ㅤ📃 CHAPITRE 43

Céleste avait attendu avec impatience sa sortie avec Levi. Depuis qu'il lui avait proposé d'aller en ville, dans la fameuse boutique de thé dont il lui avait parlé, elle avait espéré que ce moment arrive.

Alors quand il vint vers elle juste avant le déjeuner, une semaine plus tard, elle fut ravie. Il devait encore faire deux-trois trucs, n'était pas prêt tout de suite, mais ils sortiraient un peu plus tard dans l'après-midi, c'était promis. Lorsque l'escouade de la noiraude vit son grand sourire, aucun des quatre soldats ne pu retenir sa remarque. Et si Zeyn ou Caius semblaient heureux de la situation, les deux se doutant bien des sentiments de la jeune femme, Becca et Lahssen s'étaient montrés plus... piquants. Rien de méchant, seulement un amusement certain de savoir que leur mamie s'en allait avec le ronchon le plus connu du Bataillon.

« Donne-moi ton secret, comment l'as-tu amadoué ?

Amadoué ? Sérieusement ?

— Je n'ai pas de meilleurs termes pour décrire le personnage. »

Le bras droit avait beau demander, il n'obtenait aucune réponse. Et ce n'était pas parce que la soldate ne voulait pas le lui en donnait mais parce qu'elle ne savait tout simplement pas quoi lui répondre. Comme avait-elle fait pour être aussi proche de Levi était aussi un mystère pour elle, même si elle avait simplement envie de répondre que c'était parce qu'elle avait su être respectueuse avec lui. Et ne s'était pas dégonflée devant son air peu approchable.

C'était peut-être ça, le secret ; savoir rester droit devant lui et s'intéresser malgré tout à ses maigres réponses.

Lorsqu'il fut l'heure pour elle de partir, Céleste fut tentée d'en faire un petit peu plus que d'ordinaire. Mais elle savait que c'était une mauvaise idée, surtout car elle savait qu'elle recevrait encore plus de remarques de son supérieur. Alors elle resta sur sa robe simple, rajouta simplement à sa tenue la broche qu'il lui avait offerte à son anniversaire. Ce n'était pas grand-chose mais elle espérait que le détail lui ferait plaisir.

La noiraude n'attendit pas très longtemps aux écuries et le départ se fit rapidement. Contrairement aux autres fois où elle était sortie en ville, ils gardèrent une allure assez lente sur le chemin, prenaient le temps de regarder le paysage. Certes, elle ne galopait pas durant tout le trajet mais elle appréciait tout de même avoir une certaine vitesse, ne pas perdre trop de temps sur la route. Pourtant, elle ne se plaignit pas de rester au pas, profitait de cette promenade.

« Désolé pour l'attente, j'aurai aimé sortir plus tôt.

— Ne t'en fais pas. Le principal, c'est qu'on le fasse maintenant, non ?

— C'est vrai, tu as raison. »

Qu'importe qu'une semaine soit passée, elle était maintenant avec lui. Loin des autres, à l'air libre, seuls dans la campagne. Et ça lui allait parfaitement. Le trajet se passait tranquillement, les journées se rallongeaient et tout semblait aller pour le mieux.

« Il n'y a que la boutique de thé que tu veux voir ?

— Oui. Si tu veux, et si on a le temps, on pourra un peu flâner en ville, mais sinon, je n'ai rien d'autre de prévu.

— C'est pour ça que tu fais autant durer le trajet ?

— Tu veux dire ?

— Vu que tu ne désires aller qu'à un seul endroit, c'est censé être une sortie assez rapide. Du coup, si on prend notre temps ici, la sortie dure plus longtemps.

— Peut-être, oui. »

Céleste sourit. En réalité, elle pouvait totalement rester ici, prendre le soleil au milieu des champs et voir la journée s'y terminer. Tant qu'elle était avec le soldat à sa droite, c'était totalement envisageable.

