ㅤ📃 CHAPITRE 36

« Qu'est-ce que j'avais dit ? D'abord on le met au lit, ensuite on sort l'alcool. »

Bras croisés, Lahssen regardait Céleste remonter une couverture sur Kris. La journée avait continué tranquillement, le quatuor s'était promené pendant une bonne partie de l'après-midi dans la campagne, s'était arrêté à un moment donné au niveau d'une rivière pour patauger dans l'eau, était rentré au crépuscule. Au départ, Becca voulait rentrer avant le dîner mais l'adolescent avait insisté pour rester manger ; il voulait encore passer du temps ici, loin de l'effervescence du quartier général.

La vétérane avait fini par accepter mais elle se dédouana aussitôt des représailles ; si on venait les emmerder parce qu'ils étaient rentrés le lendemain de leur permission, il se débrouillait tout seul et elle regardait la scène. Le blond avait malgré tout accepté, était resté près de la mamie alors que les deux autres s'amusaient dans le jardin à faire la course.

« Il est épuisé, il nous a dit que les entraînements pour la reconquête de Shiganshina sont rudes. Entre ça et le coup d'état d'il y a quelques jours... C'est peut-être la première fois qu'il se repose vraiment. »

Le garçon avait fini par s'écrouler sur le canapé alors qu'on s'était installé dans le salon pour se reposer un temps. Céleste avait décidé d'inaugurer son matériel à broderie et même si elle n'avait pas pratiqué depuis plusieurs années, elle n'avait pas réellement perdu la main. Ainsi, elle s'amusa à faire apparaître des fleurs sur un tissu au hasard et l'action avait hypnotisé le jeune blond, avait fini par l'endormir.

« En tout cas, j'imagine que Becky va dormir avec toi cette nuit.

— Trop gentil de ta part, j'ai cru que tu allais me mettre dehors avec les chiens.

— Très honnêtement, si on en avait eu un, je t'aurai mis dans la niche. »

Est-ce que Becca était venue rejoindre les deux instructeurs parce qu'ils mettaient trop de temps à coucher Kris ? Peut-être. Dans tous les cas, elle ne répondit pas à la pique du brun, se contenta de retourner dans le salon. Lahssen la suivit presque aussitôt, laissa la mamie fermer le plus silencieusement possible la porte derrière elle.

Les trois se retrouvèrent dans le salon et, comme le brun l'avait annoncé, ils récupérèrent plusieurs bouteilles. Son verre à peine rempli comparé à ses amis, Céleste retourna sur le canapé, rangea d'une main la broderie qu'elle avait commencée tout à l'heure. Connaissant les deux, elle savait que l'œuvre était en péril, il valait mieux la protéger maintenant.

« Je te préviens, si tu te mets à poil, tu vas dehors.

— À ce rythme-là, c'est toi qui vas finir dehors.

— Compréhensible. Je ne fais pas le poids face aux deux hargneuses que vous êtes.

— C'est bien, rappelle-toi que tu ne fais pas le poids face à nous deux. »

Tout en disant ça, Becca se laissa choir à côté de son amie, but une gorgée de vin.

« Bon, lequel de vous deux va me dire ce qu'il se passe ?

— Comment ça ?

— Je vous connais. Toi, mamie, tu as fait des plans avec Erwin. Et toi, sale fouineur, tu sais toujours tout ce qu'il se trame. Donc, je répète ma question, lequel de vous deux va me dire ce qu'il se passe ?

— Tu vois, je te l'avais dit. Elle finit à chaque fois par savoir ce qu'il se passe. Un don. »

Lahssen ne répondit cependant pas à la question de la soldate. Il se contenta de tirer une chaise vers les deux noiraudes, regarder Céleste avec un sourire. D'accord, elle allait s'y coller.

« Ils veulent faire un nettoyage dans la noblesse. On est sur le coup avec Cassandre.

— Alors, ça, je m'en étais plutôt bien douté. Mais ce que je veux, c'est les détails. À quel point tu es impliquée dans cette merde, ton rôle, tout ça quoi.

— Dans quatre jours, on va aller à une soirée organisée par mon père. Je dois reprendre officiellement contact avec lui.

— Et tu es d'accord avec tout ça ?

— Qui ça, moi ? Écoute, je subis tout autant que toi.

