Chapitre 28 : Tout quitter

Nda : Décidément ! J'avais à peine repris que BOUM ! je me prenais tout dans la gueule. J'ai enchaîné rhino-pharyngite qui, au lieu de guérir, a évolué (oui oui comme un Pokémon) en laryngite ces dernières semaines, j'ai cru que j'allais mourir. Sois nounou, qu'ils disaient. C'est cool tu verras, qu'ils disaient. Et maintenant paye ta crève et tes 150 visites chez le médecin parce que les gosses te refilent leurs microbes ! Vraiment ça fait 2 semaines que j'ai l'impression de mourir de l'intérieur (est-ce que ça se sent que j'ai pas l'habitude d'être malade ?). Bref prenez soin de vous les enfants, ça tourne autant qu'une pute au bois de Boulogne en ce moment ! (non je juge pas les travailleuses du sexe, en fait je les admire car faut avoir les épaules pour faire ce genre de métier ❤️)

PS : j'avais écrit le chapitre à l'heure hein, j'ai juste pas vu l'heure tourner et j'ai oublié de poster à 16h ^^'

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– Attends, t'es sérieuse ? Genre, vraiment sérieuse ?

Assis en face de moi, Anthony fronce les sourcils. Je vois bien que ma décision le tourmente, comme si j'avais quatre ans et que j'agissais sur un pur coup de tête. Alors oui, c'est vrai, peut-être que c'est un coup de tête, au fond ; je m'en fiche comme de ma première chemise. Après tout, à quoi ça sert de vivre si on ne profite pas un peu ?

– Donc si j'ai bien compris, récapitule Lindsay, tu as envoyé une lettre de démission à ton boulot, ce qui signifie que tu ne reprendras pas lundi, pour partir voir le monde avec ton petit ami. Petit ami avec qui, rappelons-le, tu ne sors que depuis un peu plus d'un mois.

J'acquiesce avec un sourire crispé. Je sais bien qu'ils me prennent pour une folle, mais je n'ai pas envie de passer à côté d'une occasion unique. S'il arrive quoi que ce soit pendant ce voyage, je peux toujours prendre un billet retour. Quant à retrouver un travail... Le métier de professeur n'est pas assez populaire pour qu'il ne reste plus aucun poste à pourvoir.

– Laisse-moi te dire que t'as définitivement pété un plomb, Iggy, ricane Jake.

D'une main, il joue avec les cheveux de Kristen, assise sur ses genoux. Eh oui, leur histoire a bel et bien commencé le soir d'Halloween, ça fait maintenant quatre jours qu'ils nagent dans le bonheur. Si ça me ravit de les voir heureux, je ne peux pas cacher la surprise que m'a inspiré ce début de relation. Reste à espérer qu'ils ne finissent pas par rompre – je ne leur souhaite pas du tout ! –, parce que ça pourrait potentiellement détruire notre petit groupe. D'un autre côté, je les connais assez, l'un comme l'autre, pour savoir qu'ils ne se seraient pas mis en couple s'ils n'étaient pas sûrs deux.

– Peut-être, je souris. En même temps, je vais pas me priver d'une occasion aussi belle. Et puis, on va commencer par la France, je vais enfin pouvoir rencontrer la famille de ma mère !

C'est la première chose que nous avons décidé, Andrew et moi, quand nous avons décuvé après la soirée. Notre voyage débutera par la France, plus précisément par cette chaîne de montagnes appelée les Pyrénées. Je sais que ma mère est originaire d'une petite ville de là-bas.

Ma mère... J'ai réussi à lui soutirer des informations sur ses origines, l'adresse de ses parents, ce genre de choses, néanmoins elle et mon père ne sont pas au courant de mes projets. Ils ne savent même pas que j'ai démissionné : j'ai trop peur de leur réaction s'ils l'apprenaient maintenant. Je n'ai pas envie qu'ils s'énervent, ni qu'ils m'interdisent de partir. D'accord, j'ai vingt-six ans, je suis une adulte qui peut agir comme bon lui semble, cependant mes parents peuvent encore me déshériter. Non pas que je les croie capables d'une telle chose, mais sait-on jamais. Je préfère les mettre devant le fait accompli : ils apprendront que je suis partie le jour où je prends l'avion, c'est-à-dire début décembre si tout va bien.

