ㅤ📃 CHAPITRE 1
Il y avait des jours où Céleste savait qu'il valait mieux ne pas sortir de son lit. C'étaient ces matins où elle entendait déjà son père crier sur allez savoir qui, quand les pas des domestiques se faisaient pressés dans le couloir, quand on la disputait alors qu'elle ne s'était même pas encore débarbouillée.
Et aujourd'hui, elle le savait parfaitement, quelque chose n'allait pas.
Pour une fois, elle avait entendu en premier le cri de sa mère. C'est ce qui l'avait réveillée. Elle mis d'ailleurs plusieurs minutes, ou secondes, à comprendre ce qu'il venait de se passer. Au départ, elle cru que quelqu'un était mort et elle resta cachée sous ses draps , sans bouger. Mais quand elle entendit le maître des lieux se mettre lui aussi à crier, elle comprit que quelque chose de grave, autre qu'un décès, s'était déroulé.
Oh, elle entendit parfaitement le nom de son grand-frère, le « Cassandre » hurlé à en réveiller tout le voisinage.
En entendant son aîné se faire appeler, elle sortit en un bond de son lit, raide comme un piquet. Intriguée, et surtout inquiète, la demoiselle avait posé en vitesse ses pieds sur le parquet tiède de sa chambre, cherchant du regard ses chaussons. Ses yeux avaient eu le temps de s'habituer à la pénombre dans la pièce, il était encore tôt.
Sans un bruit, elle partit ouvrir sa porte et passa sa tête dans l'embrasure, essayant de voir si le chemin était libre. En ne voyant personne dans le couloir, Céleste se lança à pas de loups, suivit sans problème le bruit des hurlements. Elle ne comprenait pas ce que son père criait depuis déjà cinq bonnes minutes mais plus elle avançait vers les grands escaliers, plus elle se demandait ce que Cassandre avait fait pour autant le sortir de ses gonds.
À mesure qu'elle approchait du bureau de son père, au fond du couloir, elle distinguait de plus en plus ce qu'il se disait ; en entendant le nom de Claude, elle se rendit enfin compte qu'il n'était pas là. Oui, après tout, se dit la demoiselle, il aurait dû être à ses côtés pour essayer de savoir ce qu'il se passait, c'était dans son caractère.
Finalement, des phrases entières arrivèrent à ses oreilles, alors que de plus en plus de questions lui venaient en tête.
« ... incapable ! Tu étais chargé de surveiller, de protéger cette famille et tu laisses ce genre de choses arriver ?! Tu crois qu'on n'en a pas déjà assez avec l'autre bâtarde ? Maintenant il faut que ton frère fasse les guerriers ?! »
Non ! Claude n'avait pas fait ça ! Si ? Céleste se raidit une nouvelle fois, l'oreille presque collée contre la porte du bureau. Il n'était tout de même pas parti... C'était une idée, un plan de secours, un fantasme qui aurait dû s'éteindre à sa naissance, tant il était ridicule ! Mais en entendant son père vociférer, crier sa colère, elle comprit que ce n'était pas qu'une pensée, que son aîné en avait fait une réalité.
Claude était parti, sûrement durant la nuit. Il avait posé sur son lit une note ; il s'enrôlait dans l'armée, ce n'était pas la peine d'aller le chercher, il n'allait pas revenir.
Un instant, le monde de Céleste s'écroula autour d'elle, alors qu'elle réalisait les conséquences de cet acte pourtant si rapide. Et puis, avant même que la tristesse d'avoir perdu un frère, un meilleur ami, ne la prenne, elle goûta la colère. Il n'était pas parti, non. Il les avait abandonnés. Laissés pour compte dans cette maison maudite, s'était défilé sans même les embrasser ou tout simplement s'excuser. Il s'était enfui, avait créé une tempête à son départ, alors qu'ils s'étaient tous les trois promis, quelques jours plus tôt, de partir ensemble, de construire une vie simple, où plus rien ne pèserait sur leurs épaules.
Et il avait disparu.
Ses dents grincèrent et, sans réfléchir, Céleste ouvrit la porte du bureau. Avoir des rêves, c'était bien beau mais la réalité était toute autre. Ils n'auraient jamais pu s'enfuir de cette maison et Claude l'avait compris avant tout le monde. Alors, il avait pensé à lui en premier, s'était faufilé par une porte de sortie, pensant à sa peau avant celle des autres. Et puis, ne l'avait-il pas prévenue ? Elle avait juste décidé d'ignorer, de faire comme si de rien n'était.
Mais maintenant, ils étaient seuls et Cassandre ramassait les pots cassés. Et Céleste savait qu'elle n'allait pas le laisser derrière. Elle ne pouvait pas.
Maintenant, elle se tenait droite devant son père, évitait le regard mouillé de son frère. Elle remarqua cependant ses poings serrés, ses yeux fuyants alors qu'il se faisait insulter de tous les noms. Peut-être qu'il se disait qu'il le méritait ? Céleste s'élança, se plaça devant son aîné, faisant face à son géniteur pour la première fois. On l'avait toujours protégée, c'était à elle de le faire, maintenant. Alors, du haut de ses treize ans et un quart (il était important pour elle), encore dans sa robe de nuit, les cheveux emmêlés, la noiraude prit une grande inspiration et prit son courage à deux mains.
« Père ! Ne réprimandez pas trop Cassandre, je vous en prie ! Il a toujours essayé de garder Claude près de nous, mais il a toujours été de ceux qui abandonnent les autres et font chemin seuls ! Il n'a jamais pensé à nous, à cette famille, se moque bien de la douleur qu'il a causé.
- Céleste, écarte-toi de ton frère.
