ㅤ📃 CHAPITRE 4
L'appel pâteux l'avait perturbé. Depuis combien de temps n'avait-il pas entendu ce nom ? Lentement, la main de la blessée se leva, se tendit vers son visage. Les yeux mi-clos, elle semblait le confondre... Puis, à travers ses lèvres, elle murmura autre chose. Le mot « chaud » parvint à ses oreilles. Peut-être qu'il valait mieux appeler quelqu'un...
Après tout, ce n'était pas à lui de s'occuper d'elle, de soulager sa fièvre. Et puis, après tout ça, elle méritait sûrement un peu de souffrir. Pourtant, même si demander une infirmière, ou l'abandonner à son sort, était la seule chose à faire, il posa malgré tout ses doigts sur son front. Constatant sans surprise qu'elle était brûlante, il se tourna vers la petite bassine d'eau qui était posée sur la table de chevet, se saisit d'une compresse qui flottait et l'essora légèrement.
Il était faible. Il l'avait toujours été. Mais en voyant les traits de la noiraude se détendre quand il posa le tissu trempé sur sa peau, il se décontracta lui aussi. Lentement, il fit glisser le tout sur son visage, regarda les rougeurs disparaître lentement. Après tant de temps, c'était la première fois qu'il pouvait la voir sans tomber sur ses chiens de garde, il profitait malgré tout de cet instant... Mais très vite, l'impatience lui revint. Il avait envie qu'elle se réveille, voulait vérifier que c'était bien elle, qu'il n'hallucinait pas.
Pour la première fois de sa vie, ses prières furent entendues. Au moment où il arrêta de la rafraîchir et laissa le linge frais sur son front, il vit ses paupières remuer. Un moment, elle râla et ouvrit finalement ses yeux. Enfin, les améthystes qu'il n'avait jamais cru pouvoir revoir refirent leur apparition.
Elle ne se tourna néanmoins pas tout de suite vers lui. Le regard rivé sur le plafond blanc, elle émit un gémissement sourd. Son corps entier la tirait, elle n'était pas du tout remise de l'expédition. Mais le pire restait sa tête ; sans surprise, elle tournait dans tous les sens, la laissait dans un brouillard désagréable. Entre sa chute et le manque certain de sommeil, elle savait qu'elle n'allait pas tout de suite se remettre, avait encore besoin d'encore quelques heures, jours, pour se remettre totalement.
Céleste était profondément confuse. Elle ne savait pas où elle était, ce qu'il s'était passé... Seule la certitude profonde qu'il y avait quelqu'un à ses côtés subsistait et elle le connaissait. Elle avait entendu sa voix, l'avait un instant confondu avec celui qui hantait son dernier cauchemar. Allait-il cette fois encore lui crier qu'elle aussi l'avait abandonné ? Elle espéra avec force que ce n'était pas lui, que son esprit lui jouait à nouveau des tours, que c'était Becca ou Lahssen, prêts à lui faire la morale, à lui répéter une nouvelle fois que non, elle n'avait toujours pas le droit de mourir. Oh, elle voulait se rendormir. Mais ses yeux s'habituaient déjà à la lumière ambiante et la curiosité la dévorait.
Et puis, quelque chose en elle lui disait aussi que c'était très certainement son ami. Même si le brun lui avait dit qu'il ne viendrait pas la voir, elle le connaissait et savait qu'elle allait bientôt se faire tirer les oreilles. Elle le méritait bien, c'est sûr... Elle quitta l'observation du plafond pour se tourner vers son visiteur.
« Merde. »
Pâteux et dissonant. Il n'y avait rien de mieux, comme premier mot. Comme retrouvailles, aussi. Le regard froid qu'il lui assénait la glaça sur place et elle ne put le soutenir. Pourquoi c'était lui qui se trouvait devant elle ?
Elle savait parfaitement qu'il avait envie de s'emporter contre elle, malgré l'air presque effrayé qu'elle affichait. Elle ressemblait à un animal blessé, tient. Son corps se tendait de plus en plus, lui lançait d'innombrables obscénités, la forçait à grincer des dents. La fièvre ne voulait pas la lâcher et ses pensées qui filaient à mille à l'heure lui donnait un horrible mal de crâne, malgré la compresse froide sur son front. Elle détestait cette situation, se savoir avec lui au lieu des autres. Allaient-ils bien, au moins ? Et comment avait-il fait pour venir ici, au juste ?
