Chapitre 52

 Coucou à tous,
Et hop! Un petit chapitre en attendant que j'avance sur la suite ;)

 Trois jours que Kyle est parti. Trois jours que je suis rentrée chez mes parents. Trois jours où j'espère que les douze prochains fileront comme une étoile filante.

Nous avons passé Noël en famille, bien sûr. Une veille juste tous les quatre, mes parents, Clément et moi, où nous n'avons pas pu attendre une nuit de plus avant de s'offrir nos cadeaux. 

J'étais beaucoup trop excitée et impatiente de voir la tête de mon frère lorsqu'il apercevrait sa batterie. Et la surprise a été à la hauteur de mes espérances. Ses yeux, déjà qu'ils sont très grands, ont triplé de taille à la vue de son nouveau jouet. Avec mes parents, on avait fait en sorte de ranger ce dernier à sa place définitive dans le garage, le plus éloigné possible du mur mitoyen à la cuisine, histoire de préserver un peu les oreilles de mes géniteurs.

Finalement, ma mère est venue me parler lorsque je suis arrivée chez eux, parce qu'ils avaient décidé de m'aider et contribuer au rêve de mon frère. Je ne sais pas si c'est parce qu'ils ont eu pitié de moi. J'espère de tout coeur que c'est plutôt parce qu'ils ont enfin pris conscience de l'importance d'aider Clément à mettre en oeuvre ses ambitions.

Alors j'ai caché les yeux du futur batteur professionnel avec mes mains. Ce n'était pas simple, parce qu'il est beaucoup plus grand que moi. Derrière lui, j'ai dû marcher sur la pointe des pieds, et le poids que je laissais sur son dos pour me maintenir dans cette position et laisser mes doigts bien recouvrir sa curiosité a failli nous faire tomber tous les deux. Heureusement, on a maintenu le cap. Parce que je ne pense pas que ce soit hyper simple de jouer de la batterie avec un bras cassé. On n'arrêtait pas de se marrer comme des baleines. Ma mère avaient l'air presque aussi excité que moi, et mon père paraissait plutôt amusé par ses enfants gloussant et rigolant comme quand ils avaient dix ans de moins. Il a ouvert la porte du garage, et j'ai guidé Clément jusqu'au petit tabouret qu'on avait placé devant son nouveau petit bijou. Lorsque j'ai enfin retiré mes mains, il n'a pas réagi tout de suite. Soit cloué par l'étonnement, ou peut-être parce que j'avais appuyé tellement fort sur ses yeux qu'il lui a fallu probablement quelques instants pour ne plus voir trouble. Et puis il a crié :

— Putain ! Alice ! Putain t'es une reine !

Et il a explosé de joie, emporté par un rire presque enfantin, comme je ne lui avais pas entendu depuis longtemps. Moi, en émotive que je suis bien sûr, j'ai senti mes yeux piquer un peu, et me suis laissé aller à rire aussi.

— C'est de la part de papa, maman et moi, pour que tu n'aies plus aucune excuse pour réussir à devenir le meilleur compositeur du monde.

Il m'a serré dans ses bras, en déclarant dans mon cou :

— Merci ! Putain merci à tous les trois, vous assurez grave !

— C'est à charge de revanche fils. Bientôt, tu vas devoir nous offrir prématurément des appareils auditifs je suppose, a lancé papa, un sourire jusqu'aux oreilles.

— D'ailleurs, tu pourrais commencer tout de suite à leur casser les oreilles, lui ai-je proposé pour qu'il nous fasse une démo.

— OK, c'est parti.

Heureusement, Kyle m'avait fait penser à lui acheter une ou deux paires de baguettes, mailloches, et balais, accessoires indispensables du batteur. Clément a pu nous faire un petit concert privé. Un peu trop privé. On a dû se boucher les oreilles vu le niveau sonore de ce machin, amplifié par l'acoustique du garage. Je voyais mes parents faire la grimace. Il est pourtant très doué, mais les décibels n'ont en effet pas ménagé nos oreilles prêtes à saigner.

Après cela, on l'a laissé avec son nouveau bébé, et on est rentré, avec papa et maman, pour paresser devant un film que je leur ai laissé choisir. Ca faisait longtemps que je n'avais pas ressenti la "magie de Noël". Parce que, une fois adolescent, ce n'est plus pareil. Fini le père Noël, fini les gros cadeaux avec lesquels on joue pendant des heures. On a un peu d'argent pour s'acheter "ce qu'on veut", ou c'est l'occasion d'avoir quelques vêtements. On se rend compte que la féérie n'était que dans nos yeux et ceux de nos parents, et ces derniers perdent le goût de nous la faire vivre une fois qu'on a un peu trop grandi pour croire aux contes de fées.