Mais elle ne pouvait arrêter le temps et ils finirent par arriver à destination. Levi guida la noiraude dans les rues et lui montra la fameuse boutique. Elle comprit pourquoi il l'appréciait quand elle rentra à l'intérieur, vit tout ce qui était proposé. Et alors qu'ils regardaient les différentes étagères, le noiraud finit par lui souffler qu'il ne prenait qu'un seul thé ici, c'est-à-dire le moins cher, mais qu'il était toujours d'une excellente qualité. Pourtant, il préférait celui qu'elle lui avait offert plusieurs années plus tôt, pensait l'avoir retrouvé ici mais n'était pas réellement sûr. Il avait besoin de son avis.

La confirmation fut rapide, la jeune femme avait aussitôt reconnu l'odeur particulière des feuilles. Et si son ami sembla hésiter à le prendre, elle le vit se raviser lorsqu'il vérifia une deuxième fois le prix. Elle savait que la paye du Bataillon n'était pas très grande mais elle était suffisante pour qu'il puisse se permettre un tel achat ; pourquoi refusait-il finalement ? Elle voyait bien qu'il avait envie de l'acheter mais il ne le faisait pas...

« Tu n'avais pas à le faire.

— Je voyais bien que tu en avais envie. Ça me fait plaisir.

— Même.

— Juste pour cette fois. D'accord ? J'ai bien compris que tu voulais économiser alors, s'il te plaît, accepte-le comme cadeau.

— C'est toi qui as fêté ton anniversaire il y a une semaine, pas moi.

— Je n'ai pas le droit d'offrir quelque chose à un ami sans passer par un événement de la sorte ? »

Retournant là où ils avaient laissé leurs chevaux, Levi et Céleste donnaient l'air de se disputer. Ce n'était pas le cas, assurément, mais leurs chamailleries étaient assez présentes pour intriguer deux ou trois personnes.

Le soldat avait d'ailleurs fini par demander à la jeune femme d'où est-ce qu'elle sortait tout cet argent ; elle lui avait alors répliqué qu'elle avait eu sa première paye du Bataillon il y a un moment et qu'elle n'était pas partie sans rien de chez elle lorsqu'elle s'était enrôlée. Elle aussi savait économiser.

« Tu veux rentrer ?

— Pas vraiment. Mais je n'ai personnellement rien d'autre à faire donc je ne sais pas... On peut se promener, j'imagine ? Sauf si ça te dérange.

— Ça me va. »

Levi se laissait aisément porter. Il suivit la jeune femme dans son envie de rester dehors, acceptait la promenade proposée sans problèmes.

À nouveau à cheval, le duo avait pris un nouveau chemin et regardait le paysage, silencieux. De temps en temps, le noiraud regardait sa camarade, essayait de voir à quoi elle pensait. Depuis la soirée dans sa chambre, il craignait qu'elle n'osait pas lui dire ce qu'elle avait dans la tête, était gênée de se confier à lui. Ça n'avait jamais été le cas mais puisqu'il s'était montré (trop) intime et direct avec elle, il se demandait si ça ne l'avait pas effrayée.

Cette idée se « confirmait » quand il savait qu'ils ne s'étaient pas revus depuis, quand il avait vu sa mélancolie le jour de son anniversaire mais n'avait rien dit à ce propos. Elle n'était pas obligée de lui parler mais elle le faisait habituellement tellement qu'il était étonné qu'elle ne le fasse pas cette fois.

Seulement, est-ce qu'il avait vraiment son mot à dire ? Si elle ne se sentait pas de lui dire ce qu'elle avait sur le cœur, il n'avait pas le droit de la forcer.

« Merci pour le thé.

— Merci pour cette sortie. »

Céleste offrait toujours, lorsqu'elle disait ce type de phrases, un sourire convenu et poli. Vestige de son éducation noble, elle avait gardé ce trait avec d'autres mimiques qu'il avait remarqué à l'époque. Dès qu'il la regardait, à vrai dire, il retrouvait des petits gestes qui dataient au moins de son adolescence.

