CHAPITRE 27: PROTÈGE MOI






Les souvenirs ne faisaient jamais bon ménage dans un esprit épris de torture, Valentina l'apprenait à ses dépens. Son sommeil, quoi que léger était parasité par des centaines d'images de son ancienne posture de victime. Elle revoyait l'assaut de Z, malgré ses nombreuses tentatives de résistance. Des voix, à la fois vigoureuses et plaintives, mêlées de rictus sonnaient bruyamment dans sa tête. Le réflexe, l'emmenait à s'accrocher au bout de couverture, qui humain, se serait sûrement plaint d'un geste aussi déplacé. Elle tordait la matière contonneuse, griffait le tissu, en bridant son élasticité. Les battements de son cœur lui revenaient anarchiques. Précédemment chaotiques, ils se métamorphosaient en une mélodie authentiquement aggressive et la peur au ventre, Valentina se réveillait, en sursaut. Les muscles tendus à leur maximum. La peau dégoulinante de sueur. Ce n'était qu'un rêve aux allures de cauchemars, lui annonçait un Kris avenant et compatissant. Elle se nichait immédiatement dans ces bras et son esprit s'éprenait naturellement de cette décharge d'analgésique. Peu à peu, elle reprenait son souffle, malgré les larmes qui coulaient sur son visage. Le choc la faisait se confondre en excuse, de manière abstraite, tantôt le verbale ne le lui permettait plus.

- Chut.... Je suis avec toi, tout va bien. Tu es en sécurité.

Les larmes redoublaient mais la bouille timide de Valentina se levait sur le visage fatigué de Kris. Ses mains s'accrochaient à ces joues et elle laissait son chagrin éclaté, en effusion de larmes.

- Pardon...

Sa voix tremblait.

- Pardon.

Son corps frêle gigotait, mais elle se blottit davantage dans les bras de Kris.

Il était ému. Aussi, embrassait-il son visage. Ces lèvres se posaient sur chaque bleu présent, avec une délicatesse innocente, une urgence pudique qui encourageait Valentina à se détendre. Elle acceptait la pression nouvelle, presque timide sur la commissure de ses lèvres gercées. Ses larmes, nourrient par une nouvelle émotion débordaient nouvellement, en sanglots incontrôlés. Ce baiser presque chaste, qui cherchait, guettait son approbation la déconcertait. Leurs deux fronts ne cessaient pourtant pas de communiquer, malgré leurs paupières closes, la communion à ce stade devenait presque spirituelle. Ils se réconfortaient, l'un dans les bras de l'autre et pour cette ultime raison, jamais Kris n'oserait volontairement gronder Valentina, aussi se contentait-il de goûter à ses lèvres par bout, en attendant qu'elle s'épanouisse enfin dans ces bras. Valentina détourna le regard mais invita Kris dans le lit. Il parut dubitatif, mais opina du chef en délaissant sa veste. Valentina reposait sur sa poitrine et progressivement, elle s'abandonna à la lente caresse dans ses cheveux, aux baisers qui lui brûlaient la peau dans le silence de la réciprocité.

- Valentina...

La voix de Kris se brisa. Il serra les paupières pour se ressaisir mais l'inquiétude faisait déjà vibrer le palpitant de Valentina. Elle leva un regard mi-affolé mi-triste dans sa direction avant de prestement détourner le regard. La douleur qu'elle y avait lu lui contractait l'estomac et pour cause, elle se pencha immédiatement sur le côté et vomit la maigre pitance qu'elle avait avalée. Kris lui relèva les cheveux et lui essuya la bouche d'un léger mouvement du pouce.

- Je t'aime.

La déclaration tomba. Décomplexé, coloré de sincérité mais parfumé de vérité.

- Je t'aime tellement fort, Valentina.

Il porta la main à son cœur, Valentina sentait le léger battement malgré la chemise, le seul obstacle entre elle et la chair tiède.

- J'aime autant la Valentina fragile que blessée. J'aime toutes les facettes de toi. Je ne saurai vivre sans toi, alors promet moi que tu ne m'abandonneras plus. Promet le moi.

Kris déposa un baiser dans le creux de son cou et l'atira dans ces bras. Valentina s'y blottit en respirant son parfum boisé et sensuel, il avait l'odeur de la sécurité. Elle se sentait protégée et à l'abri de tous dangers. Elle lui caressa la joue et baisa timidement ces lèvres.

- Je te le promets.

