ㅤ📃 CHAPITRE 19
« Qu'est-ce que tu veux dire ? »
Le double-sens que pouvait avoir la phrase de Levi perturbait Céleste. Est-ce qu'il disait qu'elle devait comprendre qu'elle espérait bien trop ou pas assez ? Bien sûr, une réponse lui allait bien plus qu'une autre mais elle n'avait pas envie de forcer les choses, voulait surtout être fixée. Le fait que le noiraud n'ait toujours pas lâché sa main la faisait pencher vers l'autre option mais elle ne savait pas.
Pourquoi est-ce que ça se passait maintenant ?
« J'ai l'impression d'être revenu à ton entrée au Bataillon.
— Tu m'avais dit que tu n'avais jamais cessé de me considérer comme une amie... Est-ce que j'ai le droit de penser que ça pourrait être encore le cas ?
— Ça n'a jamais cessé et tu le sais tout aussi bien que moi. Pourquoi toutes ces questions ? »
La noiraude aurait aimé lui dire qu'elle avait besoin de se raccrocher à des certitudes. Constamment tournée vers le passé, elle avait fini par oublier ce qui était réel. Ce qui la composait vraiment. Et maintenant, tout revenait par flammes dans son esprit, l'empêchait de voir correctement.
Elle avait l'impression de se réveiller d'un long rêve, de retrouver petit à petit des éléments qui avaient été cachés trop longtemps. Et elle était épuisée de continuer à chercher des réponses vaines. Céleste voulait que tout redevienne comme avant, que rien n'ait changé, que tout soit à l'identique.
Mais elle avait bien conscience que c'était impossible.
« Je crois... Que j'ai besoin d'un peu de positif. Ça a été une longue journée...
— D'accord. »
Le sang sur ses mains ne disparaîtrait jamais, tout comme celui qu'elle avait déjà fait couler. Plus elle regardait Levi dans les yeux, plus un autre regard s'imposait à elle, oppressait sa poitrine.
Contre qui d'autre avait-elle tourné sa lame ? Qui ?
Finalement, elle lâcha le caporal, attrapa le bois à ses pieds. Vite, qu'elle apaise les battements de son cœur, qu'elle fasse taire ces images, qu'elle s'occupe à autre chose. Qu'elle oublie à nouveau ce qu'elle commençait à revoir.
Lorsqu'ils retrouvèrent les autres dans l'écurie abandonnée, ils s'occupèrent directement de préparer le repas. Ce n'était rien de bien compliqué, juste de quoi tenir le ventre, mais l'idée d'avoir un « dîner » chaud était agréable. Ça permettait de se réchauffer un petit peu...
La nuit était rapidement tombée et tout le monde finit par s'installer autour du feu de camp improvisé. Seule Sasha resta dehors pour monter la garde et elle fit bien comprendre aux autres qu'on avait intérêt à lui garder à manger.
« Qu'est-ce qu'il t'arrive, Armin ? C'est l'état lamentable de cet étable qui t'empêche de manger ?
— ... Non. »
C'était la première fois que le blond parlait depuis les événements de la journée. Il avait repris des couleurs depuis leur arrivée mais il regardait depuis tout à l'heure ce qu'il avait dans son plat avec une sorte de dégoût à peine déguisé. Soit c'était infâme, soit c'était son estomac qui était noué...
« Jean...
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Il y a quelque chose que je ne comprends pas... Quand j'ai dégainé mon arme, j'étais certain que ce serait trop tard. Je suis désolé mais elle t'avait en joue et... Pourquoi est-ce que j'ai été le premier à appuyer sur la détente ? »
Ce n'était pas faux. Un instant, Céleste fronça ses sourcils ; la logique aurait voulu que l'adolescent se fasse lui aussi tuer. Sauf si... Au moment où l'instructrice croisa le regard tremblant du soldat, elle comprit. Et elle savait que Becca comme Levi avaient saisi ce qu'il s'était passé.
