Chapitre 12 : La soirée
J'ai peut-être, je dis bien peut-être, passé plus de quatre heures à me préparer pour ce soir. En fait, j'ai surtout passé quatre heures à essayer des tenues, puis une heure et demi à me maquiller. Clairement, moi qui ne suis pas du genre à stresser, je suis un peu angoissée à l'idée de cette soirée. Parce que je vais me retrouver dans un monde dont j'ignore tout, des codes aux personnes qui le composent.
J'ai finalement opté pour une robe longue fendue sur le côté gauche, avec une paire d'escarpins assortis. D'un vert pâle, elle rehausse l'éclat de mes cheveux roux.
Pour ce qui est du maquillage, j'ai décidé de faire léger : un peu de far à paupières bronze pour faire ressortir le bleu de mes yeux, une couche de mascara et une touche de rouge à lèvres rose. J'ai pris soin de mettre mes lentilles, c'est toujours plus simple en soirée.
Une vibration attire mon attention. Je baisse les yeux sur mon téléphone, qui affiche dix-neuf heures vingt-trois et un message d'Andrew. Avec un sourire, j'enfile mon gilet et referme la porte derrière moi ; Andrew est nonchalamment appuyé contre la portière de la voiture, vêtu d'un costume violet foncé enfilé sur une chemise plus claire.
Je tourne les clefs dans la serrure avant de le rejoindre. J'ai bien fait de mettre une petite veste, l'air s'est considérablement rafraichi.
– Oh wow, tu es très belle, Églantine.
– Merci ! Je dois dire que tu n'es pas en reste non plus, tu sais.
Je ne peux nier qu'il est carrément canon, dans son costume violet. En réalité, si je devais déterminer une couleur pour lui, ce serait celle-ci. Le violet lui va beaucoup trop bien, je ne saurais même pas vous expliquer à quel point.
Avec un grand sourire, le brun ouvre la portière arrière du SUV et fait mine de m'adresser une révérence.
– Mademoiselle, si vous voulez bien ?
Je m'exécute en gloussant et, alors que je m'assois sur le siège le plus éloigné de la banquette arrière, j'ai la surprise de voir Andrew s'assoir à côté de moi.
– C'est David, mon chauffeur, qui nous conduit et nous ramène ce soir, explique-t-il en croisant mon regard interrogateur. On peut pas se permettre de garer soixante-dix mille voitures sur place.
Effectivement, ça ne m'avait pas traversé l'esprit, pourtant ça semble plus que logique.
– Et ça permet d'éviter au maximum les paparazzis, je suppose ?, j'enchaîne en pointant du doigt les vitres teintées.
Il rit.
– Tu apprends vite, c'est bien !
Alors que David démarre le véhicule, un silence s'installe ; c'est bien la première fois qu'un blanc de la sorte n'a rien de gênant.
Quand enfin, le chauffeur arrête la voiture, nous sommes devant un grand hôtel particulier. De là où je suis, je peux voir les lumières qui se déversent du dernier étage : je suppose que c'est là où a lieu la fête.
– Alors... Prête ?, demande Andrew en me tendant une main.
Tandis que David ouvre la portière, le brun sort en m'entraînant à sa suite. Nous n'avons que quelques mètres à faire jusqu'à l'entrée, et je suis étonnée du nombre de paparazzis qui attendent d'avoir un cliché ou deux. Je baisse donc la tête ; Andrew m'entraîne rapidement jusqu'à l'intérieur.
– Prépare-toi à voir ta tête en gros plan dans tous les blogs à potins, demain matin, pouffe-t-il alors que nous montons dans l'ascenseur.
– En même temps, je ne pouvais définitivement pas garder cette œuvre d'art pour moi-même plus longtemps, je raille.
Il hausse un sourcil moqueur mais ne réplique pas.
À peine les portes de l'ascenseur s'ouvrent-elles que nous sommes assaillis par la musique et le brouhaha. De plus, un homme s'approche pour récupérer nos vestes, que nous lui laissons bien volontiers : il fait très chaud ici, pas comme à l'extérieur.
– Un conseil, chuchote Andrew dans mon oreille, ne touche pas aux bonbons. Il y a plus d'une chance sur deux qu'ils aient été modifiés, si tu vois ce que je veux dire.
