Epilogue
Lorsque Paul reprit connaissance, il se trouvait dans une pièce blanche, sous une chaude couverture. Les stores des fenêtres étaient partiellement tirés, un grand soleil brillait dehors. Le bouclé était branché à plusieurs machines. Il fronça les sourcils, il ne se rappelait pas qu'une telle technologie existait en 1920. Puis, des images lui revinrent en tête. Tommy. La balle. La ruelle. Il se racla la gorge, il fallait qu'il lui parle.
— Paul ! s'exclama une voix familière près de lui.
Tommy était là, assis contre son lit d'hôpital. Ses grands yeux rougis se plongèrent dans les siens tandis qu'un large sourire étira ses lèvres. Il avait laissé pousser ses cheveux. Il arborait également une barbe de trois jours. Paul ouvrit la bouche mais fut prit d'une toux. Sans attendre, Tommy lui tendit un verre.
— Qu'est-ce que je suis heureux de te voir en vie. Tu n'imagines pas le souci que je me suis fait pour toi.
Paul l'écoutait tout en le dévorant du regard. Lui aussi était heureux de le savoir près de lui, en bonne santé. Ils allaient enfin pouvoir commencer la vie qu'ils avaient toujours voulu, ensemble. Il rendit le verre vide à Tommy, qui le reposa sur la table de chevet.
— Je regrette tout ce que je t'ai dit, tout ce que je t'ai fait subir. Si je pouvais retourner dans le passé, je changerais beaucoup de choses.
— Avec des si, on referait le monde, ajouta Paul.
Tommy posa sa main sur la sienne. C'est alors que Paul aperçut qu'il portait un pull à capuche. Comment ça, un pull à capuche ?
— Où as-tu trouvé ça ? demanda-t-il.
Il fronça les sourcils.
— Oh ça ? J'ai fait un partenariat avec une marque, alors ils me l'ont envoyé. Tu aimes ? Je leur demanderai de m'en renvoyer un autre.
Paul avait les mains moites. Quelque chose bourdonna dans son oreille.
— T... Tommy ?
L'homme se redressa sur sa chaise.
— Hein ? Paul, c'est moi ! Milo.
Le jeune homme se rendit instantanément compte qu'il n'était pas là où il se pensait être. Un hélicoptère traversa le ciel, attirant l'attention de Paul. Le son des klaxons en bas de la rue lui parvinrent aux oreilles. Le téléphone portable de Milo vibra sur la table basse. La télévision allumée relatait les infos en continu : un journaliste faisait un micro-trottoir afin de donner la parole à la population.
Le cerveau de Paul vrilla. Sa respiration se bloqua. Ses mains agrippèrent les draps alors qu'il s'étranglait avec sa propre salive. Il se mit à arracher les tubes sur ses bras et ceux dans son nez. Il eut l'impression d'étouffer, l'impression de mourir. Des millions de pensées fusèrent dans son esprit, mais il n'arrivait pas à se concentrer pour les entendre clairement. Les larmes dégringolèrent sur ses joues. Son monde tangua dangereusement.
Milo appela en urgence les infirmières, qui déboulèrent dans la pièce. S'affairant autour du bouclé, elles le forcèrent à se rallonger et lui administrèrent un calmant. Ensemble, elles lui bloquèrent les membres afin qu'il ne se blesse pas plus, le temps que le médicament fasse effet. Milo hurlait qu'il devait lui parler, qu'il devait lui dire qu'il l'aimait. Lui qui l'avait attendu tout ce temps, qui avait veillé sur lui quasiment chaque jour. La sécurité l'emmena dehors et lui interdit de revenir avant plusieurs jours.
Le soir venu, Paul avait le regard dans le vide. Vidé de ses forces, vidé de toute émotion, il se laissait bercer par l'effet du produit administré. Malgré tout, son cerveau était brouillé par un flot de questions. Lui qui avait tout fait pour revenir en 2020, le voilà qu'il regrettait d'être ici. Tommy lui manquait terriblement, et il se doutait que le Shelby n'avait pas dû comprendre ce qui était arrivé. Comme si elle avait entendu ses pensées, May entra dans la pièce.
— Bonsoir, Paul, lâcha-t-elle simplement.
A la réaction du jeune homme, elle se précipita pour lui couvrir la bouche.
— Ne crie pas ! Ou je devrai repartir.
Le jeune homme déglutit difficilement, puis lui fit comprendre qu'il n'attirerait pas l'attention.
— Tommy ?
Il aurait pu poser toutes les questions du monde, n'importe laquelle. Mais non, sa priorité était de savoir comment il allait.
— Il a vécu longtemps.
Le cœur de Paul se serra immédiatement. Il prit conscience que Tommy était sûrement mort, aujourd'hui. Abattu, il n'osa plus regarder May. Celle-ci posa néanmoins une main sur son épaule.
— Quand je t'ai fait traverser le premier portail, tu n'as pas disparu de ce monde. Une ambulance t'a très vite pris en charge et tu t'es retrouvé dans cet hôpital. Ou du moins, ton enveloppe corporelle. Mais tu as quand même vécu auprès de Tommy. Ce n'était pas que dans ta tête. Après l'accident, tu as passé autant de temps dans ce lit qu'avec Tommy. Milo venait te voir tous les jours. Je pense qu'il s'est rendu compte que c'est toi qu'il aimait.
May accorda un clin d'œil à Paul, qui ne sourit pas pour autant. Alors, son visage reprit du sérieux.
— Tu as rempli ta mission, Paul. Tu t'es racheté et tu as sauvé l'âme de Tommy. Il est devenu une meilleure personne et a œuvré pour de bonnes causes dans la suite de sa vie. Et toi, tu as prouvé ta valeur malgré tout le mal que tu as causé ici.
— J'en ai rien à faire de tout ça ! C'est auprès de lui que je veux vivre. Je veux y retourner.
— Ta vie est ici, au XXIe siècle. Tu ne dois pas chercher à retourner là-bas. Jamais. Ou les conséquences seront lourdes.
Le jeune homme n'avait plus envie de vivre. Tout ce qu'il avait construit était désormais inaccessible. Sa vie d'ici n'avait aucun goût. Il ne voulait pas de Milo, il avait compris qu'il n'était pas fait pour lui.
Il posa sa tête contre l'oreiller, le regard dirigé vers les buildings au-dehors. Il ne voulait pas non plus de cette vie moderne, dénuée de saveur et d'aventure. D'une voix plus douce, May reprit la parole.
— Je ne devrais pas faire ça, mais... Je t'ai ramené quelque chose.
Elle lui tendit alors la casquette offerte par Tommy, le jour de son anniversaire. C'était assurément la sienne, puisqu'il y avait cousu une troisième lame de rasoir. Sans attendre, le bouclé s'en empara. Ses doigts caressèrent le tissu, lui rappelèrent des souvenirs aussi agréables que douloureux. Il ne reverrait jamais l'homme de sa vie.
— Tu sais, Tommy n'aura jamais cessé de t'attendre. Il t'aura aimé jusqu'à son dernier souffle.
Dans un sanglot étranglé, Paul se recroquevilla sur son matelas, la casquette serrée contre son cœur.
FIN
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