Hier, le jour de Noël, nous sommes allés chez ma tante, qui habite à une petite heure de chez nous. On a eu droit au traditionnel repas en famille. Et Clément, qui aurait voulu s'éclipser pour ne pas quitter son nouvel amour, a tout de même fait l'effort, pour une fois depuis une éternité, de participer aux festivités. L'ambiance était plutôt chaleureuse, même si ces festins s'éternisent jusqu'à ce qu'on ait mal aux fesses d'être resté trop longtemps assis, le ventre beaucoup trop plein, la tête ankylosée par le repas le plus copieux de l'année.

Durant l'après-midi, alors que nous étions toujours attablés, j'ai eu droit à mes cinq minutes quotidiennes de bonheur, lorsque Kyle m'a appelée. Je me suis précipitée dehors malgré le froid qui a eu le mérite de me réveiller de ma digestion difficile, pour garder toutes ces secondes précieuses rien que pour moi. Le sourire aux lèvres, je me suis laissé bercer par sa voix jusqu'à ce qu'il me demande de lui permettre d'en faire autant. Je lui ai alors raconté pour Clément et j'entendais son sourire satisfait dans ses approbations. Je lui ai répété, autant de fois que lui me l'a avoué, qu'il me manquait terriblement, et puis on a dû mettre fin à la conversation. Encore vingt-quatre heures à attendre pour avoir droit à ma prochaine dose.

   Ce matin, nous avons eu une visite improvisée d'Axel et sa maman. Je pense que les remontrances de la mienne quant au fait de n'avoir pas vu mon meilleur ami depuis bien trop longtemps y sont pour quelque chose. J'ai pu constater par moi-même que sa mère avait l'air d'aller beaucoup mieux. Elle ne s'est jamais remise de la mort de son mari. Mais j'ai eu l'impression, en la voyant cette fois-ci, qu'elle a réussi à affronter le pire.

Et puis lorsque Axel est monté avec moi dans ma chambre pour un prétexte bidon, il s'est empressé de me dire comment il lui avait avoué son homosexualité. Il avait voulu le faire la dernière fois qu'on était venu ensemble, mais n'en avait pas trouvé le courage. Ce n'est pas plus mal. D'après lui, ça n'aurait pas pu mieux se passer et sa mère a été d'une compréhension exemplaire, malgré ses craintes. Finalement, la magie de Noël opère toujours à sa manière, peut-être. Je ne lui ai pas dit, mais je pense surtout que comme moi, tout simplement, au fond, elle le savait.

Après ces deux jours assez singuliers, dans cette ambiance détendue et particulièrement agréable, j'ai décidé de parler à mes parents de ma volonté de partir aux Etats-Unis. Depuis mon arrivée, je tourne en rond autour d'eux, essayant de capter le meilleur moment pour leur annoncer. J'ai déjà pu me rendre compte qu'ils ne savaient absolument rien de ma rencontre avec Valentin. Ou plutôt de celle de Kyle avec ce dernier. Apparemment, Valentin est resté discret et personne n'a dû me reconnaître.

J'ai tout de même failli me défiler et repousser encore cette discussion à propos de mon projet en me disant que finalement, je pourrais attendre de voir si mon dossier sera accepté. A quoi bon les alarmer pour rien ? Sauf que non. Parce que même si je ne peux pas participer à cet échange, je partirai d'une manière ou d'une autre. Alors, il est temps de se jeter à l'eau.

Je m'avance dans le salon, passe devant notre photo de tous les quatre, douze ans plus tôt, posée sur la commode. Je l'effleure de mes doigts, me rappelant très bien lorsqu'elle a été prise. Nous étions partis, pour une fois, en vacances à la mer. C'était assez rare pour que je m'en souvienne encore comme si c'était hier. Ma mère et mon père, la peau halée par une semaine de soleil, nous entouraient de leurs bras, un grand sourire sincère illuminait leur visage, tout comme le nôtre. Mes parents avaient plus d'une décennie de moins. Il étaient beaux. 