- S'il vous plaît, père. Nous, nous sommes là. Nous restons là, auprès de vous, à vos côtés. Cassandre n'a jamais voulu vous causer du tort, ne laissez pas l'égoïsme de Claude voiler la fidélité que nous vous devons. Ne laissez pas cette trahison vous rendre trop méchant, pitié. »
Qu'il ne s'en prenne surtout pas au plus âgé, qui s'était toujours plié en quatre pour que ses deux cadets ne souffrent pas trop. Que les coups ne pleuvent pas trop, que personne ne soit trop blâmé.
Le père de famille sembla peser le pour et le contre et, aussi vite qu'il ne s'était mis en colère, son visage sembla se radoucir. Après tout, sa fille, aussi insolente pouvait-elle était, n'avait pas tort. Il avait encore deux enfants. Il se tourna soudainement vers la porte grande ouverte, regardant droit dans les yeux sa femme qui venait d'arriver, avant de montrer de la main ses deux enfants.
Elle était là, la fierté Fosten, l'esprit habile pour sortir de toute situation, le désespoir de satisfaire leur roi.
« J'imagine que tu n'as plus d'objection à me laisser complètement m'occuper de leur éducation, Frieda.
- Non... »
Peut-être Céleste n'aurait pas dû intervenir. Charles-Henry ordonna à ses enfants de partir de son bureau et ils s'enfuirent presque aussitôt, courant à moitié dans le couloir. Cassandre s'était saisi de la main de sa sœur, la tirant le plus loin possible de cette pièce de mort. Ils arrivèrent finalement dans la bibliothèque, où les premiers rayons du soleil s'étaient immiscés. La noiraude ferma derrière elle la porte, elle ne voulait pas qu'on vienne les déranger.
« Je croyais qu'il voulait nous faire peur, moi. Ou nous secouer, nous rappeler qu'on devait agir, un jour ou l'autre... »
Se laissant glisser au sol, Cassandre avait plongé sa tête entre ses mains, le corps parcouru de tremblements. Il avait été un peu trop innocent, croyant dur comme fer que son frère n'était pas capable de partir de la sorte, sans penser à eux. Il leur avait dit, qu'il voulait s'en aller, mais il leur avait donné l'impression de s'être ravisé.
Et maintenant, c'était de sa faute à lui et jamais Claude n'en pâtira. Jamais il ne verra ce qu'allait subir le reste de la fratrie. Il était égoïste, Cassandre était prêt à le répéter inlassablement.
« Sandre ? »
Accroupie en face de lui, Céleste s'était saisie de ses mains pour les décaler de son visage. Elle regarda une seconde les larmes qui avaient perlé, les essuya du bout des doigts. Le futur héritier renifla bruyamment, avant de se redresser légèrement, la gorge nouée. Elle n'avait pas hésité à s'élancer entre lui et leur père, alors que c'était pourtant lui qui le faisait pour elle à chaque fois que le ton montait. La noiraude, elle, ne l'abandonnait pas. Pire, elle était prête à se battre en son nom, il le voyait très bien. Un instant, il se demanda s'il allait réussir à la sauver, elle aussi, ou si elle allait devoir être sacrifiée. Est-ce que, dans tous les cas, il existait une solution pour elle ?
« Je te laisserai pas, Sandre, je te le promets.
- Tu veux toujours la maison à la montagne ?
- Tout ce que je veux, c'est la paix, c'est tout. Que ce soit ici, où là-bas, ça n'a pas d'importance. C'est tout ce que je veux, d'accord ?
- Merci d'être là. »
Il embrassa son front avant de l'étreindre. Elle se berçait d'illusions, ils le savaient tous les deux. Bientôt, il allait rencontrer sa fiancé, tandis que Céleste devrait devenir une future femme parfaite. Son sort n'avait toujours pas été décidé mais ce n'était plus qu'une question de temps. Alors jusqu'à quand allaient-ils pouvoir profiter de cette fausse tranquillité ? Maintenant qu'ils n'étaient plus que deux, plus aucun faux pas n'était permis et ils le savaient parfaitement.
Ce n'était pas une bonne journée, assurément. Mais ils allaient faire comme si tout allait bien, car il le fallait. Et si on leur demandait des nouvelles, ils n'en sauraient rien. Même si Cassandre ira en chercher, même s'il écrira des lettres qui finiront sans réponses. Au fond de lui, il ne pouvait se dire que c'était fini, qu'il ne voulait plus les voir. Claude les détestait ? Il ne voyait pas d'autres raisons pour expliquer ce départ inexpliqué.
Aussi brusquement que le départ du malheureux, l'adolescent se mit à pleurer contre sa sœur, lui demandant en boucle pourquoi il était parti. Pourquoi il avait choisi cette voie-là.
Céleste ne put lui répondre, elle aussi confuse. Elle pensait, tout comme lui, que jamais Claude ne serait parti. Cependant, au contraire de Cassandre, elle lui en voulait terriblement.
C'était à ses yeux un abandon et rien ne pouvait mériter un quelconque pardon.
j'ai beaucoup aimé écrire ce premier chapitre ! outre le fait qu'il mette bien en place l'un des plus gros "problèmes" de cette partie I et pourquoi cette histoire existe au final, ça m'a fait du bien de retrouver une céleste enfant, j'ai trop l'habitude de l'écrire adulte
les personnes qui ont d'ailleurs connu céleste adulte (via rp ou l'ancienne version de la ff), j'espère que vous verrez les changements de caractère entre les deux âges et les similitudes quand même !
quoi dire de plus ? pas grand chose pour ce premier chapitre
j'espère que vous avez apprécié votre lecture, n'hésitez pas à commenter, à dire ce que vous en avez pensé et aussi à voter parce que ça fait toujours plaisir de savoir que la travail plaît !
je vous dit à vendredi ! :D
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