Chapitre 42

   – Long Beach, Los Angeles, San Diego. Voilà. C'est mon choix définitif pour la Californie.

– Ouais, c'est parfait. Maintenant il faut choisir les deux autres Etats et leurs universités pour compléter la demande, me spécifie Kyle juste derrière moi.

Je suis devant mon ordinateur, à la B.U. des Grands Moulins, entourée de mon américain et Axel. Mon écran affiche le site de la MICEFA, l'organisme qui gère les échanges universitaires avec les Etats-Unis, et nous étudions toutes les universités et les Etats faisant partie du réseau d'échange pour mon dossier. C'était la récompense de ce lundi après-midi, après avoir bien avancé sur les tâches plus fastidieuses, comme remplir les tas de formulaires, et faire le point sur les papiers d'identité et autres paperasses.

– Mais, et si je n'ai pas envie d'aller dans un autre Etat?

– Tu sais très bien que c'est plus sûr. S'ils te refusent la Californie, tu pourras toujours faire ton échange ailleurs, me sermonne Kyle à juste titre.

Il est si prêt que son souffle balaie légèrement les cheveux accrochés derrière mon oreille. Ca ne me plaît pas, cette idée. Cependant il a raison. Je dois garder en tête que je ne m'inscris pas seulement pour Kyle, mais aussi et surtout pour réaliser un rêve qui me paraissait jusque-là inaccessible.

Je regarde Axel pour qu'il m'aide dans mon choix, et remarque ses yeux brillants, tel un gamin devant un sapin au matin de Noël. Je crois que ce projet le fait autant rêver que moi.

– Qu'en penses-tu, toi? le sondé-je en lui campant un léger coup de coude dans les côtes.

– Oh, c'est à toi de choisir, mais...

– Allez, dis-moi! Lequel de ces Etats te tenterait?

– Hmmm... New York... ou la Floride, ça doit être génial!

Je soupire. Moi aussi ils me plaisent bien, ces endroits.

– Mais c'est tellement loin de la Californie...

– Et Seattle? propose Kyle.

– Ah ouais, Seattle c'est pas mal. En plus, c'est là que se passe plein de super romans, je réfléchis tout haut.

– Ah bon, lesquels? demande Axel avec une curiosité sincère.

– Hmm... Twilight par exemple. Ouais, ça me plait. Donc, deuxième choix, l'Etat de Washington.

– Pourquoi? T'as pas besoin de rencontrer un beau et ténébreux vampire, le tien a déjà planté ses crocs dans ta carotide depuis un bon moment déjà, blague mon meilleur ami avec un coup d'oeil insistant vers Kyle, qui est, en effet, tout près de mon cou.

Mon vampire lui lance une oeillade hostile, avant de balancer d'un ton taquineur:

– Je crois pas que tu veuilles vraiment savoir où je lui ai planté mes crocs, mec.

Très classe. Vraiment. Je préfère ignorer leurs plaisanteries et me concentrer de nouveau sur mon écran. Nous avons bien avancé le dossier, ce week-end. Entre les révisions pour l'examen d'anglais, le fameux TOEFL, et la lettre de motivation que j'ai écrite dans un premier temps en français avec l'aide d'Axel, on n'a pas chômé. On s'est même fait un planning pour la semaine, histoire d'avancer sur tous les fronts. Il faut bien s'organiser, car il me reste trois jours exactement avant de me présenter au TOEFL, et à peine quelques jours de plus pour rendre le dossier complet. Ces deadlines sont un sacré générateur de stress, mais le fait d'être occupée en permanence m'évite de trop m'affoler.

Kyle et moi avons beaucoup fait l'amour aussi. J'imagine que ça aide en période de haute tension. On apprend l'un de l'autre petit à petit, et même si je n'ai pas encore connu mon premier orgasme de cette façon, je prends de plus en plus de plaisir dans ces moments intenses avec mon bad boy gentleman. Je suppose qu'il faut un peu de temps pour se connaître et maîtriser cet art où partage, plaisir, sensualité et complicité se mêlent intensément. Et puis finalement, ça ne fait même pas une semaine que je lui ai ouvert cette porte close de mon corps. De toute manière, il sait très bien m'emmener très haut autrement. Ses mains et sa bouche savent exactement comment me laisser pantelante.

Je crois que le plus gros souci est le fait que j'ai encore beaucoup de mal à ne pas me focaliser seulement sur son plaisir à cet instant ultime. J'ai cette inquiétude permanente de lui rendre ces moments avec la novice que je suis aussi jouissifs que possible. Pourtant, j'ai cette chance incroyable que Kyle soit autant patient et à l'écoute. Il s'enquiert de mes désirs, et de la façon dont je le veux, et me guide en douceur dans ces prémices intimes. Et moi, j'apprends à écouter et connaître mon propre corps et le sien, et dévoile toujours un peu plus de moi-même.