Je réalise que ça doit faire près de vingt-cinq ans qu'ils sont ensemble. Et, même si je ne les sens pas dans une relation passionnée (après toutes ces années, je suppose que ce n'est plus de cette manière qu'on s'aime), je vois bien qu'ils tiennent toujours l'un à l'autre, leurs yeux sont tendres lorsqu'ils se regardent, leurs gestes délicats l'un pour l'autre. Et l'espace d'un instant, j'ose m'imaginer avec Kyle dans vingt cinq ans. Est-ce qu'on serait toujours animés par nos sentiments, nos désirs qui nous embrasent aujourd'hui l'un pour l'autre ? Bien sûr, j'ai envie d'en être persuadée. Alice ! Arrête ça tout de suite. Deux mois que vous sortez ensemble et tu vous imagines déjà dans les rôles principaux d'une romance à l'eau de rose. Je secoue la tête et tente de me recentrer sur le présent, le sujet du moment, qui ne peut plus être évité.

Mes parents sont installés dans le canapé du salon, la télévision allumée. Ma mère n'y est pas trop attentive, avec un livre à la main. Alors je m'assieds avec précaution, le plus loin possible d'eux, le bord des fesses à peine posé sur le fauteuil gris clair que je sais pourtant si confortable. Et je me lance enfin :

— Hmmm... Maman, papa, je dois vous dire un truc important.

Ils posent leurs yeux intrigués sur moi, et je me sens tout à coup sur la sellette. Comment commencer ? J'y ai réfléchi plus d'une fois, mais là, je ne sais plus quelle stratégie m'avait paru la plus pertinente. Comme je ne dis rien, mon père tente de relancer la machine, avec un sourire à moitié rassuré :

— On t'écoute.

Je baisse le regard sur mes mains que je suis en train de triturer douloureusement. J'entends de loin les coups de batterie de Clément. Je finis par me lancer :

— Voilà. En fait... J'ai... déposé un dossier d'échange à la fac.

Je relève les yeux afin de percevoir s'ils me suivent. Ils sont plus qu'attentifs, les sourcils froncés tous les deux, s'attendant au pire je crois.

— Un dossier d'échange universitaire pour partir aux Etats-Unis, j'ajoute calmement.

Ils ne me répondent pas tout de suite. L'air estomaqué qui se colle sur leur visage aurait pu me faire rire si je n'étais pas aussi stressée. Et puis finalement, mon père gronde de sa voix la plus basse que je lui connaisse :

— Tu as déposé un dossier pour partir, sans nous demander avant ? Et pourquoi aussi loin ?

— Je ne vous demande rien. Je me suis débrouillée financièrement.

— Comment peux-tu dire une chose pareille ? s'emporte ma mère. Ce n'est pas avec ton petit job que tu vas pouvoir te payer une année au soleil.

Je sais bien que son ton amère reflète simplement l'angoisse qui s'est infiltrée en elle à mon annonce. Elle réagit toujours ainsi, en attaquant, lorsqu'elle perd le contrôle. Comme d'habitude, je ne serai pas soutenue pour accomplir ce rêve.

— Je me suis débrouillée autrement. Axel... Il m'a prêté ce qu'il faut.

Je ne vais certainement pas dire qu'un garçon que je connais depuis quelques mois m'a fait un virement de milliers d'euros sur un coup de tête. Ma mère a l'air complètement affolé. J'aurais peut-être dû opter pour la vérité en fin de compte...

— Mais comment as-tu pu faire une chose pareille ? L'argent de son père ? Et pour lui rembourser, tu n'as même pas idée de la façon dont tu vas gérer ça !

— Pourquoi tu ne nous as pas demandé avant de racketter ton ami ? me demande mon père.

Racketter mon ami... Sérieusement...

— Parce que je savais exactement que vous alliez réagir comme ça ! crié-je. Que vous n'alliez pas être d'accord.

Mon père soupire bruyamment, les yeux sur ses mains jointes devant lui. Après un regard de connivence vers ma mère, il se radoucit.

— On n'a jamais dit ça, Alice. Laisse-nous au moins le temps d'assimiler la nouvelle.

Je leur laisse ce temps demandé. Ne dis plus rien jusqu'à ce que ma mère me demande finalement :

— Pourquoi les Etats-Unis ?

Pourvu qu'elle n'ait pas fait le lien avec Kyle...

— Parce que ç'a toujours été mon rêve, tenté-je de déclarer le plus posément possible.

— Mais y a plus près quand même. Et puis, t'as le niveau, au moins ?

