Chapitre 41
Youpi!!! C'est reparti mes p'tits loups! Avec un chapitre tranquillou et dans la réflexion. Il y a pas mal de phrases en anglais, comme d'hab avec la traduction à chaque fin de paragraphe entre [ ]. J'espère que ça ne va pas trop vous embêter dans la lecture. Dites moi, si c'est le cas, j'essaierai de diminuer la dose d'anglais 😜
Assise aux côtés de Morgane, comme tous les jeudis matins, j'écoute d'une oreille peu attentive le professeur de méthodologie d'Histoire des Arts. Bien que les partiels se rapprochent trop rapidement, il semblerait que me creuser les méninges pour étudier les bases de données les plus appropriées en archéologie n'est pas précisément ma priorité en cette fin de semestre.
C'est incroyable comme je me laisse distraire par ce que m'apporte la vie ces derniers temps, et prends davantage de recul quant à mes cours, et la course aussi, ayant d'autres aspirations, d'autres projets stimulants, engendrant une énergie différente, plus spontanée, moins maîtrisée. Je ne navigue plus uniquement à vue comme j'aimais le faire jusque-là, m'autorisant à me laisser porter vers d'autres rivages, par un souffle qui m'était inconnu jusque-là, et qui atteint mon coeur pour le faire palpiter comme jamais. Je ne sais pas vraiment si c'est une bonne chose, à vrai dire. Rencontrer l'amour pour la première fois, est-ce une raison valable pour oublier de se préoccuper de ses études?
Sur cette pensée, ma conscience me donne une petite tape sur la main. Bien entendu, on ne se refait pas. Je finis par prendre quelques notes, et bosserai sûrement un peu plus pour me pardonner à moi-même cette heure presque perdue.
Il faut dire que je ne me suis pas aidée par la situation actuelle. J'ai en effet décidé de reprendre ma place auprès de Morgane. En cours seulement, pas dans nos vies. Nos rapports, bien que cordiaux, ne sont plus au point mort, ayant choisi de croire à sa version de la trahison et penser qu'elle voulait vraiment bien faire en outrepassant ses droits d'amitié et se mêlant de ma vie comme elle l'a fait. Cependant, il m'est impossible de tout effacer, comme des mots écrits à la craie sur une simple ardoise où il suffit de passer une éponge humide pour réécrire quelque chose par dessus. Même si j'ai conscience d'avoir pardonné bien vite à Kyle, je n'arrive pas à faire disparaître la rancune que je ressens envers Morgane. Il faut bien un coupable, je suppose...
Donc, nous nous parlons, nous finirons les exposés que nous avons à effectuer ensemble pour ce semestre, mais ça s'arrête là. Pour l'instant en tout cas. Et j'avoue qu'être à ses côtés me met un peu mal à l'aise et ne m'encourage pas vraiment à me focaliser sur le cours. Une tonne de pensées à son sujet encombrent bien trop ma tête déjà bien congestionnée par les défis à venir. Et l'amour aussi je crois.
Je ne lui ai pas raconté les projets que nous partageons avec Kyle. Je ne lui ai pas parlé de ma demande d'échange universitaire à Long Beach. Et je ne lui ai certainement pas confié le dernier pas que nous avons franchi, mon américain et moi. C'est étrange, il y a quelques semaines, j'aurais été heureuse d'avoir Morgane pour confidente, lui révéler ma première expérience, lui demander peut-être même des conseils.
Je lui aurais dépeint toutes ces sensations nouvelles auxquelles Kyle m'a initiées durant cette première fois. Je lui aurais sûrement expliqué comment il a su me guider avec tant de prévenance et de douceur dans ce moment si particulier pour nous deux. Je lui aurais sans doute demandé de me parler de son expérience à elle.
Est-ce que pour elle, cela s'est aussi bien passé que pour moi? Avec quel genre de garçon a-t-elle décidé de partager cette étape importante dans sa vie de femme? Un flirt de passage, ou un premier amour? Je lui aurais demandé si au moment crucial, elle a ressenti ces tiraillements, comme moi, ou plutôt une douleur atroce. Ou peut-être qu'elle n'a pas eu mal du tout, elle.
