Chapitre 20 : Spiderman Homecoming

Nous nous sommes donné rendez-vous chez Andrew à midi, en ce jour chaud du mois d'août. Je dois manger chez lui, puis nous irons au cinéma voir le nouveau Spiderman. Je sais de source sûre qu'Andrew a hâte de voir comment s'en sort Tom Holland, sa relève.

Je ne pensais pas qu'il me proposerait de m'y emmener, ceci dit. En réalité, je croyais qu'il refuserait d'entendre parler de ce film, parce que lui n'a jamais pu tourner le troisième volet de sa saga et qu'il a été délibérément remplacé par un autre acteur. Cependant, c'était mal connaître Andrew : il a l'air vraiment pressé de découvrir ce nouvel opus, bien qu'il n'en fasse pas partie.

Depuis qu'Andrew et moi avons commencé à nous voir régulièrement, je suis officiellement sur la liste des personnes autorisées à pénétrer dans l'enceinte du lotissement de chez lui. Chaque fois que je viens et qu'en entendant mon nom, le gardien ouvre le portail, je me sens d'une puissance extrême. Après ça, je n'ai plus qu'à me garer directement devant la maison du brun.

J'appuie distraitement sur la sonnette tout en remettant en place la bretelle de mon débardeur, qui a glissé sur mon épaule. Avec la chaleur, j'ai été forcée d'attacher mes cheveux. Dire que dans moins d'un mois, je vais retourner bosser ! Les températures ne sont pas assez clémentes pour ça.

Aucune réponse. Bizarre, étant donné que je n'ai que quelques minutes d'avance. J'essaie d'ouvrir la porte, mais c'est fermé à clef ; j'appuie de nouveau sur le bouton.

– J'arrive, j'arrive !, répond une voix étouffée à l'intérieur.

Enfin, la porte s'ouvre sur Andrew. Uniquement vêtu d'un short en toile, il est pieds nus et ses cheveux sont ébouriffés. Un torchon repose sur son épaule, et une odeur alléchante de viande grillée parvient jusqu'à mes narines.

– Salut, Tina !

Tandis que j'entre en souriant, il referme la porte derrière moi.

– Désolé, j'étais aux fourneaux. Je fais des hamburgers maison, ça te va ?

Si ça me va ? Est-ce qu'il y a vraiment besoin de poser la question ? Je suis un estomac sur pattes de base, mais alors quand il est question de hamburgers, c'est encore pire !

– Évidemment, je rétorque.

– Tant mieux. Vas-y, fais comme chez toi.

Il n'a pas fini sa phrase que déjà, j'ai enlevé mes chaussures et les ai déposées dans l'entrée. Je le suis jusqu'au salon et m'assois sur l'une des chaises du comptoir de la cuisine ; il reprend sa place derrière la cuisinière, une spatule à la main pour tourner les steaks.

– Bien cuite la viande, comme d'habitude ?

Je hoche la tête. Eh oui, j'ai beau être une grande fan des hamburgers, je ne supporte pas la viande saignante. Si ce n'est pas de la semelle, je suis incapable de l'avaler. Encore que, dans un hamburger, avec la sauce et tout le reste, le côté saignant me dérange un peu moins.

– Je te connais trop bien !, fanfaronne le brun s'appuyant au comptoir.

Je ne réponds pas, détaille la pièce du regard. Je me souviens encore de la première fois où j'ai mis les pieds ici, alors que je me réveillais sans aucun souvenir d'une soirée plus qu'arrosée. À l'époque, tout me semblait étranger dans ce décor. Maintenant,après plusieurs semaines à me retrouver en ces lieux, je les connais par cœur. Néanmoins, je n'ai pas remis les pieds à l'étage. Si ça se trouve, Andrew a fait refaire toutes les chambres et je ne suis même pas au courant.

