ㅤ📃 CHAPITRE 2
« Franchement, c'est vraiment dégueulasse ce qu'il a fait. La prochaine fois que tu le verras, mets-lui ton poing dans le nez, ça lui apprendra à abandonner sa famille comme ça ! »
En disant ces mots, Becca lança son propre poing en avant. Elle regretta de suite son geste lorsque la tasse de thé, qu'elle tenait dans son autre main, manqua de tomber et de renverser tout son contenu sur le tapis du petit salon.
Cela fit sourire Céleste, qui buvait silencieusement sa propre boisson. Elle savait que son amie réagirait de cette manière, en entendant la nouvelle et cela lui réchauffait étrangement le cœur. Peut-être était-ce parce que quelqu'un partageait la même colère qu'elle ?
Claude était parti depuis déjà cinq mois mais rien n'avait changé dans son cœur ; elle en voulait terriblement à son frère, tout en espérant qu'il rentre à la maison. Il lui manquait autant qu'elle le maudissait.
« Et Cassandre ? Il va comment ? »
Bien ? Mal. Il apprenait ses leçons encore plus dur, devenait un enfant de plus en plus modèle, tentait de rendre le plus fier possible son insatisfait paternel. Céleste aussi n'en menait pas large, était perdue entre les cours d'équitation, le piano et le tricot. Aujourd'hui encore, elle aurait dû travailler mais elle avait réussi à avoir une journée, à inviter en prime son amie.
Depuis que Claude avait quitté sa famille, et plus honnêtement abandonné ses adelphes, l'atmosphère dans la demeure Fosten était lourde. Et puis, peu de temps après le départ du garçon, Frieda était tombée malade. Elle n'avait jamais été proche de son fils, d'aucun de ses enfants d'ailleurs, mais c'était l'échec de son éducation, le fait d'avoir « perdu » un enfant de la sorte qui avait manqué de la tuer. Et puis, personne n'aimait attiser la colère de Charles-Henry.
Et ce sentiment qu'il portait en son cœur se faisait chaque jour de plus en plus bruyante, de plus en plus oppressante. Il n'y avait aucun moment, aucun instant où ses enfants pouvaient se reposer, respirer.
Alors, il avait fallu presque supplier pour qu'il lui dise oui, promettre d'être encore plus concentrée en cours et montrer tous ses progrès pour que ce soit accepté. Mais ça en avait valu la peine, voir Becca faisait un bien fou à Céleste.
Elle l'avait rencontré des années plus tôt ; en effet, le père Fosten avait invité chez lui un ami de longue date, récemment marié à une femme venant d'allez savoir où et ayant déjà une petite fille. Et si elle s'était montrée terriblement timide, à son arrivée, c'était parce qu'elle avait perdu une dent de lait le matin même, que sa mère lui avait dit de cacher son sourire disgracieux, de ne relever que légèrement ses lèvres encore gercées. Mais aussi car même si la dame de la maison s'était montrée très aimable, le visage encadré de boucles brunes et légèrement poudré, le maître des lieux avait clairement montré son « dégoût », le fait qu'il méprisait cette enfant qu'il ne connaissait pas.
Pourtant, quand on la poussa à suivre Céleste, qui l'avait invitée à jouer dans le jardin, elle sembla heureuse. Car même si la noiraude était ce genre de gosses de riches qui ne manquaient jamais de rien, savaient ce qu'ils allaient manger quelques minutes plus tard, prenaient le monde pour acquis, il y avait quelque chose dans son air un peu trop sage qui l'avait adoucie. Peut-être car elle semblait bien seule, uniquement entourée de sa famille, minuscule dans ce jardin sans limites ? Elle avait beau être proche de ses aînés, elle avait semblé si ravie de la rencontrer que la demoiselle avait été chamboulée.