C'est déroutant de voir que maintenant que ce pas est franchi, nous avons toujours plus envie l'un de l'autre. Enfin... Kyle encore davantage que moi. Il est très en demande de ce côté-là. Et je me mets un peu la pression, je crois, pour répondre aussi à ses désirs. Je sais qu'il n'aimerait pas cela pourtant, s'il s'en rendait compte. Parce qu'il n'insiste pas, il ne me pousse pas lorsqu'il sent que ce n'est pas le moment. Simplement, je sais très bien reconnaître les signes qui ne trompent pas chez lui, lorsqu'il a envie de moi.

– Le Texas?

– Oh non, ça ne me dit rien. Je suis pas trop du genre cow-boy. L'Arizona, c'est ce qu'il y a de plus proche de la Californie.

– Prends New York, baby. Tu m'as déjà dit que ça te plairait vraiment. Alors, choisis-le.

J'incline légèrement la tête pour observer le beau visage qui me fait alors face. Kyle paraît très sérieux et sûr de lui.

– Mais... Et nous?

– On verra bien. Je pourrais peut-être bouger moi. Mais on verra ça quand t'auras ton affectation.

– Si j'ai mon affectation.

– Tu l'auras. Un point c'est tout.

Oui, oui, rien ne résiste à Kyle. Il obtient toujours ce qu'il veut. Peut-être qu'il y croit vraiment...

– New York, j'aimerais trop venir te voir là-bas, me confie Axel, perdu dans ses rêves.

Je lui ai proposé de candidater lui aussi, et préparer le dossier d'échange avec moi. Mais il a refusé. Ce serait pourtant parfait. Mon meilleur ami, mon confident, mon ancre auprès de moi. Néanmoins, il souhaite rester près de sa mère. Et puis il dit que c'est un rêve que je dois accomplir seule. En y pensant, je crois qu'il n'a pas tort. Je sais qu'il a raison. Je ne peux pas toujours être collée à ses basques, et dois apprendre à me débrouiller sans lui. A vingt ans, il serait peut-être temps...

C'est étrange, la façon dont je pense ce projet, en essayant de ne pas me raccrocher complètement à Kyle. Comme si ce rêve-là était trop beau pour être vrai. Comme si je n'arrivais pas à envisager notre histoire à long terme. C'est ma façon à moi de me protéger, je suppose. J'ai eu droit à quelques semaines de bonheur. Peut-être que ça se quantifie, ces choses-là. Peut-être ai-je déjà atteint, ou presque, mon quota de chance pour le moment. C'est la première fois que je me sens réellement heureuse depuis si longtemps. Comment cela pourrait-il durer? J'ai du mal à m'y faire, à ce nouveau sentiment, cet épanouissement, cet amour partagé.

– Bon... d'accord pour New York. Mais en troisième choix alors, dis-je pour rassurer Kyle, et moi-même peut-être aussi, qu'il est ma priorité.

Alors je l'embrasse tendrement pour sceller ce pacte.

– Eh les amoureux! C'est bien beau, mais on doit faire ton CV avant que je parte. Et il ne me reste même pas une heure. Et je partirai à l'heure cette fois, rale Axel à côté de nous.

Vendredi dernier, alors qu'il m'a aidée tout l'après-midi à préparer le dossier, je l'ai mis en retard pour son rendez-vous. Heureusement que mon Axel n'est pas rancunier. Il me cède bien trop de choses, à vrai dire. Pour ma défense, il ne m'avait pas prévenu que c'était un rendez-vous galant. Et pas avec Nico d'après ce que j'ai pu extirper d'informations avec beaucoup de persévérance.

Tout à l'heure, avant que Kyle nous rejoigne à la bibliothèque, il m'a enfin expliqué qu'il avait rencontré quelqu'un. En tout bien tout honneur pour l'instant selon lui, mais ce nouveau garçon lui plaît beaucoup. Il n'oublie pas Nicolas, bien sûr, mais il est déterminé à passer à autre chose.

J'ai essayé de lui extorquer des détails, mais comme toujours, il est très discret sur sa vie sentimentale. Peut-être parce que c'est encore un peu tabou pour lui. Il n'a pas encore réussi à en parler à sa mère, alors je présume qu'il est toujours anxieux à propos de ses penchants amoureux. En tout cas, j'ai juste appris que ce nouveau garçon avait beaucoup d'humour, était châtain et ai même réussi à savoir qu'il portait une petite barbe. 

– Ah... Alors comme ça, tu aimes bien les mecs à la pilosité généreuse? le taquinais-je. 

Il est devenu rouge vif.

– Oh, je sais pas trop. Et puis, tu sais, tout le monde a une barbe en ce moment.

– C'est vrai que j'ai du mal à comprendre la mode parfois. Ce n'est pas vraiment ma tasse de thé, à moi, les poils plein de miettes de nourriture. Même si Angus, mon chanteur chéri, est pas mal quand même...

