Chapitre 2

KYLE


Subject : Encore moi pour changer.

from: Kylemyersatgmail.com*

to: Alicechap91atgmail.com

01/23/2019 7:45


   Alice,

Un mail de plus que je t'envoie...

Des fois je me demande si je fais bien de t'emmerder chaque semaine. Mais je ne peux pas abandonner. Parce que je ne t'abandonnerai jamais.

Tant que tu ne me le demanderas pas clairement, je serai incapable de t'abandonner.

Ca va faire bientôt un an que j'ai fait la pire erreur de ma vie. Un an que je t'ai renversée. Tu as vu ? Je fais des progrès. Maintenant, j'ose l'écrire.

Même si je suis certain que tu n'as lu aucun de mes messages.

Oui, je t'ai renversée et j'ai flingué tes rêves. Putain, c'est dingue quand on y pense. Je t'aime tellement. Comment est-ce possible de briser la personne qu'on aime le plus au monde... C'est presque inconcevable.

Et j'ai recommencé en te cachant la vérité.

Je te l'ai déjà écrit tant de fois, mais, au cas où, par hasard, tu tomberais sur ce mail alors que tu auras supprimé tous les autres, sache que mon égoïsme n'est pas la raison première de ce choix.

Evidemment, j'avais tellement peur de te perdre. Et je savais qu'à la seconde où tu apprendrais que j'étais derrière le volant ce soir-là, poser les yeux sur toi me deviendrait interdit. Oui, cette peur viscérale est une des raisons de mon silence. Mais pas celle qui m'a convaincu que c'était la meilleure décision à prendre.

J'ai voulu t'en parler tant de fois. Bien entendu que tu méritais de savoir. Mais lorsque l'accident est arrivé, nous étions séparés. Je devais rentrer définitivement aux Etats-Unis le lendemain pour mon frère. Et pour ne plus te faire souffrir aussi.

C'est pourtant exactement ce que j'ai fait. De façon irrévocable.

Et je n'ai pas pu l'accepter. Je t'aime tant. Damn, ca ne pouvait pas être moi.

Lorsque je t'ai vue sur le sol, inerte et au bord de la mort, je n'ai plus pensé qu'à une chose. Qu'on te laisse la vie sauve. Je me suis focalisé sur le filet de vie qui semblait t'habiter. Je voulais rester à tes côtés. J'avais tellement peur de te perdre, putain.

Et puis je suis venu te voir à l'hôpital. J'étais décidé à tout te dire. Mais quand je t'ai aperçue, esquintée et épuisée, j'en ai été incapable. Comment te briser une nouvelle fois en te dévoilant la vérité ?

J'ai pris alors une résolution : je devais tout faire pour que tu te relèves plus forte. Pour t'aider. Pour te faciliter la vie. Te renvoyer tout l'amour que je te porte. Te soulager de tes maux. Te protéger de tes tourments. Je devais me taire tant que tu ne te serais pas reconstruite.

J'espère que tu en es consciente : tout ce que j'ai fait pour toi les mois qui ont suivis l'accident, je l'aurais fait même si je n'avais pas été responsable. Je t'aurais téléphoné tous les jours, je t'aurais rendu visite autant que possible, je t'aurais invitée à venir habiter chez moi, je t'aurais accompagnée dans toutes tes épreuves, je t'aurais écoutée tant que tu en avais besoin, je t'aurais ouvert mon coeur en grand de la même façon, je t'aurais fait confiance et t'aurais révélé mes faiblesses, je t'aurais donné tout le plaisir que tu mérites, je t'aurais aimée avec la même ardeur.

Alice, je ne saurais pas à quoi ressemble l'amour sans toi. Et, même si tout est détruit, même si je suis la dernière personne au monde que tu puisses supporter aujourd'hui, mes sentiments à ton égard ne changeront jamais. Jamais.

Tu ne me demanderas rien, je le sais. Mais je suis prêt à tout te donner. Je serais prêt à me foutre en l'air si tu l'exigeais. Mais même ça, tu ne me le demanderas pas.

Le procès arrive bientôt. Seras-tu présente... ? Sûrement pas...

Cara et Martin m'ont donné quelques nouvelles de toi. Ne leur en veut pas. Je les ai bassinés jusqu'à ce qu'ils me disent simplement que tu avais changé de voie. Et que tu avais refait ta vie. J'ai besoin de savoir que tu vas bien.

Pas pour me déculpabiliser. Ca, c'est impossible. Juste parce que je t'aime.

Kyle.


   Après une dernière relecture, je clique sur la petite icône en forme d'enveloppe dans ma boîte mail. Je flippe toujours lorsque que je sais que mon message s'envole jusqu'à Alice, quand bien même cela fait des semaines que j'effectue le même rituel.

