Funeste annonce


Ce matin là, j'aurai dû rester au lit. Faire semblant de dormir, me cacher sous les couvertures comme le font les enfants. Refuser de me lever et d'aller au laboratoire. Renvoyer bouler les imbéciles qui vont frapper à ma porte. Ne pas devoir supporter leurs regards tristes, leurs paroles réconfortantes, leurs têtes d'hypocrites.

Mais je me suis levée. Malgré ma nuit blanche. La neuvième consécutive. Malgré le mal de tête persistant qui a élu domicile au niveau des tempes. Malgré mes instincts qui me hurlent que je dois rester en sécurité dans mon cocon.

Mais je suis allée me préparer. Je suis allée au laboratoire. Machinalement, j'ai allumé la lumière, ouvert la fenêtre, donné du lait au chat errant qui s'est installé dans l'alcôve pour mettre une lampe, de l'autre côté de ma fenêtre. J'ai exécuté mes tâches quotidiennes mais il y avait un problème.

Sinon, pourquoi serais-je aussi agitée ? Pourquoi avoir l'impression d'être décalée par rapport à la réalité ? Et ce soleil qui ne veut pas percer les nuages, un signe également ? Mais au fond de moi, je savais. Parce que je l'ai vu. Dans cette vision que j'ai eu le lendemain de mon rendez-vous avec Seiji.

J'aurai pu intervenir dans cette guerre. Détourner un portail et me rendre dans sa confrérie, m'interposer et le sauver. Oui, j'aurai pu. Mais je ne l'ai pas fait.

Je ne pensais pas revivre ce sentiment d'impuissance totale. Je croyais avoir pris toutes les décisions nécessaires pour avoir toujours un coup d'avance, pouvoir riposter ou au moins contrer. Et même avec la vision, je n'ai pas pu.

L'interdiction de Consci à intervenir aurait dû me révolter, m'énerver. Et je n'ai ressenti que cet horrible détachement qui s'insinue plus profondément en moi au fur et à mesure que les années passent et que mon sang se régénère. Peut être que si je lui avais dit la raison qui me poussait à agir, elle m'aurait laissé partir, en me regardant avec ce visage compatissant qu'elle a à presque toutes nos rencontres.

Mais je ne l'ai pas fait. Je ne lui ai rien dit. Alors, j'ai revu Consci quelques semaines plus tard. L'air plus triste que jamais. Une lettre dont je savais déjà le contenu à la main. Provenant de la confrérie Asaris Magitaria. La confrérie de Seiji. Je savais déjà que c'était leur soigneur l'auteur de cette lettre. Qu'il était désolé de ne pas avoir pu le sauver.

J'ai prise cette lettre, je l'ai regardé et je l'ai posé sur une table. C'est Consci qui l'a ouverte pour moi. Qui m'a fait la lecture. Qui a posé une main sur mon épaule. Qui a prononcé des paroles dont je n'ai pas saisi le sens. Qui est allée prévenir Zium.

Zium. A cet instant, on aurait dit que c'était toi son conjoint. Toi qui avait accepté de passer le restant de tes jours à ses côtés. Jours qui s'avérèrent très courts. A cet instant, j'aurai voulu pleurer avec toi. Je n'ai jamais autant voulu sentir des larmes couler sur mes joues qu'à ce moment. Pouvoir te soutenir comme tu as essayé de me soutenir. Mais je n'ai été qu'une pierre froide.

Tu as élu domicile dans ma maison pendant le mois qui a suivi. Tu as laissé Allium et Ezeff pour t'occuper de moi et puiser un réconfort que je ne savais pas te donner. Tu as été un ami et je n'ai été qu'un fantôme.

Je t'abandonnais toutes les nuits pour aller dans les tavernes. Tu m'as suivi une fois, et tu m'as empêché de provoquer une guerre civile. Tu savais à quel point j'avais envie de faire payer à notre Créatrice. Même si elle n'était pas directement responsable.

Pendant les semaines qui ont suivi l'annonce de la mort de Seiji, les ragots sont allés bon train. J'ai laissé Zium renvoyer les curieux qui voulaient voir la "mercenaire au cœur brisé". Et je fuyais. J'allais me perdre dans l'alcool. J'ai revu Zari pour la première fois depuis des années.

Il allait bien, il avait fondé une famille et il était heureux. Amoureux de sa femme et aimant pour son fils. Alors il aurait dû être indifférent à ma condition de veuve. Mais à ce qui paraît, on oublie jamais son premier amour. Je vais bientôt pouvoir en faire l'expérience.

Et toi, Zari, elle le sait Devila que tu penses encore  à moi de temps en temps ? Que tu m'offrais tous mes verres à chaque fois que j'allais dans le bar où tu travailles ? Que j'ai abusé de ta gentillesse ? Que je t'ai encore fait souffrir en te parlant comme si tu n'étais qu'un chien ?

J'aimerai m'excuser mais ce ne serait pas sincère. Comme les paroles réconfortantes que j'ai dites à Zium, pas sincères. Alors, je t'ai regardé partir. Et j'ai bu. Encore et encore. Dans l'espoir de le revoir. De revoir l'homme qui m'a fait vouloir aimer.

Je ne t'ai jamais revu, Seiji. Tu étais parti. Tu avais rejoint ce paradis que je n'envisage même pas. Ta bonté d'âme t'a emmené dans un endroit que je ne pourrais pas intégrer.

Un an après ta mort, j'éprouve encore ce fantôme de tristesse. Ce n'est pas de la tristesse mais ce n'est pas de l'indifférence. Et ça fait si mal à l'âme. Un an après ta mort, je lis enfin de mes propres yeux la lettre maudite. Un an après ta mort, je revis tous les souvenirs que j'ai de toi.

Un an après ta mort, je ressens enfin le manque. Je peux aller me recueillir sur ta tombe et murmurer au vent que je t'aime.

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*chiale* c'est si triiiiiiste !

Angelique : ....-_-

Pauvre Angelique ! Je te pardonne ta tentative de guerre civile !

Bref, encore une nouvelle façon d'écrire, qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce que vous avez bien ressenti les émotions que j'ai essayé de faire passer ? Ou c'était nul et j'ai foiré l'annonce ?

Seiji, perso de Lina_love_leopardus

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