— Ne panique pas, Becca. Je sais qu'on ne dirait pas mais je sais dans quoi je m'embarque. C'est juste qu'il y a beaucoup de choses à gérer en même temps et ça peut vite devenir... Disons anxiogène.

— Et est-ce que je peux faire quelque chose pour aider ?

— Très honnêtement, je ne pense pas. En tout cas, pas maintenant... On va très certainement revoir ta mère et son mari, je n'ai pas forcément envie que tu aies des ennuis... Peut-être plus tard, par contre...

— Que tu aies cette tête un peu inquiète, ça ne m'étonne pas. Que l'autre là-bas tire la même grimace que toi, ça me dérange. Qu'est-ce que vous avez prévu de faire ?

— La finalité du plan est de faire tomber mon père et mettre Cassandre à sa place. On compte utiliser... Quelque chose qu'il a fait. Et qui a lieu depuis bien plus longtemps que lui.

— Comment ça ? Tu commences à me faire peur, il se passe quoi ? Pourquoi vous me faîtes des cachotteries du genre ?

— Becca... Je veux juste être sûre... On est d'accord qu'au cours de ta vie, tu n'as jamais ressenti soudainement des vives douleurs ou angoisses sans avoir de blessures ? Et sans que ça ait un lien quelconque avec quelqu'un ?

— Absolument pas ? Est-ce que tu parles des crises que tu nous as fait plusieurs fois, avant ? Si c'est ça, je te confirme que non et je suis bien contente de ne pas avoir ça. »

Même si elle en était sûre depuis des années, Céleste était contente d'avoir eu une véritable réponse. Ça lui enlevait cette épine-là du pied.

« Mais je ne vois pas réellement le rapport.

— Becca... Je vais peut-être te poser une question conne mais... Tu es bien au courant que tu es une Fosten ? »

Le mutisme soudain de la noiraude installa un malaise profond. Bien sûr, le silence fut coupé par Lahssen qui porta le plus lentement possible son verre à ses lèvres. Peut-être essayait-il de briser cette sensation lourde, de pousser la vétérane à répondre.

« C'est une question piège ?

— Non, c'est sérieux.

— Bah... J'ai toujours eu un doute ? On s'est toujours ressemblé donc l'idée d'un lien de parenté m'a toujours effleuré mais d'un autre côté, vu que je ressemble aussi à ma mère, enfin j'ai au moins ses yeux, je me suis juste dit que c'était la génétique ou un ancêtre en commun, tu vois ? Et puis, ça m'aurait un petit peu étonné qu'on soit vraiment de la même famille, en tout cas proche, parce que ça voudrait dire qu'on nous a abandonné dans les bas-fonds et ça, c'est assez étonnant venant d'une famille de noble. Enfin, maintenant que tu me poses cette question, j'imagine qu'on est vraiment de la même famille.

— Ta mère, Nathalia, est la fille illégitime de mon grand-père. Elle est, par conséquent, la demi-sœur de mon père. Mais contrairement à lui, elle est née dans les bas-fonds.

— Donc j'existe parce qu'un homme a été infidèle ?

— Pas réellement. Enfin, si. Mais c'est aussi pour de plus grandes raisons que ça. Becca, écoute, c'est très difficile à expliquer mais il faut que tu le saches, ça fait aussi partie, techniquement, de ton histoire.

— Dis-moi tout. »

Céleste prit une grande inspiration. Elle prit un temps pour tirer toutes ses pensées, mieux s'organiser dans son discours. Lorsque son amie lui attrapa la main, elle se détendit ; la noiraude était prête à l'écouter, quoi qu'il arrive.

« Je pense que tu le sais mais les Fosten ont toujours servi la famille royale. Depuis je-ne-sais combien de générations, nous sommes au côté du roi. Ça a eu des conséquences. Un de mes ancêtres, pour prouver sa loyauté, a décidé d'offrir ses enfants. Il voulait qu'ils soient encore plus attachés au roi, qu'ils puissent encore mieux le servir. Je n'ai pas tous les détails de comment c'est arrivé mais ces enfants sont les premiers à avoir développé ce qu'on appelle aujourd'hui le « lien ». C'est une sorte... Je ne sais pas vraiment comment l'expliquer... Disons que lorsqu'un Fosten est extrêmement attaché à quelqu'un, il y a une sorte de connexion qui se crée. Ce n'est pas quelque chose dans le sens où nous lisons les pensées ou quoi que ce soit, loin de là, mais disons plutôt que lorsque la personne à qui nous sommes attachés est en danger, surtout de mort, nous le savons. Nous le ressentons. Les menaces de mort sur la famille royale étant de plus en plus nombreuses, ce lien a pris une place dominante. Il fallait que tous les enfants l'aient, qu'il soit parfaitement développé, maîtrisé. Seulement, un jour, il n'est pas apparu. Et si mes ancêtres ont bien compris quelque chose, c'est que si un enfant d'une fratrie n'a pas le lien, le reste ne l'aura pas aussi.

