ㅤ📃 CHAPITRE 44
Après cette sortie, il fallut bien retourner au quartier général, reprendre le cours normal des choses. La vie au Bataillon d'Exploration n'était pas des plus simples mais un quotidien s'installait de plus en plus parmi les soldats. L'entraînement, les permissions, les repas, les rires, tout s'enchaînait rapidement, ne laissait pas un grand répit. En moins d'un mois, beaucoup de choses s'étaient passées et Céleste avait perdu le cours du temps.
Durant cette période, l'escouade s'était plusieurs fois retrouvée dans l'ancienne salle de musique et avait joué avec les instruments. La soldate avait même tenté d'apprendre à Zeyn quelques notes, en vain. Le blond avait fini par se contenter d'écouter sa camarade pianoter ses partitions, espérant un jour pouvoir en faire de même.
Souvent, elle retournait passer ses soirées sur le toit du quartier général, retrouvait Levi pour discuter. Ils n'étaient pas ressortis en ville depuis la dernière fois, avaient l'esprit occupé par l'expédition qui avait été annoncée pour le début de l'automne. Et s'il restait encore trois mois de préparations, aucun des deux n'avaient pour l'instant la tête à se promener à nouveau. Peut-être que l'envie reviendrait avec la saison chaude, mais elle était pour le moment absente.
Avec tout cela, la fatigue prenait aussi la place et cela faisait longtemps que la jeune femme n'avait pas fait de cauchemar. Ou ne s'en rappelait en tout cas pas. Elle se doutait bien qu'elle en avait, remarquait bien sa nuque trempée de sueur, son cœur qui battait beaucoup trop fort, le tremblement de ses mains. Mais elle n'avait aucuns souvenirs, seulement sa bouche pâteuse, et finissait toujours par se rendormir après quelques secondes à reprendre son souffle.
Ce n'était, aussi, pas assez grave pour qu'elle ne puisse plus se recoucher. Elle n'était de ce fait pas retournée voir Levi dans sa chambre, s'était contentée de leurs retrouvailles avant le coucher. Pourtant, quand le matin venait, la noiraude sentait la fatigue dans son cœur, son esprit ailleurs.
Être à nouveau dans une routine propre et efficace lui faisait oublier ce qui approchait à grands pas. Et aussi d'autres problèmes, qu'elle avait fini par occulter. Mais certains lui revinrent en pleine face lorsqu'un matin, elle fut réveillée brusquement par sa deuxième camarade de chambre. Elles n'interagissaient jamais et, depuis l'expédition, elles ne se croisaient qu'au moment du coucher ; alors, quand elle la secoua violemment, Céleste fut surprise.
« Qu'est-ce que-
— Tu saignes. »
Un regard sur les draps lui fit remarquer la presque mare de sang autour d'elle. Cela faisait un moment que la noiraude n'avait pas eu ses règles, la faute aux entraînements et ses repas. Peut-être aussi, un petit peu, le stress. Elle remercia dans un souffle la soldate près d'elle et attrapa ce qui avait été tâché (c'est-à-dire à peu près tout). Au-dessus d'elle, Becca ronflait presque et après avoir jeté un coup d'œil sur sa montre, la jeune femme réalisa qu'il était encore tôt.
« Tu vas t'entraîner ?
— Non, j'allais aux toilettes. Tu gères ?
— Ça devrait aller. Merci de m'avoir réveillée. »
Dans son malheur, elle avait eu de la chance, son matelas n'avait pas été atteint. Mais si elle s'était levée à l'heure habituelle, les choses auraient été différentes. Dans un soupir, elle fit une sorte de baluchon avec ses draps, attrapa des vêtements propres et sortit de la chambre. L'autre soldate s'en était déjà allée, la laissant seule dans un couloir désert.
Où devait-elle aller ? Fallait-il qu'elle se change avant de tout nettoyer ? Quand elle saignait aux Brigades d'Entraînement, il y avait toujours quelqu'un pour l'aider. Pire quand elle était encore chez-elle. Mais ici ? Peut-être qu'elle aurait dû réveiller son amie, tiens... Non. Elle tenait trop à son sommeil.
Finalement, elle décida qu'il valait mieux qu'elle se lave avant de faire quoi que ce soit. Sa robe de nuit n'avait pas été trop touchée mais elle se sentait poisseuse, détestait cette sensation. Elle partit alors aux douches, priant pour trouver de quoi retenir le sang.
