Chapitre 6 : Senator Jones
– Allez, viens avec nous !
Je pousse un long soupir en faisant deux pas de plus, les doigts bien accrochés au combiné pour qu'il ne tombe pas. Âgé d'environ huit mois, mon pauvre iPhone a déjà trop de chutes à son actif. À ce stade, il va falloir que j'en change encore une fois avant octobre ; l'ancien m'a duré trois ans, ça serait cool que celui-ci tienne encore un peu.
– S'il te plaît, Iggy, reprend la voix de Kristen à l'autre bout du fil.
– Est-ce qu'il y aura Anthony ?, je demande avec un nouveau soupir, intérieur cette fois.
Il y a quelques secondes de silence ; Kris hésite, cherche ses mots, puis annonce :
– Non. Il n'est pas disponible ce soir.
– Dans ce cas...
– Tu sais qu'il arrivera forcément un jour où vous devrez faire un pas l'un vers l'autre, n'est-ce pas ? Mettre les points sur les i, tout ça...
– Peut-être.
Pour le moment, mon égo blessé refuse d'y songer. Si quelqu'un doit s'excuser en premier, c'est Anthony, pas moi. Je sais que c'est probablement puéril comme réaction, toutefois je m'en fiche. Il m'a insultée le premier, à lui d'agir en conséquence.
Après la dispute à la plage mardi dernier, j'ai reçu des messages d'excuses de Kris, Lin et Jake. Aucun d'Anthony, aussi, si j'ai recommencé à parler aux trois premiers, je refuse de penser au dernier.
– Du coup tu viens ce soir ?, insiste Kristen, me ramenant à l'instant présent.
– Oui, je viens.
Même si nous sommes un lundi, je peux sortir ce soir. En temps normal, j'ai cours le mardi, mais pas cette fois : le collège où j'enseigne est fermé après qu'une partie du toit se soit effondrée à cause de vents particulièrement violents. Heureusement qu'on n'est pas à Chicago !
– Super. Sois prête à dix-huit heures, on passera te prendre pour aller manger un morceau. Après, on ira au Senator.
J'acquiesce avant de raccrocher.
Dix-huit heures sept. Jacob, Kristen et Lindsay ne sont toujours pas là, ce qui n'a rien d'étonnant quand on sait que c'est cette dernière qui conduit. Le jour où Lindsay Cooper sera à l'heure, il pleuvra des cochons. Je me souviens que, même au bal de promo, elle est arrivée en retard. Et en pantalon, ce qui a fortement déplu au directeur ; je ne l'ai jamais beaucoup aimé, cet abruti. Qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire que Lin porte un smoking plutôt qu'une robe de soirée ?
Dix-huit heures dix-neuf, la voiture s'engage enfin dans l'allée. Je me précipite vers le portail, glissant distraitement mes clefs dans le petit sac que j'ai passé en bandoulière.
La portière s'ouvre et à peine suis-je entrée que je me trouve nez-à-nez avec un visage à la peau chocolat, percé de deux grands yeux bruns ourlés de cils épais.
Anthony. Qu'est-ce qu'il fiche ici ? Kris m'avait pourtant assuré qu'il n'était pas libre, ce soir.
Je me tourne vers la châtaine en quête d'une explication ; elle évite mon regard. Lindsay démarre aussitôt, je peux à peine refermer la portière. Aucun moyen de faire marche arrière, je suis coincée.
Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine. Bon sang, je n'imaginais pas à quel point il serait si dur de faire face à Anthony ! D'autant plus qu'il semble attendre quelque chose. Oui, mais quoi ?
J'ai l'envie soudaine de disparaître. Je me suis comportée comme une garce avec Anthony, et je...
– Églantine, je..., commence-t-il, l'air penaud.
– Je suis désolée, je le coupe sans violence.
C'est sorti tout seul et, au vu de l'expression de mes amis, aucun d'eux ne s'attendait à ce que je fasse le premier pas. Moi-même, j'en suis étonnée.
Mais voilà, il s'agit d'Anthony, mon plus vieil ami à ce jour. Sans lui, ma vie n'est plus la même, elle n'a plus aucun sens. Ça fait presque une semaine que j'ai la sensation d'être dans le brouillard, j'étais juste trop bête pour me l'avouer. Appelez-moi sentimentale si vous voulez, néanmoins je suis totalement sincère.
Je ne saurai pas dire de qui est venue l'intention, toutefois Anthony et moi pleurons à présent dans les bras l'un de l'autre. Pour quelqu'un qui déteste pleurer, ça fait beaucoup en peu de temps, je trouve.
– Eh ben, heureusement que vous ne vouliez plus entendre parler l'un de l'autre encore dix minutes auparavant, raille Lindsay en nous jetant un coup d'oeil à travers le rétroviseur.
