Lorsqu'ils arrivèrent près de l'immense brèche, les soldats se séparèrent en petits groupes. Céleste était partie avec l'un deux, fila droit vers une direction prise au hasard. Sur le chemin, elle ne parla pas avec le jeune homme à côté d'elle, cherchait plutôt un survivant. Si possible celui qu'elle voulait.

« Là-bas. Quelqu'un. »

Contre un arbre, assis, mal en point. Les deux s'approchèrent sans un mot, regardèrent un instant l'homme blessé.

« C'était donc vous. »

Peut-être que la noiraude avait bien fait de partir seule avec un soldat inconnu. Elle se tourna vers lui, pointa du menton la brèche.

« Vous pouvez retrouver le caporal Levi ? Il voulait voir celui-là.

— Ça va aller ?

— Je pense que je vais survivre. »

Debout face à un Kenny plus que blessé, Céleste voyait son puzzle se compléter.

« La petite Fosten a bien grandi...

— Un peu dommage que nous nous revoyons dans ces conditions, vous ne pensez pas ?

— Tu aurais préféré qu'on prenne le thé, j'imagine.

— Plutôt que vous assumiez Becca et ne l'abandonniez pas.

— Comme si je l'avais voulu... »

Les doigts serrés autour de son fusil, elle se demandait si elle ne devait pas achever ce presque cadavre. Il ne restait de lui qu'une toux sèche, un souffle rauque, une faible vie.

« C'est pour ça que vous étiez venu chez moi.

— Charles-Henry n'est pas un homme d'affaires... Il n'a même pas voulu me dire où avait disparue Nathalia et la môme.

— Ce n'était pas difficile de la retrouver, pourtant. Vous n'aviez qu'à chercher dans l'entourage, vous l'auriez tout de suite retrouvée.

— J'avais d'autres affaires à régler.

— Donc quoi ? Vous vous êtes rappelé l'existence de Becca quand son père vous a demandé de la récupérer ?

— Il n'est pas son père. Crois-moi...

— En effet. Tout comme ce n'était pas vous. »

Le rire sec de Kenny lui brisa presque le cœur. Malgré tout, elle sentait une douleur dans son regard fiévreux et elle savait qu'elle n'était pas causée par ses blessures.

« Pourquoi avoir tenté de nous tuer durant les Brigades d'Entraînement ?

— Je voulais juste... La récupérer. Je ne m'attendais pas... À ce que ça dérape... Faut le dire, vous, les Fosten... Vous êtes vraiment des sales bêtes... Alors quitte à ce qu'elle ne soit pas avec moi... Elle était mieux avec toi. Je te revois encore... Ce soir-là... Tu es ce que ton père... Voulait...

— Comment ça ?

— Ne fais pas l'idiote... ! Tu es une Fosten, tu sais pourquoi vous êtes nées avec Becca... Et tu sais qu'elle n'est pas la seule morveuse des bas-fonds à partager ton sang... Tu as dû voir Bénédict...

— Qu'est-ce que vous savez ? De nous comme de lui.

— Nous... Les Ackerman, c'était la protection du roi et c'était tout... Mais vous... Vous étiez une famille bien plus hors du commun. Et tes pères, encore et encore, ils ont tout fait pour garder ce lien... Jusqu'à en arriver à maintenant. Becca et Bénédict, ce ne sont que les produits d'un long héritage que j'ai essayé d'arrêter.

— Ça ne répond pas à ma question. Qui est-il ?

— Écoute ce que le merdeux a à te dire...

— Et vous ? Je vous laisse crever ici ?

— Tu crois que j'ai le choix ? J'aurai au moins aimé... Les revoir... »

Un instant, Céleste hésita à relancer la conversation. Cet homme en connaissait bien plus sur sa famille qu'il ne voulait le laisser paraître et elle voulait tout entendre. La moindre information était cruciale et s'il savait qui était l'autre traître, c'était parfait. Pourtant, elle voyait bien qu'il n'allait pas plus lui répondre, qu'il allait rester muet...

« Kenny.

— Oh, c'est toi... »

L'arrivée de Levi signait la fin de leur discussion, ils le savaient tous les deux.

« Tous tes hommes sont morts, ils ont été écrasés. Tu es le dernier survivant.

— On dirait bien.

— Caporal, il va...

— J'ai vu. Va faire ton rapport, on reste ici.

— Oui monsieur. »

Le vétéran devait avoir remarqué que les deux parlaient et quelque chose lui disait que ça n'avait pas un réel rapport avec le coup d'état. Qu'il y avait quelque chose de bien plus personnel.

« Avec toutes ces brûlures et le sang perdu... Tu es condamné.

