ㅤ📃 CHAPITRE 14

Cassandre avait eu beau faire, Céleste ne voulait plus lui parler. Il le méritait bien, à vrai dire, mais il faisait tout ce qui était en son possible pour réparer son erreur. Pour réparer cette confiance qu'il avait brisée.

Mais, et si la noiraude ne voulait plus de lui comme frère ?

Ils n'avaient plus quatre ans, assurément, ils n'avaient plus l'âge de faire des bêtises du genre mais qu'est-ce qui empêchait Céleste de se comporter comme une enfant ? Après tout, à la guerre comme à la guerre, tous les coups étaient désormais permis pour elle. Et c'était parfaitement mérité, presque demandé par Cassandre. C'était presque comme s'il avait cherché qu'elle se comporte de la sorte avec lui et elle n'allait pas se faire prier !

Céleste était devenue une personne rancunière. Quelqu'un qui n'oubliait jamais ce qui lui arrivait et tenait rigueur de ce qui lui était dit. Qui se vexait peut-être pour un rien mais ne laissait jamais quelque chose filer entre ses doigts, être oublié par cette petite princesse. Se mettre la noiraude à dos était devenu une erreur et personne ne semblait s'en être rendu compte.

Elle ignorait le jeune homme, ne lui disait plus jamais rien, ne faisait même plus figure de lorsque c'était le moment de se réunir pour le dîner. Elle agissait comme s'il n'existait pas, comme s'il n'était plus important pour elle, regardait seulement son visage s'assombrir de déception. Et leur père voyait bien ce manège, cette punition ; il en était ravi.

Fini les enfants qui se serrent les coudes et se liguent contre lui, ils s'étaient enfin déchirés et c'était la meilleure chose qui soit ! Alors, oui, ils partiront toujours à leurs cours mais puisque la demoiselle détestait son aîné, il les laissait s'en aller sans crainte. C'était trop beau pour être vrai.

Lorsqu'ils s'en allèrent à nouveau, Charles-Henry vit avec une toute nouvelle satisfaction sa fille repousser son frère et lui adresser un regard mauvais. Délice ! L'enfant difficile se retournait contre son phare ; il pouvait maintenant la guider ailleurs. Il le savait, il devait garder à l'œil cette créature, qu'elle ne glisse pas sur un chemin bien plus compliqué mais si tout se passait bien, elle deviendrait un jour sa meilleure perle.

Céleste n'était cependant pas idiote, savait que son père attendait le bon moment pour lui sauter à la gorge et la pousser à rester à ses côtés. Ce n'étaient absolument pas ses projets. Et quels étaient-ils ? Elle ne le savait pas vraiment. Elle voulait d'abord souffler, respirer un tout petit peu et elle verra plus tard.

Déjà, elle partait retrouver Claude sans même vouloir le voir, d'abord désireuse de retourner lire. Elle se doutait bien que, vu la manière dont elle avait crié, Levi ne reviendrait pas et elle ne s'en formulait pas. Elle l'avait un tout petit peu mérité, à vrai dire.

Mais lorsqu'ils arrivèrent à leur point de rendez-vous, elle fut surprise de retrouver le soldat. La noiraude le salua d'un petit hochement de tête et s'en alla à l'intérieur de la maison, voulant cette fois ci lire dans une pièce vide. Et peut-être un tout petit peu poussiéreuse.

Du coin de l'œil, elle vit les trois autres se saluer plus dignement. Mais elle, elle cherchait déjà un endroit à l'étage pour être tranquille.

La chambre qui avait été la sienne dans cette demeure secondaire fut choisie. Elle remarqua que le lit était devenu bien petit, elle avait grandi, mais elle fut heureuse de constater qu'aucune bestiole n'avait élu domicile ici. Elle était seule avec ses pensées.

Elle s'approcha du matelas, s'assit plutôt sur le sol frais, sortit son livre. Mais cette fois encore, elle fut interrompue.

« C'est que tu ne peux plus te passer de moi, Levi.
- Claude m'énerve, je voulais être au calme loin de lui.
- Donc tu viens voir la gosse du groupe ?
- Ils le méritent. »

Même si Levi n'approuvait pas vraiment les agissements de Céleste, surtout le fait d'ignorer royalement ses deux grands frères sans rien faire de plus, il ne lui enlevait pas le fait qu'ils n'avaient récolté que ce qu'ils avaient semé.

Il regarda le mur, s'y adossa finalement et croisa ses bras sur sa poitrine. Comprenant qu'ils allaient discuter, Céleste rangea son livre dans son petit sac.

« Les choses se sont améliorées ?
- Elles ont l'air ?
- J'étais curieux.
- Et c'est la curiosité qui t'as fait venir ici ?
- Non. Je me suis aussi dit que tu aurais envie de me parler de ton nouveau livre, vu que tu étais sur le point de finir celui que tu avais la dernière fois. Ou que tu avais envie de raconter tout ce qui te passait par la tête. »

Céleste sourit. Elle ne s'attendait pas à ce que le soldat lui donne une telle raison et elle était agréablement surprise de comprendre qu'il n'était pas qu'une figure froide et stoïque. Finalement, elle avait peut-être eu raison en déclarant qu'elle pourrait l'apprécier.

Un silence s'installa entre eux, avant que la noiraude décide de l'interrompre en prenant la parole.

« Dis-moi, comment tu as fait pour rentrer dans le Bataillon ? Vu que tu étais dans les bas-fonds »

Levi pinça subtilement ses lèvres, faisant comprendre à Céleste qu'il ne voulait pas répondre à cette question. Elle comprit sans dommages qu'elle avait demandé quelque chose d'indiscret, qu'ils n'étaient pas assez proches pour qu'il lui réponde. Elle leva ses deux mains, s'excusa vivement, elle ne voulait pas le mettre mal à l'aise.