Et puis nous sommes passés à d'autres sujets moins personnels. Je ne veux pas le pousser à se confier s'il n'est pas prêt à le faire. Il a toujours été discret de ce côté-là, et je le connais bien assez pour savoir que ce n'est pas seulement à cause de ce qu'il souhaitait cacher jusqu'à présent. Il n'est simplement pas du genre à raconter sa vie. Je me rappelle encore lorsqu'il a perdu son père, au collège. Il paraissait si fort parfois. Et il me parlait très rarement de lui. Encore aujourd'hui, je ne sais quel souvenir il en garde. Il est très secret, même, et peut-être surtout, dans les moments les plus marquants de sa vie.

Nous finissons par nous atteler de nouveau à ce fichu dossier. Kyle faisant la traduction de ma lettre de motivation, Axel et moi travaillant sur mon CV, en français en premier lieu.

Lorsque l'heure de sursis qu'Axel m'a donnée est presque consumée, je lui préconise:

– Bon... Vas-y vite, tu vas être en retard.

– Attends, on a presque terminé.

– Non, non. Pas de retard, cette fois. Ne t'inquiète pas, je vais finir seule. Tu m'as déjà bien aidée. Reste plus que mes hobbies. Ce ne sera pas très difficile.

– Ouais, course et sexe, et c'est plié, lance Kyle à côté de nous.

– Ah ah, très drôle. Non, je suis trop novice dans cette deuxième activité. Je pencherais plutôt pour fangirl hystérique de basket, ou plutôt de basketteur sexy.

– Eh bien, chère groupie, je peux vous proposer de passer dans ma loge, derrière le stade, ou directement dans mon lit, pour vous faire travailler sur la deuxième activité en question.

– Oh oh! Je pars dans cinq minutes, annonce Axel, l'air plutôt embarrassé par nos allusions coquines.

– Allez t'inquiète pas, c'est bientôt ton tour à ce que j'ai compris, plaisante Kyle en lançant un clin d'oeil vers mon ami.

Forcément, il faut qu'il en rajoute. Je lui assène une petite tape juste au moment où Axel lui répond:

– Je serais toi, j'éviterais de jouer le gros lourdaud. En deux mots à ma pote et je peux te faire passer une soirée des plus platoniques. Et toi, du coup, tu devras sauter ton tour. Enfin... le passer, ton tour, plutôt.

Oups...

– C'est qu'il me menace le meilleur ami! Bon. J'ai pas le droit d'y toucher, déclare-t-il avec un regard vers moi, alors je te laisse gagner cette manche.

Axel me décoche une oeillade entendue, range ses affaires et finit par nous laisser en tête à tête, mon gros lourdaud et moi. Malgré leurs taquineries qui pourraient refléter tout l'inverse, leurs rapports se sont nettement améliorés depuis que tout a été mis à plat. J'ai longuement discuté avec Axel, et ai essayé de les voir tous les deux ensemble afin qu'ils se connaissent davantage. Parce qu'au fond, malgré le contraste saisissant de leur caractère, je n'ai aucun doute sur leur entente. Kyle a compris la place indispensable qu'occupe Axel dans ma vie, et n'a presque plus aucune raison d'être jaloux, ayant connaissance de ses penchants pour l'autre bord. Quoique le temps que je passe avec lui, il aimerait bien le lui voler. Et Axel se rend compte, que sous la carapace coriace de mon bad boy, sous son apparence suffisante, sous ses plaisanteries espiègles et parfois un peu borderlines, il est très attentif à mes désirs et à mon rythme. Il m'aime et me fait du bien, et Axel s'en rend compte.

Alors que nous sommes probablement les deux derniers étudiants présents dans la bibliothèque, Kyle me montre la traduction de ma lettre de motivation qu'il a effectuée. Je lui fais part de mes questionnements quant à ses choix de disposition, assez différente de celle que nous utilisons généralement en France et nous en avons assez. Saturation totale après cette journée bien que productive, il n'empêche éreintante. De toute manière, la première annonce de fermeture de la bibliothèque vient de résonner au dessus de nous. Kyle m'aide à ranger nos affaires, puis me prend la main pour me guider vers l'extérieur. Qu'il est loin le temps de la relation non officielle...

Et, plongeant mes yeux dans les siens, emplis d'une lueur bleutée brillante et lascive, je connais déjà le programme qui nous attend ce soir. Et je dois dire que ce n'est pas pour me déplaire. Mais bon, on le fera en version anglaise, histoire de poursuivre mon entraînement...



Est-ce que ce morceau vous donne la patate, à vous aussi? 

Vous auriez choisi quoi, comme Etats, vous, pour votre échange?

Je suis désolée si j'en déroute certains avec le côté imparfait de leur relation intime. Mais c'était un point qui me tenait à coeur. Dans toutes les romances, tout est toujours idyllique à ce niveau, génial, sans aucun obstacle, sans aucun doute. Et je comprends que les histoires soient faites pour que l'on puisse rêver un peu, mais pour ma part, je trouve qu'une relation se construit à tous les niveaux, et que ce n'est pas parce que ce n'est pas la perfection dès le début qu'il faut penser que ce n'est pas la bonne personne, ou que ça ne va pas marcher. Perso, je trouve que tout se travaille, se construit ensemble, et c'est ce qui est beau ❤. Et vous, qu'en pensez-vous? 

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