— Vraiment ? Je me demande... »

Le simple mouvement de main que Kenny fit surpris Céleste. Depuis le temps qu'elle était ici, elle n'avait même pas remarqué la boîte qu'il tenait à peine ! Une seringue et une petite fioles s'y trouvaient, bien calées dans une protection...

« Je l'ai piqué dans le sac de Rhodes. Je me demande si en l'utilisant, je me transformerai en titan... Je serai un titan stupide mais ça me gardera en vie encore un moment...

— Tu avais tout le temps et l'énergie de le faire avant. Pourquoi ne l'as-tu pas fait ?

— Va savoir... Peut-être que je me suis dit que si je ne le faisais pas bien, je me transformerai comme l'autre...

— Ça ne te ressemble pas de t'asseoir là et de te laisser crever. Tu n'as pas une meilleure excuse ?

— Bien sûr que si, je ne veux pas mourir. Et je veux... le pouvoir... »

Une seconde, Kenny leva les yeux vers le duo. Il regarda un temps Levi avant de se déporter sur Céleste. Elle connaissait cet air, elle l'avait déjà vu sur le visage de Caius.

« Je crois... Que je viens juste de comprendre... Pourquoi il a dit ça... 

— Quoi ?

— Toutes les personnes que j'ai rencontré étaient pareilles. Que ce soit l'alcool, les femmes, Dieu, la famille, le roi, des rêves, des enfants, le pouvoir... Personne ne pouvait avancer sans être accroc à quelque chose. Elles étaient toutes esclaves, même lui... »

Et alors qu'il toussait et que le noiraud se mettait à son niveau, l'instructrice essayait de rester ferme sur son fusil.

« Dis-moi tout ce que tu sais ! Pourquoi le premier roi ne veut pas que l'humanité survive ?!

— Comme si je savais... Mais c'était la raison de pourquoi... Nous... Les Ackerman, nous nous sommes opposés à lui. »

Nous ?

« Mon nom est Ackerman, alors ? Qu'est-ce que tu étais pour ma mère ? Réellement.

— Ah ! Idiot ! J'étais juste son frère...

— Ce jour-là... Pourquoi est-ce que tu m'as laissé... ? »

La tristesse que Céleste lisait sur le visage de Levi lui donnait l'impression que c'était l'enfant qui parlait. Que cette question, c'était le gamin d'une dizaine d'années qui venait d'être laissé qui la posait.

« Parce que... Je peux définitivement pas... Être père... Ah... J'aurai aimé... La revoir...

— Quoi ? »

Le caporal n'eut aucune réponse. Kenny plaqua la boîte à peine refermée sur le torse de du vétéran, se tourna légèrement vers Céleste. Il n'y avait aucune excuse dans son regard, seulement une lumière qui s'éteignait, un souffle qui disparaissait. L'homme s'éteignit ainsi, alors que les deux soldats restaient silencieux.

« Levi...

— On va rentrer, notre travail est terminé ici.

— Est-ce que tu...

— Je vais bien, ne t'en fais pas.

— J'imagine bien. Mais si tu as besoin... Je suis là et-

— Je sais, merci. Je n'ai pas besoin de ça je... Je veux juste qu'on rentre et qu'on retrouve Erwin, que je lui donne ça. C'est tout. »

Il fut le premier à partir. Marchant rapidement vers là où étaient les chevaux, il força la noiraude à accélérer le pas. Lorsqu'elle arriva enfin à sa hauteur, ils continuèrent leur route en silence. Pourtant, au bout de vingt minutes, il s'arrêta.

Il était épuisé et cette perte-là était peut-être trop pour lui. Un instant, Levi baissa sa tête, souffla un grand coup. Ce n'était ni le moment, ni l'endroit. Pourtant, il se laissa faire quand Céleste passa un bras maladroit dans son dos, essuya avec son autre main la tâche de sang sur sa joue, provoquée par la toux de Kenny.

Et si le soldat ne bougea pas pendant plusieurs secondes, il finit par attraper réellement la noiraude, répondre à sa tentative de réconfort par une réelle étreinte.

Ils restèrent ainsi un moment, silencieux, à écouter simplement le jour passer. Le visage posé sur l'épaule de l'instructrice, Levi sentait ses cheveux attachés lui frôler le nez, son cœur battre à travers son cou. Même s'il avait mal, il n'était pas seul. Il avait beau dire ne pas en avoir besoin, cette chaleur était plus que bienvenue.

Finalement, il se recula ; légèrement confus, il mit un petit temps avant de parler.

« Rentrons.

— Oui... »

Marchant côte à côte, les deux se dirigèrent vers leurs montures plus loin. Mais quand ils y arrivèrent, Céleste attrapa la manche de son ami, attira son attention.

