ㅤ📃 CHAPITRE 23

Contrairement à ce qu'elle avait imaginé, Céleste arrêta de pleurer au moment même où elle ferma la lettre que Claude avait écrit.

On lui répétait sans cesse qu'elle devait faire un choix, qu'elle devait se battre, sans prendre en considération le fait qu'elle voulait le faire ou non. Le frère qu'elle venait de perdre l'avait aussi fait, mais avait rajouté un détail qu'elle oubliait de temps en temps ; c'était, avant que ce ne soit son choix à lui, ses rêves à elle.

Céleste n'avait aucun désir de vengeance. Et elle ne voulait pas fuir.

Si elle s'en allait, c'était par ambition, par désir de devenir un petit plus. Par caprice pur. 

Les choses n'étaient assurément pas aussi simples que sur le papier mais elle y voyait désormais plus clair. Cela l'aida puisqu'elle ne dormit pas cette nuit-là, passa plutôt son temps à organiser ce qui allait se dérouler. 

Cela lui prit bien évidemment plus de temps que prévu et la fatigue qui se lisait sur son visage fut mise sur le compte de son deuil. Était-ce seulement celui de Claude ou sa vie à elle ?

Cassandre n'était toujours pas au courant, il devait bien évidemment s'en douter puisqu'il passait le plus de temps possible avec la noiraude, comme s'il voulait profiter de ses derniers moments avec elle.

Et plus la date butoir approchait, plus son ventre se tordait de stress.

Et si c'était la mauvaise décision ?

Elle ne le voulait pas, espérait faire un bon choix, hésitait de temps en temps à tout arrêter tant qu'il en était encore temps. Mais lorsque la veille de l'ouverture des inscriptions sonna, lorsque la nuit prit place, Céleste se tenait prête.

Pour une fois, elle n'avait pas mis une de ses jolies robes mais plutôt une tenue de ville, qui cachait parfaitement d'où elle venait. Elle avait attaché ses cheveux en une queue de cheval simple, abandonnant derrière elle bijoux et accessoires. Tous.

En effet, à côté d'un petit mot, comme Claude, elle avait déposé la bague qui avait été glissée sur son doigt.

Céleste espérait qu'en agissant ainsi, son message soit d'autant plus clair aux yeux de son père. Elle ne faisait pas que fuir la maison, elle refusait catégoriquement ce qu'il lui imposait et elle faisait enfin quelque chose pour le contredire bruyamment.

Un sac de vêtements sur l'épaule, avec à l'intérieur un autre petit rempli de ses effets les plus personnels, la noiraude se sentait enfin prête à partir. Bien évidemment, lorsqu'elle commença à descendre les grands escaliers de la maison qui l'avait vu grandir, elle tomba nez à nez avec Cassandre.

« Tu comptais partir sans un au revoir ?
— Je t'ai laissé un mot. »

C'était vrai mais Céleste savait que son frère viendrait la rejoindre pour son départ. Sinon, pourquoi se serait-il habillé au beau milieu de la nuit ? En silence, il marcha aux côtés de sa sœur jusqu'aux écuries. Puisqu'il l'accompagnait jusqu'à la fin, ils décidèrent de ne prendre qu'un cheval, de supporter d'être tous les deux sur une même selle. Cela ne dérangea pas Céleste qui, au contraire, profita de la dernière proximité qu'elle pouvait avoir avec son frère. Après tout, elle n'allait pas le voir pendant trois ans, au minimum, et allez savoir quand serait le moment où ils pourront se retrouver. Alors, elle savourait chaque seconde dans le silence, tentait d'imprimer dans son esprit l'odeur fleurie qui accompagnait tout le temps le noiraud.

Et elle regretta d'être restée en colère contre lui aussi longtemps, alors qu'un tel événement se produisait maintenant. Et comme à chaque fois, comme n'importe qui, elle se souffla que si elle avait su, elle aurait agi différemment.

Lorsqu'ils arrivèrent au campement des brigades d'entraînement, le soleil était déjà levé. Cependant, les portes n'étaient pas encore ouvertes et Céleste craignait qu'ils se soient trompés de jour. Cassandre, lui, ne vit pas cela du même œil.