Je ris à travers mes larmes, pose ma tête sur l'épaule d'Anthony. Je n'avais pas réalisé à quel point il me manquait ; qu'est-ce que ça aurait été si nous ne nous étions jamais réconciliés ?
– J'ai vraiment été odieuse avec toi, je suis désolée, je murmure.
Il pousse un long soupir et serre ma main dans la sienne.
– J'ai été un beau salaud aussi, tu sais. Et d'ailleurs, ce que tu as dit... Au fond, ça m'a servi.
Je me redresse aussitôt. Qu'est-ce qu'il entend par là ?
– Qu'est-ce que tu veux dire ?, s'étonne Kristen, assise de l'autre coté de la banquette arrière.
Même Jake, assis à l'avant, tourne la tête vers nous dans l'espoir d'en savoir plus.
– J'ai appelé Jonah hier soir, avoue Anthony avec un sourire embarrassé.
Il n'a jamais apprécié être le centre de l'attention.
– J'en avais marre de ne pas comprendre le sens de notre relation, aussi je lui ai donné un ultimatum pour réfléchir à ce qu'il attendait réellement de moi. Je croyais qu'il allait prendre le temps de bien y réfléchir, mais...
Anthony soupire, toutefois je ne décèle aucune trace d'angoisse dans ce soupir.
– J'avais à peine raccroché qu'il m'a rappelé en m'expliquant qu'il m'aimait, et que si j'étais d'accord, il voulait qu'on commence à construire quelque chose de réel.
Même Lindsay lève un sourcil ébahi, je peux voir son reflet dans le rétroviseur.
– Vous êtes ensemble pour de bon, alors ?, s'enquiert Kristen d'une voix douce.
Elle n'a probablement pas envie de brusquer Anthony, ce qui peut se comprendre. Il est tellement réticent à parler de lui, en général !
– J'allais dire je pense que oui, mais en fait non, je ne pense pas. J'en suis sûr.
Son sourire est tellement rayonnant que mon cœur se comprime dans ma poitrine. Anthony a l'air réellement heureux, j'espère que Jonah n'aura jamais l'idée de lui briser le cœur. Dans le cas contraire, ce sont ses os que je briserai, j'en fais le serment.
– Et de un de casé !, s'exclame Jake en riant. Qui sera le prochain ? Iggy et son sosie ?
Je fronce les sourcils mais ne dis rien.
– C'est trop tôt pour plaisanter là-dessus, peut-être ?
– Non, tu crois ?, j'ironise.
Pendant quelques secondes, il y a un blanc, avant que je ne reprenne :
– De toute façon, j'ai aucune envie d'être en couple, merci bien. Aucune envie de revivre mon ancienne relation, ça ira.
– Iggy...
Je fais un geste vague de la main pour les faire taire.
– Donc sauf si tu te trouves une copine, Jake, je crois que personne ici ne se mettra en couple avant longtemps.
Au regard que me lance le blond, je vois qu'il a compris. Quand on me cherche, on me trouve.
– Les gars, préparez-vous à passer votre commande, on arrive.
En effet, l'enseigne lumineuse du fastfood est visible à travers la vitre. Je suppose qu'on va prendre à emporter et manger sur la plage, comme souvent, avant de rejoindre le Senator Jones.
– Tu vas prendre un croque-macdo, comme d'habitude ?, pouffe Anthony à côté de moi.
Je hoche la tête avec un grand sourire.
– Tout juste, Auguste !
– Je comprendrais jamais comment tu peux manger un tel truc, commente Kristen, l'air songeur.
Je glousse. Les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas. Est-ce que je lui demande pourquoi elle prend un truc des potatoes plutôt que des frites ? Non ? Bon ben le problème est réglé.
Comme chaque fois que je danse au Senator Jones – et pas que là-bas, en réalité –, j'ai l'impression de planer. Mon cœur pulse en rythme avec la musique, dont je crie les paroles à tue-tête comme le reste de la foule.
Avec le temps, j'ai appris à tenir un équilibre parfait même sur des talons hauts – y compris bourrée –, parce que j'adore en porter. Je suis déjà plutôt grande de base, toutefois j'aime l'être encore plus. En général, je plaisante en expliquant que c'est mon complexe de supériorité qui parle. Rassurez-vous, ce complexe n'existe pas chez moi ; j'estime juste que j'ai le droit de porter des talons, même si ça me fait dépasser la plupart des gens d'une tête. Au moins, j'ai une certaine facilité à distinguer les gens que je connais dans la foule. Si je cherche Anthony, ou inversement, nous serons les premiers à nous retrouver.
J'ai déjà bu quatre verres alors que ça fait à peine une heure et demi qu'on est là. Je sens l'alcool parcourir mes veines, amplifiant mes sensations. J'ai la tête qui tourne un peu, mais c'est drôle. Je suis d'autant plus captivée par la musique de cette manière.
