Chapitre 4
ALICE
Subject : MICEFA Application
from: MelissaStewartatmicefa.org
to: Alicechap91atgmail.com
01/30/2019 9:37
"Dear Alice,
Si vous êtes toujours partante, nous serions ravis de vous compter parmi les étudiants de notre programme d'échange pour la prochaine rentrée.
Si tel est le cas, je pars sur le même dossier que l'an dernier pour nous faire gagner du temps. Pouvez-vous me dire si les cours que vous aviez choisis pour Seattle sont toujours valides ?
Donnez-moi rapidement une réponse afin que je confirme votre inscription là-bas pour septembre prochain.
Espérant que vous vous êtes rétablie"
Je cligne des paupières plusieurs fois, jette un regard inquiet vers Axel, bloqué à quelques mètres de moi dans la rame de métro, entre la vitre et un homme qui lui fourre son aisselle dans le nez. Rassurée de ne pas le voir débouler à côté de moi, je relis les mots encore et encore. Mais ils restent bien sous mes yeux.
Ce dossier constitué avec son aide, sur lequel étaient accrochés tant d'espoirs ; ce dossier qui devait me faire partir de l'autre côté de l'Atlantique cette année.
Encore un événement qui chamboule toutes mes échéances bien planifiées. J'avais mis cette idée à la poubelle. Ai-je vraiment envie d'y réfléchir ? Je n'ai pas besoin de complication, de fausses espérances. Je ne peux plus les supporter. Je préfère baliser ce chemin devenu interdit tout de suite. J'écrirai un mail dès ce soir pour refuser leur offre.
En juin dernier, quand j'habitais chez Kyle, j'étais décidée à partir à Seattle pour terminer ma licence malgré les séquelles de mon accident. Et puis lorsque j'ai tout perdu, je n'ai pas eu à hésiter bien longtemps pour abandonner ce projet. Je boitais encore, sans certitude de rétablissement, et surtout j'étais au fond du gouffre, ayant l'impression que tout ce que j'avais construit depuis des mois auprès de celui que je pensais être l'amour d'une vie s'était effondré comme un château de cartes. Un château de pacotilles qui était de toute manière bancal dès ses fondations. Plus aucune confiance en moi, plus l'envie de persévérer, plus rien à quoi me raccrocher.
Alors une dizaine de jours plus tard, j'ai essayé de reporter ma demande d'échange d'un an, accompagnant ma lettre d'un certificat médical. Je ne voulais pas me fermer totalement la porte sur un coup de tête. Juste au cas où. Enfin... Ce sont Hugo et Cara qui m'ont poussée à ne pas bousiller ce rêve-là également. Même si pour moi, il valait mieux que ça devienne un débris de plus ensevelis sous les ruines de mes espoirs détruits.
J'étais persuadée que cette demande de report n'allait pas être acceptée. La responsable de l'organisme d'échange a été très compréhensive, mais plutôt évasive, en me disant que malheureusement elle n'était pas certaine de pouvoir m'accorder cette requête et qu'il était plutôt probable que j'ai tout à recommencer si vraiment je souhaitais toujours partir aux Etats-Unis.
Mais jusque-là je m'en fichais, au fond. Ce rêve était au placard lui aussi. Ca faisait partie d'une autre vie. Une vie où j'étais prête à partir à l'autre bout du monde par amour.
Depuis, je n'ai eu aucune nouvelle de l'organisme d'échange, au point que je n'y pensais même plus. Mais nous sommes en janvier et je me rappelle que c'est durant cette période de l'année que les dossiers sont étudiés.
Evidemment, je n'ai pas réitéré ma demande. A quoi bon maintenant ? Surtout avec la double licence que je viens d'entreprendre. J'ai un nouveau projet qui nécessite tous les sacrifices. Mais ceux-ci ne sont faits que pour moi.
Et pourtant...
- Alice !
La voix d'Axel se fraie un passage jusqu'à moi. Merde... C'est le moment de descendre du métro pour rejoindre la bibliothèque. Je me faufile entre les gens, tentant de retenir ma respiration pour ne pas succomber dans le melting pot d'odeurs de transpiration qui m'enveloppe.
Après des heures passées trop rapidement à la bibliothèque à cravacher dur, Axel et moi prenons le chemin de l'appartement. Je suis exténuée et ai juste envie de passer un moment tranquille avec lui avant de me coucher.