Je hoche la tête avec un sourire en coin. Si je suis une habituée des cocktails, entre autres alcools, je n'ai jamais touché à la drogue ; je ne compte pas commencer aujourd'hui.
– Merci pour le tuyau !, je réponds sur le même ton.
Il hausse les épaules avec un sourire rayonnant.
– C'est pour que t'évites de faire la même erreur que moi. Si tu fais pas gaffe, tu finis défoncé à Disneyland, et...
Andrew ne termine pas sa phrase, l'air perdu dans un souvenir qui le fait marrer, néanmoins j'ai saisi le sens global de sa mise en garde.
– T'es allé à Disneyland en étant défoncé ?, je m'étonne. T'es un grand malade.
– On fait tous des erreurs de jeunesse, pouffe-t-il.
Je hausse un sourcil cependant au fond, j'ai envie d'exploser de rire. Je ne sais pas pourquoi, mais j'arrive tout à fait à imaginer Andrew, complètement à côté de la plaque, en train de faire un tour de manège. C'est étrange, dans la mesure où je ne le connais pas.
Avec un sursaut, je réalise que c'est la réalité : je ne connais pas Andrew Garfield. J'ai accepté de l'accompagner à cette soirée alors qu'on n'a discuté que trois fois, une par messages, une autre par FaceTime, et enfin cette semaine, lorsqu'il est venu me chercher au Senator Jones. Si on était dans un film d'horreur, ou un thriller, j'aurais déjà été enlevée, voire même tuée.
Peut-être que je suis inconsciente. Après tout, je me suis quand même délibérément rendue à une soirée où je ne connais personne. Il n'y a aucun de mes amis pour couvrir mes arrières, et si je bois trop... Non. Je suis inconsciente, peut-être, mais je ne le serai pas à ce point. Ce soir, je resterai assez sobre pour gérer l'environnement, les gens.
Comme s'il avait lu dans mes pensées, Andrew se penche vers moi et demande :
– Tu veux boire quelque chose ?
Il désigne d'un coup de menton le bar, à l'autre bout de la pièce. Des barmen et barmaids s'activent déjà derrière pour répondre aux commandes.
Comme je hoche la tête, Andrew passe un bras par-derrière mes épaules pour me conduire vers ledit bar. Nous n'avons même pas fait deux mètres que nous sommes arrêtés par un homme d'une trentaine d'années. Si son visage me dit vaguement quelque chose, je suis néanmoins incapable de lui donner un nom.
– Hé, Andrew ! Salut vieux !
– Dane !, réplique Andrew en relâchant la pression sur mes épaules pour donner une accolade au nouveau venu. Comment ça va ? Ça fait longtemps ! T'as pu te libérer, finalement ? C'est Anna qui gère la petite ?
Je ne sais absolument pas de quoi ils parlent, aussi je me contente de les observer en silence. Ce n'est pas souvent que je n'ose pas m'exprimer, ça me fait tout drôle.
– Oui, Bowie reste au chaud avec sa maman. Quant à moi, j'avais vraiment besoin de sortir. Un nouveau-né, c'est adorable mais ça demande tellement de temps, d'énergie ! Ça fait un mois que je n'ai pas mis les pieds dehors. La prochaine fois, c'est moi qui la garde et Anna qui ira profiter un peu.
– Tu m'étonnes ! Je suis content que tu sois là, vraiment.
Soudain, les deux hommes semblent prendre conscience de ma présence. Le dénommé Dane fronce les sourcils avant de jeter un regard interrogateur à Andrew.
– Tu ne me présentes pas ta cavalière ?
– Oh, pardon, ce que je fais est carrément impoli !
Avec un sourire, Andrew pose une main sur mon épaule de nouveau.
– Dane, je te présente Églantine, une amie. Églantine, Dane DeHaan.
Face à mon regard vraisemblablement toujours aussi perdu, il ajoute :
– Tu l'as probablement vu à l'écran à mes côtés dans le deuxième Amazing Spiderman, ou dans les bandes annonces de Valerian, qui sort cet été.
Je ne crois pas avoir déjà visionné TASP 2, ni les bandes annonces dont il me parle, cependant je hoche la tête avec un sourire.
– Enchantée, je dis en serrant la main que me tend Dane.
