ㅤ📃 CHAPITRE 66

« ... Et je sais que malgré toute ton affection pour moi, Cassandre, tu ne te rends pas compte du mal que tu me fais. Je ne peux imaginer à quel point tu étais proche de Levi, s'il était réellement un ami ou un pion dans tes plans mais je pense avoir ma réponse depuis longtemps. La question est seulement de comprendre par quels moyens tu y es arrivé mais j'ai compris, avec le temps, qu'il était faible face aux Fosten.

Je peux le comprendre, je le serai aussi si j'étais lui.

Mais tu as eu entre tes mains une arme bien trop terrible et tu l'as, je l'espère sans le vouloir, dirigée vers moi. Peut-être y gagneras-tu, à la fin, ma sécurité... Ce n'est seulement que mon corps qui subsiste aujourd'hui. Mon cœur, je l'avais donné à cette épée.

Je prie pour que tu ne découvres pas maintenant que je l'ai toujours aimé et non apprécié, que tu aies su depuis le départ qu'une telle promesse me pousserait à l'affectionner encore plus. Car à travers tes machinations, j'ai réellement cru que c'était réciproque. Je l'ai cru et je l'ai moi-même prié. Sans savoir qu'il était mon ami à cause de toi.

... »

Céleste avait beau recommencer en boucle sa lettre, elle n'arrivait pas à totalement exprimer le tremblement qui lui prenait l'âme. Elle aurait aimé, en réalité, l'insulter de tous les noms sur ce simple bout de papier mais comme elle l'avait elle-même dit, elle était faible face aux Fosten.

Et face au regard imaginaire de Cassandre, elle ne pouvait que réaliser que tout ce temps, elle n'avait fait qu'espérer que cet amour soit le même, qu'il l'apprécie réellement. Mais tout cela n'était que du vent, une tromperie pour que rien ne lui arrive. S'il ne lui avait pas fait jurer, jamais il ne serait revenu la voir, lui demander comme elle allait. Et ça la dévorait, lui donnait envie de détruire le monde et tout ce qui le composait. Dieux, elle les haïssait, eux et leurs tromperies. Les hommes et leurs mensonges.

Quand Céleste se réveillait, elle gardait dans sa bouche un goût métallique. Parfois des traces de sang, preuve qu'elle mordait d'énervement l'intérieur de sa bouche dans son sommeil.

Il n'y avait plus de rencontres nocturnes. De visite sur le toit. De regards. La jeune femme restait soigneusement avec son escouade, ne parlait plus au soldat, fixait toujours droit devant elle quand il passait à côté. Leurs seuls rapports n'étaient plus que des discussions purement professionnelles, des distributions de documents, des propositions d'entraînement.

Une fois, il essaya de lui parler. Cette seule tentative fut accueillie par un regard triste, un silence et un tremblement. Levi avait arrêté d'essayer. Même si ça lui en coûtait, il savait que ce n'était pas le moment. Qu'il valait mieux laisser la jeune femme tranquille, revenir peut-être plus tard, lorsque la tempête se sera un peu calmée.

Méritait-il au moins son pardon ? Ou avait-il réellement tout gâché pour toujours ? La réponse venait aux yeux du soldat à mesure que la distance s'installait de plus entre eux. Et il le sentait, s'il ne réglait pas tout maintenant... Les deux mois qui s'étaient écoulés allaient bientôt devenir des années.

Lui qui faisait tout pour regretter le moins possible ses actions, agir en toute connaissance de cause, il se retrouvait une situation bien inconfortable. Et il regrettait sûrement ses actions plus que tout. Il le savait, se l'était dit plusieurs fois, mais se voir réellement perdre Céleste était la chose la plus terrible pour lui. Et c'était bien au-delà de cette stupide promesse. Il avait perdu une amie...

Amie ?

Amie ?