Lorsqu'elle arriva sur place, elle fut surprise de voir deux personnes discuter. Un instant, elle hésita à s'approcher, trop gênée de la situation, mais sursauta en entendant son nom prononcé. Hanji était là avec une personne qu'elle ne connaissait pas. Elle l'avait aperçu discuter avec Caius après les dîners, se doutait qu'elle était une vétérane.
« 'Leste ! 'Leste ! Déjà debout ?
— Une amie ?
— Oui ! Elle m'a aidé à trouver le cadeau de Moblit et-
— Hanji. Est-ce que tu peux m'aider ? »
Dans un mouvement de tête, elle indiqua son baluchon de draps. Les deux personnes en face d'elle émirent un « oh » simultanée et la soldate inconnue s'avança en premier.
« Va te laver, on va te chercher des serviettes. Est-ce que tu as besoin d'aide pour nettoyer tout ça ?
— Juste qu'on me dise où je dois le faire...
— D'accord. »
Même si elle était encore un petit peu maladroite, Céleste s'en sortait bien mieux que la première fois où ça lui était arrivé. À l'époque, quand elle était encore dans la demeure Fosten, elle avait été chouchoutée par ses servantes, mise à l'écart. Dès qu'elle saignait, elle n'avait qu'à appeler une domestique pour être prise en charge, ne s'occupait absolument pas de son sang. Et puis, elle avait de la chance, ne ressentait jamais de douleurs dans son ventre. Ça, c'était arrivé avec l'armée, tout comme l'irrégularité de ses menstruations et le fait qu'elle doive se débrouiller toute seule.
La noiraude se rinça rapidement, un peu pressée de se rhabiller et de s'occuper de ses draps. Lorsqu'elle fut propre, elle s'enroula dans une serviette et rejoignit les deux soldads qui l'attendaient. L'inconnue lui tendit un tas de linges propres et elle reconnut sans grand mal les protections hygiéniques.
« Merci beaucoup...
— C'est normal.
— Je ne t'ai même pas demandé ton nom, je suis désolée.
— Nanaba. Et ne t'inquiète pas, on perd toujours un peu nos moyens quand ça arrive. Ne te stresse pas trop.
— Rhabille toi 'Leste, on va te montrer où laver tes affaires. »
La douceur de Hanji et de Nanaba la rassura. Elle ne s'attendait pas à ce qu'iels l'attendent dans les vestiaires des douches, pensait simplement que la blonde allait poser les serviettes sur l'un des bancs et serait repartie, la laissant seule.
Céleste remit rapidement sa robe de nuit et suivit ses aînéx jusqu'à une sorte de laverie. Pour le coup, elle connaissait le fonctionnement des lieux et récupéra une bassine sur un côté qu'elle remplit d'eau.
« Tu veux qu'on reste ou tu gères ?
— Ne vous en faîtes pas, j'ai l'habitude. Encore merci pour les serviettes.
— C'est normal. Si tu as le moindre problème, n'hésite pas à aller à l'infirmerie pour te reposer. Quand tu auras fini, tu pourras accrocher tes affaires là pour qu'elles sèchent, personne n'y touchera normalement. »
La douleur n'était pas encore arrivée mais elle savait qu'elle viendrait bientôt. Elle se doutait bien qu'elle finirait par ne pas pouvoir s'entraîner aujourd'hui mais voulait tenter le coup.
Les mains plongées dans l'eau froide, elle frotta ses draps sur la planche à laver après y avoir mis du savon. Elle avait de la chance, le sang était assez frais, partait plutôt vite. Peut-être qu'elle frottait fort, aussi... Il fallut à la jeune femme presqu'une heure pour qu'elle fasse tout partir correctement. Quand elle eut fini, elle suivi les conseils de Nanaba et mit son linge sur une des cordes. Ceci fait, elle repartit vers sa chambre, espérant qu'elle ne soit pas en retard. Malheureusement, quand elle arriva dans son dortoir, elle vit que Becca était partie ; elle avait fait son lit et avait déposé sur le matelas nu de son amie des draps propres.
Peut-être que leur colocataire l'avait prévenue de son absence ? En tout cas, la jeune femme se chargea de mettre ses couettes et housses pour gagner du temps et partit s'habiller. Même si elle savait qu'elle allait être vite incommodée, elle mit malgré tout son uniforme.
« Et voilà notre retardataire ! »
En arrivant sur le terrain d'entraînement, Céleste fut tout de suite accueillie par les railleries de Lahssen. Ses deux amis étaient au loin en train de courir, leur chef d'escouade supervisant leur course.