Pardon ? Cette remarque sur un ton à la limite de la condescendance me blesse plus que toutes les autres auparavant. Je la regarde avec fureur. Un coup de poing dans le ventre m'aurait fait le même effet. Je n'ai que très rarement haussé la voix face à mes parents. Je n'ai jamais été le genre d'ado rebelle à répliquer à chaque phrase de ses responsables légaux. Mais là, c'en est trop. Je sens le vase déborder et tout prêt à provoquer un raz de marée. Alors je finis par répliquer, la mâchoire contractée à m'en faire mal :

— Putain, vous avez vraiment une haute estime de moi, comme toujours. Vous pouvez pas, juste une fois, avoir un peu d'ambition pour vos enfants ? Ah oui, pardon y a eu le coup de la batterie, c'est trop tard pour moi, c'est ça ?

— Alice, descends d'un ton ! rétorque mon père.

Je me lève, fais un pas vers eux avant de lâcher, les crocs sortis.

— A moins que vous ne souhaitiez qu'on se retrouve coincés toute notre vie dans ce patelin, comme vous ?

Ma mère émet un bruit de stupéfaction. Mon père se lève à son tour, mais je ne leur laisse pas le temps de répliquer quoique ce soit. Je pars comme une furie.

— Alice, reviens tout de suite ! Alice !

Je monte les escaliers quatre à quatre, ouvre grand la porte de ma chambre qui claque contre le mur, m'habille en tenue de course, et redescends aussi vite. J'entends mes parents dans la cuisine en train de se disputer. Je m'en fiche royalement. Qu'ils réfléchissent un peu à leur façon de soutenir leurs enfants, au lieu de les enfoncer sans même s'en rendre compte. Je sors de la maison et pars à toute allure, je crois que cette discussion m'a assez échauffée, et cours, cours encore, prenant l'air froid et vif en pleine figure, jusqu'à ce qu'enfin je me sente assez épuisée pour ne plus avoir à penser.

Plus tard, lorsque je rentre sur les rotules, brûlée à la fois par le froid et l'effort, tandis que je viens de passer la porte d'entrée, ma mère apparaît l'air presque paniquée débordant de son visage si expressif.

— Tu m'as fait peur Alice. Tu ne peux pas partir comme ça. Allez, viens.

Elle me sert dans ses bras. C'est la première fois depuis tant d'années que j'ai cette sincère impression qu'elle tient à moi. A tel point que je n'arrive pas à lui rendre son accolade, restant crispée dans son étreinte. Elle se dégage alors lentement, et m'invite à passer dans le salon. Il semble que mon père nous a entendues, descendant les escaliers pour se joindre à nous. Il me dit alors:

— Ecoute. Je comprends ton énervement. Et même si tu n'as absolument aucun droit de nous parler de cette façon, on a décidé... de te soutenir dans ce projet.

Je les regarde, sentant mes yeux brûler tout à coup. Il aura fallu vingt ans pour qu'ils me comprennent. Je n'arrive même pas à articuler un merci. Cependant, je crois qu'ils sentent à quel point je suis émue, parce que papa reprend la parole sans se formaliser de mon manque de reconnaissance.

— Tu vas faire un prêt et rembourser Axel. Et on t'aidera comme on peut. Si c'est ton rêve, on t'aidera.

Finalement, après quelques secondes que j'utilise pour vérifier si je ne suis pas en train de rêver, justement, j'arrive à souffler un tout petit :

— Merci.



Dites, Kyle, il vous manque un peu? Reste à savoir si / quand il reviendra et comment il reviendra...

Ce n'est pas encore la reprise, les loulous. Vraiment désolée mais je ne suis pas prête et ai encore énormément de travail sur les dix prochains chapitres, en cours d'écriture. Mais je suis de nouveau bien dedans, et avance à mon rythme. Et normalement, le chapitre 53 sera prêt pour la semaine prochaine ;)

Pour la zik, Step it up de The Bamboos, parce que la partie batterie est juste dingue. Ce morceau, il faut le mettre à fond chez vous et vous ne pourrez pas résister à l'envie de danser en plein milieu du salon 😄

Dernière petite chose: voilà tout juste 6 mois que j'ai publié le premier chapitre de Dans tes Rêves, et l'histoire de Kylice a depassé les 50 000 vues 😍😍😍 Je n'en reviens pas. Alors 50 000 mercis pour votre soutien. Cette aventure avec vous est juste géniale ❤

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