Je sursaute alors que je sens quelqu'un se glisser derrière moi.
– Iggy, tu viens avec moi ? Je sors fumer.
Je lance un regard torve à Anthony. Il sait que je n'aime pas le voir se détruire les poumons avec cette merde, cependant je suis consciente qu'on ne combat pas une addiction comme on combat une invasion de fourmis. Et si mon ami a décidé de continuer, c'est son choix. Je ne peux pas le forcer à arrêter et, pour être honnête, il ne fume pas énormément.
J'acquiesce finalement et le suit jusqu'à l'espace fumeur, dans la cour. À l'odeur, je dirais que certains ne fument pas des cigarettes, mais bon, ça les regarde. J'essaie tant bien que mal d'éviter la fumée ; je vais probablement devoir prendre une douche en rentrant pour me débarrasser de l'odeur incrustée dans mes cheveux.
La dernière fois, j'ai passé plus d'une heure à me sécher les cheveux pour ne pas attraper la crève après les avoir lavés en rentrant. Heureusement que j'aime Anthony, je n'aurais pas recommencé sinon.
– T'en fais une tête !, pouffe mon ami.
Je hausse les épaules avec désinvolture.
– Je pense à mes pauvres cheveux qui vont avoir droit à un récurage en profondeur dès que j'aurai mis les pieds chez moi.
– Oups, glousse Anthony.
Je lui balance mon poing dans le bras et il fait mine de souffrir.
– C'est à se demander comment j'ai encore des cheveux sur la tête, à force de les laver.
– La réponse c'est justement que t'as pas grand chose sur le crâne, se moque-t-il.
Je fronce les sourcils mais ne réplique pas. Le problème, c'est qu'il a totalement raison. Je ne suis pas comme Kristen, dont les épais cheveux châtains ondulent naturellement. Non, moi, j'ai les cheveux tellement fins et tellement raides qu'on dirait que je n'en ai pas beaucoup, justement. Bien que je les aie toujours eus très longs – ils m'arrivent presque à la taille –, ils n'ont pas un volume très important, ce qui me déprime. Et puis, je passe ma vie à en semer un peu partout.
– Eh Poil de Carotte, tu peux te pousser ? J'aimerais passer.
Je pousse un long soupir pour faire face à l'abruti qui a eu l'audace de m'interpeler de la sorte. Un peu plus grand que moi, malgré le fait que je porte des talons hauts, il s'agit d'un garçon qui a vraisemblablement à peine l'âge légal de rentrer dans ce lieu. Je le toise de haut en bas avec une moue dédaigneuse non dissimulée.
– Excuse-moi ?, je demande en plongeant mon regard dans le sien, d'un bleu azur saisissant.
Avec ses cheveux blonds éclaircis par le soleil, il est le parfait cliché du californien. Musclé, avec un sourire à tomber... Il me donne envie de le gifler.
– J'aimerais rentrer et t'es au milieu, reprend Mister-Perfect avec un haussement de sourcil.
– Et moi j'aimerais un peu de respect et t'es con, je rétorque. Comme quoi, on peut pas forcément avoir ce qu'on veut.
Je sens Anthony se raidir à côté de moi. Il est prêt à me défendre si besoin, bien qu'il risque plus à le faire que moi à me débrouiller seule.
– Un problème ?, fait une voix grave.
Le garçon en face de moi sursaute et se tourne vers le videur, qui nous regarde fixement dans l'attente d'une réponse. Si notre beau surfeur ici présent est balaise, Frank l'est d'autant plus : il n'a pas ce job pour rien.
– Non, lâche l'idiot au bout de quelques secondes, avant de se tourner de nouveau vers moi : Est-ce que je pourrais passer, s'il te plait ?
Je me décale en esquissant une révérence, puis l'observe s'engouffrer dans le club.
– Iggy Roberts..., soupire le videur avec un sourire amusé. Toujours aussi sympathique, je vois ?
Je ris et hausse les épaules.
– Tu me connais ! Et puis, c'est lui qui a commencé. On ne m'appelle pas Poil de Carotte sans s'exposer aux conséquences.
A côté de moi, Anthony s'esclaffe tandis que Frank retourne à son poste.
– Personne ne t'a jamais appelée Poil de Carotte, Iggy.
– Et ce gars ne s'y risquera plus jamais, ça c'est certain.
Avec un sourire, je baisse les yeux sur le tatouage enroulé autour de mon poignet. Oui, décidément, il me représente un peu trop bien.
Avec un nouveau gloussement, Anthony écrase sa cigarette dans le cendrier prévu à cet effet. Enfin, nous entrons, la musique nous vrillant les tympans un court instant.
Je ne sais pas où sont Kris, Lin et Jake. Tant pis, on se retrouvera forcément à un moment donné, et de toute façon, nous avons tous nos téléphones sur nous si besoin.