« Becca nous a dit que tu étais aux toilettes mais tu en as mis du temps. Tu posais une énorme pêche ? »
Gênée, elle n'osait pas corriger son interlocuteur, lui dire clairement qu'elle avait tout simplement tâché son lit à cause de ses règles. Le bras droit frappa soudainement dans son dos, l'invita à rejoindre leur supérieur pour commencer son entraînement malgré son retard. Mais lorsqu'elle arriva à sa hauteur, il fronça ses sourcils.
« Tu es pâle, tout va bien ?
— Tu as trop poussé quand tu as chié ?
— Lahssen, tais-toi. »
Caius toucha le front de la noiraude, tâta sa température, souffla de soulagement en voyant qu'elle n'avait pas de fièvre.
« Désolée pour mon retard, je suis incommodée. Je peux tout de même m'entraîner, ça ne posera pas de problèmes.
— Dans d'autres circonstances, je t'aurai dit oui. Mais tu as vraiment une mauvaise mine, j'aimerai éviter que tu t'évanouisses. Va t'asseoir, on verra demain ou au pire dans l'après-midi. »
Avait-elle tant que ça une mauvaise tête ? Céleste n'avait pas encore trop mal au ventre mais si son chef d'escouade lui demandait de ne pas faire d'efforts, elle n'avait pas envie de le contredire. Et si elle s'était attendue à ce que Lahssen souffle en entendant les ordres, il ne fut rien. Pire, ou mieux ?, le bras droit s'excusa pour ses railleries et fit promettre à la noiraude qu'au moindre problème, elle l'appellerait.
Cela ne l'étonnait pas, en réalité, puisque la dernière fois que Becca avait eu ses menstruations, il s'était montré étonnement gentil. Peut-être compatissait-il en voyant ses camarades ainsi ou ne voulait-il pas agacer son supérieur qui mettait au centre de tout la sécurité et bien-être de son équipe.
Ainsi, elle resta assise par terre avec les bouteilles d'eau et regarda ses camarades s'entraîner. Aujourd'hui, vu qu'elle ne pouvait pas participer, ils ne firent que courir et travailler leur combat au corps à corps. Caius annonça cependant qu'ils referaient de l'équipement tridimensionnel et de l'équitation lorsque leur coéquipière pourrait en faire.
Quand l'entraînement fut fini, environ deux heures plus tard, Zeyn fut le premier à rejoindre sa mamie. Très vite, il s'enquit de son état, lui demanda comment elle allait, si elle n'avait besoin de rien. Par chance, la jeune femme n'avait pas trop mal au ventre, se portait mieux que les dernières fois qu'elle avait saigné.
La journée se déroula tranquillement. Les quatre membres de l'escouade étaient présents pour la noiraude, lui demandaient régulièrement si elle ne se sentait pas mal, ne voulait pas aller à l'infirmerie. Et elle profita totalement de cette attention soudaine, surtout que dès le lendemain, elle retourna à l'entraînement.
Nanaba et Hanji, qu'elle revu séparément, s'enquirent à tour de rôle de son état et elle en profita pour les remercier à nouveau pour leur aide.
Et lorsque le soir vint et que Céleste hésita entre à aller sur le toit ou tout de suite se coucher pour se reposer et être en forme pour l'entraînement, elle fut encouragée par son escouade et se décida à au moins prendre l'air, sans pour autant trop tarder.
Lahssen lui cria cependant quand elle partit vers les étages qu'elle avait intérêt à être bien réveillée le lendemain, sinon certains entendraient parler de lui. Il reçu pour unique réponse un sourire et une pensée profonde ; celle que la noiraude s'estimait chanceuse d'avoir auprès d'elle autant de personnes agréables.
à la base ce chapitre devait être un chapitre un peu "filler" pour le prochain qui devait donner un gros truc mais finalement il va falloir attendre un tout petit peu parce que j'ai décidé de mettre deux choses à l' "honneur" : premièrement, les menstruations et, deuxièmement, lahssen ;
et vous me direz "pourquoi lahssen ?" et je vous répondrai que vous verrez au prochain épisode ! ;
en vrai je me suis peut-être rappelée que je n'avais jamais parlé de ce point-là alors qu'on est avec une grande adulte de maintenant 21 ans donc il s'agirait de parler de ce petit détail ;
ce n'est pas quelque chose qui reviendra à chaque fois mais j'avais quand même envie de le mentionner ;
bref, je vous dis à très vite :D
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