Quand avait-elle eu son premier orgasme? Pour ma part, je n'ai pas encore réussi à l'atteindre ainsi. Mais après tout, cela fait seulement deux jours que nous pratiquons cette nouvelle dimension sensorielle, et je ne suis pas inquiète quant à l'évolution de ces expériences charnelle. J'ai bien compris que le plaisir n'est pas totalement inné, qu'il se travaille, à deux si possible.
Est-ce qu'elle s'est sentie changée après sa première fois? Car, j'ai beau y réfléchir, je ne me sens pas différente, mais plutôt excitée par ce monde presque vierge à explorer dans ses moindres recoins. Et aussi ineffablement liée à Kyle. Il aura, quoiqu'il arrive, une place toute particulière dans mon coeur. Mon corps se rappellera assurément la façon dont il a su l'épanouir, de toutes ces sensations et émotions auxquelles il l'a initié. Toute ma vie, il restera celui qui a su m'aider à surmonter mes blocages, jusqu'à rendre cette première expérience douce et pleine de promesses pour les suivantes.
Je me demande comment les garçons vivent leur première fois. Il faudrait que je pose la question à Kyle. Parce que dans notre société, j'ai l'impression qu'on fait tout un plat de la perte de la virginité de la femme, un moment tellement crucial pour elle, la brèche dans ce petit voile de chasteté, la perte de sa pureté, de son innocence. Mais l'homme, lui, on en parle peu.
J'ai cette impression que le baptême sexuel d'un garçon paraît presque tabou. Comme si ça ne devait pas être un élément important, comme si ça ne devait rien changer pour eux. Il faut qu'ils assurent, c'est tout ce qui compte. Et du premier coup. Toute notre société reflète la virilité dont doit faire preuve un homme, un vrai. Et, est-ce viril de perdre le contrôle un peu trop vite? D'être intimidé par celle qui va le dépuceler? De ne pas réussir à être assez excité pour y arriver? De perdre ses moyens le moment ultime? Est-ce seulement une histoire de pudeur, de ne pas se dévoiler à ce niveau? De fierté?
– ...Partiels dans deux semaines, n'oubliez pas.
Les derniers mots du professeur me replongent dans la réalité. Partiels dans deux semaines. Dossier d'échange universitaire à rendre dans le même délai. Je risque de passer les quinze prochains jours les plus stressants de cette année.
– Good girl. It will be a piece of cake for you, I promess*, me réconforte Cara. [*Très bien, ça va être du gâteau pour toi, j'en suis sûre]
Pour ma préparation à l'examen de langue que je dois obligatoirement passer pour partir étudier aux Etats-Unis, Kyle et moi avons demandé à la belle anglaise de me faire travailler l'oral. Elle a un accent britannique plus que prononcé, très différent de celui de mon américain. Et durant le TOEFL, les textes à écouter sont très divers à ce niveau. Et puis l'objectivité de Kyle quant à mon niveau est plus que contestable à ce stade de notre relation. Je suis rassurée d'avoir un deuxième avis, surtout venant de la bouche sans filtre de Cara.
– Tu es sûre?
– Oui, vraiment. Tu as très bien compris ce que je disais, et pourtant je n'ai pas parlé trop doucement.
– Après, c'est du langage plus scientifique qu'ils utilisent parfois, je crois.
– On travaillera ça la prochaine fois que tu viens, alright? Et puis il ne faut pas oublier l'accent australien.
Elle tape la table du plat de la main un peu trop fort, avant de déclamer en relevant un sourcils en même temps qu'un grand sourire malicieux:
– Hey, je ne bosse pas dans ce fucking bar pour rien, finalement! Tous ces mois de pratique pour t'aider à passer ton examen. Il y a donc un sens à tout ça!
Je pouffe de rire. Cette fille, il n'y en a pas deux comme elle. Au plus j'apprends à la connaître, au plus je me rends compte qu'elle s'est enveloppée d'une peau aussi coriace que celle d'un alligator prêt à croquer de ses dents carnassières n'importe qui s'approchant un peu trop de son périmètre, alors qu'au fond, elle est tournée vers les autres plus que vers sa propre personne. Malgré les apparences. Malgré son apparence.
– OK, ça marche. Merci Cara, franchement tu assures, affirmé-je avec reconnaissance.
– Il faut bien que je te remercie à ma manière de nous éloigner Kyle de temps en temps d'ici.