« Profitons en pour nous dire au revoir, tu ne penses pas ?
— J'aurai aimé que ce jour n'arrive jamais. On peut encore rentrer. On peut encore inverser le cours des choses.
— Non, Cæl. Tu vas rentrer dès que les portes s'ouvriront et tu ne vas pas te retourner. Tu m'entends ? Et tu ne reviendras pas tant que ce ne sera pas le moment. Maintenant, c'est toi contre le monde, et personne d'autre. Je serai toujours là, dans tes pensées, mais tu ne pourras plus chouiner auprès de moi et compter sur mon aide.
— C'est moi qui te défendais, n'inverse pas le cours des choses s'il te plaît.
— Raison de plus pour que tu t'en ailles, je dois apprendre à m'endurcir un petit peu plus. Ne t'en fais pas pour moi, Céleste, je vais m'en sortir, tout seul. Après tout, je suis un grand garçon, je saurai me défendre.
— Tu me le promets ?
— Je te le jure. »

Cassandre prit entre ses mains le visage de sa sœur, planta son regard violet dans celui de la plus jeune. À cet instant, ils se ressemblaient plus que de raison, il avait lui-même l'impression de regarder dans un miroir.

Il y avait tant de choses qu'il voulait lui dire, de secrets au bord de ses lèvres qu'il désirait annoncer. Lui rappeler à quel point elle comptait pour lui, à quel point elle avait été la seule chose à laquelle il pouvait se raccrocher toutes ces années.

Il eut envie de la supplier, lui faire jurer de revenir vivante, encore plus forte que ce qu'elle n'était déjà, de faire payer à tous ceux qui les avaient fait souffrir, de devenir une reine encore plus rayonnante qu'avant. 

Et s'il pouvait simplement la conjurer de se battre, coûte que coûte, de venger tout de même la mort de Claude, de faire pleuvoir le sang de ces monstres qui avaient pris un être cher, il l'aurait fait depuis longtemps.

Cependant, une seule demande criait de plus en plus fort dans sa tête, jusqu'à l'en faire mal. Elle frappait pour se faire entendre, pour passer la barrière des lèvres closes du jeune homme.

Même s'il la poussait à partir, il ne pouvait s'empêcher d'avoir envie de tomber à ses genoux, de croiser ses mains et de la prier de ne pas partir.

Malgré tout, Cassandre restait un enfant et se voir séparé de sa sœur lui était insupportable. La lame qui se plantait dans son cœur le faisait souffrir le martyr et plus les secondes passaient, plus il avait envie de la tirer vers lui, de reprendre le cheval avec elle et de rentrer la maison. Mais ce n'était pas possible.

Car la « maison » n'était plus, car il devait la reconstruire pour qu'elle y habite, car elle devait elle aussi devenir une adulte. Alors il ne pouvait se raccrocher qu'à l'idée vaine que sa sœur allait parfaitement s'en sortir, devenir encore meilleure que son aîné et revenir vers lui couverte de lauriers. Peut-être était-ce elle qui allait rebâtir leur maison à grands coups de bras, poser la couronne familiale sur la tête de l'héritier, le proclamer elle-même roi de ces lieux.

« Ne t'en fais pas, tout va bien se passer Cæl.
— Alors pourquoi tu pleures ? »

Elle aussi avait les joues trempées de larmes. Était-ce les siennes ? Ou celles de son aîné qui lui sanglotait presque dessus ? Les deux n'en savaient trop rien et puis, à quoi bon deviner, ça n'avait pas sa place là. Ce qui comptait le plus, c'était qu'ils devaient se séparer, accepter de se laisser pour une durée plus qu'indéterminée.

Et Cassandre était, au final, celui qui avait le plus de mal à dire au revoir à sa sœur.

Comment pouvait-il ? 

Il se sentait toujours responsable des événements, craignait pour la vie de la noiraude, se demandait ce qu'il pouvait faire pour arranger tout cela. et même s'il avait remarqué que Céleste ne portait plus sa bague, il savait que les choses n'allaient pas être aussi simples, qu'il devait trouver une solution à long terme...

