Si tu crois que tu vas sortir d'ici vivante, tu te fourres le doigt dans l'œil !

— Inquiète toi plutôt pour tes hommes. Ce n'est pas ma faute si tu n'as pas reconnu mon chien de garde. »

La noiraude s'en alla sans rien ajouter de plus. Elle entendait Giovani grogner au sol, savait parfaitement qu'il allait bientôt tenter de la poursuivre ou en tout cas envoyer des gens. Lorsqu'elle entendit son cri dans le couloir, elle se mit à courir.

Malheureusement, elle finit par se perdre dans le bâtiment. Il était bien plus grand que ce qu'elle n'avait pu penser et elle n'arrivait pas à retrouver son chemin. Où était-elle ? Dans son dos, le bruit d'une course l'angoissait et si elle avait pu mettre un seul homme à terre, ce n'était pas la même chose face à deux ou trois.

Elle était seule. Le caporal s'était volatilisé, il devait très certainement être dans la même situation qu'elle

« Céleste ! »

Levi l'avait attrapée au vol. Presque aussitôt, elle s'accrocha à lui, tenta de retrouver son souffle.

« Tu vas bien ?! Putain, j'aurai dû te suivre.

— C'est moi, je me suis enfuie sans toi, je n'aurai pas dû. Ne t'inquiète pas pour moi. Tu as les registres ? »

À l'instant où elle posa sa question, elle remarqua le sac en besace sur l'épaule du soldat. Oui, il avait tout. Le noiraud sut qu'il n'avait pas besoin de répondre à cette question, attrapa la main de Céleste, la tira directement.

« On se casse. Ne me lâche pas. »

Les deux sortirent du fameux cochon pendu en courant. Derrière eux, ils entendaient des voix crier de les attraper. Tout en tenant fermement l'instructrice, Levi s'élança dans les rues, se dirigeait tout droit vers le passage qu'ils avaient pris. Un moment, il leur fit prendre une ruelle alors qu'il avait capté devant un mouvement de foule. Peut-être que ce n'était pas lié à eux mais il n'avait pas envie de le découvrir.

Un instant, ils s'arrêtèrent dans un renfoncement, écoutèrent les bruits autour d'eux. Étaient-ils poursuivis ? Le cœur battant pour cinq, Céleste retrouvait petit à petit son calme, restait contre le caporal. Qu'il ne la lâche pas.

« Tu... Tu vas... Bien... ?

— Physiquement, oui.

— Comment ça... ?

— Je m'en veux. J'aurai pas dû te laisser partir seule. Il t'a fait quelque chose ?

— Tout va bien... Je t'assure. C'était pas lui qui... Allait me faire peur...

— Tu as eu ce que tu voulais ? Il y avait quoi, dans cette cour ?

— Ce que je craignais... »

Elle revoyait ce qui servait de tombe, le nombre de tas, le four... Et ce qu'avait dit Giovani... Elle savait qu'il ne mentait pas, pour quoi faire de toute manière.

« Il m'a dit... Que tu étais...

— Ses bouffons ? Ah c'est sûr qu'ils m'ont terrifié, regarde moi.

— Non... Je savais que tu n'étais pas en danger. Mais j'ai eu peur de ne pas te retrouver et...

— Céleste, je t'ai dit que je ne te laisserai pas. »

Levi la tenait fermement, plus par crainte qu'elle ne s'effondre que pour lui prouver qu'il restait à ses côtés.

« On doit partir. Ne t'en fais pas, je connais un chemin « sûr », ça va aller. Je ne te lâche pas, Céleste. »

Est-ce que la voix du soldat lui semblait plus douce parce que c'était le cas ou parce que sa tête lui tournait de plus en plus ? Non. Il parlait simplement le plus calmement possible, tentait de l'apaiser comme il le fallait.

Lentement, il recula, ne desserra pas sa prise autour de sa main.

« Allez, viens. »

pov, je viens de me rendre compte que levi et céleste se sont tenus la main plus de fois en une seule journée qu'en quatorze ans ; au final, il leur aura fallu une énorme bagarre pour que ça se rapproche, hein ; 

bon, reprenons les choses calmement et arrêtons de simper ; 

COMBIEN DE MÔMES ??? ; EHOH ??? ; je vous laisse faire les calculs mais y'en a pas deux là-dedans, y'en a pas 10 non plus et ça fait pas 1000 ans que le truc a lieu hein ; mais enfin ??? ; GIOVANI ??? ; COMMENT CA LES FILLES AUSSI ??? ; 

oh, céleste, tu prends l'information un petit peu trop bien là, pète un câble un peu stp ?? ; 

bah tiens, giovani, je t'avais dit que je te sentais pas, y'a pas à se comporter comme ça, j'espère que ton nez est bien pété comme il faut, ça t'apprendra. ; 

bon après, faut garder à l'esprit que le trafic a lieu depuis des générations complètes donc c'est pas "étonnant" que ça soit autant mais quand même...

j'avais dit qu'on reprenait les choses calmement :(( ; 

en tout cas, très contente de voir leste se bagarrer aussi, on oublie trop qu'elle a été entraînée par l'autre enragé de lahssen 

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