3. Venise et son carnaval




Julie regarde mon salon, je vois à sa tête qu'elle est choquée. Elle se baisse pour ramasser les papiers, je l'arrête par le bras.

-Laisse je rangerai plus tard.

-Non mais c'est un vrai enculé, il te trompe et se barre avec les meubles. Comment peux-tu rester calme ?

-Peut-être parce que je m'en fous. Il y a plus grave dans la vie et puis je vais refaire la peinture de mon appartement donc je me rachèterai du mobilier après. Tu le veux à quoi ton thé?

-Jasmin, si tu as.

Assise sur le canapé, nos tasses dans la main, nous discutons du soir fatidique, de mon départ précipité en Italie.

- Donc ne pouvant broyer du noir pendant deux semaines je suis partie voir Stéphania, j'ai pris l'avion le lendemain...

Arrivée à l'aéroport de Venise-Marco-polo et après avoir récupéré ma valise, je regardai pour la millième fois le texto de Stéphania. [Dès que tu arrives, prends soit le bus ACTV n°5 où le bus ATVO, sinon le bus nautique qui lui est plus long. Je serais toi, je prendrais un des bus terrestres. Tu me bip qd tu arrives à la Piazzale Roma. Ciao Bella a plus]

Je me dirigeai vers la sortie, il y avait du monde mais pas étonnant nous étions en plein carnaval. La queue aux automates était sur plusieurs mètres mais cela allait relativement vite. Arriva mon tour, je pris un billet aller pour le bus, payai 8 euros et me dépêchai d'aller à l'arrêt. Il y en avait un toutes les 15 min, je ne devrais pas attendre trop longtemps, je discutai avec d'autres français qui étaient là pour le carnaval, certains venaient chaque année.

Un bus arriva et on monta dedans, le trajet était rapide 25 minutes environ, j'ai eu le temps de parcourir la brochure que j'avais prise à l'aéroport. C'était sur la merveilleuse ville de Venise, elle se découpe en plusieurs sestiere, il y a San Marco où se trouve sa majestueuse Basilique et l'élégant Palais des Doges. Plus au nord, le sestiere de Cannaregio et à l'est celui de Castello, ces deux derniers sont des quartiers résidentiels.

De l'autre côté du Grand Canal, on a les sestiere de Dorsoduro, Santa Croce et San Polo, le quartier le plus vivant et commerçant.

J'arrivai sur la Piazzale Roma, le nœud routier. Cette place est le pôle d'échange eau-terre de Venise qui permet d'atteindre le noyau historique de la ville. Je descendis du bus et scrutai au loin. J'avais envoyé un SMS à mon amie quand j'étais montée dans le bus. Mon téléphone sonna, c'est elle qui m'appelait.

-Ciao bella, je suis sur la place et je te vois, regarde sur ta droite.

Je levai la tête et vis une petite bonne femme brune en train de sautiller et de faire des grands gestes. On aurait dit une folle, je l'ai vite rejoint. Nous nous sommes enlacées et nous étions heureuses de nous retrouver après plusieurs années.

-Lisa, je suis si heureuse que tu viennes enfin me voir chez moi, la dernière fois que l'on s'est vues c'était il y a 3 ans quand je suis venue à Paris, me dit-elle avec son petit accent.

-J'aurai préféré dans de meilleur circonstances, mais c'est un vrai bonheur d'être ici. Elle prit ma valise et on alla jusqu'au pont de la liberté.

On monta dans son petit bateau et on alla jusqu'à chez elle.

-Tu as de la chance, je ne travaille pas aujourd'hui, je t'installe et on va se promener en plus il fait plutôt doux autant qu'on en profite.

-Oui montre-moi tous les trésors de Venise.

-J'ai même une surprise, elle me montra des billets couleur écru écrit en or, mon cousin nous a eu des entrées pour une soirée privée qui a lieu le dernier week-end avant la fin du carnaval. Bien entendu costume obligatoire.

-A voir comment tu te réjouis, cette soirée à l'air d'être spéciale, et comment je fais pour le costume ?