« Parce qu'elle a hésité l'espace d'un moment, n'est-ce pas ? »
L'expression qu'avait Jean était terrible. Mélange de culpabilité pure et terreur, il se sentait plus que responsable du crime qu'avait désormais commis son camarade. Était-il totalement blâmable ? La noiraude n'était personne pour le juger.
« Armin... Je suis désolé... J'aurai dû tirer dès le départ et maintenant, à cause de moi...
— Je vois... La femme que j'ai tuée devait être une bonne personne. Elle était en tout cas plus humaine que moi qui ai appuyé sur la détente si facilement. J'ai-
— Armin. Tes mains sont déjà ensanglantées. Tu ne peux plus revenir en arrière.
— Pourquoi le dîtes-vous de cette manière ?! »
L'agacement de Mikasa était compréhensible. L'adolescente avait tout fait pour rassurer son ami, l'empêcher de trop se considérer comme une mauvaise personne. Mais maintenant que Levi parlait, les couleurs à peine revenues sur ses joues étaient en train de disparaître et on le voyait devenir de plus en plus fébrile. Finalement, Céleste se pencha vers la jeune fille, posa une main sur son épaule.
« Il a raison. (la femme se tourna vers le blond) Si tu n'avais pas tiré, Jean ne serait très certainement plus parmi nous. Tu ne l'as pas fait car tu es une mauvaise personne mais parce que tu voyais ton ami sur le point de se faire tuer et tu savais qu'il fallait agir sans hésiter. Et aussi parce que si nous perdions à nouveau quelque chose, que ce soit des ressources comme des camarades, nous n'en serions pas là. Si nous sommes ici, maintenant, c'est en grande partie parce que tu as pris cette décision.
— Armin, tu nous as sauvé en te salissant les mains. Merci. »
Même si la manière de formuler les choses n'était pas la meilleure, l'instructrice comprenait pourquoi Levi ajoutait ces paroles aux siennes. Mais elles étaient vraies, faisaient réaliser à tout le monde l'état de la situation.
« Caporal... J'ai toujours pensé que votre façon d'agir était mauvaise. Enfin, je devrai plutôt dire que j'ai toujours espéré que vos actions étaient mauvaises. Tout ça parce que j'étais effrayé de tuer des gens de mes mains... Mais j'avais tort. La prochaine fois, je n'hésiterai pas à tuer.
— En effet, c'est ta lâcheté qui nous a mis en danger. »
À l'instant où le soldat répliqua, Becca chuchota qu'il avait raison. Cela accabla encore plus Jean qui baissa sa tête encore plus vers le sol.
« Je suis désolé...
— Ce qui est fait est fait. Je ne suis pas en train de te dire si c'était bien ou pas, je n'ai pas cette réponse. Avais-tu réellement tort ?
— Quoi... ? »
La confusion qui régnait dans l'esprit de Jean n'eut aucune réponse. Qu'est-ce que le vétéran voulait dire par-là ? Un instant, l'adolescent se pencha un peu plus vers son supérieur mais ce dernier semblait déjà changer de sujet...
« Ils sont très certainement déjà en train de lancer les recherches pour nous débusquer et nous manquons d'informations. Nous devons trouver où sont enfermés Eren et Historia et pour cela, nous devons nous infiltrer dans les Brigades Spéciales, je ne vois pas d'autres solutions. Quelqu'un doit bien savoir où ils sont... Le mieux serait qu'on attrape un haut placé.
— J'imagine que tu as déjà un plan.
— Pas forcément, je sais juste que nous devons agir vite. Si nous mettons la main sur l'un d'eux, ça devrait être plus simple. Dans tous les cas, nous ne pouvons pas rester ici donc nous devrons bouger dès demain.
— Et Hanji ? Il faudrait peut-être læ contacter.
— Becca, si taon cheff d'escouade te manque tant, il aurait fallu accompagner Moblit au lieu de rester avec nous.
— C'est vrai que comparé à ellui, tu es tellement agréable. »
Alors que les deux vétérans s'échangeaient des grimaces écœurées, Céleste vit Jean se lever pour passer le relais avec Sasha. Il fallait le dire, l'adolescente était restée dehors depuis tout à l'heure, elle devait avoir faim. Hélas, elle voyait que son état ne s'était pas amélioré et elle se décida à le suivre à l'extérieur.
