Épilogue

    – Alors ces corrections ? Ça avance ?

    Je lève les yeux de la copie dans laquelle j'étais plongée et contemple Andrew avec un sourire. Avec les années, il s'est un peu tassé et épaissi, pourtant son regard n'a rien perdu de son espièglerie.

    On a fini par revenir à Epsom, quelques années après s'être mariés. Ça tenait très à cœur à Andrew, pour qui l'Angleterre restait le pays qui l'avait vu grandir. De plus, heureusement que je ne suis pas restée en Amérique, parce que tout y est parti à vau-l'eau.

    J'ai cherché un job sur place en Angleterre, et devinez quoi ? Certains collèges et lycées de Londres avaient besoin d'un prof de français. Si vous cherchez bien, il y a toujours un Professeur Roberts qui assure lesdits cours – j'ai gardé mon nom de jeune fille pour enseigner. Parce que bien qu'on ne soit pas dans le besoin, grâce au travail d'Andrew, je n'avais aucune envie de rester inactive. Femme au foyer, c'était loin d'être fait pour moi. 

    Quant à Andrew, il a continué à décrocher des rôles – le très apprécié No Way Home restera dans les anales, tout comme Tick Tick... Boom ! – et vivre de sa passion.

    – Ça avance, je confirme d'un hochement de tête.

    Andrew s'appuie nonchalamment sur le bord du bureau et baisse les yeux sur la copie que je suis en train d'évaluer.

    – Hiddleston ?, lâche-t-il en fronçant les sourcils. C'est le fils de Tom Hiddleston ?

    Je suis son regard pour contempler l'écriture élégante qui s'étale sur la feuille.

    – Matthew Hiddleston, effectivement. J'ai sa sœur Daisy, aussi, mais elle est plus jeune.

    – Je savais pas que t'avais ses enfants, s'exclame le brun avec un sourire.

    Je hausse les épaules.

    – Je vais pas me vanter d'avoir les gosses de tes collègues stars de cinéma, tu sais. Ces pauvres gamins ont déjà assez de mal à vivre normalement... Par contre, Matthew est vachement doué en français.

    Andrew pouffe doucement.

    – Sa mère est française, non ?

    Cette fois, c'est à mon tour de rire.

    – Attends, tu veux dire qu'on a fait tout l'entretien parents-profs en anglais alors qu'on aurait aussi bien pu le faire en français ? Énorme. D'un autre côté, je suppose que ceci explique cela.

    En réalité, la seule chose dont je me souvienne vraiment à son compte, c'est qu'elle semblait vachement jeune pour être la mère de collégiens. Bien sûr, je ne juge pas : ce n'est pas parce que j'ai eu mes enfants à trente-six ans ans que d'autres ne peuvent pas en avoir à vingt.

    – Vous les anglais, vous avez un faible pour les filles d'origine française, du coup ?, je raille avec un haussement de sourcils.

    – Si elles sont toutes aussi sexy que toi, alors encore heureux !, rétorque Andrew avec un grand sourire ravi. Et puis on pourrait dire pareil de vous, les françaises qui avez un faible pour les British men !

    Je hausse les épaules avec un rire léger.

    – Les anglais ont un truc en plus, un certain charme. Un peu comme les français, je crois qu'on appelle ça le charisme.

    – Vu que t'es à moitié française... T'es en train de te lancer des fleurs, là ?

    Je pouffe de plus belle.

    – Tu me connais trop bien, chéri.

    Il dépose un baiser furtif sur le bout de mes lèvres avant de se redresser.

    – Allez viens, le repas est prêt. Je te laisse prévenir les enfants ? C'est hamburgers maison, ce soir.

    Un sourire illumine son visage. Je sais qu'il est très heureux de nous faire plaisir, il prend son rôle très à cœur. Qui aurait cru qu'Andrew Garfield avait l'âme d'un homme au foyer, ou presque ?

    Je me lève et, passant la tête par l'embrasure de la porte, je crie :

    – Margaux ! Peter !

    – Maman !

    Je sais ce que vous vous dites. Je ne voulais pas d'enfants, ni d'une vie de famille, et pourtant me voilà avec deux gosses. C'est simplement que pour finir, j'ai accepté de faire un enfant, par amour – ça tenait très à cœur à Andrew – et parce que je me sentais prête. Quelle n'a pas été notre surprise, le jour de la première échographie, de découvrir que j'étais enceinte de jumeaux !