-Je t'en prêterai un qui  appartient à ma sœur, vous avez la même morphologie.

Nous arrivâmes chez mon amie. Les bâtisses étaient magnifiques, elle habitait dans un petit immeuble de quatre étages, il y avait un ponton et d'autres bateaux amarrés. Des gens se baladaient en costumes traditionnels, on en avait vraiment plein les yeux.

Julie m'écoute avec attention, je lui montre les photos que j'ai prises.

-Tu as vu c'est magnifique, ces bâtiments, les ponts, les gondoles. Ce pont c'est celui qu'on nomme « Pont des Soupirs » et là des vénitiens et touristes en costumes, tu en croises partout, en plein mois de février tu as de la couleur à chaque coin de rue.

-Effectivement, c'est très joli mais du coup on ne voit pas si les italiens sont aussi beaux qu'on le prétend en dessous du masque. Et la cuisine, on mange comme les plats que l'on sert au travail ?

-Très très bonne la cuisine, on retrouve les mêmes saveurs, Stéphania est cuisinière de métier et en plus elle m'a fait découvrir des petites « trattoria » ou toi en tant que touriste lambda tu n'oserais t'aventurer.

Julie passe les photos et regarde toutes ces personnes en costume et s'arrête sur celle d'un groupe de 8 personnes.

-Wouah, alors cette photo est magnifique. Elle l'agrandit et me montre, le cadre est superbe et ces personnes sont belles surtout celle-ci, elle est magnifique tout de noir et rouge.

-Oui c'est la soirée où je suis allée avec mon amie. Je crois que je garderai à jamais en souvenir cette soirée magique. Oh Julie il se fait tard, je te raconterai cette soirée une autre fois.

-Oui, il faut encore que je rentre chez moi, dit-elle en regardant sa montre, merci pour le thé et de m'avoir fait voyager un peu.

Je la raccompagne jusqu'en bas du hall. On parle encore bien dix minutes et on se dit au revoir. Je descends à la cave chercher le matelas pneumatique, une fois dans mon appartement je le gonfle dans le salon, pas envie de dormis dans la chambre pour le moment.

Je suis allongé et je n'arrive pas à dormir. Je prends mon téléphone et regarde la photo que Julie admirait il y a déjà 1h. Je passe quelques photos et m'arrête sur une où il y a le portrait d'un couple. Oui, cette soirée était magique et pour le moment je ne me sens pas prête à en parler à Julie.

Déjà dix jours que j'étais là et je n'avais pas vu le temps passer. J'avais tout visité, malheureusement la place Saint Marc était sous les eaux dû à la marée haute. Mon dernier week-end, on était convié à une soirée privée. Stéphania me prêta le costume de sa sœur, une robe rouge avec de la broderie dorée assez courte voir très, très courte avec un sacré décolleté. Une veste noire qui complète la tenue avec des manches style baroque en dentelle noire, sous la robe une sorte de jupon léger en dentelle qui fait une traîne derrière jusqu'aux chevilles laissant apparentes mes jambes devant.

-Euh... Stéphania je ne peux pas porter ça, je vais avoir l'air de quoi ?

-D'une femme sexy à bloc, tu as un corps magnifique et tu te caches derrière des fringues plus larges que les miennes. Personne ne te connaît ici et tu auras ceci. Elle me montre un joli masque vénitien.

-Je vais me les cailler, on n'est pas en été... elle me coupa la parole.

-Va l'essayer et on en reparlera, et la villa où on va est chauffée.

Je pris sa tenue et la passai, elle m'allait parfaitement. Je n'en revenais pas de l'image de moi que je voyais dans le miroir, une autre Lisa, pas celle d'une femme blessée, triste, en manque de confiance mais une femme fatale, pleine d'assurance et sexy à mort. J'avais mis les bas noirs en dentelle qu'elle m'avait passés et des chaussures à talons aiguilles ouvertes. Je sortis de la salle de bain et entendis un sifflement. C'était le cousin de Stéphania, Marco, il me regardait avec des yeux qui en disaient long sur ses pensées.