Était-ce vraiment toujours le cas ? Avait-il toujours le droit de la considérer ainsi ? En était-elle encore une ? Outre le fait qu'elle le détestait maintenant... Levi avait beau tenter d'oublier, ce qu'il n'essayait même pas de faire, la sensation des lèvres de Céleste contre les siennes continuaient à le hanter. C'était une brûlure contre sa peau, un poison qui l'avait pris au vol, le clouait maintenant sur terre. L'obsédait lentement.

Au diable Cassandre. Ce n'était pas lui qui était important. Et en ce jour d'expédition, il voulait le lui dire, qu'elle sache. Au retour, peut-être ? Cela faisait trop longtemps... Il devait lui aussi parler à cœur ouvert.

Tenter de lui dire un peu plus que la vérité.

Mais quand il la croisa au détour d'un couloir alors que tout le monde s'organisait, elle semblait prête à lui parler. Une ombre fatiguée glissa sur son visage alors qu'elle tentait de parler.

« Bon courage, pour l'expédition...

— Céleste...

— Evite de te faire blesser, on a besoin de toi ici.

— Écoute moi...

— Je sais. Je t'ai évité pendant deux mois. Je... C'est pas facile. J'essaye de décanter tout ça mais c'est compliqué...

— D'accord.

— Mais je suis tout de même contente que tu aies été honnête envers moi. Peu importe si c'était réciproque ou si tu as agi parce que tu gardais en tête que tu devais rester proche de moi... »

Malgré tout, elle laissa le noiraud attraper du bout des doigts sa main, la frôler timidement. Il chuchota lentement, alors que l'effervescence était de plus en plus incroyable.

« Rentre. Reste en vie. S'il te plaît... »

La noiraude ne lui répondit pas, le fixa simplement avec ses yeux mouillés. Il n'y avait plus de flamme, de colère ou de courage. Seulement une lassitude qu'il avait lui-même créée. Et il regretta de ne pas lui avoir fait promettre. Car fut la dernière fois qu'il lui adressa la parole, eut la possibilité d'imprimer ses traits dans ses pensées, de régler tout ce qui les tourmentaient...

Le plan de reconquête du Mur Maria était un prétexte à peine déguisé pour faire disparaitre un petit plus de population. C'était un choix de moindre mal, fait uniquement pour éviter que tout le monde ne meurt de faim.

Savoir que tous ces civils allaient mourir dès ce soir retournait le ventre de Céleste. Ils n'avaient rien demandé, avaient tout fait pour survivre jusqu'ici et couraient finalement à leur mort. Ecœurée, la jeune femme monta à cheval, regarda les membres de son escouade. est-ce qu'ils allaient s'en sortir ? Ils devaient, l'inverse serait étonnant.

« Je sais que c'est horrible de ma part de vous demander cela mais... Ne mettez pas votre vie en danger pour sauver des civils. Je veux que vous rentriez tous ce soir. Je vous en supplie. Ne mourrez pas pour eux... »

La voix de Caius se brisa alors qu'il parlait. Ça lui arrachait le cœur de dire une telle chose mais que pouvait-il faire d'autre ? Ça aurait été trop cruel de perdre tout le monde pour quelqu'un qui avait été condamné à la mort. Même si c'était douloureux... Il préférait voir ses camarades rentrer, peu importe si cela coûtait la vie de quelqu'un d'autre. Là-bas, c'était une bataille pour survivre qui allait se jouer. Pour tenir jusqu'à ce qu'on ordonne de rentrer. C'était une purge simple à laquelle ils devaient survivre quoi qu'il arrive.

Lorsque le départ fut annoncé, on respira une dernière fois une grande bouffée d'air chaud, pria allez savoir quelle divinité pour rester encore debout.

Le corps tremblant, Céleste avança aux côtés de son escouade. Elle sentait dans son dos le regard perçant de Becca, les cris qu'elle poussait dans sa tête ; oui, elles allaient s'en sortir. Elles allaient rester ensemble, se soutenir quoi qu'il arrive, revenir ce soir.

