CHAPITRE 26: RÉVEILLE TOI
Kris savait Cole à quelques mètres. Ces coups d'œil inquiets lui brûlaient la nuque. Néanmoins, il fut reconnaissant lorsqu'il lui pressa affectueusement l'épaule. À défaut de mots, ce geste lui permit de rediriger son regard vers la porte. Kris inspira nerveusement, ces doigts désormais hésitants dans leur démarche d'ouverture. Le parfum antiseptisé de la chambre l'accueillit avec force, il remonta brutalement dans sa gorge et lui procura une sensation de nausée qu'il contra en toussetant. Valentina à l'opposé de la pièce reposait dans un lit, sa poitrine calquant le rythme du respirateur artificiel. Elle semblait paisible; la vulnérabilité de sa posture véhiculait une émotion tangible malgré le silence qui prédominait, s'étirait à mesure que les secondes se transformaient en minute. Le cœur de Kris fit un bont, puis un autre. Ces yeux s'humidifièrent et sa bouche s'assécha. Il ne se sentait malheureusement plus la force d'avancer. Une force invisible le maintenait là, cloué sur le seuil, figé; le regard rivé sur le contenu des draps qu'on avaient relevés à hauteur de poitrine. La porte se referma derrière lui dans un bruit qui le fit sursauter, comme si finalement son esprit avait réussi à s'estirper de sa prison émotionnelle.
Kris tremblait, le poids de son incapacité lui écrasait les épaules. Il s'affaissa contre le mur, la chair de nouveau agitée par une nouvelle vague de terreur. Il se sentait oppresser, son muscle cardiaque au-delà de sa barrière le menaçait d'une apparition surprise. D'instinct, sa main frotta sa poitrine, limite s'il n'évitait pas de suffoquer. Il se sentait indigne, incapable d'avancer jusqu'à celle qu'il n'espérait plus. Celle pour qui, il avait versé autant de larmes que les chutes du Niagara et enchaîné autant de cuites pour se persuader qu'il n'était pas en train de revivre un cauchemar latent. Il fit soudainement demi tour, ces pieds se déplaçant de manière inégale sur le sol immaculé. Il posa la main sur la poignée, incapable d'en actionner le mécanisme. Sa main tremblait. Jamais il ne trouverait la force d'assumer de se rapprocher. Son âme était partagée entre le remous de son esprit et sa raison, quand tous deux demeuraient déchirés par le choix qui s'imposait. Kris refit péniblement face à Valentina, la mécanique du respirateur artificiel en bruit de fond. De nouveau, il tendit une main hésitante. Une main qui avait été affamée par le manque. Une main meurtrie, chagrinée qui cherchait à se persuader de l'existence de cette autre vérité, que Valentina était véritablement réelle. Il n'avait juste qu'à faire un pas, puis un autre et courageusement marcher jusqu'au lit en faisant abstraction de ces pieds alourdis par la peur. Kris inspira puis expira. Il refit le même exercice jusqu'à ce qu'il ne perçoive plus les battements de son cœur à son oreille. Il se rapprocha lentement au moyen de pas difficiles et se retrouva à la hauteur de Valentina. Elle reposait sous son nez à quelques centimètres de sa barbe naissante. Elle n'était plus l'image lointaine qu'il poursuivait dans ces rêves avant de sursauter d'horreur dans sa chambre à coucher. Il déposa un baiser sur son front et une larme s'écrasa sur le sol. Il lui caressa tendrement la joue avant de lui prendre la main. Son regard analysait chaque parcelle de sa peau, elle avait mincie et Kris ne put s'empêcher de laisser éclater son chagrin. Il n'arrivait pas à imaginer ce par quoi Valentina était passée.
— Que t'est-il arrivé ma douce ? Sais-tu ce par quoi je suis passé ces dernières semaines en te recherchant ? J'avoue ne jamais te l'avoir dit mais je t'aime, je ne peux pas vivre sans toi. Tu ne peux pas imaginer comme je m'en veux de ne pas t'avoir protégé.