- Che sei bellissima [que vous êtes magnifique]

-Marco, lascia la mia amica tranquilla, corridore a petticoat. [Marco laisse mon amie tranquille, coureur de jupon]

-Qu'a dit ton cousin ?

-Que tu es magnifique, méfie-toi de lui il aime charmer, mais il n'a pas tort tu es très belle. Vient que je te maquille, et ma copine Giulia va arriver pour nous coiffer.

Elle m'entraîna dans sa chambre et je m'installai devant sa coiffeuse, elle commença à me mettre du fond de teint et joua avec différente teintes. Elle prit de l'eye-liner noir et fit un trait très fin sur la paupière mobile et dessous. Un joli fard doré vint accentuer la paupière supérieure et une teinte rouge la paupière inférieure. Pour finir, un mascara noir intense booster de volume et un rouge à lèvres rouge.

-Regarde toi, ça ressort le vert de tes yeux, ils sont d'un vert émeraude, tu as vraiment un joli regard.

-C'est grâce à ton talent.

-Je n'ai rien fait d'exceptionnel, juste ressorti ce qui était déjà beau, elle me fit un clin d'œil.

On entendit un frappement à la porte, c'était son amie Giulia. Après les salutation et présentations, elle s'occupa de mes cheveux. Stéphania se maquilla pendant ce temps-là et mis son costume dans les tons violets et en moins court.

Giulia n'était pas trop bavarde, sûrement la barrière de la langue. Elle était plutôt douce et me fit une tresse sur le dessus de la tête partant sur le côté en laissant une fine mèche un peu rebelle. Elle la bomba légèrement, attrapa le reste de ma chevelure et fit un chignon ou on pouvait voir mes boucles naturelles. Quelques fleurs artificielles pour y mettre une touche finale.

-Brava Giulia, c'est bellissimo

-Grazie. Elle se dirigea vers mon amie et travailla sa chevelure.

Je pris sur la coiffeuse le masque vénitien, il couvrait pratiquement tout le visage et laissait apparentes mes lèvres. Il était tout doré avec des strass rouges couleur rubis qui faisaient tout le contour du masque, des ornements sur le front, au tour des yeux et une fleur style lys de couleur rouge. Je le posai sur mon visage et passai l'élastique en prenant soin de ne pas me décoiffer. Je devais avouer que le masque allait parfaitement avec la tenue et le maquillage, j'étais prête à m'amuser.

Nous allions rejoindre le reste des amis de Marco devant la villa, elle se situait dans la région de Padoue près de Venise.
Trop occupée à regarder la sublime allée de graviers habillé de ses statues, je n'ai pas eu le temps de voir le nom complet du lieu où il m'emmenait. J'ai eu juste le temps de lire « Palazzo.... ». Et ce n'est pas ce qui manquait à Venise.

Devant les marches de l'entrée, il y avait beaucoup de monde, nous avons rejoint un groupe. Certains n'avaient pas encore mis leur masque, moi j'étais trop intimidée de ma tenue et donc, j'ai préféré me cacher derrière lui. C'est à ce moment là que nous avons fait la photo de groupe.

Arrivés en haut, le personnel était en tenue baroque avec masques aussi mais avaient tous le même pour se discerner des invité. Une personne parla mais je ne comprenais rien, Stéphania m'expliqua que l'on devait garder notre masque jusqu'à minuit et ensuite si on le souhaitait on pouvait se mettre à visage découvert.

Le hall d'entrée était somptueux, il y avait beaucoup de monde, on suivait le troupeau et on passait de salle en salle, certaines avait un buffet avec des choses à grignoter et boissons et d'autre avaient été transformées en dancing avec des musiques différentes et de tous genres. Je sentais les regards sur ma tenue, je rougissais mais heureusement on ne pouvait le voir.

Il y avait de l'ambiance, pour trouver du courage j'avais bu pas mal de coupes de champagne (j'évite de faire des mélanges quand je bois) je déambulais dans les salles à la recherche des autres et surtout de Stéphania. Je me faisais accoster pratiquement tous les dix pas et j'allais du « scusi no habla italiano » (je sais, c'était un mélange d'italien et d'espagnol) et ils n'insistaient pas.