Peu importe les blessures, les traumatismes et les terreurs, il fallait qu'elles rentrent à la maison, se retrouvent... Qu'ils rentrent tous à la maison. Sans son escouade, Céleste perdait tous ses repères, ne savait plus où elle devait aller. Ils devaient vivre.

Devant la grande porte du district de Trost, le sang se glaça. C'était la pire idée qui soit et tout le monde était au courant. Pourtant, lorsqu'Erwin hurla que l'opération de reconquête du mur Maria commençait, il fallut bien s'élancer. C'était terrible pour lui aussi ; cela faisait à peine un an qu'il était devenu Major, n'avait pas pu faire d'expédition pendant tout ce temps et la première qui allait se dérouler était un carnage annoncé. Céleste le plaignait un peu.

Aucune formation ne fut respectée bien longtemps. Très vite, en voyant les titans approcher, plusieurs civils perdirent leurs moyens. C'était normal, les créatures réveillaient en eux des souvenirs qu'ils auraient préféré oublier, la mort qui allait bientôt les prendre.

Jamais l'escouade ne vécut une sortie aussi chaotique. Très vite, ils se retrouvèrent isolés des autres, ne pouvaient deviner les positions de tout le monde que grâce aux fumées colorées qui tâchaient le ciel. Puisqu'il fallait survivre, on faisait tout pour éviter le combat, ne l'engageait que lorsqu'il fallait vraiment y aller. C'était terriblement égoïste, condamnait plusieurs personnes mais ils voulaient survivre aussi.

Céleste savait qu'agir ainsi l'empêcherait de dormir cette nuit, et sûrement toutes les autres, mais elle s'en moquait. Elle voulait juste rentrer. Les remords, elle voulait les avoir plus tard.

Un peu plus tard, l'équipe finit par retrouver le gros des troupes. Enfin, il s'agissait plutôt d'une faible moitié, l'autre avait déjà disparu. Et soit ils étaient morts, soit ils galopaient ailleurs, s'étaient heureusement retrouvés.

Il n'y avait pas le temps de manger, juste de regarder une carte et écouter Erwin qui indiquiait al route. Malgré tout, il jouait le jeu et faisait ce qu'il pouvait pour guider tout le monde jusqu'à Shiganshina pour tenter de reboucher le Mur. Avec quoi ? Personne ne savait mais c'était bien un problème qu'ils voulaient laisser à leur arrivée aux lieux.

Si elle voulait bien se faire...

Malheureusement, lorsqu'il fut enfin l'heure de repartir, personne ne se doutait que c'était leur fin. Car sous le soleil brûlant de ce début d'été, le carnage eu vraiment lieu.

Plusieurs hordes de titans déstabilisèrent tout le monde, bousculèrent les cavaliers, séparèrent les troupes en plusieurs petits groupe. Et même si l'escouade arrivait à rester ensemble, on savait que la situation était de plus en plus tendue, que tout risquait de basculer à n'importe quel moment. Alors on redoublait de vigilance, faisait tout pour rester groupé et en sécurité.

Malheureusement, tous les efforts du monde ne suffisaient pas et la chance n'était pas éternelle. Et Céleste réalisa avec toute la douleur du monde qu'ils n'allaient pas tous rentrer ce soir quand un déviant surgit, emporta avec lui le cheval de Jorj, le fit chuter dans l'herbe derrière. Caius eut beau galoper le plus rapidement possible, la jeune femme goûta une nouvelle fois au déchirement dans son ventre, le sang qui s'infiltre partout. Cette fois, seulement, ses yeux virent parfaitement la chose arriver au jeune homme, les dents trancher légèrement le garçon avant que le titan ne s'effondre sous les lames du vétéran.

« JORJ ! »

Malgré le chaos, tous avaient entouré l'adolescent. Il tenta de maugréer quelque chose dans un gargouillis écœurant, esquissa finalement un sourire triste.

Jorj fut le premier du groupe à s'éteindre.

et de un.

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