– De même, Égl... comment je suis censé prononcer ton prénom ? Ce n'est pas américain, si ?
Cette fois, c'est un sourire sincère qui s'étire sur mes lèvres ; je m'autorise même un petit rire.
– Tu peux m'appeler Iggy, si c'est plus simple. Et mon prénom est français.
– Oh, tu es française ? Tu n'as pas l'accent !
– Je suis américaine, j'avance. C'est ma mère qui est française.
Dane secoue la tête avec une sorte de... d'admiration ?
– C'est cool.
Avec un grand sourire, il tape sur l'épaule d'Andrew, lui adresse un clin d'oeil, avant de se fondre dans la foule. Je le regarde s'éloigner.
– Tu ne l'as pas reconnu même avec mes explications, hein ?, raille doucement Andrew à côté de moi.
– Non, j'avoue en gloussant. En même temps, les cinéphiles de mon groupe d'amis, ce sont Jake et Kris.
Le brun rit. Son regard de velours se pose un instant sur moi, puis :
– Bon, je croyais que tu voulais boire un truc ? À ce stade, on va finir desséchés !
Personne ne vient nous couper dans notre élan lorsque, pour la deuxième fois, nous nous dirigeons jusqu'au bar.
– Qu'est-ce que je vous sers ?, demande le barman en levant un sourcil interrogateur. J'ai du punch fait maison, si vous voulez. Sinon, je peux vous faire un peu ce que vous voulez, il suffit de demander.
– Je veux bien un verre de punch, s'il vous plaît.
– Et un Virgin Mojito pour moi, s'il vous plaît.
Le barman hoche la tête et se tourne, prêt à accéder à notre demande. Au même moment, une voix s'élève de ma gauche :
– Pas possible ! Andrew qui commande un cocktail sans alcool ! Je crois bien t'avoir jamais vu agir comme ça.
Andrew et moi nous tournons d'un même mouvement. La personne qui a parlé est une jeune femme à peine plus âgée que moi, aux cheveux blonds coupés aux épaules. Si je ne suis pas une experte du cinéma, je ne peux pas ne pas la reconnaître.
– Jennifer Lawrence..., je murmure, stupéfaite.
– Jenn !, s'exclame Andrew, l'air ravi. Je ne t'avais pas vue.
– Dans le cas contraire, tu aurais maintenu ta réputation en commandant de l'alcool, c'est ça ?, se moque-t-elle avec un grand sourire.
Ils rient, puis la jeune femme se penche vers moi et glisse, sur le ton de la confidence :
– D'habitude, c'est le premier à aimer faire la fête, si tu vois ce que je veux dire.
Je hoche la tête en pouffant.
– C'est plutôt mon genre aussi, j'avoue.
– Alors ne te gêne pas, cette soirée est faite pour ça ! Ça me fait penser que, d'ailleurs, je ne t'ai jamais vue avant.
Je ris de plus belle. Mon manque d'assurance inhabituel s'est envolé aussi vite qu'il est arrivé. Je ne sais pas pourquoi, mais il y a quelque chose, dans la manière dont elle se comporte, qui me met à l'aise. Peut-être est-ce notre faible différence d'âge – je dirais un an, deux tout au plus –, ou son aura, je ne sais pas.
– Je suis prof de français, donc à moins que je ne t'aie eue en cours, c'est peu probable qu'on se soit déjà croisées, effectivement. Tu peux m'appeler Iggy.
– Eh bien enchantée, Iggy.
Jennifer se penche en avant pour distinguer Andrew.
– C'est ta nouvelle copine ?
– Nous ne sommes qu'amis, je m'empresse de rectifier.
– Oh !
À l'expression de son visage, on devine qu'elle ne nous croit pas, mais que pouvons-nous y faire ?
– Un verre de punch pour la demoiselle, et un Virgin Mojito pour le monsieur, annonce le barman en poussant les verres vers nous.
D'un signe de la main, Andrew salue Jennifer avant de saisir les deux verres.
– Allez viens.
– Je pensais pas que tu étais un fêtard, je dis alors que nous marchons vers je-ne-sais-où. Je croyais que tu étais plutôt le genre de type bien sous toute couture, le gendre idéal quoi.