- Je ne reste pas avec toi ce soir, balance mon meilleur ami dans un murmure à peine audible.
Je lève un sourcil et penche la tête pour mieux observer son expression. Je le connais beaucoup trop pour ne pas me rendre compte que tout sur son visage me crie ses intentions.
- T'as... un rendez-vous ?
- Euh... Non, je dois voir mon... un collègue pour éclaircir... hmm... quelques points sur la prochaine exposition du musée.
Un sourire se trace malgré moi sur mes lèvres.
- Ah oui ? Et ça concerne quel sujet, cette expo ?
- Oh, ben... ben ça concerne les royaumes oubliés...
- Axel, tu vois un collègue à 21h et tu vas me dire que c'est pour travailler ?
Ses épaules s'affaissent, ses paupières se ferment et dans un soupir il bredouille :
- C'est pas ce que tu crois.
- Tu le vois où ?
- Chez lui.
Je ne peux m'empêcher de glousser.
- Axel ! Pourquoi c'est si difficile de parler de ça avec ta meilleure am...
- Parce que tu te trompes ! crie-t-il en me faisant sursauter.
Je le fixe surprise. Jamais il n'a haussé la voix avec moi. Il se pince l'arrête du nez, et je détourne le regard pour éviter de le mettre mal à l'aise.
- Désolé, marmonne-t-il. Ce mec a la trentaine, et c'est... c'est mon directeur. J'ai pas l'intention de dépasser les limites. Simplement, l'an prochain je suis en master et je me disais que ce serait pas mal de continuer à travailler au musée après mon stage.
Je lève les mains en signe d'armistice.
- OK, OK. Alors fais juste attention qu'il ne profite pas de toi. T'inviter chez lui, ce n'est pas anodin, tu t'en rends compte, j'espère ? le questionné-je en jaugeant ses traits fermés, ses narines dilatés, sa bouche pincée. Tout reflète l'agacement que je lui évoque.
- Mais oui, ne t'inquiète pas pour moi. Je suis un grand garçon.
Le visage rouge, la mâchoire et les poings serrés, il finit par accélérer le pas pour entrer dans notre immeuble en trombe.
Lorsque nous arrivons dans l'appartement, ça sent bon la cuisine. Hugo est déjà aux fourneaux, en train de faire mijoter je ne sais quoi. J'en ai l'eau à la bouche.
Je suis étonnée de le voir, étant donné qu'il s'éclipse de plus en plus ces derniers temps. Je suppose que Cara travaille ce soir...
Après un coucou bref à mon deuxième colocataire dans la cuisine, je me dirige dans le salon chaleureux pour m'affaler sur le canapé, qui est mon lit en l'occurence, et allume la télé.
- Dure journée hein ? me demande Axel en entrant à son tour dans la pièce pour s'assoir dans mon petit fauteuil rouge qui a trouvé sa nouvelle place ici.
Le sujet "directeur enigmatique" serait-il oublié ? Je préfère l'éviter pour l'instant en tout cas.
- Comme d'hab, soupiré-je avec un petit sourire à son égard. Mais c'est pour la bonne cause.
- Ouais enfin, fais gaffe de ne pas imploser quand même.
- Hmm hmm, esquivé-je son oeillade inquisitrice. Tiens, tu veux rire ? J'ai reçu un mail des Etats-Unis tout à l'heure.
Je lève les yeux vers mon ami qui est tout à coup blanc comme un linge.
- Oh non, c'est pas ce que tu crois, le rassuré-je rapidement en gloussant.
Il a tellement peur de celui qui m'a brisée maintenant. Et des dégâts qu'il pourrait encore causer...
- C'est l'organisme d'échange de l'an dernier. Ils me proposent de partir à Seattle à la rentrée prochaine.
Bizarrement, il ne paraît pas beaucoup moins choqué par cette nouvelle.
- Et ?
Les yeux exorbités, il se focalise sur mes lèvres et ce qu'elles s'apprêtent à déverser.
- Et évidemment, je vais décliner.
Je le vois s'affaisser de soulagement et expirer avec délivrance.
- C'est peut-être mieux, oui.
- Quoi ? Tu ne vas même pas y penser ? m'interpelle Hugo en entrant dans la pièce avec un plateau rempli de vaisselles.
Je ne savais pas qu'il avait entendu. C'est marrant comme en un an, il a pris de l'assurance. Il ne se serait jamais permis de me faire une remarque, avant. Depuis qu'on vit ensemble, nos rapports ont tellement évolué. Et puis je crois que Cara a une sacrée influence sur lui.