Après avoir jeté un coup d'oeil à Anthony, qui se déhanche au rythme de la musique, je m'éloigne en direction du bar. C'est May qui est derrière, à attendre les commandes des clients ; nos regards de croisent et elle sourit.
Un souvenir refait surface dans mon esprit : ces mêmes lèvres qui échouent sur les miennes, ses doigts qui se perdent sur mon corps... Je dois avouer que May est particulièrement douée dans ce qu'elle fait, que ce soit les cocktails ou le reste.
– Qu'est-ce que je te sers, Iggy ?, crie-t-elle par-dessus le brouhaha ambiant.
– Sers-moi un shot de Tequila, je te prie. En fait, sers-m'en deux, soyons fous !
May pouffe et me tend l'appareil à carte, sur lequel je la fais biper pour payer mes consos. Alors, elle glisse trois petits verres face à moi.
– Cadeau de la maison, sourit-elle avant de se retourner pour servir une autre personne.
Je souris à mon tour et, bien que je sache que ce n'est jamais une bonne idée de descendre trois shots à la suite, je m'exécute.
– Jolie descente !, s'exclame quelqu'un.
Il ne faut même pas cinq minutes pour que je ressente les effets de l'alcool. À présent, je suis euphorique, et je danse comme si ma vie en dépendait. J'ai perdu mes amis dans la foule, quoique je ne sois pas certaine de pouvoir les reconnaître s'ils étaient devant moi : ma vision est troublée. Cependant, j'apprécie ma soirée.
Soudain, la terre se met à trembler sous mes pieds. Pas assez pour annoncer quelque chose de terrible, mais assez pour me donner envie de pleurer. Je sens ma gorge se serrer et mon souffle se hacher immédiatement.
Je sais bien que je ne devrais pas paniquer, les séismes sont monnaie courante ici. D'habitude, j'arrive à gérer, cependant cette fois j'ai bu. Mon côté rationnel est asphyxié par la peur qui étreint mon cœur et je n'arrive plus à respirer.
Les mains tremblantes, je me précipite à l'extérieur pour trouver un peu d'air frais, laissant la foule derrière moi. Le bourdonnement dans mes oreilles est assourdissant, les larmes roulent sur mes joues sans pouvoir s'arrêter.
Il n'y a rien de rationnel dans la phobie ; j'ai l'impression que je vais mourir.
Je vacille sur mes talons et pousse un cri. Le sol continue à vibrer, toutefois personne d'autre que moi ne semble le remarquer.
Mes sanglots m'étouffent, je tremble de tout mon corps. Je n'arrive même pas à sortir mon téléphone de mon sac pour vérifier l'heure. Il ne doit pas être si tard que ça, la ville bourdonne encore d'activité.
Mon cœur tambourine contre ma cage thoracique, la douleur est insoutenable. De nouveau, je titube sur mes pieds, avant de m'assoir par terre sur le trottoir. Les gens me regardent, mais personne ne fait mine de venir m'aider. Qui voudrait s'approcher d'une fille ivre qui fait une crise de panique ? Dans ce monde cruel, je suis livrée à moi-même.
J'ai froid, trop froid à l'extérieur. Je me relève, fait quelques pas pour retourner à l'intérieur du club. Peut-être que je peux trouver l'un de mes amis, peut-être qu'ils pourront m'aider. Ils savent gérer mes accès de panique, que ce soit lié aux araignées ou aux séismes.
À l'intérieur, il y a trop de monde et la pénombre est trop importante pour que je puisse distinguer des visages connus. Ça ne fait qu'accentuer mon malaise, je perds pied. J'ai l'impression de flotter, de ne plus être là. Les bruits ne me parviennent plus, et si je vois bien qu'un inconnu me parle, s'inquiète, je ne comprends pas ce qu'il dit.
Je suis un fantôme balancé dans le monde sans prévenir. Je suis un arbre en plein hiver, secoué par le vent alors que je n'ai plus rien à perdre.
L'inconnu en face de moi me secoue par les épaules et, pendant un instant, je distingue quelques mots :
– ...va pas ? ...dehors ? ...quelqu'un ?
C'est comme si j'étais au téléphone et qu'il y avait des interférences. Étrangement, cette pensée surgit dans la tourmente comme une bouteille à la mer en pleine tempête : mon téléphone.
Les mains tremblantes, je sors l'iPhone de mon sac en luttant pour ne pas le faire tomber dans la cohue. Je distingue à peine l'écran et mes doigts qui appuient dessus avec affolement.
Enfin, je déverrouille le téléphone, ouvre l'application des contacts, et appuie sur le premier numéro qui vient. Portant le combiné à mon oreille, j'attends que l'autre personne décroche.
– Allô ?, fait alors une voix que je ne reconnais pas au bout du fil.
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