Chapitre 2 partie 2

— Tu t'en vas déjà? me demande Kyle en s'approchant un peu plus.

Il est très grand, bordel... Ca m'en fait tourner la tête. A moins que ce soit l'alcool... Oui, c'est sûrement l'alcool.

— Euh... non, je vais juste hmm.. aux toilettes, je lui réponds en lui montrant de la main où je compte aller.

— Ah Okay.

Et d'ajouter après une longue pause où il ne se gêne pas pour me dévisager:

- Je t'offre un verre? Tu es une amie de Morgane, c'est ça?

Perspicace dis-donc, ça fait juste un mois que tu me croises tous les jours avec elle...

- Ouais... une amie de Morgane, c'est ça, de la fac en fait. On suit le même cursus à la Sorbonne.

Mais pourquoi je lui dis ça? Qu'est-ce qu'il en a à faire...? Je ne suis vraiment pas douée pour ce genre de discussion. Je crois que je pourrais écrire un guide intitulé "Comment passer pour une cruche en trois mots ?". Et le slogan, ce serait un truc du genre : "Des conseils pratiques pour faire fuir toute la gente masculine en moins d'une minute".

— Moi aussi je suis à la Sorbonne, en échange universitaire. On a dû s'y croiser une ou deux fois, non?

J'hallucine! Est-ce que je suis aussi insignifiante que ça?!? Mieux vaut changer de sujet. Je lui demande innocemment:

— Tu... Tu as un accent... Tu viens d'où?

— De Californie, Long Beach. C'est à côté de Los Angeles, tu connais?

— Pas vraiment. Enfin la Californie si, mais Long Beach ça ne me dit rien. Non pas que je sois allée en Californie, juste je sais où ça se trouve sur une carte.

Oh bon dieu, tais-toi Alice, tais-toi tout de suite, tu racontes n'importe quoi.

— D'accord... me répond-il avec un sourire en coin.

En tout cas, ç'a le mérite de le faire rire.

— Bon, je vais y aller, soufflé-je embarrassée par mon manque absurde de conversation.

— Tu prends un verre après?

Je regarde l'heure sur ma montre, posée sur l'envers de mon poignet. Spontanément, j'ai tellement envie d'accepter. Je suis toute prête à le faire, mais ma raison prend le dessus, sûrement pour le mieux. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, je ne préfère pas m'approcher trop près de lui. Je sais comment ça va se terminer. Mal. Je suis bien trop sensible pour me laisser prendre par ces petits jeux de flirts sans lendemain. Et puis demain justement, je dois me lever tôt pour mon entraînement. Ca se passe si bien pour une fois, autant que je parte avant que ça dégénère. Sans compter l'avertissement de Morgane...

— Il vaut mieux pas, je vais pas tarder à rentrer de toute façon. Une prochaine fois peut-être?

Tout à coup, il prend un air bien trop sérieux. Ses sourcils se froncent et il me regarde droit dans les yeux.

— Attends...

Mon embarras s'accroît en même temps que son attention, atteignant des sommets vertigineux lorsqu'il se rapproche de moi et que son visage ne se trouve plus qu'à quelques centimètres du mien. En réaction, je recule d'un pas, gênée par cette proximité déroutante.

— Ah ouais... dit-il en passant au crible mon visage. T'as une trace de rouge à lèvre sur la joue.

Aussitôt, comme prise d'un réflexe à une brûlure, ma main monte jusqu'à ma joue pour la frotter et tenter de cacher la marque dont je n'avais pas conscience jusque-là. Merde... Je me suis baladée avec ça sur la figure toute la soirée et personne n'a eu la courtoisie de me le faire remarquer. Je deviens certainement aussi rouge que l'empreinte de lèvres dessinée sur ma peau. Merci Morgane... L'image de ma copine en train de me faire un énorme bisou à mon arrivée me fait serrer les dents. Kyle, lui, sourit d'un air mutin.

— Fais voir si c'est parti ?

Il retire ma main de ma joue, le contact de la sienne me faisant frissonner.