L'intéressé ne peut pas se défendre, étant en train de suivre sagement ses cours à la fac, lui. Les partiels arrivent à grand pas. Je suppose que cela suffit pour le motiver à assister à ces dernières heure de préparation. Pour une fois que les rôles sont inversés et que je suis la sécheuse... Mais c'est pour la bonne cause. Je la regarde avec curiosité:
– Tu n'arrives toujours pas à le supporter? Vous me faites rire tous les deux. Au fond, je suis sûre que tu l'apprécies.
Elle fait une moue, courbant sa bouche de façon presque caricaturale.
– Not a chance!* [*sûrement pas!]
Je glousse, et nous commençons à ranger la table emplie de papiers, de brouillons, et de méthodes d'anglais. Au bout de quelques instants à trifouiller dans la paperasse, j'ose lui demander:
– Et... tu... tu connais un peu sa vie au Etats-Unis?
Ca ne coûte pas grand chose de tenter le coup, non? Elle range le tas de feuilles gribouillées de pseudo expressions anglaises devant nous, et fronce les sourcils.
– Pourquoi cette question?
J'expire un peu trop bruyamment, une once de malaise me parcourant alors que j'essaie de l'escroquer en jouant les espions après son aide précieuse.
– Parce qu'il est très secret sur ça. Et... Bon... je me demande ce qu'il me cache, voilà.
– Il est très secret avec nous aussi si ça peut te rassurer.
Je soupire de nouveau, et regarde par la fenêtre, juste à côté de la petite table du salon sur laquelle nous sommes installées. On y voit la rue en pleine effervescence, dans la pénombre presque hivernale qui commence déjà à tomber sur la ville. J'aimerais tant que Kyle me fasse confiance. Et lui faire confiance entièrement, par la même occasion. C'est un des piliers d'une relation amoureuse, non?
– Mais ce que je peux te dire, c'est que ça n'a pas l'air d'une période très simple pour sa famille. Je l'entends souvent se disputer au téléphone. Et je crois que la plupart du temps c'est avec son père.
Elle pose son regard sur moi, les bras croisés devant elle, avant de me demander:
– Tu ne sais vraiment rien sur sa famille?
– Rien. Juste que sa mère est française et qu'il a un oncle ici, vers Paris. Et que ses parents sont divorcés.
Il me l'a avoué il y a quelques jours. Et puis j'ajoute, un peu hésitante:
– Je crois bien qu'il me cache quelque chose, parce qu'il ne veut même pas me montrer ses comptes Instagram ou Snap.
Je ne sais pas pourquoi j'ai ce besoin de me confier à Cara, tout à coup. Sûrement parce que je la sais plus proche de Kyle qu'elle ne l'affirme. Et de plus en plus proche de moi aussi. Elle soupire à son tour.
– En toute franchise, je ne pense pas que ce soit The big thing et que tu vas tomber de haut, me confie-t-elle en ponctuant son expression anglaise de ses doigts mimant les guillemets. De ce que je vois et ce que j'entends ici, je crois qu'il a plutôt honte de quelque chose. Et qu'il ne veut pas en parler parce qu'il ne veut pas se montrer fragile.
Je glousse nerveusement.
– Tiens, tiens, ça me fait penser à quelqu'un, dis-je en la regardant avec insistance.
Elle plante un coude sur la table et dépose son joli menton dans la paume de sa main avant de me demander avec angélisme:
– Et à qui?
Je lui souris, la revoyant un nombre incalculable de fois en version Wonder Woman, je_ne_me_laisse_jamais_marcher_sur_les_pieds, notamment lors des batailles quotidiennes avec son colocataire américain.
– A ton avis? Je suis sûre qu'au fond vous vous ressemblez beaucoup avec Kyle.
– Ne m'insulte pas Honey, chérie, please.
– C'est un compliment de ma part.
– Yes, but tu as le regard so biased honey!* Pour en revenir à ton boyfriend, tout ce que je sais, c'est que ses parents ont divorcé il n'y a pas très longtemps. Après, malgré toute la haine que je lui porte, si ça ne t'embête pas, je préfère ne pas en dire plus. Je fais de simples suppositions par rapport à ce que j'entends, et je ne veux pas colporter des rumeurs à son sujet, même s'il le mériterait. Et puis, c'est à lui de t'en parler. Quand il sera prêt. [*Oui, mais tu as le regard so biaisé, ma belle]
Je m'affaisse, un peu résignée.