Elle qui avait toujours cru que les enfants de la capitale courraient dès qu'ils le pouvaient dans les rues, faisaient voler les jupes de leurs mères et engloutissaient tout ce qui était possible, elle avait été interloquée en voyant ce terrain délimité, les règles qui entravaient chacun de ses mouvements.
Au final, Becca avait été bien plus libre que cette enfant-là.
Et, quand elle se décida à mieux regarder Céleste, elle s'était rendu compte qu'elle se regardait presque dans un miroir. Certes, la figure en face d'elle était plus nourrie, ses joues plus roses et rondes, ses cheveux mieux coiffés, mais elles étaient semblables. Leurs regards se croisèrent une fois et Becca sut qu'elles étaient désormais amies lorsque l'enfant en face d'elle l'inclut dans ses jeux solitaires.
Elles restèrent ainsi dans l'herbe un moment, entourées de quelques jouets en bois. La noiraude avait d'abord eu dans ses mains une part de brioche, qu'elle avait vite dévoré, avant de pouvoir attraper une poupée colorée.
« Tu es la fille de Monsieur Avery ?
- C'est pas mon vrai papa. Mais ma maman l'a épousé. Du coup, c'est mon papa. »
Au-dessus d'elles se tenaient les deux autres silhouettes, deux garçons au visage barbouillé d'herbe et de terre. Ils semblaient avoir joué à la bagarre plus loin dans le jardin, revenaient uniquement pour chiper le goûter que leur petite sœur gardait jalousement avec ses princesses et châteaux.
« Et tu t'appelles comment ?
- Becca. Maman dit que c'est Rebecca mais j'aime pas, elle m'appelle tout le temps comme ça pour me gronder. »
Il n'en fallut pas plus pour la fratrie près d'elle ; jamais ils ne l'appelèrent autrement que par le nom qu'elle préférait. Et même si un jour ils furent fâchés avec elle, le Re n'apparut jamais, que ce soit entre eux ou devant leurs parents.
Becca n'aima réellement que sa double, elle ne s'intéressa pas tant que ça aux deux autres garçons. Ils étaient trop bagarreurs, grands et rieurs pour elle. Mais elle se prit dans leur jeu, accepta de devenir la princesse de leur fantasie. Alors les trois adelphes se transformèrent en chevaliers protecteurs, promirent à leur invitée qu'eux vivants, rien ne lui arriverait.
Et elle se promit qu'elle vivante, rien ne leur arriverait.
Plusieurs fois, sa mère lui avait dit que dans cette famille, la loyauté ne revenait qu'à une seule personne. Au départ, ils l'offraient à leur roi, mettaient un genou devant lui et promettaient de lui vouer leur vie. Aujourd'hui, c'était le père qui bénéficiait de cette promesse.
Alors, le jour où elle fâcha le souverain de cette famille, que tous les regards se tournèrent vers elle, Becca cru que ses trois anciens chevaliers retourneraient leurs épées contre elle, viendraient à la détester pour le bonheur de leur seigneur. Mais il n'en fut rien. Sa double fut la première à se retourner contre la fidélité établie, à défendre l'ancienne princesse.
« Ma loyauté n'est pas tournée envers vous, Père. Je la donne au plus méritant, à la royauté. Je la donne à Becca que vous accusez injustement. »
C'est de cette manière que la noiraude décida qu'elle serait toujours du côté de Céleste, quoi qu'il arrive. Peu importe ses erreurs et ses échecs, elle sut qu'elle deviendrait sa plus fidèle amie. Elle se sentait incapable de lui donner sa force mais était prête à la défendre, à protéger toutes ses aventures.
Pendant longtemps, elle cru que ce fut la dernière fois qu'elle la vit officiellement. Certes, elles restaient amies grâce à leurs lettres, se croisaient parfois dans la rue durant une course mais elles n'étaient plus invitées chez l'une ou l'autre.