– La famille de ta mère... La même qui a refusé de lui parler pendant des années parce qu'elle était venue s'installer aux USA ?

Je hoche la tête. Effectivement, dit comme ça, ça ne se présente pas forcément bien. Toutefois, cette histoire est réglée depuis longtemps : si ma mère n'est pas pour autant retournée en France les voir, ses parents ont fini par lui pardonner. Mes frères et moi recevons même quelques babioles pour Noël, à présent.

– Ouais. J'ai comme qui dirait appelé ma grand-mère hier, et... Bien qu'elle ait été plutôt surprise de mon appel, je crois que ça lui a fait plaisir. Je voulais juste prendre un peu la température, donc j'ai pas précisé que j'allais leur rendre visite. J'ai juste stipulé que j'allais venir en France dans les mois à venir, elle a dit que si je passais par le sud, ils seraient ravis de faire ma connaissance.

J'omets volontairement le côté gênant de la conversation totale. Sur le début, vraiment, c'était une torture... et pourtant je ne suis pas quelqu'un de mal à l'aise, au téléphone comme en vrai !

– Wow... Et tu partirais pour combien de temps ?, s'enquiert Kris en replaçant une mèche de cheveux châtains derrière son oreille.

Je hausse les épaules avec désinvolture.

– J'en sais rien, on n'a pas tout prévu. On a décidé de faire au coup par coup : si on est bien quelque part, on y reste, sinon on s'en va. De toute façon, c'est pas comme si on était pressés de rentrer : je n'ai plus de boulot, et c'est Andrew qui choisit ses castings, alors...

– T'es complètement perchée, pouffe Anthony.

Je glousse à mon tour. Il n'a pas tout à fait tort, d'un autre côté c'est un de mes plus grands traits de personnalité.

– Je vous enverrai de superbes cartes postales de tous les endroits que je visite, c'est promis.

Cette dernière affirmation nous fait tous éclater de rire ; il nous faut deux bonnes minutes pour nous calmer, et j'ai mal au côtes à ce moment-là.

– Alors tu vas vraiment partir, hein ?, murmure Anthony avec un sourire nostalgique. Est-ce que c'est ça que ça signifie, grandir ? Nous voir prendre notre envol, chacun de notre côté ? Je croyais qu'on était déjà passés par là avec nos boulots respectifs, mais...

Il se tait, la mine sombre. Ce n'est pas mon genre de regretter le passé, or je sais qu'Anthony a du mal à laisser passer le temps. Je peux comprendre cette peur sans nom du futur.

– Ha, mais je ne pars pas pour toute la vie, tu sais !, je m'exclame en lui tapant sur le genou. Je reviendrai très vite pour vous casser les pieds, ne t'en fais pas !

Il sourit.

– J'espère bien ! La vie ne serait pas la même sans toi, Iggy.

Je suis incapable de répondre, touchée par cette démonstration d'affection. Non pas que je n'aie jamais l'occasion de me rendre compte d'à quel point mes amis comptent pour moi et inversement, mais c'est plus rare qu'on se le dise à haute voix, tel quel.

– C'est clair, il manquerait un peu trop de folie dans ce groupe de trous du cul, réplique Kristen avec un grand sourire.

Si la si douce et si gentille Kristen se met à jurer, c'est que l'heure est grave. Évidemment, nous nous payons une nouvelle tranche de rire.

– Et tu pars quand exactement ?, enchaîne Lindsay.

Je hausse les épaules avec un sourire en coin.

– Début décembre.

Ce qui me laisse encore un mois pour profiter un max de mes amis, avant de les laisser à Los Angeles pour une durée indéterminée. Même si je sais que notre amitié résistera sans mal à un voyage de quelques mois, je ne peux nier que ça me fait quelque chose. J'ai un mois pour me préparer à vivre le plus grand chamboulement de toute ma vie.





Un mois, ça passe terriblement vite. Et me voilà devant la porte de chez moi, ma valise enfin bouclée. Andrew, assis sur le canapé, fronce les sourcils lorsqu'il voit mon regard fixé sur la maison de mes parents.

– Tu as prévenu tes parents ?

Je secoue la tête. Non, je ne leur ai toujours pas parlé de mon voyage. D'un autre côté... C'est dur. Surtout quand on sait que nous allons commencer par rendre visite à la famille de ma mère, qu'elle n'a pas voulu revoir depuis des années.