Peut-être qu'elle aurait dû parler de son livre...

« Et toi ? La vie est belle, ici, non ?
- Elle devrait, oui ? Je ne sais pas, j'ai l'impression que tout ce qu'il se passe est normal mais ça ne me semble pas l'être. Après tout, je ne pense pas que Cassandre devrait en arriver à de telles extrémités pour que père nous laisse sortir. C'est plutôt une prison, ici. Une prison dorée, oui, mais bon...
- Ça a toujours été le cas ?
- Non. Avant, c'était un peu plus simple. Avant que Claude ne parte. Avant que père ne trouve la correspondance de Cassandre. Peut-être que j'ai aussi fait quelque chose qu'il ne fallait pas ? Je ne sais pas. Je pensais que je faisais tout correctement... »

Même s'il l'avait entendu la dernière fois, dans les hurlements de la demoiselle, le soldat se rendit réellement compte de l'impact des comportements des deux frères. Loin de lui de les traiter d'égoïstes, de leur en vouloir, ce n'était pas son combat, mais il comprenait la colère de Céleste, les tremblements de ses mains.

« Et qu'est-ce que tu comptes faire ?
- Je ne sais pas encore. J'ai envie de disparaître, actuellement. Qu'on oublie mon nom et que je devienne une ombre dans les montagnes.
- C'est loin de ce qui est prévu, non ?
- Ah ça ! À qui le dis-tu ! Tu sais, au départ, c'était moi qui voulais rejoindre le Bataillon d'Exploration. L'envie de liberté, la sensation d'avoir une importance ailleurs, de faire quelque chose de ma vie... J'y ai songé, mais je me suis rétractée. Je n'y avais pas ma place... Au final, Claude a pris les devants.
- Et tu y penses encore ?
- Parfois, oui. »

La déclaration ne sembla pas étonner le noiraud. Peut-être parce qu'il le savait déjà ? Qu'on lui eût dit un soir après une expédition, après que Claude ait échappé de peu à la mort ? Mais cela le touchait, un petit peu, que Céleste lui avoue ce secret-là. Il avait l'impression qu'elle lui faisait confiance et, même s'il ne savait pas pourquoi il l'avait, cela lui faisait un peu plaisir.

Céleste n'était pas l'animal inapprochable qu'il pensait qu'elle était.

Certes, elle avait son caractère mais n'était pas inaccessible.

Et puis, elle faisait preuve d'intérêt, réveillait sa curiosité et il ne pouvait pas le cacher. Il avait été attiré, au départ, par les grands yeux violets de Claude mais ils allaient mieux à cette noiraude-là. Ils étaient naïfs, encore candides et enfantins mais emplis d'une rage qu'il appréciait. Et d'un désir de vaincre, du monde, de tout. Céleste voulait tout et Levi voulait la voir réussir, sans savoir pourquoi.

« Céleste.
- Oui ?
- Si un jour tu envisages sérieusement d'aller dans le Bataillon d'Exploration, sache que je t'aiderai.
- Comment ça ?
- Même si tu auras trois années d'entraînement, je pense que je suis très bon à la manœuvre tridimensionnelle et ça ne me dérangera pas de t'accompagner lors d'entraînements.
- Oh ! Je... Merci ! »

Un grand sourire apparut sur ses lèvres. Il ne s'y attendait pas ! Était-elle vraiment heureuse parce qu'il lui proposait son aide ou parce qu'il ne la jugeait pas sur ce rêve de gosse ? Peut-être que la soutenir dans sa connerie la rassurait un peu ; elle n'allait pas finir totalement seule.

« Je ne te dis pas de venir, hein, mais sache que je serai là.
- Ça me touche beaucoup, merci ! C'est très gentil de ta part, en tout cas. Tu es très agréable, au final.
- Pardon ?
- C'est vrai ! Tu as tout le temps l'air agacé, surtout par Claude, mais ce n'est pas la première fois que tu fais un pas comme ça vers moi. Et ça me fait très plaisir, je suis heureuse de bien m'entendre avec toi ! »

Maintenant qu'elle le considérait comme un ami, le visage de la jeune fille semblait s'être illuminé. Elle semblait être redevenue une enfant, vu son entrain soudain. Cela l'étonnait mais ne le dérangeait pas. Il préférait qu'elle soit contente là maintenant tout de suite plutôt qu'elle se mette à se plaindre et à chouiner contre ses méchants frères.

Levi souffla du nez, tout en comprenant que Céleste avait décidé qu'il était son ami. Est-ce qu'il s'en plaignait ? Non. Tant qu'elle ne le forçait pas à s'asseoir sur un sol sale, à l'écouter raconter de la merde et qu'elle ne lui reprochait pas tous les malheurs du monde, ça lui allait très bien.

« Merci, Levi.
- De ?
- De vouloir me fréquenter. »

Il leva ses yeux au ciel. Elle se rappelait visiblement très bien ce qu'ils s'étaient dit à leur première rencontre !

« Le plaisir est partagé.
- C'est déjà ça. D'ailleurs, lorsque nous reviendrons avec Cassandre, tu seras là ?
- Si tu me rapportes du thé comme tu me l'as dit la dernière fois, je peux m'arranger. »

voir la relation de céleste et levi se construire au fur et à mesure me fait plaisir ;

vous me direz, c'est moi qui l'écris, mais j'ai toujours une grande satisfaction à voir comment tout se met en place, comment mes personnages évoluent ;

on avance lentement mais sûrement vers la fin de la partie I, les choses vont commencer à s'accélérer ;

en tout cas, j'espère que vous avez passé un bon moment, j'ai hâte de publier le prochain chapitre ahaha

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