Le second réveil fut agréablement paisible. Valentina reçut un baiser sur le front, bien avant que Kris ne lui fausse compagnie, le temps d'aller régler certains indispensables à sa sortie. Devant l'hésitation dont elle fit preuve, Kris la rassura en lui signifiant que Cole veillerait sur elle. Cette déclaration ne la rassura que moyennement, mais elle essaya de s'y accrocher. Sa chambre lui parut vide d'un coup et elle referma les bras autour de son estomac qui gargouillait. Les plats d'Agatha lui manquaient, elle les imaginait lorsque les lumières de sa chambre s'éteignirent. Valentina pâli rapidement, en sentant son cœur se comprimer dans sa poitrine. Il fit un bond, puis un autre. La panique la gagnait à mesure que la pénombre demeurait. Ces démons, réveillés par ce nouvel assaut projetaient leurs ombres malfaisantes. Leurs voix bouillonnaient dans son esprit. Il fallait qu'elle se sauve, qu'elle trouve un abri, au plus vite. Ils venaient encore pour elle, ce maudit cartel dont elle était la cible. Les voix oscillaient. Elles se greffaient vigoureusement à sa chair. Dans un effort désespéré, elle rassembla ses membres inférieurs sur un côté puis les déposa légèrement sur le sol. Elle se rattrapa au montant du lit, et amorça ses premiers pas. Ces membres engourdis peinaient à suivre, flageolantes, elles vacillaient en entraînant Valentina dans une chute forcée qui la fit davantage paniquer. À part déplacer les mains sur le sol, elle n'arrivait à rien. Elle se sentait impuissante et les larmes revinrent ambuer son regard. Sa faiblesse lui donna la nausée lorsqu'elle ressentit un élancement au niveau de ses bandages. À ce moment précis, la porte s'ouvrit en catastrophe.

- Valentina, nous n'avons plus beaucoup de temps. Nous devons sortir de cet hôpital.

Kris la prit dans ses bras.

- Fait moi confiance, je vais nous sortir de là.

Cole apparut à son tour, armé d'une lampe torche et d'un fauteuil roulant dans lequel Valentina s'installa maladroitement après avoir revêtu un gilet par balle. Ils rejoignirent ensuite Blake dans le couloir, lequel leur signala de but en blanc que John, l'un des gardes du corps était porté disparu. C'est alors qu'ils partirent sur le qui-vive, la peur au ventre pour Valentina qui faisait mine de ne pas avoir remarqué son bandage qui saignait. Cole et trois autres gardes assuraient leurs arrières pendant la traversée du couloir. C'est alors qu'ils découvrirent ébahis plusieurs personnes, médecins et patients y compris, gisaient sur le sol, inconscients.

- Ils sont toujours vivants, murmura Blake du dessous de son masque à gaz.

- Mais, il faudrait qu'on les aide...

- La meilleure façon de les aider, c'est de vite sortir de cet hôpital.

Ils accédèrent enfin à la porte menant à l'étage suivant. Ils espéraient ainsi rejoindre le second couloir et couper par les escaliers menant au sous-sol. Blake essaya de l'ouvrir en vain. Aussi, fit‐il feu après avoir connecté le silencieux de son arme. La porte céda et il l'ouvrit lentement du pied. Il fit quelques vérifications et autorisa le groupe à avancer. Valentina s'accrochait aux épaules de Kris, en se demandant où pouvait bien se trouver la police. Ils devaient, aux côtés de des agents de sécurité, assurez sa sécurité comme le lui avait annoncé Kris. Au premier étage, Valentina eut la réponse à sa question. La dizaine d'officiers gisaient au sol. Blake fit halte, et demanda au groupe de maintenir sa position.

Lorsque John se réveilla, il cligna des paupières, le temps d'adapter sa vue à la luminosité. Il comprit très vite que ses bras et pieds avaient été solidement arnarcher à ce qui ressemblait à un brancard. Il essaya de se rappeler les circonstances de cet étrange revirement, lorsqu'une douleur lui vrilla l'échine. Il grimaça mais força sa mémoire à s'activer. Il se souvenait avoir escorté Kris, avant qu'un agent de police ne se rapproche de lui. Le regard nerveux de ce dernier l'avait intrigué mais il l'avait ensuite écouté l'informer que six agents supplémentaires avaient été déployer pour renforcer la surveillance de Valentina. Suspicieux, John lui avait donné une tape sur l'épaule et hocher la tête. Il a ensuite entreprit de récolter des données supplémentaires. Que le commissaire ordonne une mobilisation suplémentaire sans en aviser Kris et sans même prendre le soin de leur fournir les informations adéquates, car lui semblait-il, ils ignoraient la localisation de la chambre de Valentina, sonnait dangeureusement dans sa tête. Il prit sa radio et informa ces coéquipiers qu'ils escortaient leurs renforts et qu'ils devaient se préparer à livrer le colis, en prenant le soin de bien notifier le faux numéro de chambre. Ils espéraient ainsi, leur donner l'alerte et leur permettre d'avoir assez de temps pour s'enfuir de l'hôpital. Il se souvenait être monté dans l'ascenseur et ensuite plus aucuns souvenirs. Il ne savait plus comment il avait atterri à la morgue attaché à ce foutu brancard.