Elle ouvrit sa bouche pour amorcer une discussion vaine mais fut interrompue par sa voix agacée.
« C'est tout ce que tu as à me dire ? Merde ? »
Tremblant de plus en plus, elle n'osait pas le regarder droit dans les yeux à nouveau ou ne serait-ce que lui répondre quelque chose. Qu'avait-elle à rétorquer, de toute manière ? L'idée disparut cependant bien vite quand il se remit à parler, bien plus tranchant. Depuis quand avait-il cette manière de s'exprimer ? Peut-être l'avait-il toujours été... ? Le doute la prit. Peut-être qu'elle n'avait jamais remarqué. Dans tous les cas, elle préférait se dire ça plutôt que se rendre à l'évidence, assumer que c'était sa faute. Elle ne voulait pas se reprocher plus de choses.
« Réponds-moi.
— Pourquoi faire ? »
Si elle n'avait pas été dans cet état-là, dans ce stupide lit, avec cette mine si affreuse, il lui aurait fait ravaler sa stupidité. Posait-elle sérieusement sa question ? Son poing se serra malgré lui et l'envie de s'emporter se fit plus forte. D'où venait cet air las qu'affichait son visage ? Où étaient parties les étoiles ? L'incendie dans son regard ? Ce n'était plus de la colère qu'il y voyait mais un simple voile épuisé.
Ses lèvres se pincèrent et il se dit qu'elle avait dû tomber bien bas pour paraître désormais aussi chétive. Elle en faisait presque pitié. Sans l'ombre d'un regret, il se dit qu'il aurait préféré qu'elle soit une illusion plutôt que la réalité, tant l'image qu'elle renvoyait était fade. Non. Elle semblait juste irréelle. La Céleste qu'il avait toujours connu n'était plus là et il ne voulait presque pas l'accepter.
« Ça fait longtemps, tu ne crois pas ? Ou pas assez à ton goût ? De ce que je vois, tu ne voulais même pas être là.
— Arrête...
— Regarde toi. T'aurais pu crever comme un chien hier et tu oses quand même essayer de faire la fière.
— Épargne-moi ta médisance Levi, c'est pas le moment. »
Et elle n'avait pas tort. Mais elle avait surtout cette manière de dire son nom qui le fit tiquer. Comme s'il ne s'agissait plus que d'un mot qu'on répétait en boucle, appris par cœur, utilisé dans chaque phrases. Rien n'allait, tout s'était effondré. Il restait interdit devant elle, sans savoir comme agir alors qu'il n'avait ni le temps, ni l'énergie d'y penser.
Pourtant, il restait, se forçait à rester là. Car ce fantôme là, ce n'était pas Céleste et il voulait comprendre pourquoi. Quelque chose clochait, elle semblait si instable, trop fragile pour une simple blessée. Il eut envie de lui demander ce qu'elle avait, de s'inquiéter à son sujet. Envahir sa pauvre personne de requêtes était là une douce idée, malgré son piteux état.
« Pourquoi. »
Pourquoi était-elle partie tout ce temps. Pourquoi n'avait-elle laissé aucune trace. Pourquoi était-elle restée chez les morts, laissant les autres porter le deuil, la pleurer, creuser sa tombe. Il la vit agripper les draps, les serrer, se mettre à fixer leur couleur laiteuse sous ses doigts marqués. Il n'avait jamais vu ça, tiens, ces petites griffures. Non, il ne devait pas se laisser distraire. Il voulait sa réponse avant tout.
« Parce que. »
Était-elle sérieuse ? Elle osait lui répondre ça, au lieu de l'assaillir de vérités ? Il voulait bien croire qu'elle était épuisée mais là, c'était du foutage de gueule. Il la toisa et, loin de se départir de son assurance retrouvée, elle soutint son regard.
« Tu ne veux pas savoir.
— Et si je le veux ?
— Tu serais déçu.
— Je fais le pari du contraire. »
Même si elle semblait être devenue une tout autre personne, il savait parfaitement que Céleste ne résistait jamais bien longtemps. Elle finissait toujours par souffler ce qui pesait sur son cœur, par avouer ce qui la tourmentait. Elle prenait déjà une grande respiration, d'ailleurs. Mais rien ne venait...
« Ne me fais pas subir l'épreuve du silence, ça fait quatre ans. Je mérite au moins une réponse.