– Tu sais qu'on doit partir dans, genre, quatre heures ? Tu ne penses pas que c'est le moment ?

Je pousse un long soupir. Si, complètement, il a raison.

Un coup d'oeil au jardin m'indique que mon père n'est pas à la maison : sa voiture n'est pas garée là. Par contre, ma mère... Au final, ce n'est peut-être pas plus mal que j'aie une discussion en tête à tête avec elle, puisque je vais commencer par rendre visite à ses parents.

– Tu m'accompagnes ?, je lance à mon petit ami.

Il hoche la tête et je retiens un soupir de soulagement. Je sais que ma mère l'adore, le peu de fois où ils se sont croisés, il lui a fait bonne impression.

J'avais raison, ma mère est toute seule à la maison, en train de cuisiner je-ne-sais-quoi. Si elle kiffe cuisiner toutes sortes de plats, je dois dire que ce n'est carrément pas mon cas : je déteste ce genre d'activité.

– Églantine, tu tombes bien !, s'exclame-t-elle avec un large sourire. Tiens, goûte-moi ça !

Elle place une cuillère dans ma bouche sans attendre ma réponse. Au goût, je dirais qu'elle prépare la sauce pour ses lasagnes.

– Salut Andrew ! Tu veux goûter aussi ?

– Bonjour madame Roberts ! Ce serait avec plaisir !

Le voilà lui-aussi avec sa cuillère de sauce, dont il vante les mérites à haute voix. Ma mère se rengorge ; quelques mèches blondes s'échappent de sa queue-de-cheval.

Du haut de ses soixante-deux ans, je dois dire que ma mère reste néanmoins une belle femme. Pas étonnant que, dans sa jeunesse, mon père soit tombé fou amoureux d'elle. J'ai hérité de ses traits fins, de sa bouche un peu tordue et de son nez droit. Seuls mes yeux proviennent de mon père ; ma mère les a marron.

– Maman, t'as une minute à m'accorder ?, je lance.

Cette dernière lance une pincée de sel dans la casserole avant de se tourner vers moi.

– Vas-y, je t'écoute.

Je m'assois sur l'une des chaises derrière le comptoir ; Andrew fait de même, à côté de moi.

– Vous allez m'annoncer un bébé, c'est ça ?, plaisante ma mère en voyant nos mines graves.

Ça a le mérite de me faire automatiquement réagir, je fais la grimace et proteste :

– Clairement pas !

Ma mère fait mine de bouder.

– Entre tes frères et toi, je suis pas prête d'être grand-mère !

Je lève les yeux au ciel en riant.

– Tu n'as qu'à adopter d'autres enfants qui te donneront des petits-enfants, je pouffe. Enfin, trêve de plaisanterie, j'ai vraiment quelque chose à t'annoncer.

Je prends une grande inspiration avant de lâcher :

– J'ai démissionné du boulot, et je pars cet après-midi pour la France, qui sera le début d'un long voyage avec Andrew.

Voilà, c'est dit. J'ai déballé le tout sans respirer, peut-être un peu rapidement, pourtant je vois dans ses yeux que ma mère a compris.

– En France... Tu vas aller chez mes parents, c'est ça ?, sourit-elle.

Je fronce les sourcils.

– Je me doutais que ça ne tarderait pas, en fait, continue-t-elle. Je veux dire, tu ne m'as jamais posé autant de questions sur ma famille que ce dernier mois, alors...

– Maman, je viens de t'annoncer que j'avais démissionné et que j'allais partir pour une durée indéterminée, et c'est tout ce que tu as à dire ?

– Que voudrais-tu que je te dise d'autre ? Tu es grande, Églantine, tu fais ta vie. Je ne m'inquiète pas pour toi.

Alors là ! Je m'attendais à tout, sauf à ça ! Quoique je ne sais pas bien à quoi je m'attendais, en réalité. Mais clairement pas à cette réaction !

– On va commencer par aller voir ta famille, et c'est tout ce que tu as à dire ?, j'insiste néanmoins.

– Tu sais, chérie... Ce n'est pas parce que je n'ai pas eu envie de revoir ma famille que tu dois suivre mes traces. Je sais très bien que vos grand-parents seraient ravis de vous rencontrer, tes frères et toi. Moi... Je suis un peu rancunière, et les propos qu'ils ont eus sur ton père quand je me suis mariée... Je ne les ai toujours pas digérés, bien que je leur ai pardonné.