– C'est parce que je cache bien mon jeu, rit-il. Néanmoins, est-ce que tusous-entends que parce que j'aime faire la fête, je ne suis pas quelqu'un de recommandable ? Venant d'une fille qui embrasse des inconnus en boîte, je trouve ça un peu...
– Est-ce qu'un jour tu vas arrêter de me parler de cet épisode gênant ?, je le coupe avec un sourire en coin.
– Clairement pas !
Je lève les yeux au ciel. Les rayons lumineux donnent mille reflets aux cheveux d'Andrew, ce qui m'aurait ébloui si je portais mes lunettes. Heureusement, j'ai mis mes lentilles.
Lentement, je bois mon verre de punch. Il est bon, on sent le rhum sans que ça n'anéantisse les autres goûts. Visiblement, celui qui l'a fait a l'habitude ; d'un autre côté, je suppose que dans une soirée telle que celle-ci, les gens ont les moyens de payer des experts en la matière.
Andrew fait signe de la main à quelqu'un dans la foule. En me tournant, je m'aperçois qu'il s'agit d'Emma Stone. Elle danse avec un homme brun, cependant elle répond à mon compagnon avec un sourire.
Le fait de savoir qu'il s'agit de son ex me pétrifie, en quelque sorte. Moi-même, je n'ai pas de très bons contacts avec mes ex – avec certains plus que d'autres. Je ne sais pas comment ils font pour continuer à s'entendre après avoir rompu, toutefois je ne connais pas non plus les détails de leur relation. Je n'ai pas besoin de les connaître, je n'en ai pas envie.
Comme je ne connais absolument personne, je n'arrête pas de demander des détails sur les gens que je croise à Andrew. Il m'a déjà indiqué plusieurs noms – trop pour que je m'en souvienne, je dois avouer –, ce qui ne m'empêche pas de continuer.
– Et elle ?, je dis en donnant un coup de menton en direction d'une jeune femme blonde à peine plus âgée que moi.
Comme je suis polie, je ne pointe pas du doigt.
– Margot Robbie.
– J'ai déjà vu sa tête quelque part, je commente, mais je ne me souviens pas où. Je n'ai pas une mémoire infaillible pour l'univers cinématographique.
Andrew rit. Je ne sais pas s'il se moque de moi ou non, et je m'en fiche.
– Et elle ?
– Emma Roberts.
Encore une Roberts. Ce nom de famille est plutôt courant, j'ai l'impression.
– Et lui ? Non, lui je le connais, c'est l'autre gars de The Social Network, Jesse Eisenberg.
Au final, je ne suis peut-être pas tant une inculte que ça. C'est bon à savoir.
– Et elle ?
– Anne Hataway.
– Et lui ?
– Bon sang mais arrête !, pouffe Andrew. Je vais devoir trouver un moyen de te faire taire, si ça continue.
Je plante aussitôt mon regard dans le sien et le soutiens sans ciller. L'air autour de nous a changé, il vibre à présent, comme chargé d'électricité. Je peux presque sentir les poils de mes bras se hérisser, comme avant l'impact de la foudre. Il n'y a plus que moi, et Andrew ; la musique se noie dans le bourdonnement de mes oreilles et mon champ visuel s'est considérablement rétréci.
– Alors vas-y, fais-moi taire, je lâche dans un murmure.
Je suis sidérée que le brun ait compris, peut-être qu'il lit sur les lèvres. Néanmoins, il me prend au mot : il comble la distance qui nous sépare, glisse une main derrière ma nuque et m'attire à lui.
Ses lèvres sont douces et chaudes, et je peux humer son odeur, mélange d'épices et de sueur. Son autre bras enserre ma taille pour me coller un peu plus contre lui ; il y a une telle puissance dans son geste, une puissante dévastatrice mais complètement contrôlée.
J'attrape le pan de sa veste pour le rapprocher encore d'avantage ; alors que j'entrouvre les lèvres, sa langue se fraie un chemin pour retrouver la mienne.
C'est encore meilleur que la dernière fois, parce que cette fois-ci c'est une décision mutuelle. Je ne suis pas en train de lui rouler une pelle pour oublier 2016, non. Je l'embrasse parce que j'en ai envie, et qu'il en a tout autant envie que moi. De plus, aujourd'hui, je n'ai pratiquement pas bu – pas plus d'un verre de punch, en tout cas.