Ce n'est pas comme chez moi, où il faut passer par la chambre pour accéder à la salle de bain et aux toilettes. Ici, le rez-de-chaussée comporte le salon, la salle à manger et la cuisine – ainsi qu'une réserve juste derrière et une buanderie –, mais également une salle d'eau. Il n'y a aucune raison pour que j'aille à l'étage. Je mentirais si je disais que je n'en ai aucune envie, je suis de nature curieuse.

– Eeeeeet... Le burger de la demoiselle est avancé !, s'exclame Andrew, me ramenant à la réalité.

Je baisse les yeux sur l'assiette qu'il me tend. Il y a déposé le hamburger, ainsi qu'une portion de frites, et...

– De la mayonnaise !

Il sourit.

– Je sais que tu surkiffes la mayo, alors...

– D'accord, qu'est-ce que tu ne sais pas sur moi, au juste ?, je raille.

Remarque, j'ai appris beaucoup de choses sur lui également, ces derniers mois. Tenez, par exemple, je sais que, exactement comme moi, il raffole des burgers. Dans un registre encore plus personnel, il m'a déjà expliqué comment, alors qu'il était enfant, il avait développé une forme sévère de méningite appelée cocsackie, qui aurait pu le tuer ou le laisser gravement handicapé. Autant de petits détails qu'on a dissimulé l'un et l'autres dans nos discussions, et que visiblement je ne suis pas la seule à retenir.

– Si tu préfères aller à la séance de treize heures trente, ou celle de seize heures, répond Andrew en s'asseyant sur la chaise à côté de moi.

– Plutôt celle de treize heures, je lâche sans hésiter. Faut que je sois chez moi pas trop tard, on va au bowling avec mes potes. Je te proposerais bien de venir avec nous, mais on a déjà réservé.

Non dit : j'aime bien séparer ces deux parties de ma vie un minimum. Bien que j'adore mes potes et Andrew également, je trouve plus naturel de ne pas être obligée de voir les uns quand je vois l'autre, ou inversement.

– Oh non, c'est gentil mais ne t'inquiète pas, j'ai un truc prévu ce soir de toute façon. En plus, j'aime pas particulièrement le bowling.

Il enfourne une frite et la mâchonne avec ardeur.

– Quoi, t'as peur de pas être assez musclé pour soulever les boules ?, je me moque gentiment.

– Crois-moi, je pense que le portage de boules m'est plus familier qu'à toi.

Je fais mine de m'étouffer face à cette allusion perverse même pas voilée.

T'es con, je ris en français.

– Pourquoi j'ai l'impression que tu te fiches de moi alors que je ne comprends pas un traître mot de ce que tu dis ?

Je lève les yeux au ciel en croquant dans mon burger.

– Parce que c'est le cas, je roucoule.

– Allez mange, mademoiselle je-parle-français.

Avec un sourire, je m'exécute. Son hamburger est vraiment bon, les frites aussi – même si elles manquent très légèrement de cuisson.

Nos plats terminés, nous enchaînons sur de la glace. Vanille pour moi – rien d'étonnant –, et chocolat pour Andrew. Ça me fait rire parce qu'on dirait un peu des gamins, chacun avec notre pot et notre petite cuillère.

Nous avons à peine le temps de passer aux toilettes et de nous préparer après le repas qu'il est l'heure de partir. Tandis qu'Andrew ferme sa maison, je démarre la voiture.

Je sais que pour la plupart des gens, c'est censé être le gars qui conduit la fille, et je ne comprends vraiment pas pourquoi. Ce n'est pas que j'adore conduire – en fait, je déteste ça –, cependant je trouve que c'est une bonne chose d'alterner. Et puis, si l'homme n'a pas le permis, ou pas de voiture ? Ils y pensent, ces gens stupides ?

C'est comme cette histoire de paiement au restaurant. Je ne comprends pas pourquoi ce devrait toujours être au partenaire de sexe masculin de payer la facture. Je ne dis pas qu'il lui est interdit d'inviter sa compagne, évidemment, toutefois, j'estime que l'addition peut être partagée, ou à l'intention de l'un puis de l'autre la fois suivante.

