ㅤ📃 CHAPITRE 53
Il fut rapidement l'heure de se préparer. Céleste constata que Levi avait bel et bien récupéré des vêtements propres et elle remarqua sans dommages qu'il s'agissait de ses affaires à elle, qu'il avait dû les prendre dans son placard la veille. Ils n'étaient pas du tout adaptés à l'événement mais elle n'avait que ça et ils ne méritaient pas qu'elle vienne absolument bien habillée.
Dos à dos, les deux noirauds se changèrent en silence, n'osèrent prononcer aucun mot. À quoi bon ? L'instructrice n'avait pas du tout l'esprit à ça, elle voulait expédier le plus vite possible cette angoisse qui montait dans sa gorge.
Lorsqu'ils furent prêts, ils sortirent de la chambre sur la pointe des pieds ; il était encore tôt et une partie des soldats dormait. Ils ne furent cependant pas surpris de voir le Major déjà à l'extérieur et ce dernier ne s'étonna pas de voir son caporal arriver. Ce dernier n'eut même pas besoin de dire qu'il venait, il monta directement avec les deux autres dans le carrosse qui les attendait.
Quand le véhicule se mit en route et que le paysage commença à défiler, Erwin se pencha vers les deux.
« Bon, la situation n'est pas la plus idéale mais tu vas t'en sortir.
— Vous y croyez vraiment ?
— Ta famille n'est pas inquiétée par le nettoyage de la noblesse mais uniquement par cette histoire de trafic. Tu n'es techniquement pas coupable mais plutôt victime de la chose.
— Si vous voulez que je pleure pour attendrir le juge, je ne le ferai pas.
— Ne t'en fais pas, je ne te le demanderai pas. Ne panique pas, Céleste, tes arrières sont assurés.
— Vous y croyez vraiment ?
— J'en suis certain. Nous avons tout fait pour. »
La certitude nette du grand blond rassura la femme. S'il craignait un retournement de situation, il l'aurait dit depuis bien longtemps, non ? Un regard échangé avec Levi lui fit comprendre qu'il disait bien la vérité et elle se rassura.
Ça devait aller.
Lorsqu'ils arrivèrent au palais de justice, elle sentit le noiraud serrer sa main un instant.
Ça allait aller.
Levi avait beau eu dire qu'il ne laissait pas Céleste, il avait dû se résigner à ne pas l'accompagner lorsque deux soldats des Brigades Spéciales l'attrapèrent au vol ; à peine avait-elle posé son pied devant le palais de justice qu'on l'avait séparée du caporal et du Major.
Alors qu'elle échangeait un dernier regard avec ses « accompagnateurs », elle sentait son cœur devenir de plus en plus lourd. Sans eux, elle avait la sensation que tout pouvait lui arriver et elle s'angoissait de plus en plus.
La boule au ventre, elle suivit les hommes, fut guidée jusque dans une immense salle et on lui demanda de s'asseoir juste derrière une sorte de barrière.
Au bout d'un moment, toutes les places autour et derrière elle se remplirent. La plupart des personnes présentes étaient des hommes, suffisamment vieux pour être son père, suffisamment riches pour être amis avec lui. Et le simple fait qu'elle soit assise parmi eux l'angoissait.
« Respire. Ça va aller. On est là. »
Qu'est-ce qu'elle aurait aimé que ça soit vrai ! Si Caius avait réellement été à ses côtés, elle aurait un petit peu mieux respiré. Mais là ? Elle était seule face aux hommes qui avaient remarqué sa présence, la regardaient du coin de l'œil avec un dédain qu'elle connaissait bien.
Céleste était redevenue une enfant.
Quelqu'un s'assit à côté d'elle. Une seconde, son corps se tendit entièrement ; ses épaules tombèrent au moment même où la main de Cassandre se saisit de la sienne, la serra avec force. Lentement, il murmura, se pencha d'ailleurs vers sa sœur.
« Tout va bien se passer, ne t'en fais pas.
— Depuis combien de temps tu es au courant... ?
— Hier. Crois-moi, si je l'avais su avant, je te l'aurai dit.
— Qu'est-ce qu'il se passe... ? Je croyais que c'était... « réglé »...
— Je n'en ai pas la moindre idée, je pensais aussi que nous étions en sécurité. On va devoir tirer tout ça au clair maintenant.
— Il n'y a que nous... ?