— S'il-te-plaît, ne me dis pas que...

— Si. La... Je ne veux pas dire « tradition » parce que c'est vraiment infâme même si c'est un peu l'idée... En tout cas, l'ordre des choses voulait que tous les garçons Fosten non mariés tentent d'abord avec d'autres femmes.

— Et tu étais au courant ?

— Oui. Enfin... Uniquement de ce qu'on voulait me faire comprendre. Pour moi, c'était quelque chose qui s'était arrêtée à mon grand-père et surtout à mon père, qui n'avait lieu qu'une fois par garçon. Qu'il n'y avait de toute manière pas tant d'illégitimes que ça, qu'ils n'auraient pas survécu dans de telles conditions... Je n'ai, aujourd'hui, pas réellement conscience de l'ampleur de la chose et je me disais que ça ne me concernait pas, que c'était dans le passé.

— Corrige-moi si je me trompe, Céleste, mais tu es en train de me dire que pendant des générations, ta famille a fait un véritable trafic humain et que si je suis née, c'est parce que vous vouliez un « lien » qui vous pourrit plus la vie qu'autre chose ?

— Oui, c'est à peu près ça.

— Et ce lien ? Il existe encore ? Ou Cassandre a dû lui aussi se taper une pute dans les bas-fonds ?

— Dans tous les cas, il n'a jamais fait ça. Ensuite, malheureusement, nous avons ce lien. C'est, après, un mal pour un bien parce que ça sera utilisé contre mon père, avec, entre autres, ce trafic.

— Mais, tu n'as pas dit il y a deux secondes que c'était ton père qui l'avait arrêté ?

— Ce n'est pas parce qu'il l'a dit qu'il l'avait fait que c'est réellement le cas.

— Lahssen, ressers-moi s'il te plaît. »

Le verre à peine rempli à nouveau, Becca le vida d'une traite. Sa tête était pleine d'informations et elle avait l'impression qu'il lui en manquait encore énormément.

« Tu sais quoi, je n'ai même pas envie d'en savoir plus. J'ai l'impression que tu vas m'annoncer dans cinq minutes des choses plus délirantes les unes que les autres et, très honnêtement, je n'ai pas la foi. Je veux juste savoir deux choses : est-ce que tu as, ou auras, besoin de moi et est-ce que tu es en sécurité.

— Je ne pense pas que j'aurai besoin de toi et si ça arrive, tu le sauras directement. Et concernant ma sécurité, Lahssen est là donc-

— Donc tu es dans une situation plus que bancale, d'accord. Super. Je ne veux pas plus de détails, je me contente de ce que je sais. Mais dès qu'il faut, je viens.

— Par exemple si l'ancien fiancé revient à la charge ?

— Oh putain, lui. Même préventivement, je le frappe. On sait jamais. »

oh la la, le chapitre des révélations ;

bon, on en apprend un peu plus sur ce fameux "lien", sur l'histoire des fosten et un peu tout ce qui gravite autour... ; on n'a pas tout mais on a beaucoup donc ça va ! ;

comme d'hab, lahssen écoute tout et il laisse les autres (céleste) gérer la merde ; 

en tout cas, je suis assez contente de la tournure de ce chapitre ; je pense, à vue de nez, qu'on aura la fameuse soirée fin de chapitre prochain ; 

et franchement, je vois qu'on est au chap 36 (déjà ??) alors qu'on est même pas dans la partie 2 de la saison 3 et, très honnêtement, je me demande quelle taille va faire ce tome 2 (surtout comparé au tome 1 ptdrrr) ; 

lol peut-être un tome 3, du coup ?  ; nan je déconne ; mais imaginez quand même ;

en vrai, ça vous dérange si le T2 fait le double du T1 ? ; perso non mais on sait jamais pour vous ;

tfaçon, y'a de très fortes chances qu'il y ai de nouveaux chap sur la réécriture du T1 donc bon :)

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