●
Les jours s'écoulèrent lentement, Kris demeurant au chevet de Valentina. Il la veillait jour et nuit. Il attendait qu'elle ouvre les yeux et qu'il puisse lui révéler ce qu'il n'avait jamais osé lui dire. Il se passa une main dans les cheveux puis saisit ces couverts malgré le haut le cœur qui résonnait dans sa gorge. Il picora du mieux qu'il pu dans l'assiette qu'on lui avait laissée. La nourriture avait mauvais goût, il avait l'impression d'avoir des morceaux caouchouteux sous la dent. Il rabattit le dos de sa paume contre ses lèvres et repoussa le plateau repas. Il s'essuya la bouche et se réfugia dans les toilettes. Il se rafraîchit en évitant de croiser son regard dans le miroir. Il savait son apparence négligé peu commune mais qu'est-ce qu'il s'en fichait ! Valentina le découvrirait ainsi, ils se découvriraient mutuellement au pire de leurs formes. Le pire ne serait pas camouflé pour maquiller la laideur, de quoi la reformuler et la rendre accessible au bonheur quand c'était l'enfer qui se contorsionnait au-dessus de leurs vies tel un serpent qui s'apprêtait à frapper sa victime d'un coup mortel. Il avait perdu le goût pour ces artifices qui avaient judicieusement empoisonnés son existence et l'avait moyennement conduits à ce temps de jeûne et de prières sincères. Non qu'il soit un si piètre croyant, mais il pouvait affirmer avec une clarté limpide que cette nouvelle tournure lui avait permis de gagner en maturité. Kris répensa finalement au cartel. Il avait repris du poil de la bête en revêtant son costume d'homme d'affaire intraitable. Il avait fait jouer ces contacts et réussit à museler les médias. Regretrablement, lui et Valentina n'étaient pas à l'abri d'une fuite d'information, phénomènes courants dans le domaine quand les plus avides avaient toujours un meilleur prix à offrir. Il pensa aussi au personnel hospitalier; quand bien même Valentina ait été enregistré sous un faux nom, il ne guarantissait malheureusement pas le professionnalisme du personnel. L'argent pouvait exercer une drôle d'attraction sur les personnes et tant qu'on avait pas été confronté à ce magnétisme, jamais on ne pourrait réellement prétendre deviner le choix qu'on serait tenter de faire. C'était pour ces raisons multiples que Kris imaginait le pire, il fallait donc qu'ils s'en aillent de cet hôpital. Kris se tourna vers le docteur qui avait été affecter aux soins de Valentina depuis son arrivée dans cet hôpital, il jouait distraitement avec la monture de ces lunettes. L'espace de son bureau n'était réchauffé que par la chaleur d'un cadre photo. On pouvait y observer le médecin et celle que Kris supposait comme étant son épouse, celle pour qui il serait capable des pires folies. Malheureusement, ce dernier repoussait les préoccupations de Kris d'un entêtement borné.
— Je ne peux pas la laisser sortir maintenant, cela est bien trop risqué. J'avoue que le retrait de la balle a été un franc succès, mais il est encore trop tôt pour la laisser partir.
Cole opposa un regard énervé au praticien après avoir croisé le regard fatigué de Kris.
— Nous ne sommes pas en sécurité dans cet hôpital.
La récente conversation privée qu'il avait eu avec Kris et l'inspecteur effleura sa mémoire et il s'interrompit un moment. Il ferma les yeux et sembla réfléchir.
— Accordez-moi deux journées supplémentaires. Je vais de ce pas la réveiller de ce coma artificiel.
Kris se tourna vers Cole. Ce dernier se gratta la tête.
— Nous allons prévoir un plan d'urgence.
— Y a quelqu'un ?
— Valentina, par ici !
— Valentina, suit le son de nos voix !
— Valentina, plus vite !
— Maman ? Papa ? Est-ce vous ?
— Par ici !
Valentina courait à travers l'immense prairie qui s'étendait sur des kilomètres. Elle courait à en perdre haleine dans l'herbe fraîche. Son cœur cognait abruptement dans sa poitrine avec cet ultime but dans son esprit, elle devait se rapprocher, sa vie en dépendait. La voix de ces parents n'avait jamais été aussi alarmiste, il fallait qu'elle les trouve, qu'il lui explique leur présence dans cet endroit et pourquoi ils y étaient. Pourquoi tout était aussi blanc et morne dans le même temps. Valentina se rapprocha de la barrière et se cogna en essayant de la passer. Une violente bourrasque agita sa robe et elle tomba à la renverse. Elle se relèva péniblement et se massa l'épaule endolorie avant de refaire face à la barrière de bois blanc.
— Est-ce vraiment vous ?
Valentina cligna des paupières avant que son regard ne s'embue de larmes.
— Maman, papa !
Les deux êtres oréolées de blanc lui souriaient tendrement, ils émanaient d'eux une joie triste qu'ils essayaient tant bien que mal de contenir. Lorsque Valentina se précipita de nouveau vers la barrière, ces parents l'empêchèrent d'avancer d'un mouvement de la main.