- Euh... Non, je ne crois pas, affirmé-je d'une voix pourtant chevrotante. C'est vraiment pas le moment, maintenant que j'ai tout recommencé.
Axel semble abonder dans mon sens d'un signe de tête et d'un léger sourire approbateur.
- Mais c'était ton rêve, non ? relance Hugo.
Mon meilleur ami se tourne vers lui avec un regard de tueur à gage, l'air de dire "ferme-la où je te les coupe". Mais celui-ci n'a pas l'air de le remarquer, trop concentré à disposer les assiettes sur la table basse. Chez nous, c'est ici qu'on mange.
- C'était mon rêve, mais il a foutu le camp avec... avec tout le reste, argumenté-je pour m'en convaincre moi-même.
- Pourtant tu disais toujours que ce voyage était indépendant du... reste.
Le prénom de celui que je considérais comme mon amour est tabou ici. Pas le droit de le prononcer. Axel soupire son exaspération.
- Tu sais bien que c'est pas le cas Hugo, pourquoi tu remues le couteau dans la plaie, sérieux ?
Moi aussi j'ignore mon meilleur ami tandis que je scrute avec attention les gestes du beau métisse, m'imprégnant de ses mots plus que de raison.
- C'est vrai, c'est ce que je pensais, avoué-je.
- Alors pourquoi ne pas y réfléchir ? C'est loin d'être incompatible avec ta double licence. Je te rappelle que la moitié est en anglais. Donc au contraire. Ce serait certainement un sacré plus sur ton CV quand tu tenteras l'école de journalisme. En plus Seattle, c'est pas... enfin c'est loin de la Californie quoi...
Dans mon champ de vision, je vois Axel bouillonner, il se frotte le bras tout en tambourinant du pied. Il n'a pas l'air vraiment d'accord. Juste parce que ça me fait rire de le voir comme ça, je lui demande :
- Et toi Axel ? T'en penses quoi ?
Il ronchonne dans sa barbe avant de marmonner :
- Tu sais très bien ce que j'en pense. C'est la pire des idées.
Je ne peux m'empêcher de sourire. Je le fais marcher. Evidemment que c'est la pire des idées. Et selon lui certainement encore davantage que selon moi : il a tant de fois ramassé les pots cassés, tant de fois il m'a tenue à bout de bras pour ne pas que je m'effondre pour de bon.
- T'inquiète pas, va. J'ai pas l'intention d'accepter.
- J'espère bien, dit-il en regardant sa montre. Bon, je dois y aller.
Il se lève et attrape sa veste qu'il avait posée sur l'accoudoir en arrivant. Je le suis comme une maman inquiète de voir partir son fils en soirée.
- Axel ?
Il se tourne vers moi, un bref moment de pause où il me questionne du regard.
- Fais attention s'il te plaît, le sermonné-je en croisant les bras sur ma poitrine.
Il secoue la tête d'amusement, mais je vois aussi ses traits se contracter, comme envahis d'une certaine colère.
- Je te l'ai déjà dit Alice, je suis un grand garçon, .
Et il s'en va, me laissant en tête à tête avec Hugo.
Plus tard, lorsque je suis enroulée dans ma couette, toute prête à sombrer dans le sommeil, malgré moi, une petite faille s'ouvre dans mon coeur, où s'immisce tel un filet d'eau douce s'écoulant d'une source précieuse, une toute petite lueur ; une lueur qui éclaire un espoir.
Un rêve que j'ai eu, un rêve qui m'a portée, un rêve que j'ai perdu.
Un rêve, parmi tous ceux qui m'ont abandonnée, qui pourrait bien refaire surface.
*****
Hey you,
Votre rentrée s'est bien passée j'espère ?
Alors alors, je suppose que beaucoup d'entre vous s'attendaient à ce mail ?
Et pour ce qui est de la décision, vous êtes plutôt team Axel ou team Hugo ?
Niveau son, spéciale dédicace à DorothePlaquet pour la découverte musicale ❤ J'adore cette chanson et enfin je peux l'utiliser pour un chapitre où ça convient parfaitement pour Axel et Alice ! "On s'connaît depuis longtemps" de Leïla Huissoud
Next week, on retrouve notre Kyle international ! Pour... Bah vous verrez bien 😆
Bisounours à tous ❤
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top