Quand le destin s'en mêle
Ils ont fait appel à moi car ils avaient besoin d'informations que je pouvais leur apporter. Le roi Castian Ascott de Dareim, accompagné de son mercenaire, m'a engagé pour que je retrouve son frère, le prince Licaros. Un sauvetage, en somme. La mission fut simple, malgré les ennemis. J'ai obtenu les informations aussi facilement qu'un ivrogne boit sa bière. Se rendre dans la cité où est retenu captif le prince, un jeu d'enfant. Le délivrer ? Je n'ai plus les mots pour dire à quel point la difficulté n'existait pas.
Cette mission aurait été finie voir bâclée en deux jours. Enfin, si j'avais fait comme d'habitude, en restant solitaire. Le premier souci, c'est le mercenaire du roi. Reafan Morrigan. Le second problème, ce sont mes sentiments. Enfant, j'avais de la sensibilité, je ressentais des émotions. J'ai rejoint l'ordre des Tables et ils ont été étouffés, je devais oublier comment ressentir autre chose que du mépris ou une froide indifférence. J'y suis parvenue sans mal, c'était dans mes gênes, ma nature profonde n'est pas faite pour ressentir les sentiments. Puis, j'ai grandi et je suis devenue adulte et indépendante. Plus personne pour me dire ce que je devais faire ou éprouver. La liberté. Mais je n'avais pas envie d'éprouver de la compassion, de la joie, de l'empathie, de l'amour et j'en passe. Tout au long de mon adolescence, j'ai vu des gens mourir à cause de ces émotions. Mes propres parents sont morts à cause de ces émotions.
Tout au plus, j'ai réussi à éprouver l'envie charnel et je m'en suis contentée. J'avais fait une croix sur le reste et je m'en portais très bien. Mais, tout a changé à cause d'un collègue. A cause de se Morrigan. Quand je l'ai vu pour la première fois, j'ai tout de suite compris qu'il y allait avoir un problème. Le destin, ou autre entité supérieure, avait décidé que cet homme réveillerait en moi des sentiments que j'avais pas envie de ressentir. Je me sentais comme une gamine découvrant l'amour. Ce qui n'était pas loin d'être le cas, étant donné mon expérience dans ce domaine.
Enfin, pour une raison ou une autre, la vue de cet homme m'a changé intérieurement et j'ai souhaité, pour la première fois depuis que je suis mercenaire, qu'on m'accompagne lors d'une mission. La question ne s'est même pas posée, ce Reafan avait l'intention de venir avec moi pour sauver le prince. Je me suis demandée, avec mon habituel indifférence, quel lien pouvait les relier tous les deux et j'étais rassurée de constater que j'étais toujours capable d'être neutre. Nulle trace de jalousie, c'est bon signe. Pas de mort prématurée.
Ainsi, nous avons accompli la mission. Nous avons fait connaissance et comme je l'ai découvert, Reafan est un coureur de jupons. Ce n'est pas la jalousie qui m'a fait l'empêcher de conclure avec une serveuse mais l'envie. Je voulais qu'il ne rende que moi. Et aussi parce que cela m'amusait, il faut bien l'avouer. Nos rapports sont restés cordiaux et il n'y a jamais eu aucun débordement. Malgré une tension sexuelle bien présente. Outre des sentiments imaginaire que je pouvais ressentir pour lui, j'étais bel et bien attirée. Et lui aussi. Mais, il ne s'est jamais rien passé. Si le regret et la déception faisaient partis des émotions que je ressens, je pense que j'aurais fini comme ces adolescentes qui pleurent leur premier chagrin d'amour. Heureusement que ce n'est pas le cas.