Je m'approchai d'un énième buffet et pris une autre coupe de champagne, j'allai dans la pièce à côté qui était ambiance style latine, il y avait des couples qui dansaient sur de la salsa, les voir se déhancher me donnait envie d'y aller aussi, j'aime cette musique, ce rythme entraînant. J'allais porter ma coupe à ma bouche quand une main l'attrapa et la posa sur la table d'appoint à ma gauche. Puis on m'entraîna sur la piste, on me retourna et guida sur la musique, dans un souffle on me dit « Ti ho Vista solo e ho pensato che tu piacerebbe ballare »

-Scusi no habla italiano.

-What is your nationality ? Me demanda l'inconnu dans un impeccable anglais

-Euh, I am French.

-Ok, je vous disais, je vous ai vue seule et j'ai pensé que vous auriez aimé danser. Dit il proche de mon oreille avec un bel accent italien.

-Vous parlez français... ? Vous dansez peut-être très bien mais je recherche une amie, je l'ai perdue de vue et...

-Chut signorina et dansez avec moi.

Pourquoi je me suis tue, je cherche encore, mais il m'envoûtait avec sa voix posée et sûre de lui. Elle était douce et à la fois autoritaire, je levai les yeux vers lui. Il devait faire deux têtes de plus que moi, il était en costume cape baroque tout noir avec une chemise blanche et une cravate dorée. Il était coiffé d'un tricorne noir dont les bordures étaient dorées, son masque était du même style que le mien on ne voyait que sa bouche, ses lèvres étaient fines et son menton bien rasé de près. Le haut du masque était tout en or avec ornement, ses yeux étaient d'un bleu légèrement gris. J'étais hypnotisée par son regard. Il portait un parfum dont la fragrance était délicate, un style oriental. J'étais complètement subjuguée par cet homme, il me guidait avec aisance de ses bras puissants sur le tempo. Quand le morceau se termina, j'allais pour me défaire de lui, mais il m'enlaça plus fort.

-Signorina dansez encore avec moi.

Sans interruption la musique reprit, nous dansions comme si nous n'étions qu'un. Nous nous déhanchions, il me fit tournoyer sur moi-même, on s'enlaçait, j'étais bien. Au bout de plusieurs chansons nous allâmes nous désaltérer.

-Une coupe ?

-Oui merci, vous êtes un excellent danseur. Je bus une gorgée de bon nectar pétillant.

-Je pense que c'est grâce à ma partenaire, vous êtes aussi excellente. Il me regarda intensément dans les yeux.

J'étais troublée par son regard, je frissonnais quand il me parlait, pouvait-on craquer pour un homme sans le connaître, sans voir son visage ou avais-je un peu trop bu ?

Il me prit la main qu'il porta à ses lèvres et me déposa un chaste baiser. Il replaça ma mèche derrière mon oreille et en profita pour caresser le flan de mon visage, ses doigts frôlaient ma bouche

-Vos lèvres sont un supplice pour moi, je n'ai qu'une envie c'est d'y poser les miennes. Si je n'y tenais plus, vous laisseriez vous faire ?

-Je ne sais pas, il faudrait que vous preniez le risque pour savo...

Je n'avais pas fini de parler qu'il m'embrassa, ses lèvres étaient chaudes. Il glissa sa langue avec douceur, elle avait le goût de champagne, il chercha la mienne et je répondis avec avidité. Il me pressa un peu plus contre lui et je passai mes mains sur sa nuque. Il releva la tête, me sourit sans lâcher son étreinte.

-Vous m'ensorcelez avec votre regard aux yeux d'émeraude.

Il me caressa le dos avec sensualité et douceur, il descendit de plus en plus vers le bas et s'arrêta au creux de mes reins.

Je levai mon index pour le mettre sur les lèvres.

- Chut signore, vous aussi vous m'ensorcelez. Et je lui pris un baiser.

Une mélodie vint à nos oreilles, il prit ma main et m'emmena sur la piste de danse.

-J'adore cette chanson, les paroles sont faites pour nous cara.




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