— Ne t'approche pas trop. Prête plutôt attention, entends-tu ces pleurs ?
Valentina leva les yeux vers le ciel. Elle dressa les oreilles mais n'entendit que le bruit du vent.
— Je n'entends rien.
— Écoute bien, ma chérie.
— Je ne veux pas écouter. Vous me manquer tellement. Je ne peux pas vivre sans vous.
— Nous n'avons jamais voulu t'abandonner, tu le sais. Nous avons été assassiner. Le temps presse. Écoute la voix, écoute la...
— Mais...
— Écoute la...
Des sanglots lui parvinrent, ils rythmaient les pleurs incessants d'un homme. Elle réfléchissait à qui cette voix pouvait appartenir.
— Kris, est-ce Kris ?
Sa mère hocha délicatement la tête.
— Il a besoin de toi. Tu dois retourner à ces côtés.
— Mais, mais je veux rester avec vous.
— Il a besoin de toi, il faut que tu y retournes.
— J'ai déjà essayé, mais je n'y suis pas arrivée.
— Désormais tu le pourras alors vas-y et sache que nous serons toujours avec toi.
Le stresse qu'il ressentait était sur le point de le rendre fou. Quand il pensait que dans quelques minutes il allait enfin pouvoir discuter avec la femme de sa vie, Kris ressentit une drôle d'excitation. L'amour n'avait pas besoin de lieu propice aux retrouvailles, il fallait laisser sa source s'écouler quand elle nous en donnait l'occasion. Lorsque le docteur passa la porte et posa une main affectueuse sur l'épaule de Kris, ce dernier hocha délicatement la tête. L'émotion nouait profondément sa gorge de quoi l'empêcher de réellement se prononcer sur ses sentiments. Il était immensément reconnaissant. Sa belle au bois dormant était réveillée, il le voyait à ces paupières qui clignaient lentement de quoi se familiariser avec la lumière ambiante. Il fut devant elle bien avant de se rendre compte qu'il s'était déplacé. Il assistait aux différentes actions du docteur et les questions auxquelles Valentina essayait de répondre avec sa voix rocailleuse.
— Comment vous sentez vous ?
— Nauséeuse et endolorie au niveau de l'estomac et des côtes.
— C'est une réaction parfaitement normale. Bien, je vous laisse.
Lorsque le docteur s'éclipsea enfin, Kris n'avait d'yeux que pour la délicieuse brune qui venait d'émerger. Il rapprocha davantage son siège et lui prit la main. Ils demeurèrent ainsi enlacés, leurs yeux communicant les vérités qu'ils avaient besoin de connaître, d'échanger, de manifester et de comprendre. Valentina leva finalement une main timide jusqu'à Kris, il la réceptionna sur sa joue et il ne put s'empêcher de la prendre ces bras. D'embrasser ces cheveux, de baiser ces lèvres timides qu'il avait pensées ne plus jamais goûter. Du côté de Valentina, c'est toute la culpabilité qu'elle ressentait qui finit par l'accabler en refaisant surface. Elle se sentait hébétée, au-delà de toute la tristesse et gêne qu'elle pouvait ressentir mais elle était tout aussi heureuse d'être de retour, de pouvoir se blottir dans les bras de l'homme dont elle était tombée amoureuse. La dualité de sa réflexion la fit davantage se sentir mal mais elle se réfugia derrière l'écran des émotions qu'elle percevait; elle essayait de se fabriquer un rempart de quoi s'empêcher de repousser l'homme dont le souffle lui réchauffait dorénavant les cheveux, dont la main ne lâchait plus la sienne. En effet, Valentina ne prétendait pas être parfaite, la preuve elle avait immensément honte de s'être enfuie et d'avoir aussi stupidement mis sa vie en danger. Elle éprouvait du dégoût pour mais elle bénissait encore le ciel pour cette seconde chance. Elle se laissa finalement aller. Des sanglots s'échappaient de sa gorge, elle serra Kris un peu plus fort contre sa poitrine. Elle se fichait de la douleur qui pointait dans son épaule. Elle était juste désolée et elle le répéta jusqu'à en avoir le souffle coupé.
Le destin fini par les rassembler mais rien est joué. Le cartel ne restera pas longtemps sans rien faire. La suite nous l'apprendra...
Ps-: coucou tout le monde. Je fais mon possible pour rendre la lecture plus fluide. Alors, je vous prierai de bien vouloir me faire part, de toutes les fautes d'orthographe que vous rencontrerez au fur à mesure. Merci et bonne lecture.
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