« La famille royale Fritz n'est qu'une imposture. La famille Reiss est la véritable famille royale. »

C'était la deuxième fois de la journée que Céleste entendait ces mots. Et c'était la deuxième fois de la journée qu'un poids tombait dans son ventre.

Au départ, c'était Hanji qui le lui avait dit, alors qu'iel envoyait Nifa vite transmettre l'information au Major et récupérer par la même occasion ses nouvelles directives. Iel aurait d'ailleurs dû le dire aux adolescents plus tard mais iel était partix au petit matin ; ainsi, ce fut Levi qui l'annonça pendant qu'on mettait en place les ordres d'Erwin.

C'était logique, au final. Vu toute l'attention qu'on accordait à Historia, le fait qu'elle soit l'héritière légitime du trône n'était pas si déconnant. La noiraude comprenait aussi un peu mieux pourquoi on allait avoir autant besoin de sa famille. Ah, elle était même certaine que son père avait cette information depuis des années.

« Je... Je ne peux pas le faire... »

Le tremblement des lèvres de la blonde ne trompait personne ; qui pourrait accepter sans aucun doute une telle charge ? Elle qui avait passé une grande partie de sa vie à cacher sa véritable identité, elle se retrouvait maintenant devant un rôle beaucoup trop grand. Céleste aurait voulu la rassurer mais elle savait que ce n'était pas possible. Si la jeune fille refusait ce rôle, une partie du plan tombait à l'eau.

Ils avaient besoin d'elle.

« C'est compréhensible. Tu te retrouves soudainement avec la plus haute autorité de l'humanité sur les épaules. Mais même si tu es effrayée, tu ne devrais pas y penser. Mieux, « très bien, je le ferai » devrait être ta réponse. »

Seul Levi avait osé parler, s'était avancé d'un pas ferme jusqu'à Historia. Droit, il regardait l'adolescente qui se tassait de plus en plus, n'arrivait pas à répondre à cet ordre à moitié déguisé.

« Ou plutôt « je vais le faire ». »

De plus en plus tremblante, la soldate peinait à soutenir le regard froid de son supérieur. Elle essaya de murmurer qu'elle ne pouvait pas devenir reine une première fois, répéta lorsque le noiraud lui demanda confirmation. Et alors que l'instructrice pensait qu'elle ne pouvait pas plus vaciller, elle vit le vétéran attraper soudainement le col de la blonde, la soulever comme si elle ne pesait rien.

« D'accord. Dans ce cas, enfuis-toi. Essaie de nous échapper. Mais sois sûre que nous te pourchasserons, que nous allons faire tout et n'importe quoi pour que tu fasses ce que nous voulons. Si tu n'aimes pas ça, bats-toi. Bats-moi. »

Et tandis que Levi parlait, l'instructrice voyait parfaitement qu'il étranglait à moitié l'adolescente. Les autres l'avaient tout autant remarqué, demandaient au caporal de lâcher leur camarade. Lorsqu'il le fit, Armin et Sasha se penchèrent directement sur la blonde qui toussait à s'en arracher la gorge.

« Eh ben, il n'y va pas de main morte. »

Becca avait chuchoté à l'oreille de Céleste. Lentement, la noiraude hocha sa tête de haut en bas avant de répondre un simple « c'est nécessaire ». Même si ça lui brisait le cœur de voir Historia malmenée de la sorte, elle savait parfaitement qu'il n'y avait pas d'autres moyens. Elle était la clé pour légitimer le renversement du pouvoir actuel et si elle refusait, tous ces efforts auraient été faits en vain. Néanmoins, elle comprenait le choc des jeunes, entendait parfaitement Jean qui criait que le soldat allait trop loin.

