ㅤ📃 CHAPITRE 36
Céleste peina à trouver le sommeil, cette nuit-là. Elle avait beau se tourner, se retourner, dans son lit, rien ne venait. Ses yeux étaient pourtant fermés, son corps épuisé, mais elle n'y arrivait pas. Et ça l'énervait de plus en plus.
En rentrant dans leur dortoir, elle avait compris avec dépit que les deux autres soldates n'avaient pas été aussi chanceuses. L'une d'elle passait la nuit à l'infirmerie, il paraissait qu'elle était blessée à la jambe, l'autre n'était tout simplement jamais rentrée.
Et si cela n'avait pas trop bousculé Becca, son aînée se retrouva à regarder pendant de longues minutes leurs lits. Elles n'avaient jamais été amies, ne s'étaient parlé que rarement, mais la mort s'était même immiscée dans leur intimité. Et elle empêchait désormais la jeune femme de sombrer.
Elle relativisait en se disant que, au moins, elle ne souffrirait pas de cauchemars cette nuit. C'était déjà ça de gagné, non ? Enfin... Dès qu'elle fermait les yeux, les images de l'expédition lui revenaient en mémoire. Au final, si elle n'avait pas réagi à la découverte du charnier, elle avait fini par être poursuivie par ce souvenir.
Et elle ne savait pas ce qui était pire : finir par un jour l'oublier ou y être habituée.
« Becca, tu dors ? »
Pas de réponse. Tant mieux, à vrai dire. La noiraude ne voulait pas se rendre compte que son amie n'avait, elle aussi, pas réussi à se reposer. De toute manière, ç'aurait été étonnant qu'elle soit éveillée, elle somnolait déjà lorsqu'elles étaient rentrées au dortoir.
Le pire dans cette situation était que le ventre de Céleste, lui, avait fini par se manifester. Au départ, il n'avait fait que gronder un tout petit peu mais il avait fini par faire de grands bruits dans toute la pièce et c'en était presque douloureux. Comprenant qu'elle ne pourrait pas s'endormir sans avoir calmé la bête qui remuait dans son estomac, la soldate se décida à se lever.
Dans les couloirs déserts du quartier général, elle se repéra bon gré mal gré jusqu'au réfectoire qui était, heureusement, vide. Seul demeurait un feu dans l'âtre près des cuisines, où on pouvait faire chauffer ce que l'on voulait si on avait assez de dextérité.
La jeune femme se serait, en réalité, attendue à voir un petit peu plus de monde. Peut-être des vétérans en train de boire ? Mais il n'y avait personne et cela l'arrangeait un tout petit peu. Elle n'avait pas envie de compagnie.
La grande majorité du garde-manger était réservée aux cuisiniers mais il y avait toujours une partie pour ceux qui avaient loupé le repas ou qui avaient seulement faim entre les heures de déjeuner. Il y avait alors à chaque fois du pain, parfois des restes de soupe ou de légumes, des bouteilles... Céleste trouva alors son bonheur dans une marmite presque finie et attrapa par la même occasion un pichet d'eau ainsi qu'une pomme.
Installée à table, elle profitait de son repas silencieux (et un petit peu froid), du manque de monde dans l'immense réfectoire pour contempler les murs de pierre. Comment avait-elle fait pour tomber si bas ? Qu'en penserait Cassandre, tiens ? Serait-il fier de ce qu'elle avait accompli ?
Est-ce qu'elle aussi, elle avait sa place ici ? Elle n'avait pas fait preuve d'un immense courage sur le terrain, n'avait fait que suivre l'idée de Becca, les ordres de Caius, s'était enfuie face au combat et avait espéré qu'elle pourrait survivre à tout ça. Était-ce suffisant ? Elle n'en savait rien.
« Drôle d'horaire pour manger un truc aussi immonde.
— Faut bien se nourrir. Et toi ? Qu'est-ce que tu fais ici ?
— Me refaire du thé. »
Céleste regarda se diriger vers les cuisines. Il sembla fouiller plusieurs secondes dans les placards, avant de s'affairer à récupérer de l'eau. Finalement, elle n'était peut-être pas contre un petit peu de compagnie. La noiraude savait qu'elle ne pourrait chercher ni des larmes, ni des caresses mièvres de la part du soldat. Si elle lui racontait ce qui pouvait la tourmenter, elle était certaine qu'il ne la rassurerait pas mais qu'il lui dirait ce qu'il fallait qu'elle entende, la vérité. Et qu'il n'hésiterait pas à la présenter à elle, même si cela venait à trop la secouer.
