Vers le chapitre 8 ou 5
[...]
Le train file à travers la campagne, alternance de prairies immobiles et du flou abstrait des arbres qui défilent. Quelques villages étendant ça et là leurs rues, comme de petits appendices. Dans l'entre-deux, tout est mort, dévoré par les métropoles. Seules, quelques vaches subsistent et engloutissent l'herbe, vite, vite avant que le béton ne la recouvre. Menton dans la main, je m'oublie dans le son sec des roues qui passent sur les rails. Malgré la vitesse, j'ai l'impression de faire du sur-place. En m'enfonçant dans l'arrière-pays, c'est si je remontais dans le temps.
Les souvenirs émergent.
Et puis on annonce ma gare, et je m'ébroue. Les images et mots qui peuplaient ma tête s'effilochent et s'enfuient comme un ban de brume au soleil. En quelques instants, je suis sorti de cet espace interlope, entre rêve et conscience, où les pensées fusent et s'effacent aussitôt, comme des feux d'artifice. C'était paisible, un peu doux-amer. Je n'en garde rien. Alors je me lève, récupère ma valise et attends dans le sas que le train s'arrête.
Je n'ai pas l'impression de rentrer chez moi. Bien sûr, je connais toutes ces rues, mais les souvenirs ont commencé à se diluer, et j'ai presque une impression d'inquiétante étrangeté. Je connais cet endroit, sans le connaître. Vertige. Je suis ici sans être là. La maison de mes parents. Familiale. De mon enfance n'a pas changé à l'extérieur, et pourtant, ce n'est plus la même. Elle est pleine d'absences, du temps qui s'est arrêté à mon départ et qui s'est écoulé avec celui de mon père. Dedans, des affaires ont disparu, d'autres ont pris leur place. Les photos du frigo ont été remplacées. Les rides sur le front et des fossettes de ma mère sont plus marquées. Elle semble mal à l'aise. Contente, aussi. Mais incapable de dire quoi que ce soit. Un thé à la main, elle ergote sur les potins du coin. Le boulanger qui s'est marié, la voisine dont le chat est mort. Elle passe à ma sœur, qui réussit ses études, vit avec sa copine, vient souvent à la maison. Je ne relève pas la demande implicite. J'ai besoin de temps.
Je ne peux m'empêcher de passer dans ma chambre, mon ancienne chambre. Les murs sont nus ; sans mon lit, elle fait trop grande et trop vide. Mon ancien bureau n'a pas de poussière, ma mère doit le nettoyer régulièrement. Au cas où ou simplement par habitude. Par la fenêtre, je remarque que notre cerisier a perdu une branche. Ma mère a suivi mon regard :
« Elle a cassé un jour de grand vent, il a fallu la couper. »
Je hoche la tête.
Je ne suis plus de ce monde.
En partant, sur le pas de la porte, je lui souris.
« Et prends soin de toi !
– T'inquiète pas ! »
Elle me fait penser à une grand-mère. Seule, tout entière tournée vers sa famille au loin.
« Prends soin de toi aussi, maman. »
Et, sur l'impulsion du moment, je l'embrasse sur le front.
Sans attendre, je me retourne et avance le long de l'allée.
« Je t'aime Maxence ! »
J'hésite. Tourne la tête, grand sourire :
« Moi aussi ! »
Et lui fais un signe de la main. Pour une fois, je ferme le portillon en sortant.
Étranger en mon bercail, je chemine dans les rues qui m'ont oublié vers un coin que je connaissais sans le connaître – rien de remarquable, rien pour fixer un souvenir – pour lui donner un peu d'existence. C'est là qu'habite mon père. Chaque fois que je passerai devant ces immeubles cossus, à la peinture jaune parfois tâchée d'une coulée noire et à la rambarde de balcon en arche, je me rappellerai que mes parents ne s'aiment plus. Ou s'aiment moins qu'ils ne se détestent. Ou ne s'aiment plus assez pour se supporter. Ou se sont rendu compte qu'ils n'avaient plus rien à se dire. Ou qu'ils ne tenaient que parce que j'étais encore là. Pour moi, peut-être. Combien de disputes mon départ a-t-il déclenché ?