– Oui, je sais, t'as raison. Mais... J'aimerais tant qu'il me fasse confiance. Je lui ai fait part de la plupart de mes secrets, et pourtant, lui ne veut pas en faire autant. C'est presque vexant.
– Tu ne peux pas forcer quelqu'un à parler s'il n'est pas prêt. Et puis, ce n'est pas une raison. L'amour, la confiance, ce n'est pas un deal give and take*, tu ne crois pas? Tu étais prête à te confier. Il t'a peut-être même aidée en t'écoutant. Et peut-être qu'un jour ce sera son tour. Laisse lui du temps. [*donnant donnant]
On laisse passer un moment, me permettant d'assimiler les mots qui viennent d'être prononcés. Elle sort son paquet de chewing-gum de sa poche, et poursuit tout en assaillant celui-ci de ses ongles oranges presque fluo:
– Finalement, tu n'as peut-être pas tort. On se ressemble un peu avec Kyle. Enfin... Des fois, malgré qu'il m'insupporte, peut-être presque autant que moi-même, j'ai l'impression de le comprendre. Et si c'est le cas, faut lui laisser prendre confiance, et à un moment, il sera prêt.
Je la regarde avec attention, touchée par ce qu'elle vient de me confier.
– D'accord, d'accord. Je vais t'écouter.
Et je vais arrêter de faire ma curieuse. Je vais le laisser venir à moi. Au bout d'un instant placide, elle me demande:
– Alors comme ça tu vas le suivre en Californie?
Je glousse et baisse les yeux, un peu intimidée par cette question.
– Je crois bien. Enfin, si je réussis ce fichu exam d'anglais.
Elle me regarde d'un air perplexe, tentant, semble-t-il, de peser le pour et le contre de ce qu'elle s'apprête à dire:
– Ne le prends pas mal, mais... Traverser l'océan pour suivre son boyfriend, je ne suis pas certaine que ce soit vraiment une bonne solution. Je suis bien placée pour le savoir. Et pourtant, moi, je n'ai traversé que la Manche.
Je relève les yeux pour l'observer. Je ne m'attendais pas du tout à une telle déclaration de sa part. Je sais qu'elle est en France parce qu'elle a suivi son copain. Ex copain. Et finalement, il l'a quittée et laissée seule dans cette grande ville où elle ne connaissait personne.
– Mais maintenant... Tu es heureuse à Paris finalement.
– Oui. Mais à quel prix?
Bruit de clé, de porte qui s'ouvre. Kyle entre et nous rejoint.
– So what's up, guys? Are you now bilingual babe?* [*Alors, comment ça va, les filles? Ca y est, tu es bilingue bébé?*]
– Of course, sweetheart*, que je le suis, balance Cara avec un sourire espiègle. But ne m'appelle pas comme ça devant ta copine, please. [*bien entendu, chéri]
– So funny, bitch! Is Cara as good teacher as I am?* demande Kyle. [*Très drôle, garce! Est-ce que Cara est aussi bon professeur que moi?]
J'ai une pensée soudaine pour ce qu'il m'a appris de tout à fait nouveau il y a deux jours à peine, dans un tout autre registre.
– Be careful Honey*, me menace Cara avec ses grands yeux charbonneux prêts à me fusiller au moindre faux pas. [*Attention, chérie]
– Oui, aussi bonne.
– OK, tu es prête pour lundi alors? demande-t-il, le bleu de ses yeux transperçant l'ambre de mes prunelles.
– Non, pas encore, mais elle a bien bossé, répond l'anglaise à ma place. Elle fait beaucoup de fautes à l'oral, mais je pense pas qu'ils la pénaliseront trop. On la comprend bien quand même.
– Ouais, je me dis pareil, répond-il.
Je suis là les gars, vous savez? Et voilà qu'ils se mettent à parler de moi comme si je n'étais pas dans la pièce. A mon tour de passer au grill, on dirait.
Comment avez-vous trouvé ce petit chapitre de reprise? A votre avis, Cara a raison pour Kyle? Et vous, vous en pensez quoi de cette différence entre la première fois des filles et des garçons?
Bisous les Rêveurs!
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