Je serais tenté de le faire tous les jours, mais je ne veux pas l'emmerder davantage. Damn, je suis déjà étonné qu'elle n'ai pas exigé que je stoppe cette habitude. Ceci dit, si ça se trouve, j'atterris directement dans ses spams à l'heure qu'il est.

Mais tant pis. C'est la seule chose qui me raccroche à elle. La seule façon que j'ai de lui parler encore. De lui expliquer pourquoi je ne lui ai rien dit quant à ma responsabilité dans l'accident. Et à quel point je l'aime aussi.

Je suis perdu sans elle. Comme mon frère est parfois perdu dans son monde, entouré par des monstres. Sauf que c'est moi le monstre, errant entre les ombres de mes erreurs. Depuis que je suis revenu à Long Beach, je n'essaie même plus d'être heureux. J'ai compris que de tout façon, je ne m'en octroierai plus le droit.

Je ferme le battant de l'ordinateur et sors de ma chambre pour dévaler les escaliers et me diriger dans la cuisine.

— Salut mec !

Je sursaute quand j'aperçois Dante, mon coloc, derrière le frigo.

— Hey, qu'est-ce que tu fous debout à cette heure-ci ? m'étonné-je.

On est dimanche et il est presque huit heures du mat', aucune raison pour une personne normalement constituée d'être levée. Sauf ceux qui bossent, comme moi. Il remonte ses lunettes sur son nez, fronce ses sourcils bruns et épais avant d'ébaucher un sourire assuré et m'expliquer :

— Je dois raccompagner Cheryl chez elle. Sa mère veut absolument qu'elle soit présente pour le repas dominical.

Il hausse les épaules et passe une main sur ses cheveux aussi sombre que les miens, mais coiffés au millimètre près contrairement à mon bordel au dessus de la tête, avant d'ajouter :

— C'est un jour spécial pour leur Église apparemment.

J'acquiesce en silence. Dante est d'origine mexicaine, d'une famille hyper religieuse. Et sa copine Cheryl, afro-américaine, a des parents tout aussi pieux. Sauf qu'ils n'ont pas tout à fait la même religion. Je n'y pige que dalle à tout ça. Je sais juste que ce qui pourrait être simple devient compliqué pour des familles aux mœurs traditionnelles, qui préfèreraient voir leur progénitures fréquenter des gens qui leur ressemblent au détriment de leurs sentiments. Bullshit. Ca me dépasse tout ça. Apparemment, l'amour, ça ne suffit jamais.

— Où est la tienne, de chérie ? me demande Dante.

Je roule des yeux avant de répondre :

— J'en sais rien, en retard je suppose.

Jane est la quatrième habitante de cette maison. Elle est arrivée un peu après moi, et pourtant c'est elle qui m'a dégoté un job. Je prends la bouteille de jus d'orange dans le frigidaire, bois une bonne rasade à même le goulot avant de checker une dernière fois Dante.

— Dis-lui que je l'attends dehors.

Sans attendre sa réponse, je claque la porte derrière moi et m'allume une clope en patientant que la jolie rousse originaire de Portland se pointe. Une sale habitude que j'ai prise à cause de ce foutu stress qui me ronge.

Depuis quelques mois, je suis parti de chez ma mère. L'ambiance était trop insupportable. Ses yeux plein de reproches et de non-dits me débectent. Elle fait semblant que tout va bien et qu'elle m'aime, comme avant, mais rien n'est comme avant. Faut arrêter de se leurrer. Et la présence de mon frère à la maison en est une autre preuve quotidienne.

Je devrais me réjouir qu'il soit dans les parages plus souvent. Car ça veut dire qu'Adam va de mieux en mieux. Apparemment, les médecins ont enfin trouvé un traitement qui stabilise à peu près sa schizophrénie et limite les grosses crises. Pour l'instant en tout cas. Mais je ne peux pas. Je n'y arrive toujours pas. Depuis son bad trip responsable de la déclaration de sa maladie, la culpabilité qui érode notre relation ne me permet pas de me réjouir de sa présence. Elle me rappelle juste mes putains d'erreurs. Et les siennes.

Encore une personne qui est détruite en partie par ma faute. Parce que je n'ai rien dit. Que j'ai fermé les yeux sur ses problèmes de drogue. Si ça se trouve, si j'avais ouvert ma gueule à temps, Adam serait toujours comme avant aujourd'hui. Il aurait terminé ses études, et bosserait sûrement dans la compagnie de notre père. Au lieu de ça, il est cloué dans sa chambre et incapable de vivre normalement sans flipper.