Elle pousse un long soupir.

– Attends, quoi ?, je m'étonne. Je croyais que c'était simplement une histoire de déménagement, qu'ils avaient pas apprécié que tu t'en ailles aux États-Unis pour y trouver un travail ?

De nouveau, ma mère soupire.

– C'était le cas, du moins au début. Quand je leur ai expliqué que je voulais voyager, essayer de trouver du travail ailleurs, mes parents l'ont très mal vécu. Je me suis faite incendier, mais ils savaient qu'ils n'avaient pas le choix. Et puis, au début, ce devait être le temps de quelques années, guère plus.

Ça, c'est la partie de l'histoire que je connais. Ensuite, ma mère a trouvé un boulot à temps plein ici, puis elle a rencontré mon père, pour qui elle a refusé de retourner en France et qui a fini par la demander en mariage.

– C'est à peu près à cette époque que j'ai rencontré ton père. On était jeunes et amoureux. Mes parents pensaient que ça allait me passer, que je rentrerais en France pour y finir ma vie comme c'était prévu. Sauf que je n'étais pas du même avis : quand je leur ai annoncé ma décision de rester à Los Angeles, ç'a été une véritable tempête. Ma mère a hurlé que j'étais inconsciente, que rester aux États-Unis par amour était tout bonnement stupide de ma part. Mon père n'était pas en reste, il a dit que si nous rompions, ton père et moi, je me retrouverais seule dans Los Angeles, sans emploi stable, sans logement.

Oui, parce qu'à l'époque, elle avait élu domicile chez mon paternel et ne vivait que de petits contrats à durée déterminée à l'hôpital. Rien qui lui permettait de survivre sur le long terme, ce qui rend d'autant plus admirable son évolution.

– J'étais vexée qu'ils me croient aussi stupide et aussi naïve, mais surtout qu'ils pensent que j'étais incapable de me débrouiller seule. Et quand ils ont continué à m'engueuler à chaque appel...

– Tu as fini par couper les ponts, je termine à sa place. Définitivement, enfin du moins jusqu'à l'année dernière, où tu t'es décidée à rappeler ta mère pour mettre les choses au clair.

– En fait, ce n'est pas tout à fait ce qu'il s'est passé, commente ma mère en repoussant une mèche de cheveux derrière son oreille.

Je hausse un sourcil.

– Ah bon ? Mais tu as toujours dit que...

– Je sais ce que j'ai dit, Églantine.

Je me tais face à son ton sec et cassant. Elle semble lasse, comme si elle avait trop songé à toute cette histoire.

– En fait, je n'ai pas réellement coupé les ponts avec eux à ce moment-là. Enfin si, en quelque sorte, mais... Globalement, je ne les appelais plus aussi souvent, mais nous sommes quand même restés en contact. Parce que c'était ma famille et que, même s'ils n'appréciaient pas mes décisions, ils restaient mes parents, et je les aimais.

Une nouvelle fois, elle pousse un long soupir ; je suis pendue à ses lèvres. J'apprends des choses que je n'imaginais même pas jusque là. Officiellement, sa version des faits a toujours été la même jusqu'à aujourd'hui : elle a arrêté de leur parler parce qu'ils étaient odieux avec elle quant à son déménagement définitif à Los Angeles.

– Et puis un jour, je suis tombée enceinte. Oh, j'avais déjà vingt-sept ans, largement l'âge d'être maman, mais la pilule est très mal passée auprès de mes parents. Pourtant, ils ont fait un effort : ils ont même accepté de venir assister à mon mariage, pour tout dire !

Je ne peux retenir une exclamation de surprise.

– Quoi ? Mais ils n'apparaissent nulle part sur les photos !

Ma mère acquiesce.

– Ton grand-père est tombé malade une semaine avant leur départ, assez gravement pour qu'il soit hospitalisé en urgence. Ils n'ont pas pu venir, alors ton père... Ton père a proposé qu'ils reportent leur voyage, qu'ils nous rendent visite plus tard, quand tout irait mieux. Sauf que mes parents refusaient de débourser le moindre centime pour un autre billet. Ils ont essayé de soudoyer ton père pour qu'il le leur paye, il a refusé, et... C'est là qu'ils s'en sont pris à lui.

– Ils en avaient après papa parce qu'il refusait de leur payer le billet d'avion ? Alors qu'il leur avait quand même proposé de vous rendre visite et tout ?