« En tout cas, toi et tes amis avez réussi l'exploit de faire sortir Caius de ses gonds. Depuis que je suis ici, je ne l'ai jamais vu comme ça.
— Que veux-tu, on est ses préférés.
— C'est sûr que même pour l'autre con, il n'aurait pas agi ainsi. »
L'envie d'émettre un doute se fit ressentir mais il avait raison ; le vétéran ne se serait jamais énervé de la sorte pour son bras droit. C'était peut-être ça le plus effrayant. Du coin de l'œil, la jeune femme vit Levi continuer à préparer son thé.
« Et toi ? Comment ça s'est passé ?
— Mieux que d'habitude. »
Ni plus, ni moins. Pourquoi s'étaler alors qu'on pouvait répondre aussi simplement ? Cela sonna pour elle la fin de la discussion alors elle retourna à son repas. Vu que sa soupe était presque finie, elle décida qu'elle irait manger sa pomme dans sa chambre. Ou peut-être sur le toit. Oui, c'était une bonne idée. Elle pourrait profiter du calme encore un petit peu et se détendre sous les étoiles. C'est sur ces pensées que Céleste termina son plat, se prépara à partir vers sa prochaine destination.
« Tu viens ? »
Levi venait de se positionner devant elle, sa main droite tenant fermement théière. Aller où ? Pourquoi est-ce qu'elle devrait le suivre ? Ne voulait-il pas, lui aussi, un petit peu de calme ? Pourtant, il ne bougea pas d'un iota lorsqu'elle pencha sa tête sur le côté, lui demandant silencieusement quelle était leur destination.
« Dépêche-toi, j'ai une tonne de paperasse à faire. »
Il ne fallut pas plus de détails ou d'informations pour qu'elle comprenne où il voulait en venir. Céleste s'empressa alors d'aller laver le bol et les couverts qu'elle avait utilisés puis de récupérer sa pomme avant de suivre le soldat dans les couloirs. Quelques minutes plus tard, ils étaient arrivés à sa chambre.
« Tu peux t'asseoir sur la chaise là.
— Pourquoi cette invitation ?
— À force de te voir faire la moue, je sais quand tu as quelque chose qui te pèse. Alors pose toi et raconte-moi pendant que je fais mon rapport. »
Était-ce une invitation ou un ordre ? La soldate n'en savait plus trop rien mais elle écouta tout de même la demande de son ami. Installée sur la chaise désignée, elle commença à croquer dans sa pomme alors que Levi préparait ses affaires et sa tasse de thé. Fallait-il qu'elle attende qu'il lui dise de parler ou pouvait-elle commencer maintenant ? Elle ne savait pas. Mais puisqu'il ne parlait plus, elle prit cela comme une autorisation : il la laissait s'exprimer quand elle le voulait.
Au départ, Céleste ne sut pas trop quoi dire. Devait-elle une nouvelle fois parler du fait qu'elle ne savait pas si elle avait pris une bonne décision en venant ici ? Ou devait-elle directement raconter l'expédition, le tourbillon qu'il avait créé sans qu'elle ne s'en rende compte. Mais peu importe ce qu'elle avait envie de dire, rien ne venait. Elle avait l'impression de se répéter en boucle, de toujours parler des mêmes choses et...
« Quoi ? Tu as peur de radoter ?
— Faut bien que je trouve des trucs intéressants à dire.
— C'est pas grave si tu répètes tout comme une...
— Ne le dis pas !
— Mamie. »
Si ça n'avait pas été Levi, elle aurait été sûre de l'entendre souffler du nez. Se moquait-il d'elle ? La noiraude lui offrit une moue choquée, alors qu'il ne faisait qu'arquer un sourcil dans sa direction. Quoi ? Elle pensait tant que ça qu'il n'avait pas entendu son stupide surnom ?
« Et dire que les autres appelaient Claude le morveux, c'est assez ironique.
— Qu'est-ce que tu veux, j'ai toujours été la plus mâture du trio. »
Il leva ses yeux au ciel, la contredisant cependant à moitié. Après tout, Céleste était peut-être la plus posée des trois et-
« Ça fait des années que j'ai des cauchemars récurrents de Claude.
— Quoi ?