Je passe de temps en temps leur rendre visite, à ma mère et lui, mais pas plus d'une heure ou deux. C'est tout ce qui me paraît supportable.

La porte d'entrée s'ouvre sur Jane. Un skate sous le bras, elle est coiffée de longues tresses de chaque côté de sa bouille joyeuse et ses grands yeux de manga.

— Désolée pour le retard, je me suis pas réveillée.

J'écrase mon mégot dans le cendrier sur le palier. Elle jette son skate au sol et saute dessus alors que je me mets en route derrière elle.

— Motivé pour cette belle journée ensoleillée qu'on va passer enfermés ? s'écrie-t-elle. A servir des milkshakes et des cafés à des flemmards qui vont poser leur cul sur nos fauteuils moelleux et se prelasser pendant qu'on bossera dur ?

Je rigole. Cette fille est nature, sans artifice, spontanée. Elle s'entendrait bien avec Alice. Je secoue la tête pour faire partir cette pensée débile.

— Tu sais bien que je fais seulement ce boulot parce que j'adore ton style en tablier, la raillé-je.

Elle lève les yeux au ciel et me tend son majeur.

On longe notre quartier pavillonnaire où se succèdent maisons et palmiers, pour retrouver Second Street, Jane me tournant autour sur son skate. Puis on traverse l'avenue presque vide pour rejoindre en quelques minutes le café où on bosse.

J'ai arrêté la fac. Plus moyen que mon père finance quoique ce soit pour moi. Je finirai peut-être mon diplôme plus tard, quand j'aurais réussi à foutre de l'argent de côté, mais pour l'instant je m'en balance pas mal. Du coup quand Jane est arrivée dans la coloc et qu'elle a trouvé ce job, elle a filé mon CV au boss et quelques semaines plus tard je la rejoignais derrière le comptoir du Polly's. Entre ça et les cours de langue que je donne online, je ne chôme pas.

Jane descend de son skate, sort les clés du café pour ouvrir la lourde porte vitrée. Malgré l'heure matinale, il y a déjà un couple affalé sur le mur à attendre certainement qu'on leur serve un café très serré.

— Déjà du boulot, lancé-je à Jane tandis qu'on se dirige vers le comptoir. Y a pas que nous qui sommes matinaux aujourd'hui, on dirait.

— Ouais, bougonne-t-elle d'un ton las. Je les soupçonne de ne pas s'être couchés du tout, en fait. T'as vu le maquillage de la fille ? On dirait le Joker. C'est un verre de décuve qu'ils viennent chercher !

— Jalouse ! D'habitude c'est toi qui est dans cet état le dimanche matin.

— Ouais mais j'assume et je vais quand même bosser, moi.

Elle me tire la langue, ce qui me fait sourire.

Je prends ma place derrière la machine à café pour préparer tout ce qu'il manque : remplir les pots de sauces, thé, cacao. Ecrire les boissons du jour sur l'ardoise. Sortir de la chambre froide des gâteaux pour les ajouter sur les dessertes.

C'est pas un boulot palpitant, mais on ne s'arrête jamais. Ca m'occupe l'esprit et j'ai la chance d'être au sein d'une équipe sympa.

— Aujourd'hui, c'est toi qui te colle aux boissons, ronchonne ma collègue aux cheveux flamboyants. Je reste à la caisse. Aucune envie de me farcir les plaintes des clients pas contents parce que la crème ne fait pas bien la forme de papillon.

On dirait bien que ma pote est d'une humeur massacrante aujourd'hui. Pour une fois que c'est pas moi. Je me marre en prenant mon tablier et me positionne devant les machines, tandis que la porte s'ouvre sur de nouveaux clients. Je reconnais tout de suite la brune qui s'approche de moi. Amber.

*****


Coucou les petits chats !

Comment vous portez vous en ce mois d'août bien bien chaud ? (je sais que certain.e.s attendent la pluie avec impatience 😆 )

Alors alors, content.e.s de retrouver notre as du volant ? Ok, je sors... 😅

Comme vous pouvez le voir, c'est pas la super forme de son côté... 

Sinon, petit sondage qu'une lectrice m'a inspiré : j'aimerais avoir vos avis sur la réaction d'Alice. Selon vous, est-elle la bonne ? Je sais que certaines se disent qu'après 6 mois, elle pourrait revoir son opinion sur notre beau gosse amerloque. Vous pensez qu'elle aurait dû pardonner avant ? Ou qu'elle ne doit pas lui pardonner ? Ou pas de suite en tout cas... Bref, dites-moi tout, je suis curieuse de voir les team Alice ou Kyle 😋

A la semaine prochaine, où on retrouve Alice, et deux autres perso du tome 1... Mais qui ? 😏

Xoxo ❤

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