Vous l'aurez compris, j'ai un peu du mal avec les codes de la société, surtout quand ils sont aussi stupides. D'un autre côté, vous vous attendiez à quoi ? Je couche avec des filles et des garçons – je n'ai pas encore eu de partenaire qui soit non-binaire mais reste ouverte à ce sujet –, je suis une erreur aux yeux de cette même société.

Alors que je me gare dans le parking du cinéma, Andrew enfile un sweat dont il rabat la capuche sur sa tête. Honnêtement, ce n'est pas une vie que j'apprécierais : être obligée de me cacher chaque fois que je veux faire quelque chose, pour éviter d'être reconnue et embêtée par des fans... Il y a de quoi vous rendre dingue.

C'est moi qui me charge d'acheter les places de cinéma, et bientôt nous sommes assis dans la salle sans que personne n'ait reconnu Andrew. Comme l'endroit n'est que faiblement éclairé, le brun enlève sa capuche. Je suppose qu'il n'y a pas grand monde car le film est sorti il y a plus d'un mois.

Andrew se penche vers moi, l'air sur le point de dire quelque chose, quand ses yeux s'agrandissent. Il me contemple bizarrement, à se demander si j'ai un truc étalé sur le visage.

– Tes sourcils sont, euh... plus foncés que tes cheveux.

Je glousse doucement. Quoi, c'est ça qui le perturbe ?

– J'ai un truc à t'avouer : en fait, je ne suis pas rousse. Pas vraiment.

Il hausse un sourcil, ce qui me fait pouffer de plus belle.

– C'est une teinture, je continue avec un large sourire. À la base, je suis châtain.

– Vraiment ?, s'étonne Andrew. Genre, t'es pas vraiment rousse ?

Cette fois, je ris carrément.

– Ça fait des mois qu'on se voit et t'as toujours pas remarqué que j'ai des racines qui repoussent plus foncées ? T'es pas croyable !

– C'est que le roux te va tellement bien, je m'attendais pas à ce que ce soit pas ta couleur naturelle.

– Eh bien je te remercie, c'est mon coiffeur qui va être content, ça veut dire qu'il fait du bon travail.

Il y a une seconde de flottement où le regard d'Andrew plonge dans le mien. Tout à coup, c'est comme si le monde s'était arrêté de tourner ; plus rien ne compte, tous les bruits sont étouffés comme s'il ne restait plus que nous deux sur cette planète. Le brun amorce un mouvement incertain dans ma direction, se stoppe... et nous éclatons de rire.

La salle plonge dans la pénombre, signe que les publicités puis le film vont commencer. Alors, je me tasse un peu plus dans mon fauteuil, essayant d'oublier ce qui vient de se passer.

Enfin, les lumières se rallument. Et comme j'ai bien appris la leçon, je ne me lève pas : c'est un Marvel, il y a forcément une ou deux scènes post générique.

Je ne mentirai pas, je n'ai pas particulièrement accroché au film. Tom Holland joue très bien, aucun problème à ça, bien au contraire : je n'ai rien à redire. Cependant, j'ai trouvé l'histoire longue et un peu ennuyante. Je suppose qu'on n'a pas eu droit à l'explication des pouvoirs de Peter Parker parce qu'il y en avait déjà eu deux autres auparavant.

Une chose que j'ai bien aimé, par contre, c'est la relation Tony Stark/Peter Parker et la manière dont elle se met en place. Le fait qu'il y ait du lien avec les autres films Marvel est intéressant, ça peut donner des trucs sympa dans le futur. Après, je ne suis pas une fine connaisseuse non plus : ce rôle revient encore à Kristen et Jacob.

Toujours est-il que je n'en ai pas moins profité de ma séance aux côtés d'Andrew.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top