— Serena et mère sont à la maison. Père est venu avec moi mais nous avons été séparés. »
Elle détestait cette position. Ce cœur lourd. Cette gorge sèche.
« Cæl, ça va aller. Rassure-toi. »
Elle ne répondit pas à son aîné et, quelques minutes plus tard, le procès commença. La première partie était purement dédiée à annoncer aux familles présentes, hormis les Fosten, qu'en raison de leur collaboration avec le gouvernement imposteur, elles allaient perdre leur statut privilégié, avoir leurs biens confisqués, voir certains membres arrêtés. La panique qui s'éleva dans les rangs fit frissonner la soldate.
Elle sentait parfaitement dans son dos la rage, les regards contre elle. Cassandre et Céleste étaient les instigateurs de toute cette affaire et les conséquences pouvaient être terribles pour eux.
La voix du juge était un long bourdonnement dans son esprit alors que tout se déroulait avec une lenteur molle. Par intermittence, elle serrait la main de son frère, prenait une longue respiration. Elle ne savait si c'était son cœur qui s'était mis à battre dans sa tête ou un tambour qui s'y était installé mais il n'y avait que ce son autour d'elle. Rien d'autre subsistait, seulement ce « boum, boum » sec.
Lorsque la première partie du procès fut finie, Charles-Henry fit enfin son entrée dans la salle. Aussitôt, les exclamations fusèrent, perdues à mi-chemin entre les huées et les protestations. Il était à la fois coupable et innocent mais le chef de famille savait parfaitement quelle sentence il allait avoir ; un regard échangé à ses enfants leur permit de comprendre qu'il allait les faire tomber avec lui.
Maintenant ou plus tard.
Le souffle lent, elle écouta les accusations retenues contre son père. Même s'il tentait de garder la face, elle savait qu'il enrageait à l'intérieur, se ratatinait sur lui-même. Sa seule véritable déception était qu'elle n'avait pas pu le faire elle-même, qu'elle n'était que spectatrice de tout cela.
Lorsque son nom et celui de son frère furent prononcés, elle se raidit. Un instant, elle retint sa respiration, attendit le jugement. Est-ce qu'on les considérait comme des criminels ? Cassandre attrapa sa main et elle la serra en retour.
Le « traîtres ! » crié dans la salle la fit tiquer.
Traîtres à leur sang, à leur fidélité, à leur naissance. Traîtres qui envoyaient celui qui les avaient élevés en prison, qui prenaient sa place avec le sourire, marchaient sur tout et tout le monde.
Et lorsque le juge préféra le mot « héros », à la couronne, à l'intégrité, à l'honnêteté, elle respira.
Le reste du monde avait beau s'agacer d'entendre un tel jugement à propos de la fratrie Fosten, Céleste s'en moquait parfaitement. Tout ce qui comptait, pour elle, c'était que là, maintenant, tout de suite, on ne la considérait pas comme une ennemie.
On acceptait qu'elle reste ici, en vie, loin des coupables.
Cependant, elle gardait un goût d'inachevé dans sa bouche. Tout lui semblait bien rapide, soudain, expédié. On se dépêchait d'arrêter et punir tout le monde, d'en finir vite avec tous ces nobles.
Autour d'elle, le monde se tordait, perdait ses couleurs, s'enfonçait dans un brouillard sombre. Elle connaissait cette sensation, cette perte soudaine de prise autour de tout. Seule la main de Cassandre l'accrochait à la réalité, l'empêchait de perdre pied alors qu'on se refusait à accepter ces décisions.
Le visage baissé, elle évitait soigneusement tous les regards, restait dans cette bulle forcée. Elle ne voulait pas croiser les reproches de ces nobles déchus, les malédictions et insultes. Elle espérait simplement que tout cela se termine et que-
« Lève ta tête. Sois digne. »
Caius avait raison. Même si elle ne voulait assumer la colère de ces hommes autour d'elle, Céleste avait tout de même le droit de rester droite, de ne fixer que loin devant elle, ignorer tout ce qui se déroulait autour. Peut-être qu'elle faisait bien, d'ailleurs, car au moment où elle se redressa, ses yeux bloquèrent sur ceux de son père.
Toujours face au juge, il s'était tout de même tourné vers elle, gardait cet air impassible qu'elle lui avait toujours connu. Même au plus bas, même quand tout s'écroulait autour de lui, il restait fier et stoïque, prenait la sentence sans rechigner.
Lorsqu'un raclement de gorge se fit entendre, il se remit correctement, regarda en silence l'homme qui s'adressait à lui.