— Well, no*... Tu l'as encore plus étalé. Mais t'inquiète, ça se voit pas, il fait super sombre ici. [*ah ben, non... ]

Il se rapproche encore pour observer ma joue.

— On dirait juste une trace de confiture.

Je souffle exaspérée et lève les yeux au ciel.

— Super, tu me rassures vraiment, ironisé-je.

— Attends, je vais t'aider.

— Non, non, c'est bon...

Sans attendre la fin de mon refus, il plante de nouveau son regard acéré sur moi, dépose sa main sur ma joue et tente de l'essuyer de son pouce. Je ferme les paupières, troublée par la situation. Son visage si près du mien additionné à la chaleur de ses doigts rend mes jambes toutes flageolantes. Je connais à peine ce gars, et il est là, à effleurer ma peau de ses doigts. Et je le laisse faire, sérieux... Quand il retire finalement ses mains, je rouvre les yeux pour le regarder avec appréhension.

— Alors ?

Il pince les lèvres, l'air navré souligné par ses sourcils remontés.

— C'est que c'est coriace, ce truc.

Satanée Morgane qui se tartine de produits hyper longues tenues !

— Bon... Je vais aux toilettes, cette fois, me résigné-je.

Je me dirige donc vers les latrines où une queue de dingue me donne presque envie de renoncer. J'en ai pour une bonne demi-heure d'attente... Génial...

Après ma petite escapade nécessaire, je reviens sur mes pas, bousculée de part et d'autres par des gens toujours plus éméchés. J'aperçois Kyle... avec sa brunette. J'ai bien fait de refuser sa proposition. J'avoue que ça me fait de nouveau un pincement dans le ventre, bien trop douloureux. Franchement, n'importe quoi Alice, tu n'as échangé que deux mots avec lui. Ce n'est pas comme si tu étais intéressée par ce genre de relation futile. Oui... mais quand même.

Je détourne le regard, serpente un moment dans le bar, mais impossible de retrouver Axel. Est-ce qu'il m'a déjà abandonnée? Lui non plus n'aime pas ce genre d'ambiance trop branchée. Et Morgane dans tout ça? J'espère qu'elle n'est pas déjà arrivée au stade de l'outre toute prête à déborder. Je sors mon portable pour l'appeler, quand quelqu'un me tape doucement entre la nuque et l'épaule, et me chante près de l'oreille:

-— Alors ? Ça donne quoi ?

Je me retourne, un peu déconcertée par l'effet que la voix de Kyle a sur moi. Ces deux mojitos m'étourdissent beaucoup trop.

— Ah bah t'as réussi au final. But... T'es un peu rouge du coup... T'as dû frotter aussi fort que ça ?

Je replace ma main sur ma joue. Décidément, on repassera pour l'élégance, on dirait. J'essaie malgré tout de reprendre contenance.

— Je cherche Morgane, tu l'aurais pas croisée ?

Je suis alors son regard qui se dirige vers une table au fond de la terrasse, et aperçois mon amie qui a l'air, comme je le redoutais, complètement ivre, et de surcroît, entourée de deux garçons un peu trop insistants. Sans réfléchir, je la rejoins, et la prends par la taille avant qu'elle ne tombe du haut de ses trop grands talons.

— Eh chérie, t'es là, regarde bar là, je te.. te présente... comment tu t' l'appelles déjà? beugle-t-elle au plus près des deux garçons.

— Edouard, tu te souviens déjà plus? Tu viens pourtant de me rouler une pelle bébé.

Edward... Déjà, le gars a un nom de vampire, c'est pas bon signe, ça... L'autre lui caresse le bras et réplique en ricanant :

— Ouais, moi je m'en fous que tu dises pas mon prénom. Tu le crieras bien assez tôt.

Et les deux se marrent tout en se rapprochant beaucoup trop de nous, sans une once de décence perceptible dans leurs regards impudiques.