Nous nous sommes donc séparés après qu'il m'ait payé. J'ai pris l'argent et sans un regard en arrière, je suis retournée sur les chemins. Je pensais ne jamais revenir dans ce royaume. Après tout, pourquoi faire vu que le roi a déjà son mercenaire attitré. Et pourtant, un jour que je faisais le tour des tavernes en quêtes d'argent facile -détrousser les clients est un passe temps comme un autre- je l'ai croisé. Maudit sois-tu, Morrigan, je ne pourrais jamais t'oublier.
Angélique hausse un sourcil en croisant le regard moqueur de Reafan. Elle range une bourse nouvellement acquise et s'assoit en face du mercenaire. Ils se dévisagent quelques secondes et la femme prend la parole :
« Je peux savoir ce que tu fais si loin de ton territoire ?
-Il paraît qu'on trouve ici les plus belles filles. J'avais envie de vérifier par moi-même.
-Et alors ?
-Ce n'est pas un rumeur. »
Reafan soutient le regard d'Angélique une seconde de trop, lui faisant comprendre ce qu'il entend par là. Elle ne se laisse pas décontenancer et s'installe confortablement sur sa chaise.
« Et en vrai, demande de nouveau Angélique.
-Le roi m'envoie te chercher. A croire que je ne lui suffis plus.
-Vu comme tu es doué, ça ne m'étonne pas. »
La mercenaire goûte le plaisir de lancer ainsi des piques à son collègue. A l'air amusé de ce dernier, il profite tout autant. Une serveuse courtement vêtue vient se dandiner à leur table et Angélique surprend le regard lubrique du brun. Elle sourit et commande une bière. Quelques minutes plus tard, elle déguste une mixture brune à l'odeur écoeurante. Elle soupire et pousse le verre sur le côté.
« Bon, reprenons. Que me veut ton roi ? Le prince Licaros a encore été kidnappé ? Parce que si c'est le cas, il vaut mieux engager un plombier italien pour régler cette histoire.
-Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ?
-Des bêtises. Alors ?
-On a volé dans les caisses du trésor royal. »
Reafan n'ajoute rien de plus. Son regard en disait long. Elle est la dernière étrangère en date à avoir vu comment on accéde au coffre. On fait appel à elle, d'une part pour vérifier si elle est coupable, et d'autre part elle peut s'avérer utile si elle est innocente. Angélique ferme les yeux un instant, le temps de réfléchir à la situation. On ne lui donnait pas le choix, si elle refusait, elle serait accusée. Elle rouvre les yeux en soupirant et remarque que Reafan l'observe toujours.
« Je fixe mon prix.
-Le prix a déjà était fixé : 25 000 drachmes.
-Que c'est généreux, ricane Angélique. On attend autre chose de moi ? Il faut que je récupère de mes propres mains ce qui a été volé ?
-Non, réplique le mercenaire. On a besoin de tes compétences en alchimie pour désamorcer le piège qui a été installé par le voleur dans la salle du trésor. »
***
Angélique grogne. Le roi Castian avait fait venir une dizaine d'architectes et tout autant de desarmorceurs de bombes et pièges en toutes sortes. Pas un n'avait été capable de venir à bout de celui qui bloqué maintenant l'accès à la salle au trésor. Et maintenant, ils sont tous dans les pattes de la mercenaire, regardant par-dessus son épaule et déclarant d'un air catégorique « ça ne marchera pas! » Elle avait réussi à les faire taire lorsqu'elle était parvenue à résoudre le casse-tête permettant d'accéder aux entrailles du piège laissé par le voleur. Les ingénieurs s'étaient alors lancés dans un incroyable discours louant le mérite de la mercenaire et niant les doutes qu'ils avaient pu avoir à son égard.
Angélique découvre qu'elle a horreur qu'on la dérange pendant qu'elle réfléchit ou qu'elle fait une manipulation. Hors, ces hommes soit disant savants la dérangent pendant qu'elle réfléchit ET pendant les manipulations. Sa légendaire indifférence s'effrite face à l'incompétence humaine et plus d'une fois, elle a voulu faire un massacre pour avoir enfin la paix.