C'est ainsi que j'ai presque raté Emma. Sans mon regard incidemment attiré par la volute formée par sa longue robe, je serai resté absorbé par mes ressassements. Je sens la fissure se rouvrir en moi. L'interpeller ? Laisser passer ? Accepter qu'un morceau de mon passé encore saignant disparaisse ? Je me retourne.
« Emma ? »
Elle s'arrête et me fait face. Il lui faut une seconde pour que son regard s'éclaire.
« Maxence ! »
Et puis un silence gêné. Elle s'est souvenu du râteau. Il est là, entre nous deux, à nous empêcher de faire le premier pas de peur de se le prendre en pleine face. Sourire crispé.
« Qu'est-ce que tu deviens ? »
Son ton est presque parfait. Elle nous donne l'opportunité de sauver les apparences.
« Ben je suis à la fac, en bio.
– C'est pas trop dur ?
– Ça passe. Et toi ?
– Je suis dans une école de commerce.
– Oh, je vois.
– Voilà voilà. »
Ça pourrait s'arrêter là. On pourrait se dire au revoir, que c'était sympa de se recroiser et aussitôt s'oublier à nouveau. Mais je ne peux pas. En moi, ça se secoue et frappe contre mes côtes, ça serre fort mon ventre. Il faut...
« Ça te dit d'aller boire un coup ? »
Elle hésite et ça se voit. Elle sait qu'elle pourrait prétexter avoir quelque chose à faire et que ça serait suffisant pour arrêter là sans paraître blessante. Je tente une approche :
« Je prends l'addition, précisé-je avec un clin d'œil consciemment macho.
– J'ai quelques minutes. »
On s'installe donc à la terrasse du 203.
Elle me parle de ses cours, des profs et camarades. Des grosses soirées. De l'intégration. L'ambiance est cool, mais les cours sont chiants. Au moins elle sera bien payée. Elle vit encore chez ses parents, l'école coûte cher. Je lui parle de mes balades avec Syrine, du bazar qu'est vite devenu mon appart', raconte quelques anecdotes qui la font glousser. J'évite soigneusement de parler de Verane et du reste. Ma vie doit avoir l'air un peu fade. D'un autre côté, la sienne n'est pas palpitante non plus. Dans cinq ans, elle aura un diplôme à 75 000 euros et un job. Elle rencontrera son mari au squash et aura deux gamins. Vers quarante ans, elle décidera de se tourner complètement vers sa carrière et divorcera. Elle gardera les gamins, mais ils dériveront lentement loin d'elles, jusqu'à partir vivre seuls. Elle ne s'en rendra compte que trop tard, mais son travail l'absorbera trop. Et puis, de toute façon, elle les a gâtés et soutenus toute leur vie, ils pourraient être un minimum reconnaissants, quand même ! Et les colonies ? Et les cours de musique ? Et la première voiture ? Ce n'est qu'une fois à la retraite qu'elle retentera se lier à eux, par l'intermédiaire de leurs enfants. Ils pleureront à ses obsèques, puis s'en souviendront comme une femme froide, lointaine. Et puis l'oubli.
Je n'ai plus la boule au ventre.
« C'est sympa de discuter, ça te dit de se poser chez moi ? Mes parents sont au boulot.
– Non désolé, faut que j'aille voir mon père.
– Ah oui, aucun souci. Ben hésite pas à m'appeler si tu repasses dans le coin ! »
Je hoche la tête et nous nous levons. Elle m'attend le temps que je paie, et nous nous séparons après avoir fait la bise. Je l'observe un instant s'éloigner. Ce n'était pas désagréable de parler avec elle, ça a fait remonter plein de petits souvenirs que j'avais cru enfouis et décomposés. Mais elle a changé. Elle n'est plus la même personne, plus celle qui avait fait battre mon cœur à tout rompre. Plus celle qui m'avait écarté d'un léger mouvement de la main, comme on écarte une mouche. J'ai changé aussi. Mais à quels niveaux ? Qu'est-elle devenue ? Et que suis-je devenu ? Je hausse les épaules et me remets en route.