— Et toi ma jolie, t'es comme ta copine ? On pourrait vous ramener si ça vous tente, me lance le plus petit des deux, un sourire salace retroussant ses lèvres gercées, ses yeux rouges et vitreux me reluquant comme si j'étais un bon steak bien saignant.

Il me caresse la joue, où Kyle avait déposé ses doigts tout à l'heure. J'en ai la chair de poule, et pas pour les mêmes raisons. Je me dégage aussitôt pour échapper à son contact qui me répugne, tout en maintenant le mieux possible Morgane qui est sur le point de nous entraîner à terre. Je sens une autre main se poser sur ma hanche et je n'y tiens plus.

— Mais ça va pas ? Dégage ta main !

— Allez ça va, on s'amuse juste. Déride-to...

Je ne lui laisse pas le temps de terminer, embroche ma copine et leur tourne le dos pour me diriger vers la sortie. Je jette un regard par-dessus mon épaule pour voir s'ils ne nous suivent pas. Mais les deux lourdauds s'éloignent et ont l'air d'avoir déjà repéré une autre proie amochée par l'ivresse. Voilà pourquoi je n'aime pas ce genre de soirée, surtout passée une certaine heure. Il y a toujours une bande de cons misogynes, qui pense pouvoir toucher une fille inconnue sans problème et sans y être autorisée, "juste pour s'amuser". Et sûrement qu'ils pensent qu'on les allume en plus !

— Hé Kyle ! My dear ! come bar là ! braille Morgane dans mon oreille.

Trop concentrée par les deux abrutis, je n'ai pas fait attention à l'américain qui s'est joint à nous.

— Damn, elle y est allée fort, on dirait. T'as besoin d'un coup de main ? me demande-t-il en ignorant Morgane.

— Hey, Hello Kyle! How are yooou ? insiste lourdement Morgane.

Elle essaie de l'attraper, et tombe lamentablement dans ses bras, le faisant presque basculer vers l'arrière. Il la regarde avec un air résigné, l'attrape par la taille pour la maintenir debout, pinçant le coin de sa bouche. Elle s'accroche à son cou et ses lèvres carmin partent à l'assaut de la mâchoire saillante de son pote, mais Kyle se recule juste à temps. Je souris malgré moi ; j'aurais bien aimé qu'à son tour il soit marqué du sceau de ma copine. Il essaie de l'écarter et Morgane se rue sur moi et m'enlace pour un câlin de bourrée qu'elle est.

— Je t'aime Alice.

Je lève les yeux au ciel, et croise le regard amusé de Kyle.

— Moi aussi, moi aussi, marmonné-je. Allez, on va y aller, tiens-toi bien à moi.

— Tu veux que je vous raccompagne ? me demande Kyle en se frottant la nuque.

En me voyant hésiter, il ajoute :

— Je suis en voiture, et j'ai bu qu'une bière.

Ah bon ? Dans un coin de ma tête, je me demande pourquoi un américain fraîchement débarqué à Paris a une voiture. En tout cas, l'offre est trop tentante. Attendre un taxi, tout en maintenant Morgane à moitié ivre morte, jusqu'à ce qu'il y en ait un qui, si on a de la chance, ait pitié de nous, je m'en passerais bien.

— Pas moyen les zzzamis, je reste là, j'ai mon anniversaire, brame Morgane dans mon cou.

Mais je l'ignore. Elle n'est certainement pas en état de décider de la suite de la soirée. Je suis tout de même trop polie pour accepter la proposition de Kyle sans me gêner un peu.

— Oh, je voudrais pas abuser, je vais essayer de nous trouver un taxi. T'embête pas, t'as l'air de bien t'amuser.

Et je ne peux éviter mon coup d'œil vers la brunette au décolleté plongeant avec qui il traînait tout à l'heure. Je crois qu'il s'en aperçoit, il a un léger sourire quand il répond :

— T'inquiète pas pour moi, je m'amuserai une autre fois. Allez, on y va.

Il attrape doucement Morgane sous le bras, moi-même enlacée à elle, pour nous diriger vers la sortie.

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