Alors, aujourd'hui, tandis que quelques flocons commençaient à envahir le jardin, Becca était heureuse. Même si on venait de lui annoncer le départ de Claude, même si la situation était la pire qui soit, la demoiselle venait de retrouver sa seule amie. Et être à ses côtés, lui dire tout ce qu'elle pensait lui avait terriblement manqué.
« Enfin... J'imagine que tu veux discuter d'autre chose, non ?
- À vrai dire, oui. Parle-moi de toi, Becca. Je ne t'ai pas vu depuis tellement longtemps, dis-moi ce qui t'est arrivé récemment ! »
La plus jeune sembla réfléchir longtemps, tout en portant sa tasse à ses lèvres. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien raconter à son amie ? Rien ne lui vint, elle lui disait tout dans ses lettres.
Voyant qu'elle ne savait pas quoi dire, Céleste pouffa et ouvrit un tiroir. Elle en sortit un jeu des sept familles, montra le paquet à Becca et commença à battre les cartes. Elles avaient appris à y jouer ensemble, lors de leur deuxième rencontre.
Becca était arrivée avec une nouvelle robe, toute contente de la montrer à tout le monde, avait tourné sur elle-même, bras levés, montrant à son amie cette tenue qu'elle semblait tant aimer. Céleste l'applaudit en rigolant, heureuse de voir la plus jeune se comporter ainsi.
On avait laissé, ce jour là, les deux petites filles toute seule. L'enfant fraîchement arrivée s'était alors inquiété de ne voir plus personne et Céleste, dans un soupir mélodramatique, avait expliqué que ses aînés avaient un cours d'équitation aujourd'hui et qu'elle était toute seule à la maison.
Ce qui l'énervait un peu, à vrai dire, elle qui aimait tant monter. Mais elle avait ensuite déclaré qu'elle préférait finalement être obligée de rester, puisqu'elle pouvait désormais passer du temps seule avec sa nouvelle amie. Becca avait rougit, surprise du compliment. Céleste était peut-être un peu trop directe pour elle mais elle ne disait rien. Ça lui faisait plaisir, au fond, qu'on lui parle de la sorte.
Elles étaient alors allées dans la chambre de la noiraude pour jouer et ce fut à ce moment là qu'elles optèrent pour les sept familles, que Céleste prit quelques minutes pour lui expliquer les règles du jeu.
Ainsi, elles firent quelques parties, où la plus âgée aidait de temps à autre sa cadette, ne voulant pas la frustrer face à une défaite cuisante. Et puis, elle aimait bien le sourire que cette nouvelle joueuse. De temps en temps, elles discutaient mais elles ne savaient pas vraiment quoi se dire. Et puis, Becca était trop concentrée sur son jeu pour penser à tenir la discussion.
C'était toujours le cas aujourd'hui, visiblement.
« Becca, tu m'écoutes ?
- Non. Tu disais ?
- Demain soir, mon père organise une soirée. Tu seras là ?
- J'imagine, oui.
- Je demanderai alors à ce que tu sois à côté de Cassandre et moi. »
Qu'elle soit près de sa meilleure amie, elle savait qu'elle ne connaîtrait personne d'autre.
j'ai un attachement tout particulier à becca, j'aime beaucoup ce personnage et réécrire la rencontre entre elle et céleste me fait toujours plaisir
et puis, qu'est-ce que j'aime leur relation à ces deux là, c'est l'une de mes préférées
bien sûr, elle sera beaucoup plus travaillée dans les prochains chapitres (surtout la partie II !) mais j'aime déjà l'avant goût qu'on peut avoir :D
le fait que ce soit un chapitre "calme" me plaît aussi, j'aime bien le rythme qu'il y a (et aura parce que les prochains seront à peu près du même genre) et j'espère que vous aussi !
encore une fois, n'hésitez pas à me commenter ce que vous avez pensé, ça me fait toujours super plaisir de recevoir vos commentaires et à voter aussi parce que j'aime bien les notifs mdr
à dimanche !
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