« Où vous voyez-vous demain ? Est-ce que vous aurez de quoi manger ? Pensez-vous que vous aurez un lit où vous reposer ? Est-ce que les personnes ici présentes seront toujours là demain ? Je ne le pense jamais. Et je doute que les gens normaux réfléchissent à cela quotidiennement... Cela signifie donc que je suis anormal... Probablement parce que j'ai vu beaucoup trop de choses anormales. Mais si le Mur Rose venait à céder demain et que nous devions faire face à une situation d'urgence, je serais plus prompt que quiconque à réagir et à combattre. Je me battrai, même cela veut dire retourner en enfer demain. Vous avez tous vu des choses horribles et il y en aura sûrement d'autres qui vous attendent... Je veux seulement mettre une fin à ce cauchemar maintenant. »

Elle se rappelait ces nuits où il lui disait qu'il ne savait jamais de quoi le lendemain était fait, qu'il voulait faire tous ses choix en âme et conscience, ne pas vivre rempli de regrets. Il en avait mais il demeurait avec, assumait tous ses choix tels qu'ils étaient.

Céleste avait toujours admiré cette capacité à savoir avancer avec ce poids, à ne pas se retourner. À se connaître suffisamment pour toujours garder en tête son objectif.

« Mais même si nous réfléchissons à un moyen d'empêcher ça d'arriver, il y aura toujours des gens sur notre chemin. Alors, si je dois devenir un meurtrier, ainsi soit-il. Plutôt que d'être dévoré par un titan, je me battrai jusqu'au bout. Au moins, je n'entraînerai pas toute l'humanité avec moi. Et si nous pouvons apporter la vérité à ce monde, alors certaines personnes ne seront pas mortes en vain. Tu ne penses pas ? Maintenant, Historia, tu dois prendre une décision : obéir ou te battre. C'est à toi de choisir. Seulement... »

En un bond, Levi s'était saisi de la tête de la blonde, s'était soudainement mis à crier.

« ON N'A PAS LE TEMPS DE DECONNER, ALORS REPONDS MOI !

— JE VAIS LE FAIRE ! »

Qu'est-ce qui avait le plus soufflé tout le monde ? Le fait de voir le caporal s'emporter de la sorte ou entendre l'adolescente accepter ce nouveau rôle ? Dans tous les cas, ses tremblements s'étaient arrêtés et une nouvelle lueur était apparue dans son regard. Peur ? Colère ? Finalement, le vétéran aida la jeune fille à se lever, lui annonça d'une voix plus posée qu'il comptait sur elle. Puis il repartit vers les membres de l'escouade de Hanji, non sans regarder une dernière fois les adolescents.

« Tu peux reprendre, Nifa.

— Ah, oui. Voici les ordres du Major. »

D'une voix calme, la soldate entreprit de lire les ordres d'Erwin. Il fallait livrer Eren et Historia, les laisser à compagnie Reeves, atteindre une cible en particulier. L'ironie du sort était qu'ils allaient s'attaquer à Rhodes Reiss. En voyant le dessin de son père biologique, la désormais future reine ne put s'empêcher de détourner le regard.

« Il est à la tête de l'organisation à l'intérieur des Murs. Si l'on en croit nos détenus, il a un contrôle absolu sur tout le gouvernement et la famille Fritz. Quand le moment sera venu, nous devront trouver un moyen de l'abattre. Notre but est de changer le système existant, de faire en sorte que le faux roi abdique en faveur de Historia et ce devant le peuple. Il faut les obliger à avouer que toute leur entreprise est fausse, dévoiler la vérité et ainsi redonner au Bataillon d'Exploration toute sa force. Quand ça sera fait, notre prochaine cible sera le trou dans le Mur Maria. »

C'était cette déclaration-là qui secoua tout le monde. Si tout se déroulait correctement, alors les chances de pouvoir reprendre ce territoire perdu s'agrandissaient. Certes, Eren n'était toujours pas capable de se durcir mais ils s'attaquaient tout de même à celui qui tirait toutes les ficelles, il devait très certainement savoir une ou deux choses sur les titans... ! Il fallait y croire, en tout cas.