De nouveau, ma mère hoche la tête.

– Ça aurait pu être une dispute de famille normale, je veux dire, tout le monde rencontre ce genre de problèmes un jour ou l'autre. Sauf que je n'ai pas vraiment apprécié la manière dont ils s'en sont pris à Michael, surtout quand ils ont commencé à l'insulter. Et quand j'ai voulu les appeler pour leur annoncer la naissance des garçons... Eh bien, ils n'ont pas décroché, et n'ont jamais rappelé. C'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase, donc j'ai décidé d'arrêter d'essayer de les contacter. Comme ils ne m'ont jamais recontactée non plus...

Cette fois-ci, c'est à mon tour de soupirer. Quoi, tout ça pour ça ? Enfin, je veux dire, je comprends totalement la réaction de ma mère, mais... Elle est restée en froid avec sa famille pendant plus de trente ans juste pour un manque de communication ? C'est dingue !

– Et ton frère dans tout ça ? Il a jamais essayé de comprendre, lui non plus ?

Ma mère secoue la tête.

– Je ne me suis jamais vraiment bien entendue avec Nicolas, en fait. Déjà gamins, on était pas très proches lui et moi. Je suppose qu'il a pris pour argent comptant les déclarations de nos parents et qu'il n'a pas cherché à en savoir plus.

– Eh ben, ça promet !, je lâche.

J'en regretterais presque ma décision de leur rendre visite en France. Presque. Parce qu'au fond, de l'eau a coulé sous les ponts, et je sais qu'à présent, ils ont tous repris contact. Bien que ma mère n'ait pas trouvé l'envie de les revoir en face, ils sont en bons termes à présent. Ma grand-mère a même avoué qu'elle serait ravie de me rencontrer, c'est dire !

– C'est pour ça que je ne t'empêcherai pas de faire ta vie comme tu l'entends, Églantine. Va, pars et voyage si ça te fait plaisir, je n'ai pas envie que tu regrettes, ni d'être une mère odieuse.

Je souris.

– Tu ne vas pas m'en vouloir de partir des mois, d'avoir démissionné, ni de suivre Andrew ?

Ce dernier se redresse sur sa chaise, tellement silencieux jusque là que j'en aurais presque oublié sa présence.

– Non, pouffe ma mère. Au pire, qu'est-ce qui pourrait t'arriver, hein ? Tu n'es pas idiote, tu saurais te débrouiller toute seule pour trouver le chemin du retour.

– C'est vrai. Tu crois que papa m'en voudra, lui ? Je n'aurai pas eu le temps de lui dire au revoir avant de partir.

– Oh, ne t'inquiète pas de ton père, va ! S'il a un problème avec ça, je lui rappellerai à quel point il était stupide à ton âge !

– Stupide ? Papa ? Je croyais qu'il avait toujours été raisonnable ?

Ma mère rit de plus belle.

– Ça, c'est ce qu'il veut vous faire croire ! Un jour, je vous raconterai l'épisode des chaussettes à pois et vous comprendrez.

J'ai envie d'en demander plus en même temps que je préfère ne pas savoir. Pour moi, mon père a toujours été cet homme posé et irréprochable. Savoir qu'il pourrait avoir fait maintes âneries dans sa jeunesse me laisse un arrière-goût désagréable dans la bouche.

– Vous partez quand exactement ?

– Cet après-midi, l'avion est prévu à quinze heures.

– Est-ce que vous avez besoin que je vous dépose à l'aéroport ?

Je secoue la tête.

– Non, merci maman, mais on a tout prévu.

Je soupire une nouvelle fois.

– Alors t'es sûre que tu m'en veux pas ?

Ma mère pointe sa cuillère vers moi d'un air menaçant.

– Non. Profite de ta jeunesse, Églantine.

Elle se tourne alors vers Andrew, qui recule légèrement devant la spatule en bois manquant s'incruster dans sa poitrine.

– Quant à toi, je te fais confiance. Prends soin de ma fille, ou je m'occuperai personnellement de ton cas.

– Maman !, je proteste, tandis qu'Andrew glisse :

– Pas de soucis, madame !

Ma mère sourit, l'air contente d'elle-même.

– Allez, ne soyez pas en retard maintenant.

Avec un dernier sourire, elle nous regarde sortir.

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