Son seul moment de répit, c'est la nuit, quand elle peut regagner sa chambre et méditer calmement. Son second réconfort est sa nouvelle proximité avec Reafan. Il avait rapidement compris que les ingénieurs empiétaient sur l'espace vital de la mercenaire et régulièrement, il patrouille pour vérifier le niveau de patience d'Angélique.
A chaque passage, il ne peut s'empêcher de l'admirer. Pour être toute à son aise, la femme a tressé sa chevelure argentée mais quelques mèches se sont échappées et le vent les faient voleter. Elle est installée sur sa cape et s'habille de façon simple et décontractée : un débardeur blanc et un pantalon, assez moulant, marron. Il peut voir le contraste entre sa peau hâlée et les marques blanches de quelques cicatrices. Mais le plus troublant reste ces yeux. Ces deux yeux oranges qui ont le pouvoir de renvoyer bouler le plus irritant des érudits, de te faire sentir incroyablement insignifiant, de te faire ressentir toute sa froideur, mais aussi, de montrer une étonnante chaleur quand la mercenaire est de bonne humeur. Quelque soit son humeur, il brille constamment dans son regard cette étincelle maligne et narquoise. Mais Reafan se souvient parfaitement de leur première rencontre et de son regard : l'étincelle avait disparu et il avait vu son vrai visage.
Peut être de fait-il des idées. Après tout, il ne cache pas qu'il a bien envie de faire plus intimement connaissance avec la mercenaire et que c'est réciproque, à en croire la façon dont elle le regarde. Mais, ce peut-il qu'elle ressente quelque chose pour lui ? L'idée le fit sourire avant de réaliser que d'y penser lui avait réchauffer le cœur. Non, n'importe quoi, il se fait des idées.
Angélique mit plus d'une semaine à désamorcer le piège. Une semaine de taquineries, de soirées à boire et de regards lourds de sous-entendus. Mais pas une fois, ils décident de passer à l'acte. Ils se séparent devant la porte d'une taverne, lui partant vers le palais, elle vers la forêt. Elle ressent ce besoin de s'isoler pour se recentrer sur elle même. Le matin, Reafan la retrouve aussi indifférente qu'à son accoutumé, la complicité de la veille envolée.
Ce soir-là, Angélique reçoit sa paye pour avoir retirer le piège. 12 500 drachmes, la moitié de ce qu'il est stipulé sur le contrat. Il lui faut maintenant retrouver le trésor disparu. Elle n'a pas besoin de chercher loin. Elle trouve une note, tard dans la nuit.
Le roi trouvera son argent dans l'arbre mort près de la rivière Blondine.
A bientôt, Poison de vipère.
Le voleur.
Le roi Castian veut vérifier en personne la véracité de la lettre. En effet, le pactole y est et Angélique est payée sur le champ. On l'autorise à rester une dernière nuit. Après quoi, elle est priée de quitter la chambre qui lui a été attribuée dans le palais. Pour la dernière nuit, Reafan n'a pas voulu accompagner Angélique boire un coup. Il la retrouve dans sa chambre après qu'elle a enfilé six ou sept verres de rhum. Ils n'échangent pas un mot mais pourtant, ils se comprenne. Cette nuit là, ils ne dormirent pas. La lune est la seule témoin de leurs étreintes nocturnes.
Le lendemain matin, Reafan est réveillé par une caresse sur sa joue. Quand il ouvre les yeux, il est seul dans la chambre, avec la certitude qu'il reverra la mercenaire. Qu'il la reverra très bientôt.
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Fanfic entre Angélique, mon personnage et Reafan, un personnage de Paleuni !
Ça ne risque pas d'être canon car pour écrire cette nouvelle, j'ai changé la nature profonde d'Angelique qui l'empêche d'aimer et de ressentir. Pour ce qui est de Reafan, j'espère l'avoir bien représenté.
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