« Préparez-vous à partir. Dimo, je te confie les gamins. Les autres, allez vous préparer, nous n'avons pas de temps à perdre. »

Levi avait raison, il fallait agir vite maintenant. Le président de la compagnie Reeves et son fils se levèrent au moment où on les appela et ils se présentèrent devant Eren et Historia. Lorsque le père eut fini d'expliquer brièvement où il allait emmener les deux, Céleste se dirigea vers la blonde. Elle posa sa main sur son épaule, se pencha vers elle et chuchota ; même si ça n'avait rien d'un complot, elle voulait seulement être entendue par l'adolescente.

« Ne t'inquiète pas trop, pour le moment. Fais les choses comme tu peux, tu seras soutenue. On ne te lâchera pas seule dans la nature.

— C'est vous qui le dîtes...

— Non. Je le sais. Et je ne parle pas que du Bataillon. »

L'instructrice aurait aimé lui dire pourquoi elle en était si convaincue. Mais puisque rien n'était réellement sûr de son côté, que seules deux personnes étaient au courant de ses origines à elle et qu'en parler maintenant ne servait pas à grand-chose, la noiraude ne put que tenter d'offrir un sourire à Historia.

Ça ne valait pas beaucoup mais ç'eut le mérite de la surprendre, de la détendre légèrement. Si Céleste était aussi sûre de ce qu'elle disait, alors elle pouvait lui faire confiance.

Lorsque les deux adolescents furent enfin partis, on s'organisa en vitesse. Abel et Keiji s'occupèrent des prisonniers qui se trouvaient encore dans les sous-sols tandis que les autres partaient se changer. Même s'il fallait rester discret, le port de l'équipement tridimensionnel était désormais obligatoire. Tout pouvait basculer à n'importe quel moment.

Tandis que tout le monde se préparait, Becca regardait avec attention son amie mettre ses sangles. L'habitude faisait qu'elle agissait presque par réflexe, leva les yeux vers la soldate sans arrêter son mouvement.

« Il y a un soucis ?

— Tu pourras te battre avec tes côtes, mamie ?

— Ça devrait le faire, je n'ai plus aucune douleur. »

Et même si c'était le cas, elle n'irait pas lui dire. Céleste n'avait pas envie d'être pouponnée alors que tout le monde allait se battre. Si elle devait avoir son implication dans tout cela, il fallait qu'elle soit totale et non qu'elle se retienne.

Finalement, la vétérane se rapprocha, s'abaissa, se mit à chuchoter.

« Et dis-moi... Tu savais, pour la gosse ?

— Concernant ses origines ? Tu penses bien que non. Mais mon père sûrement. L'inverse m'étonnerait.

— Les Fosten sont proches de la famille royale, n'est-ce pas ?

— Plus que tu ne le penses. M'est d'avis que Cassandre a déjà entendu parler de ce Rhodes Reiss. C'est aussi pour ça qu'Erwin voulait le contacter. Si on y arrive, le Bataillon d'Exploration et Historia pourraient avoir un soutien plus que préférable. Je ne sais pas comment ça va se jouer mais j'ai déjà ma petite idée.

— Pourquoi je sens qu'elle pue la connerie, ton idée.

— Parce que sinon, ce n'est pas drôle. »

Céleste se faisait souvent la réflexion que rien ne se passait comme on l'imaginait. Elle était par conséquent certaine que son affaire avec sa famille finirait par dégénérer. Seulement, elle ne s'était pas doutée que ce genre de pensée touchait aussi ce qui se déroulait maintenant.

Ainsi, elle fut tout autant retournée que les autres quand elle apprit à quel point la première partie du plan avait été un fiasco.

bon, je pensais qu'on entrerait dans l'action beaucoup plus vite mais il nous reste encore un ou deux chapitres transitoires (en comptant celui-là) ; mais je suis quand même contente du rendu des choses, ça bouge et on a un peu plus de trucs qui se mettent en place ! ; mais les choses se corsent quand même, on a déjà perdu eren et historia-