Calés tous les deux contre le bois, le fusil sur l'épaule du soldat, ils regardaient le ciel étoilé. L'instructrice n'avait pas osé parler, de peur de brusquer le garçon, mais quand elle l'entendit se racler la gorge, elle se lança enfin.
« Je sais que c'est difficile mais il ne faut pas que tu te sentes trop coupable. C'est parfaitement humain de ne pas savoir quoi faire dans ce type de situations. De vouloir garder encore un petit peu de morale. Tu te sens peut-être redevable envers Armin, ce que je comprends, seulement il ne faut pas que tu agisses inconsidérément pour te « racheter ».
— Vous... Vous n'avez pas hésité...
— En effet. Ça ne fait pas de moi quelqu'un de plus courageux que toi. Ou de meilleur. Ou de pire. Ça fait de moi ce que je suis, tout comme ton choix t'a forgé toi aussi. Demain, peut-être que tu prendras une autre décision. Ça ne dépend que de toi ainsi que du cours des choses.
— Et si mon hésitation coûte la vie d'un ami ? Et s'il y avait une autre solution ?
— Tu ne le sauras jamais. C'est ça aussi, la vie. Il faut que tu fasses ton choix en âme et conscience. Tu dois, par contre, te rappeler que ta vie est actuellement en jeu et tu vas très certainement devoir tout faire pour la garder. Nous ne serons bientôt plus dans des situations où tu pourras être sauvé par tes amis.
— Est-ce que... Est-ce que vous regrettez de l'avoir fait, malgré tout ? Même si vous étiez face à la mort... Est-ce que vous avez eu un doute ? Quelque chose...
— Si j'avais pu faire autrement, j'aurai fait autrement. Mais je n'ai pas pu alors j'ai fait ce que je devais faire. Ça ne veut pas dire que je suis fière de moi, que ça ne hantera pas mes souvenirs et que j'oublierai cela... Seulement, je suis encore vivante et c'est ça qui compte. Que je le sois et vous aussi. Tu sais... Je suis quand même contente que tu te poses ces questions.
— Comment ça ?
— Ça veut dire que tu n'es pas encore anesthésié par tout ça. Il arrivera peut-être un jour où ça sera le cas mais j'espère de tout mon cœur, Jean, que tu garderas ce doute en toi. C'est ça qui te gardera humain, crois-moi. »
Elle voulait que l'adolescent ait encore cette moralité qui lui faisait parfois défaut, ce dégoût de la mort, cette envie de tout arranger. Parce qu'elle savait que d'autres finiraient par ne plus jamais hésiter, par ne voir leurs ennemis que comme des obstacles et non des êtres vivants.
« Qu'il ne finisse pas comme toi ce soir-là. »
Céleste peina à offrir à Jean un sourire rassurant alors qu'elle voyait à leurs pieds une flaque de sang apparaître. Elle savait qu'il n'était pas à eux, n'était même pas là... Mais elle sentait malgré tout la chaleur moite du liquide sur ses mains, la vérité qui commençait à remonter à elle.
Le souvenir de Zeyn avait raison ; l'instructrice ne voulait pas que l'adolescent en face d'elle perde son humanité comme elle avait pu onze ans plus tôt.
j'aime bien ce chapitre ! ; plusieurs petites choses se passent en même temps et c'est assez sympathique, je trouve :D
gros big up à la discussion entre céleste et jean à la fin du chapitre, je ne l'attendais pas mais elle m'a fait grave plaisir ! ; notre céleste nationale commence à accepter certains petits trucs mais ce n'est pas encore maintenant qu'elle aura le fin mot de cette histoire ; tout comme vous ;) (je rigole, c'est le prochain chapitre mes cailles) ;
mis à part ça, vous avez eu un petit peu de leveste à vous mettre sous la dent, j'espère que ça vous a fait plaisir !
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