— Je pensais que ça arriverait dès sa mort mais je sais pas, ça m'a pris pendant les Brigades. Je crois qu'arriver à l'armée et comprendre ce qui m'attendait ici m'a fait ouvrir les yeux. Je ne regrette pas d'être là, même si je me pose encore des questions, parce que je l'ai voulu. Mais parfois, c'est vraiment dur. Et avec tout ce qu'il s'est passé aujourd'hui... J'ai peur de m'endormir, ce soir. »
Levi écouta sans dire un mot. Que pouvait-il dire, de toute manière. Tenter de réconforter Céleste était inutile, elle n'avait envie de rien d'autre sauf d'être écoutée. Et il le faisait à merveille. Becca et Zeyn en étaient capables mais pas autant que le soldat. Ils n'avaient pas cette même position privilégiée dans son cœur.
Elle le voyait, pourtant, tenter de dire quelque chose. Mais il ne semblait pas y arriver et ce n'était pas si grave que ça ; la jeune femme acceptait ce silence gêné. Il l'arrangeait un peu, elle aussi ne savait pas comment continuer son monologue. Elle regarda un instant ses mains qu'elle avait posées sur ses genoux, évitant le regard de plus en plus insistant de Levi.
Soudain, il se leva. Du coin de l'œil, elle l'observa la dépasser et quitter la pièce, sans rien ajouter de plus. Quoi ? Il s'enfuyait, maintenant ? Il aurait au moins pu lui dire où il allait, c'était assez étrange qu'il disparaisse de la sorte. Et puis, qu'est-ce qu'elle devait faire ? Retourner dans sa chambre ? L'attendre ?
Non. S'il voulait qu'elle parte, il le lui aurait dit clairement. Il allait revenir et il fallait qu'elle reste ici. Et qu'est-ce qu'elle fit bien ! Levi mit quelques minutes à revenir mais lorsqu'il arriva, il déposa sur son bureau une nouvelle tasse, juste à côté de la pomme abandonnée.
« Quoi ?
— Tu aurais pu me dire que tu allais récupérer ça au lieu de me laisser toute seule comme une idiote.
— C'est moi le con à avoir oublié de t'en apporter une. »
Sans un mot de plus, il lui servit du thé et poussa le récipient vers Céleste. Malgré le temps qui s'était déjà écoulé, le liquide était encore un peu chaud. Tant mieux, elle n'allait pas s'ébouillanter à la première gorgée.
« Il faut quand même que tu te reposes un peu. Demain, sauf si tu as de la chance, il n'y a pas de permission. Donc retour à l'entraînement. Si tu arrives sur le terrain en étant explosée demain, je ne pense pas que ça passe crème.
— Honnêtement, je sais même pas si ça vaut la peine. »
Après tout, la nuit était déjà bien entamée et Céleste savait qu'il valait mieux qu'elle fasse nuit blanche et se couche tôt le lendemain plutôt qu'elle ne dorme que quelques heures. Et puis, maintenant qu'elle avait parlé, l'appétit lui était revenue et elle avait recommencé à manger sa pomme.
« Tu sais, demain, j'aimerai bien me promener en ville. Tu connais des endroits où aller, dans la région ? »
Et maintenant, elle remplissait le vide. Peut-être sautait-elle du coq à l'âne, passait un petit trop vite à autre chose mais elle n'avait même plus envie de penser au reste. Juste se vider la tête et ne plus laisser aucun blanc prendre l'espace dans la pièce.
Levi l'écouta parler sans un mot, occupé à finir ses rapports. De temps en temps, il hochait la tête, ne répondait même pas à ses questions vides. Cependant, il s'étonna de ne plus l'entendre pendant plusieurs secondes. Se disait-elle qu'elle commençait à se répéter ? Il releva un instant la tête pour voir à quoi elle réfléchissait, avant de lever ses yeux au ciel.
« Pas la peine, hein ? »
ah bah là, sans surprises, j'ai préféré écrire ce chapitre ahaha ;
ça m'a fait plaisir de voir levi et céleste interagir de nouveau ; et de retrouver la relation qu'ils avaient avant et de la voir évoluer ; j'ai hâte de vous en montrer encore plus parce que je les aime tellement ces deux-là :D ;
de l'autre côté, on commence un peu à approcher certaines problématiques, comme les cauchemars de céleste ; on ne va pas arrêter d'en parler et on va même commencer à aborder petit à petit des choses encore plus importantes ;
j'espère que vous ne vous étiez pas trop attendu.e.s à levi réconfortant céleste, ils sont pas assez proches pour ça ; pas encore en tout cas :) ;
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