De tout façon, je n'ai pas son numéro.
De retour devant l'immeuble jaune, alors que je cherche le nom de mon père sur l'interphone, je sens l'appréhension monter. Que vais-je découvrir là-haut ? Sera-ce miteux ou luxueux ? Décoré ou vide ? Avec des traces du passage d'une autre femme ? Je sonne et on répond après quelques secondes :
« Allô ?
– C'est moi.
– Qui ?
– Maxence.
– Oh, je t'ouvre ! C'est au troisième. »
Le hall d'entrée est tout en marbre rose. Un miroir me renvoie l'image d'un adulte au dos un peu vouté tirant une valise dont le bruit des roues résonne terriblement. J'appelle l'ascenseur, qui s'ouvre sur un couloir moquetté couleur ocre, à l'odeur âcre. Dans le halo de lumière du seuil de sa porte, mon père m'attend. Il a les bras croisés et s'appuie contre le chambranle. Sa tenue est décontractée, jean et chemise blanche, et ses cheveux ont bien blanchis. Il porte une barbe de trois jours, poivre et sel elle aussi. Mais ce qui me frappe, c'est son visage : il semble transfiguré par son sourire, qui s'étale autour se sa bouche, remonte jusqu'à son nez et, par des plis comme des ruisseaux, inonde son front depuis ses yeux. Je lui adresse un sourire en coin, un peu complice et il s'écarte pour me laisser entrer. Au passage, il me fait la bise avec naturel.
Un petit couloir en bois clair donne sur sa chambre et la salle de bain avant de s'ouvrir sur une vaste pièce. Un des murs est occupé par une cuisine et un comptoir avec deux tabourets hauts. Le mur adjacent est couvert par une grande bibliothèque qui ne laisse sa place que pour un confortable canapé rouge, séparé d'une télé à écran plat par une table basse en verre. Mon père a suivi mon regard.
« C'est un canapé-lit, pour accueillir mes marmots ! Et sinon, tu veux boire quelque chose ? Dépose ta valise dans un coin, t'en fais pas. »
Je le suis jusqu'au frigo, qu'il ouvre.
« Alors, j'ai de la brune, du jus de pamplemousse et du rouge. »
Je ne l'écoute pas. Sur la porte, une photo a capté toute mon attention. Mes yeux brûlent. Sur une plage menacée par des nuages gris qui se rapprochent, deux gamins jouent dans le sable. Ma sœur semble superviser les opérations, debout les mains sur les hanches, tandis que je récupère du sable avec une chaussure la taille de mon avant-bras. Je devais avoir trois ans. La chaussure est celle de mon père.
« Elle traînait dans les cartons, je l'ai récupérée. C'est un bon souvenir.
– Je... Je ne m'en souviens pas.
– C'est normal, à cet âge... »
En un instant, je me rends compte que tous les souvenirs d'avant le divorce vont devenir précieux. Des reliquats d'une époque où mes parents s'aimaient encore, où j'étais insouciant.
« Bon, et du coup, tu veux boire quoi ? Je vais pas garder le frigo ouvert toute la journée ! s'exclame mon père pour changer de sujet.
– Une brune, ça ira très bien.
– C'est parti ! »
Bière à la main, nous nous vautrons sur le canapé et partageons un instant de silence le temps de siroter quelques gorgées/
« Aaah, ça fait du bien !
– Ouep, confirmé-je.
– Bon, et du coup, comment ça se passe, pour toi ?
– Pas trop mal. Les cours sont parfois intenses, parfois chiants. Je m'en sors, globalement.
– Tu t'es fait des amis ?
– Ah, oui oui.
– C'est pas trop dur de vivre seul ? »
Est-ce un sous-entendu ? Lui aussi vit du jour au lendemain sans personne.
« Franchement, ça va ! Déjà, je peux faire ce que je veux quand je veux...
– Toi, tu dois pas faire souvent le ménage !
– Oui, bon.