« Ne t'en fais pas trop, Sandre. Les choses vont finir par s'arranger, tu verras. Essaye de penser à toi, à ce qui t'attends avec ta belle. Et oublie un petit peu tout le reste.
— On se bat à notre manière, c'est ça ?
— Et on se serre les coudes. »

Avec une douceur qu'il connaissait maintenant par cœur, Cassandre laissa Céleste essuyer ses larmes du bout des doigts. Elle laissa cependant ses mains sur son visage, comme si elle imprimait autant que possible son image dans sa mémoire, faisait tout pour se souvenir de chacun de ses traits. Elle devait garder dans son esprit tout ce qui composait son frère, ne jamais l'oublier.

« Je t'aime, d'accord ? Et je te le jure, je te le jure Sandre, je reviendrai à la maison. Je retournai chez-nous et je montrerai à tout le monde que les Fosten, ce n'est pas qu'un nom tâché de trahisons. C'est aussi nous. Nos disputes et nos querelles. Toute l'affection que j'ai pour toi. Ne crains pas pour moi, je vivrai quoi qu'il arrive. Je prends le ciel à témoin, rien ne pourra me tuer avant que je ne rentre à la maison et fasse tomber la couronne de notre père. Avant que nous reprenions tout ce qui nous appartient de droit et puissions enfin voir le soleil dignement.
— Je ferai tout en mon pouvoir pour préparer ce moment, alors. Pars sans crainte, Cæl. Les secrets que tu as laissé dans ta chambre seront enfouis et ceux que notre père a détruits seront dévoilés au grand jour. Lorsque viendra le temps de rentrer, tu le feras par la grande porte, regarderas les autres et t'installeras à mes côtés. Car ta place est près de moi, pas de cet idiot qui savait tout de leurs manigances et les a usé à son profit. »

Cassandre embrassa le front de sa sœur au moment même où les portes en bois du campement s'ouvrirent. Il aurait aimé pouvoir profiter un petit peu plus de sa sœur mais savait parfaitement que l'heure était venue. Il se sépara d'elle, laissa une partie de son cœur dans ses mains et recula de plusieurs pas. Il ne fallait pas qu'il pleure à nouveau, même s'ils étaient encore seuls. 

« Je t'aime aussi. 
— Je sais.
— Maintenant, il faut partir. »

Et Céleste, même si elle n'était pas courageuse ou déterminée, serra la sangle de son sac de voyage, prit une grande bouffée d'air et s'en alla vers les brigades d'entrainement.

Une seconde, Cassandre crut qu'elle allait le regarder une dernière fois, lui crier au revoir à nouveau mais ce ne fut pas le cas.

La noiraude avançait sans se retourner vers les lieux qui allaient l'accueillir trois ans, là où son destin pouvait se sceller vers un sort tragique. Et à l'instant où il la vit passer les portes en bois, disparaître derrière ces dernières, l'héritier prit conscience d'une chose :

Céleste était la créature la plus forte qui existait sur cette terre. Et elle allait survivre à tous les cataclysmes possible, jusqu'à ce qu'elle puisse rentrer.

partie I, terminée ! ;

et quel final ! ;

je suis assez fière de ce chapitre, je pense qu'il conclut parfaitement toute la première version de céleste et sa relation avec sa famille ;

j'ai aimé vous faire découvrir cette demoiselle, trouyarde et agaçante, j'ai hâte que vous fassiez la rencontre de la soldate que j'annonce déjà comme énervée et courageuse ;

ça me rend quand même un peu triste de quitter cette phase de sa vie, de voir les deux se séparer dans les larmes ; mais ils se retrouveront, promis ;

pour prendre de l'avance dans ma rédaction, j'annonce déjà que je ne publierai rien pendant au moins une semaine (voire deux) donc il va falloir attendre pour avoir la partie II, eheh ;

j'espère en tout cas que vous avez passé un bon moment et je vous dis à très vite !!

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