    Je suppose néanmoins que ça n'avait rien de foncièrement étonnant. Après tout, ma mère elle-même a eu des jumeaux, et le frère d'Andrew aussi. Apparemment, les gênes couraient dans nos deux familles, alors... Peter et Margaux ont débarqué.

    Peter, parce qu'Andrew et moi nous sommes rencontrés à cause de son rôle dans The Amazing Spiderman – en parlant de ce rôle, j'aurais des milliers d'anecdotes à raconter sur son grand retour dans No Way Home, en 2021, mais ce sera pour une autre fois.

    Au début, j'avais proposé en plaisantant d'appeler nos enfants Peter et Parker, toutefois c'était trop évident, et bien trop lourd à porter pour les pauvres gosses. Alors on a décidé de suivre la tradition familiale de chez moi : voilà pourquoi notre fille s'appelle Margaux. Maintenant, imaginez ces bons vieux anglais et américains essayer de prononcer son prénom, délibérément écrit Margaux et non pas Margot !


    Les hamburgers d'Andrew étaient délicieux, comme d'habitude. Comme je montrais toujours autant d'enthousiaste à les manger, il s'est en quelque sorte spécialisé dedans. Depuis, chaque samedi soir lorsqu'il est à la maison, nous avons notre petit rituel, les enfants et nous. Je ne compte pas m'arrêter, même si mon grand appétit finira probablement par me coûter mes jeans.

    J'ai pris plus de dix kilos depuis notre première rencontre, la faute à ma grossesse et mon amour de la nourriture qui ne s'est pas étiolé avec les années. Néanmoins, je ne me sens pas mal pour ça : l'époque où je complexais sur ma petite bouée abdominale est révolue. Dans le regard d'Andrew, je me suis trouvée.

    Sa vision de moi n'a pas changé avec le temps, ce qui m'a permis de prendre confiance dans mon apparence. Et même si pour la plupart des gens je suis ''trop en chair'' – de leurs propres mots, parce que je ne réponds pas à leur définition de ''grosse'' tout en n'étant pas non plus ''mince'' –, ça ne me perturbe pas : ce n'est pas incompatible avec être belle, être désirable.

    Ce corps, c'est la preuve que j'ai vécu, que j'ai profité. Je n'ai pas perdu tous mes kilos de grossesse, même après dix ans ? Et alors ? J'ai donné la vie à non pas un mais deux enfants, et ça c'est merveilleux. De plus, je ne vais pas me priver de me faire plaisir juste parce que des inconnus, des gens qui ne vivent pas dans mon corps, se mêlent de choses qui ne les regardent pas.

    En parlant de mon corps... Je me suis fait tatouer de nouveau, tout récemment. J'ai maintenant trois étoiles sur les côtes, une pour chacun des amours de ma vie : Andrew, Margaux et Peter. Et vous voulez savoir le meilleur ? Je ne suis pas la seule à m'être fait faire ce tatouage ; Andrew a le même sur l'intérieur du poignet.

    À présent, allongée au-dessus de la couette à cause de la chaleur de ce début de mois de juin, je parcours du bout des doigts ledit tatouage sur le poignet de mon mari.

    Qui aurait cru qu'on en arriverait là, lui et moi ? Tout ça parce que j'ai décidé sur un coup de tête d'embrasser un inconnu en boîte pour le Nouvel An. Comme quoi, soyez un peu fous, parfois ça fonctionne.

    – À quoi tu penses ?, lance Andrew, allongé à côté de moi.

    Je suis un peu jalouse : contrairement à moi, il a plutôt bien vieilli cet idiot. Enfin, je suis jalouse, mais heureuse tout de même !

    – À nous, je réponds avec un sourire. À la façon dont on s'est rencontrés.

    – C'est vrai que c'était pas commun, je te l'accorde.

    Nous rions tous les deux. Pas commun, c'est un euphémisme !

    – Tu sais, je me demande toujours ce qui t'a fait rester avec moi. Tu as toujours été tellement déjanté, et moi...

    Je hausse un sourcil. Nous avons déjà eu cette conversation des milliers de fois, et des milliers de fois ma réponse était la même :

    – Oh allez, je pouffe. Tu sais bien que je passerai l'éternité dans tes bras.

    – Swag, hein ?, raille-t-il.

    Je hoche la tête avec un grand sourire ravi. Après toutes ces années, nous n'avons pas arrêté cette petite blague entre nous.

    – Swag.

Lentement, doucement, il se penche vers moi pour poser ses lèvres sur les miennes.

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