« Tout à l'heure, quand nous étions à cheval... Je t'ai dit que je connaissais Kenny...

— Tu l'avais vu chez toi.

— Oui mais aussi ailleurs. La première année des Brigades d'Entraînement, il y a eu une intrusion. Au moins trois hommes payés par Simon Avery pour récupérer sa fille.

— Pourquoi tu me dis ça ?

— Tu ne le sais peut-être pas mais cet homme, c'est l'époux de la mère de Becca. Il voulait qu'elle revienne à la maison. Ça n'a pas tourné comme il l'espérait, on a fait ce qu'on devait faire pour qu'ils arrêtent de la poursuivre mais ce soir-là et... L'un de ces hommes était Kenny. Il ne s'est jamais mêlé au combat mais on a parlé.

— Et donc ?

— Si Simon Avery est le père adoptif de Becca, Kenny Ackerman est le biologique. À l'époque, je ne connaissais pas son nom mais maintenant... J'en ai eu la confirmation.

— Putain, ça m'en fait une belle de savoir que cette hargneuse est ma cousine. Mais vu ta tête, tu veux m'annoncer autre chose.

— Becca est née dans les bas-fonds et y a vécu pendant plusieurs années. Tu vas dire que ça ne change rien, que c'est même logique mais pas quand on sait quelles sont les origines de sa mère. J'ai eu beau dire pendant des années, j'ai toujours su qu'elle était de ma famille. Et pourquoi elle était née... Je... J'ai rencontré un membre de l'équipe de Kenny, durant nos combats. Il vient du même endroit qu'elle, visiblement.

— Et tu sais ce qu'il veut ?

— Pas encore mais... Je pense que ça aura un lien avec les bas-fonds.

— Tu veux que je t'accompagne.

— Tu connais l'endroit.

— Alors je viendrai.

— Merci. »

Céleste sourit légèrement. Et dire qu'elle pensait tout lui dire l'espace d'un instant, le courage s'était envolé. Comme aurait-elle pu ? Levi lui en aurait très certainement voulu d'avoir gardé le silence toutes ces années sur ça.

Mais qu'aurait-elle pu faire d'autre ? À l'époque, elle pensait que Becca n'était le fruit que d'une suite d'événements, que c'était sa mère la dernière. Qu'elle s'en était sortie parce que son père avait décidé de tout arrêter, parce qu'il ne voulait plus de cette stupide pratique, parce qu'il voulait arrêter que leur sang soit éparpillé, versé, gâché.

Seulement, Bénédict existait et il était la preuve que rien n'avait été stoppé. Il n'était pas le frère de son amie, Kenny l'aurait dit. Cela laissait plusieurs options à la noiraude et la plus certaine l'inquiétait réellement.

« Mais vous... Vous étiez une famille bien plus hors du commun. Et tes pères, encore et encore, ils ont tout fait pour garder ce lien... Jusqu'à en arriver à maintenant. Becca et Bénédict, ce ne sont que les produits d'un long héritage que j'ai essayé d'arrêter. »

Et dire que la noiraude s'était dit que ce don aurait été un minuscule argument face à son père, elle réalisait encore plus l'arme qu'elle avait dans les mains. La puissance qui résidait en elle.

Car si tous ses parents avaient été capables, pendant des générations, de créer ces enfants cachés pour tenter de retrouver cette faculté, alors quel poids avait-elle en étant plus que légitime ?

Jusqu'à où pouvait-elle faire plier sa famille face à ce lien ?

https://youtu.be/oT0axZFjw1E

reprenons les choses tranquillement, voulez-vous ? ; bon, déjà, on a eu le reveal du papa de becca ; au final, assez logique que ce soit kenny, c'est le seul boloss qui aurait pu l'être niveau âge ; les gens qui l'avaient deviné, levez votre main <3 ;

mais ce n'est pas tout ; déjà, on apprend un peu plus sur le lore des fosten et c'est un giga gros morceau ; ça parle d'une sorte de don/héritage/faculté et céleste a l'air au courant de beaucoup de trucs à son propos ; notamment que sa famille le veut depuis longtemps et a fait beaucoup pour le récupérer ; 

bénédict serait aussi lié à ça ? ; dans quelle mesure, alors ? ; allez savoir ; dans tous les cas, y'a un truc et il le sait ; quel service va-t-il demander à leste ? ; dans tous les cas, je pense que vous devinez un petit peu plus d'où il vient et pourquoi il veut s'immiscer dans tout ça ;

mais le bourbier, je vous jure, le bour-bier ; 

et pis levi choupi il a perdu son tonton :((