« Monsieur Fosten, avez-vous quelque chose à dire pour votre défense ?
— Aucunement. Je ne suis ici que pour payer les crimes perpétrés par mes ancêtres depuis trop d'années. Je pensais avoir mis un réel terme à tout cela lorsque je suis monté à la tête de ma famille mais ce sont mes enfants qui s'en sont chargés. Ils ont, comme moi à l'époque, faits en sorte de prendre ma place.
— Niez vous alors leur implication dans ce trafic ?
— Monsieur le juge, je pense que seul un idiot croirait en leur implication. Il est vrai qu'il y a des années, j'ai songé à passer le flambeau à mes enfants mais je n'en avais aucunement besoin. Nous avons suffisamment de pratiques barbares entre nos murs, pourquoi en rajouter ?
— Vous avez tout de même participé à ce trafic.
— Et vous, vous me répétez depuis tout à l'heure des choses que la moitié des personnes ici présentes connaissent déjà. Voyez, nous avons tous perdu notre temps au moins une fois dans notre vie. »
Une nouvelle fois, ses yeux percèrent Céleste. Ils n'étaient qu'un éclair soudain, qui ne laissait aucun survivants. Et elle avait beau essayer de soutenir cet orage froid, elle ne pouvait que détourner le regard une seconde, juste le temps de se ressaisir et reprendre contenance.
« J'accepte parfaitement ma sentence et n'ai rien pour me défendre. Les faits sont tels qu'ils sont et il ne servirait à rien de tenter de les nier. »
Et si Cassandre avait l'air de se détendre, elle savait. Jamais Charles-Henry n'abandonnait sans un souffle, ce n'était pas lui.
« Je n'ai, d'ailleurs, aucune inquiétude concernant la succession. Je sais que mes enfants sauront s'occuper bien mieux que moi de notre famille... Leurs actions le prouvent totalement. »
Sous ce compliment à peine déguisé, elle voyait ce léger haussement de sourcils, le plissement pincé de ses lèvres. Il y avait quelque chose de si simple, de si net, de si convaincu sur son visage qu'elle était profondément certaine qu'il y avait quelque chose.
Rien ne lui tombait jamais dessus par hasard et Charles-Henry n'était pas du genre à se laisser avoir. Il préparait toujours une mesure de sécurité, gardait constamment une avance sur elle.
C'était lui qui avait réussi à pousser Cassandre pour qu'il la « force » à se fiancer à Connor, lui qui avait créé le contrat de fiançailles, lui qui avait rencontré Kenny, lui qui... Qui avait su que son frère et elle avaient le lien, qui se laissait arrêter sans rechigner, qui leur donnait la maison avec le sourire.
Et plus les questionnements noyaient l'esprit de la noiraude, plus le rictus presque satisfait du père tombé s'étendait. Lorsqu'on demanda à emmener l'homme, il salua ses enfants dans un hochement de tête simple, s'en alla d'un pas tranquille.
« C'était quoi ça ? »
Le murmure de l'aîné la réveilla.
« On a vu tous les deux sa tête ?
— Il a fait quelque chose. »
Mais quoi ? Quoi ? La question la hantait alors qu'on venait les chercher pour les faire partir. Ils devaient sortir d'ici avant qu'on n'emmène les autres nobles, avant que la situation ne se dégrade.
Et dans le couloir désert, marchant en tenant la main de son frère, Céleste revoyait ces deux yeux verts, cet amusement qui l'avait inquiété. Cette frayeur qu'il ne soit trop tard...
« Mets les affaires en ordre.
— Ne t'en fais pas, c'est déjà en cours.
— Occupe toi de Connor en priorité.
— Ne t'en fais pas, il ne t'épou-
— Ce n'est pas ça. Crois-moi. Arrête le maintenant. »
ce chapitre a été une PLAIE ; j'avoue, c'est aussi la raison qui fait que j'ai pas publié depuis février et je suis même pas satisfaite de ce que j'ai fait ;
mais bon, la rue, la vraie, ce sera un problème pour la rey du futur ;
dans tous les cas, l'arc "faire tomber CH" est TERMINE ! ; est-ce que ça veut dire que tout est terminé ? ; pas vraiment mais ça, vous devez très certainement vous en douter :)) ;
tout ce que je peux vous dire, c'est que ça va pas aller pour certaines personnes, dans tous les sens du terme <3
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