– Faut que tu te trouves une copine !
– Eh oh, je peux m'en sortir seul !
– Comme tu sens, mon garçon, j'te fais confiance !
– Ouais ouais.
– Et tu t'en sors, financièrement ?
– Oui, c'est bon, t'inquiète.
– Bon... »
À nouveau le silence entre nous. C'est dur de ne pas pouvoir parler du plus gros point de son existence. C'est dur de ne pas pouvoir partager ça avec ses proches, de ne pas pouvoir les inclure dans une part importante de sa vie. Les espions doivent ressentir la même chose. Et puis, pourquoi je n'arrive pas à lui parler de Syrine ou de Matis en détail ? Pourquoi est-ce que j'ai peur de me révéler devant lui, d'entrer dans le détail de mon existence ? Pourquoi est-ce je n'ose pas lui demander ce qu'il s'est passé avec maman ? Comment il se sent, lui ?
« Et toi, le boulot ? »
Je me déçois.
« Bof, la routine. Les clients cons et les patrons paumés. Rien de spécial.
– En tout cas, j'aime bien ton appart'. Il est cool.
– Merci. »
Il me sourit, mais ses yeux sont soudain voilés. Les miens aussi doivent l'être. J'ai gaffé, ramené le sujet qu'on évitait si bien jusqu'alors et qui maintenant s'est immiscé entre nous.
« Ça te dit de regarder un film ?
– Ouais, pourquoi pas. »
C'est la meilleure solution pour les gens qui n'ont rien à se dire. Ou n'y parviennent pas. On a l'impression de passer du temps ensemble alors qu'on ne se regarde pas. Enfin, jusqu'à la fin, où chacun ira de son commentaire. Parfois un débat.
La télévision déverse ses images et nous absorbe. Lorsque le générique défile, il fait nuit. Mon père se lève et ferme les volets.
« Je vais commencer à préparer à manger, puis j'installerai ton lit.
– Ça marche. Mais... Tu sais faire à bouffer ?
– Qu'est-ce que tu crois, j'ai été étudiant aussi !
– Pâtes ?
– Pâtes. »
Le salon est dans la pénombre. Une lampe déploie son tissu orangé sur le salon, nous recouvre. C'est l'heure où le monde nous appelle à grands cris pour nous plonger dans les profondeurs de nos failles, jusqu'aux abysses. C'est l'heure où les masques glissent comme des larmes. L'heure où on ose se regarder – soi-même et entre humains. Les restes du repas traînent sur la table basse, taches rouges sur le blanc de l'assiette.
Papa : C'est chouette de te voir, fiston.
Moi : Plaisir partagé.
Un temps.
Papa : C'est... pas facile en ce moment. Un temps. J'ai pas vécu seul... sans ta mère depuis... vingt-cinq ans. Et là, d'un coup...
Moi : Je comprends.
Papa : Je veux pas te faire porter ce poids-là, hein ! Je peux gérer seul, mais... Et je veux pas te mêler aux soucis entre ta mère et moi, d'accord ? Un temps. Quand t'es parti... Mais c'est pas ta faute, tu serais parti un jour où l'autre, hein, et je suis très content que tu aies pris ton indépendance, très fier de toi, vraiment. Tu es devenu un adulte, et ça me remplit de... de joie, de fierté, encore, mais... Un temps. Tu dois le savoir aussi, la vie, c'est pas toujours facile. Je t'apprends rien, mais t'as le droit de pas toujours être fort. Je dis pas ça pour me justifier ou rien, juste... Un temps. Je sais pas comment te dire à quel point te voir me fait du bien et... Un long temps. Enfin voilà, maintenant que tu es un homme, maintenant qu'on ne vit plus ensemble, j'ai l'impression de ne plus devoir me montrer invincible. Ça va sonner un peu bizarre, mais je ne suis plus ton père. Bien sûr que je reste ton père en pratique et tout, et raaah c'est pas clair ! Bon. Nous sommes des égaux. Voilà. Tu comprends ?
Moi : Oui, je crois.