— Et qu'est-ce que tu veux savoir, hein ? Pourquoi j'ai disparu ? Ce que j'ai foutu tout ce temps ? Si tu m'as manqué un seul instant, peut-être ? Tu veux que je te dise si tout cela a eu au moins une seule raison ? Ou tu veux peut-être juste comprendre pourquoi je suis revenue que maintenant, alors que j'aurai pu tranquillement mourir dans mon coin.
— Tu peux commencer par me donner tes raisons.
— J'en ai pas. Je sais même pas ce que je fous ici. J'ai essayé de rentrer, plusieurs fois. Tellement de fois que c'en est ridicule putain. Ça aurait peut-être été plus simple que je claque vraiment avec les autres, pour toi comme pour moi.
— Tu aurais pu faire un seul signe. Même m'envoyer une personne ou quoi. Je serai venu te chercher, tu le sais. Peu importe ce qui a fait que tu sois partie. Tout ce que je voulais, c'était te voir en chair et en os. Savoir que tu étais toujours vivante. Pourquoi tu as attendu tout ce temps, merde.
— Parce que j'avais peur. »
Elle l'avait murmuré lentement, les mains tremblantes et les yeux se teintant de colère. Oh, elle détestait cette position, ce trouble en elle, cette incapacité à se taire. Il n'y avait rien de plus vrai que ces mots-là, ils en avaient tous les deux conscience ; seulement, le soldat n'arrivait pas à mesurer totalement leur poids, ne pouvait seulement constater que la Céleste qui hantait encore parfois les couloirs et son bureau demeurait encore, bien plus fatiguée qu'autrefois.
Mais, au fond, il en était soulagé.
Levi savait parfaitement une chose : si elle avait fait un mouvement, un simple geste pour lui dire qu'elle respirait encore, il aurait volé droit vers elle, l'aurait arrachée à toutes les mains. Et elle le savait, non ? Elle avait au moins dû y penser plusieurs fois...
Pourtant, elle semblait s'être démenée pour qu'il ne sache rien et il ne comprenait pas pourquoi. Tout ce qu'il saisissait pour le moment, c'était que son visage devenait de plus en plus rouge. La fièvre revenait ? Peut-être que c'était la douleur qui la faisait divaguer, l'affaiblissait tant, que c'était à cause de ça qu'elle disait qu'elle aurait mieux fait de mourir.
Levi ne voulait même pas l'entendre, elle devait arrêter.
« Non. Tais-toi. »
La noiraude ferma aussitôt sa bouche, regarda le caporal se pencher et attraper la compresse sur son front, la plonger dans la bassine. Soit, s'il ne voulait plus l'entendre, elle n'allait pas se gêner. Le tissu retourna bien vite sur sa peau et elle savoura avec contentement le froid qui se propageait déjà dans son corps. À défaut d'être agréable, il avait au moins la courtoisie de ne pas la laisser succomber.
« Écoute moi bien, espèce d'idiote : le plus important, c'est que tu sois vivante. Tu n'as rien fait de mal. »
Et même s'il avait dû lui en vouloir à vie, il était en réalité plus soulagé qu'autre chose de voir qu'elle respirait encore. Mais malgré la sincérité qui semblait émaner de sa voix, Céleste n'arrivait pas à le croire, à se dire qu'il disait la vérité, que ce n'étaient pas que des simples paroles pour la rassurer. Elle ne méritait pas l'attention qu'il lui accordait, elle n'en était pas légitime.
« Tu ne peux pas me dire ça. Pas maintenant.
— Tu es là. C'est ça qui compte.
— S'il te plaît, arrête. »
Elle ne pouvait pas le supporter. Elle refusait qu'il se comporte ainsi avec elle, qu'il lui pardonne. Levi claqua sa langue dans son palais. Il tendit vivement sa main et se saisit du visage de la jeune femme, la força à se tourner vers lui. Fini le plafond, elle devait le regarder.
« Tu as survécu, tu es de retour et c'est le principal. Alors de quoi tu as peur maintenant ? Dis-moi, qu'est-ce qu'y t'effraie autant, à présent ? »
le point positif, c'est que les retrouvailles céleste - levi sont faites ; le point négatif, c'est qu'elles ne se passent assurément pas aussi bien qu'on pourrait le penser ; après, disons le, qui est étonné que ça se passe comme ça ? ; après tout, céleste s'est fait passer pour morte pendant 4 ans, levi a le droit d'être salé ehe ;
enfin, l'est-il vraiment ?
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