Mon cœur a cessé de pulser au rythme de la musique pour s'emballer, et je me presse encore un peu plus contre Andrew. Je sens les regards braqués sur nous, après tout tous ces gens évoluent dans un milieu sacrément fermé dont je ne fais pas partie. Cependant, j'en fais abstraction, jouant ardemment avec la langue d'Andrew.
Je ne sais pas quelle heure il est, toutefois la plupart des gens présents sont partis, ou en train de partir en tout cas. Andrew est allé chercher nos vestes tandis que je l'attends sagement devant l'ascenseur ; il ne lui faut pas deux minutes pour revenir et me tendre mon gilet, que j'enfile aussitôt.
Alors que je m'apprête à m'engouffrer dans l'ascenseur pour retrouver le rez-de-chaussée, Andrew me retient par le bras et me tire en arrière.
– Attends une seconde...
Stupéfaite, je lui fais face. Une mèche lui retombe devant le front, et je résiste tant bien que mal à l'envie de la remettre en place. Il a l'air grave, comme s'il s'apprêtait à me révéler la nature même de l'existence.
– Laisse-moi te ramener chez toi, s'il te plaît.
Je hausse un sourcil.
– Ce n'est pas David qui vient nous chercher ?
Andrew prend l'air gêné.
– Normalement si, mais... J'ai envie de te conduire moi-même, Églantine. David a garé ma voiture en bas, je n'ai plus qu'à récupérer les clefs.
Je pousse un long soupir.
– Andrew, tu as bu. Je peux très bien appeler un taxi, ça ne me dérange pas.
Ses doigts encerclent mon poignet.
– Je n'ai pas bu, dit-il avec fermeté.
– Tu es sûr ?
Il écarte les mains en souriant, haussant les épaules. C'est vrai qu'il n'a pas l'air soûl, mais ça ne veut rien dire.
– Je n'ai pas bu une seule goutte d'alcool, reprend Andrew, parce que je voulais être sûr qu'il ne t'arrive rien. Je voulais pouvoir te raccompagner jusque chez toi, et surveiller tes arrières aussi,s ait-on jamais.
– Que c'est mignon, je raille.
Il lève les yeux au ciel, pourtant sans se départir de son sourire, signe qu'il accepte que je le taquine. Tant mieux.
– C'est pas mignon, c'est prévoyant, corrige le brun. Certaines choses arrivent vite, dans ce genre de soirée.
Le brun s'interrompt, plonge son regard dans le mien.
– Est-ce que je peux te ramener chez toi ?
Je ne suis pas certaine que ce soit une bonne idée, compte tenu de ce qu'il s'est passé ce soir. Néanmoins, je ne suis pas prête à refuser, aussi j'acquiesce.
– D'accord.
Le silence qui nous suit jusque dans la voiture est pesant. Je sais bien ce qu'Andrew attend de moi, mais est-ce que j'en ai envie ? Ce serait mentir de prétendre que non, cependant... Je n'ai pas envie de me contenter de coucher avec lui et de repartir dans ma vie comme si de rien n'était. C'est idiot, mais j'apprécie son caractère, j'apprécie les rares moments que j'ai passés avec lui, même si on ne se connait pas.
Je n'ai pas le droit de faire les mêmes erreurs en boucle. Les coups d'un soir, les sex-friends, c'est toujours lorsque je sais que je ne voudrais jamais rien de plus avec la personne. Là...
Avec un sursaut, je reconnais la rue en bas de chez, puis bientôt le portail et mon studio. Mon cœur se serre dans ma poitrine alors que je m'apprête à sortir de la voiture.
– Attends une minute, Églantine.
Je me fige aussitôt, la main sur la poignée. Je savais que ce moment arriverait, pourquoi est-ce que je joue l'étonnée ? Si nous n'avons pas reparlé de notre baiser de la soirée, il est évident que nous ne pouvons l'un comme l'autre pas faire comme si rien ne s'était passé.
Lentement, je me tourne pour faire face à Andrew. Ses cheveux sont continuellement décoiffés, à croire qu'il a perdu son peigne depuis si longtemps qu'il en a oublié l'utilité.