La manière qu'elle avait de cacher sa bouche lorsqu'elle mangeait trop d'un coup, son pincement de lèvres dès qu'elle désapprouvait quelque chose qu'elle entendait mais ne devait pas intervenir, la posture droite de sa tête peu importe les moments... Ce qui avait changé, cependant, c'était son regard. Si Levi avait au départ remarqué ces yeux en colère, il voyait aujourd'hui un souffle lent, comme une respiration épuisée.

C'était peut-être ça qui l'inquiétait ; elle n'en donnait pas l'air, n'avait pas changé dans son comportement depuis son entrée dans le Bataillon, mais quelque chose s'était passé. Et c'était suffisamment puissant pour que cette flamme dans ses améthystes se soit affaiblie.

Avait-elle perdu un objectif ? Sa foi ? S'était-elle calmée ? Il ne voulait pas le lui demander, elle était capable de ne jamais répondre, de ne même pas savoir ce qui la troublait...

Trouver des réponses à cette question était inutile. Ce n'était pas la place du soldat de chercher autant et s'il ne voulait pas demander pour ne pas brusquer son amie, alors il devait attendre qu'elle se confie à lui, sans se plaindre.

Plusieurs fois, il vit qu'elle l'avait remarqué. Mais elle ne dit rien, ne lui fit aucune réflexion, ne le questionna pas sur le pourquoi il la fixait autant. Peut-être qu'elle se doutait des questions qui tournaient dans sa tête, ne voulait pas briser le calme entre eux.

Mais maintenant qu'il était découvert, il valait mieux qu'il finisse par détourner le regard, qu'il arrête de la détailler de la sorte. S'il avait été à sa place, il aurait commencé à se sentir mal à l'aise et il ne voulait pas qu'elle se sente comme ça. Alors il arrêta son manège, se reconcentra sur la route. Le soupir qu'il entendit près de lui signifiait que le geste avait été remarqué pourtant aucune question ne vit le jour.

Au bout d'une heure de cheval, le duo décida de s'installer vers une rivière qu'ils n'avaient pas vu durant l'aller. Ils n'étaient pas perdus, loin de là, mais ils avaient pris un autre chemin pour découvrir la région. Laissant leurs chevaux boire, ils s'étaient assis sur l'herbe et avaient regardé la nature vivre sa vie, imperturbable face à ces nouveaux arrivants.

Ils ne s'étaient toujours pas mis à parler et Levi comprit rapidement que Céleste appréciait ce silence, ce calme qui n'était pas permis dans le quartier général. Là-bas, où que l'on soit, il y avait toujours un bruit latent, des gens qui discutaient ou s'entraînaient. Ici ? Ce n'était pas le cas.

Il l'observa cueillir des pâquerettes à ses pieds, pencha à son niveau lorsqu'elle commença à jouer avec. Ses doigts semblaient s'amuser avec les tiges et il eut l'impression qu'elle les tressait. Essayait-elle de faire quelque chose avec les fleurs ? La noiraude souffla cependant lorsqu'une des queues vertes se cassa dans sa main. Mais lorsqu'elle se tourna vers son ami qui scrutait silencieusement ce qu'elle faisait, elle déposa la malheureuse plante sur sa raie, en haut de son crâne.

Le soldat resta interdit de longues secondes, alors qu'il comprenait ce que la jeune femme avait fait. Et si dans d'autres circonstances, il aurait retiré aussitôt ce qui avait été mis sur ses cheveux, il ne fit rien.

Peut-êtreparce que la jeune femme s'était mise à rire, avait mis sa création inachevé sur sa tête. Et il vit sans soucis sur son visage détendu un remerciement, pour cette journée et cet instant soudain qu'il aurait habituellement refusé.

pour les personnes qui ont envie d'appeler cette sortie un "date", qui suis-je pour vous contredire ? 

c'est tout pour moi

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