Papa : Bon. Je ne dois plus être la figure du père. Je ne veux plus l'être. Je veux me redonner de l'humanité, tu comprends ? Sa voix se brise un peu.
Moi : remarquant une larme sur la joue de mon père Oui, t'inquiète pas.
Papa : Ça veut pas dire que je vais toujours chialer, mais je vais essayer de plus... être vivant. Rigoler. Pouvoir te serrer dans mes bras. Être là si t'as besoin qu'on t'écoute, te réconforte. Tout ça. Tu vois ?
Moi : Merci. Je... Ça me touche. Je ne sais pas trop quoi en faire pour le moment mais... Merci. Vraiment.
Papa : Merci à toi. Je t'aime.
Moi : Je t'aime aussi.
« C'est... dur pour moi aussi. Je me sens coincé. Entre les études qui me plaisent pas tant que ça, le futur qui m'effraie terriblement, la déprime du soir et la solitude du matin, maman et toi qui vous êtes séparés, je sais plus trop où j'en suis. Et ya des trucs que je peux pas dire.
– C'est sur ton genre ? Ton orientation sexuelle ? Si c'est le cas, t'en fais pas, je respecterai complètement.
– Non, c'est... compliqué. Peut-être un autre jour. Désolé. Mais oui, des fois, j'ai juste envie d'abandonner, de laisser tout tomber. De toute façon, le monde s'en fout. Dans cent ans, j'aurai complètement disparu. Plus de souvenirs, plus de traces, plus rien. Tout est si... absurde. À quoi bon ? L'éternelle question. Et j'aime une fille, je crois, mais elle... Je sais pas. On est proches. C'est déjà pas mal. Ça pourrait être mieux. Je m'en contente. C'est douloureux par moments. J'ai peur de l'aimer et d'en souffrir. J'ai peur qu'on se sépare. J'ai peur d'être abandonné. J'ai peur de faire de la merde. De blesser les autres. J'ai été un connard avec Rachel cet été, et je m'en veux, bordel, qu'est-ce que je m'en veux ! Tout à l'heure, j'ai recroisé Emma. J'étais terriblement amoureux d'elle et maintenant, plus rien. Le vide. Elle m'indiffère. Elle m'a proposé d'aller chez elle, et j'ai refusé. Ça aurait été chouette, pourtant. Mais après... Je me serai senti si vide. À la laisser, comme ça, en sachant qu'on se reverra pas. Ça me fait terriblement mal que vous vous soyez séparés, avec maman. Je vous aime, putain ! Et j'ai l'impression de plus pouvoir vous aimer les deux en même temps. Juste l'un, puis l'autre. Putain, putain, putain. Si Syrine me lâche parce que je l'aime, j'aurais plus que Matis. Il est souvent avec d'autres gens. Je suis terrifié à l'idée d'être seul. J'ai pas envie de mourir seul, oublié avant ma mort ! J'ai pas envie de foirer ma vie. Je veux juste... exulter, tu vois ? Vivre à fond, entouré de gens, mais je sais pas comment faire. Comment on se fait des amis ? Comment on garde ses amis ? Comment on tombe amoureux ? Comment on reste amoureux ? Comment on se fait aimer ? »
De la morve coule sur ma bouche, salée, et je me rends compte que je pleure. Je m'essuie avec la main, et le silence accueille la fin de ma logorrhée. Mon père me regarde droit dans les yeux. J'ai terriblement peur qu'il me rejette, se moque, me dise que tout ça c'est pas grave, ça arrive à tout le monde voyons, ça va passer.
Il me prend dans ses bras.
Me berce délicatement.
Murmure « mon fils, mon fils... »
Je me sens comme un bébé.
Je le serre aussi, très fort.
Le matin, devant un bol de céréales, il me conseille de commencer par rappeler Rachel pour mettre les choses au clair. D'envisager de voir un psy. Je hoche la tête. Il me sourit. J'ai l'impression qu'il comprend. Et puis je ramasse mes affaires, ferme ma valise, et retourne chez moi, dans la grande ville, remplie d'humains que je ne connaîtrai jamais.
[...]
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