- Y'a quelqu'un ?

John tendit l'oreille, et essaya de faire davantage de bruit. Il hurlait désormais.

- Par ici ! Suivez le son de ma voix ! Je suis là !

Une raie de lumière passa l'entrebâillement de la porte jusqu'à lui.

— Regardez dans mon holster, il y a un couteau.

L'inconnu fit comme on le lui avait indiqué.

- Vous êtes le seul agent de sécurité de cet hôpital ?

- Non. Je faisais ma ronde lorsque j'ai perdu le contact avec mes collègues, je suis donc venu voir ce qui se passait.

- Par où êtes-vous entrez ?

- Par la porte du sous-sol menant au parking.

John leva le cran de sécurité de son arme. Le vigile sursauta.

- Je vais m'occuper de retrouver vos collègues. Vous, allez dans le parking sous-terrain, vous y trouverez trois SUV cylindrés. Vérifiez chaque voiture avec ce truc. S'il vire au vert, nous sommes bons, dans le cas contraire, vous trouverez des GPS. Vous n'aurez juste qu'à les retirer precautionnement et aller les connecter sous d'autres voitures.

- Mais, qui êtes-vous ?

- Je suis l'un des gardes du corps de Wilson, propriétaire de W.I.N.I, alors ne vous inquiétez pas, vous serez gracieusement récompenser.

Le vigile accepta enfin le détecteur et tendit sa seconde torche à John.

- Elle va vous servir. Tout le bâtiment est plongé dans la pénombre.

- Vous savez comment remédier à cette panne ?

- En effet. Il existe un système électrique d'urgence manuel dans la salle attenante.

- Allez-y et rétablissez le courant uniquement si les voitures sont ok. Faîtes attention à vous.

John brandit ces deux semi-automatiques et refit le trajet inverse jusqu'à la chambre de Valentina. Sa radio lui avait été arrachée et à part avancer à pas de loups, il n'avait aucun moyen de contacter ces collègues. Étaient-ils en danger ? La pression qu'il ressentait dans ses muscles le ramenait à ces anciennes missions en Irak. Longtemps, John s'était interrogé sur le pourquoi de ces affrontements dans des nations éloignées qui ne le concernaient que trop indirectement mais qui entraînaient la mort inévitable de milliers d'innocents. La machine de guerre était judicieusement graissée, il avait appris ce fait basique dès son premier déploiement. Tout était question d'intéréts personnels et les quelques milliers de morts, comme ces supérieurs aimaient en plaisanter, n'étaient que des dommages collatéraux. Des étoiles et des décorations en perspective, l'honneur futur d'appartenir à l'élite, il fallait juste adapter sa pensée. Il se souvenait aussi des séances chez le psychologue, où toutes ces préoccupations étaient ballayées du revers de la main, dans une atmosphère de cigar ou de coque local. Son souvenir le plus poignant concernait les pillages, les cercueils violés et déguisés des tombés au champ d'honneur emplis de minerais de valeurs. John s'était senti de trop, au bord d'une implosion qui l'avait obligé à remettre ses choix en question. Servir son pays avait toujours été son leitmotiv, lutter contre le terrorisme, aider ces étrangers, mêmes lorsqu'ils avaient l'impertinence de leur crier des insanités et marteler le blindé de leurs cargos à coups de pierre et bombes artisanales. Ces questions et ressentiments avaient fini par perturber l'harmonie du camp et il avait in extremis été renvoyer chez lui. Inapte mais surtout névrosé, reconnu comme étant trop sensible aux réalités de la guerre. Il s'était donc rangé du côté du privé, cherchant à faire penitence en se rangeant du côté du bien. Et depuis, il n'avait fait que travailler pour des clients honnêtes, dont la fortune n'opprimait personne.

Au détour d'un couloir, John se baissa, l'arme collée à sa cuisse. Les oreilles dressées et perceptrices du moindre bruit. Il expira par la bouche et la torche éclaira le couloir. Vide, il poursuivit sa course accroupit en dessous de la baie vitrée. Il n'avait pas une vision claire de l'extérieur mais le bruit constant de gyrophare lui donnaient des idées quant à ce qui s'y passait. Il courait maintenant jusqu'à l'escalier secours menant au cinquième étage. La porte grinça à son contact mais il s'y engouffra et referma discrètement le battant.

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