– Tu m'as embrassé ce soir. Pour la deuxième fois.
Je hausse les épaules.
– En fait, d'après les faits, c'est plutôt toi qui m'as embrassée cette fois-ci. Tu sais, pour me faire taire.
Il lève les yeux au ciel avec un sourire en coin.
– Tu as très bien compris ce que j'entendais par là.
Oui, malheureusement oui. Mais que suis-je censée lui dire ? Je l'ai embrassé parce que j'en avais envie, toutefois après coup je regrette un peu. Enfin, non, pas vraiment. On ne peut pas dire que je regrette, parce que j'ai beaucoup apprécié, mais...
Je pousse un long soupir.
– Écoute Andrew, je... Ce n'est pas contre toi, d'accord ? Je sais que c'est moi qui ai commencé, mais... Je ne peux pas.
– Tu...
– Si ce que tu attends de moi c'est qu'on se lance dans une relation, je continue comme si de rien n'était, alors non, je ne peux pas. On s'est parlés deux fois, trois plutôt, et même si j'ai beaucoup apprécié cette soirée avec toi... On ne se connaît pas. Tu ne sais rien de moi, et je ne sais guère plus de toi.
– Je sais que tu as peur des tremblements de terre, plaisante-t-il.
Sa phrase m'arrache un sourire.
– D'accord, tu connais l'une de mes phobies. Mais la deuxième ? Ose me dire qu'on peut commencer quelque chose alors que la seule chose dont on est sûrs l'un comme l'autre, c'est nos prénoms. Peut-être que si on apprenait à se connaître, on pourrait tenter le coup. Mais sans ça...
– D'accord.
Son ton n'est pas sec, ni même contrarié. Andrew semble seulement... résigné. J'ai peur de lui avoir fait de la peine, mais d'un autre côté... Ma dernière relation était tellement chaotique, je ne veux pas refaire les mêmes erreurs. J'aimerais être certaine que lui et moi, on est un minimum compatibles, avant de me lancer.
– D'accord ?, je répète.
Il hoche la tête.
– Oui. J'ai bien compris ce que tu as dit, Églantine. Je suis d'accord, j'accepte qu'on apprenne à se connaître avant de songer à se lancer dans une relation. Quelle est ton autre phobie ?
Je hausse un sourcil.
– Quoi ?
– Eh bien, tu as dit que tu avais une deuxième peur, non ? Et si on veut apprendre à se connaître... Quelle est-elle ?
Un sourire s'étire sur mes lèvres. Alors comme ça, il a envie d'apprendre à me connaître ? Je suppose que ça signifie qu'on va se revoir, donc.
– Les araignées, j'avoue en riant. Tu dois d'ailleurs savoir que la dernière fois que j'ai regardé The Amazing Spiderman, je t'ai traité de con quand tu es entré dans la salle pleine d'araignées. Enfin, c'est plutôt ton personnage que j'ai insulté, mais...
– C'est vrai que Peter Parker n'a pas été très futé sur ce coup-là, admet Andrew avec un haussement d'épaules. Et donc... Est-ce que tu risques de m'appeler en plein milieu de la nuit si tu te trouves nez à nez avec une araignée ?
Je lui balance gentiment mon poing dans le bras.
– Non, pour ça j'ai mes parents qui habitent à dix mètres.
Il rit ; son rire est communicatif au possible.
– Je peux dormir sur mes deux oreilles, dans ce cas, lâche-t-il alors que j'ouvre la portière pour descendre.
– Merci de m'avoir raccompagnée chez moi.
Il hoche la tête.
– On s'appelle ?
J'acquiesce.
– Alors à un de ces jours, Iggy.
La portière se referme derrière moi et j'observe la voiture s'éloigner dans l'allée. Avec un sursaut, je remarque qu'il m'a appelée par mon surnom pour la toute première fois.
Je resserre les pans de ma veste contre moi, frissonnant dans la fraicheur de la nuit. Je lève les yeux vers le ciel. On ne distingue peut-être pas bien les étoiles avec la pollution lumineuse, toutefois elles sont là ; j'ai l'impression qu'elle veillent sur moi.
Avec un sourire tellement rayonnant qu'il pourrait éclairer la nuit la plus noire, j'ouvre la porte de chez moi.
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