Chapitre 38
Liya avait passé la totalité des semaines suivantes dans la maison d'Heidi qui bordait le lac où pêchait son père. Pas un jour ne passait sans qu'elle ne pense à Zhayar et la façon cruelle avec laquelle il avait mis un terme à leur relation. Coupée du monde extérieur Liya passait le plus clair de son temps au lit à ressasser sans relâche les derniers mots de son ex-amant. Son père avait peut-être raison sur un fait :
Zhayar lui avait sans doute laissé la bague afin qu'elle puisse avoir un avenir confortable et cette inévitable constatation lui brisait le cœur. Comment avait-il pu se montrer aussi impitoyable ? Comment avait-il pu se jouer d'elle de la sorte ? Lui laisser croire qu'elle vivait l'histoire d'amour parfaite pour ensuite l'arracher à ses rêves...à ses espoirs. Les larmes aux yeux alors qu'un petit bout d'elle espérait se tromper Liya traversa la rue avec l'inquiétante sensation d'être observée. Ignorant cette sensation elle poursuivit son chemin en songeant à la mentalité forte qu'elle s'était forgée lorsque son père était malade. Cela l'aidait à mieux voir l'avenir. Elle arrivait quelque fois à refluer sa peine pour esquisser une bribe de bonheur. Aujourd'hui quelqu'un ou plutôt un petit être comptait sur elle. Tomber dans le néant ne l'aiderait en rien, se morfondre dans son lit non plus. Zhayar était probablement passé à autre chose, songea-t-elle en poussant la porte du prêteur sur gage qui l'attendait sans doute depuis déjà cinq bonnes minutes. De plus elle était bien trop jeune pour lui, et lui bien trop titré et célèbre pour songer à quitter sa vie de célibataire assoiffé. Le seul et unique souvenir qu'elle garderait c'était d'avoir perdu sa virginité avec cet homme qui malgré la cruauté de son acte s'était montré d'une extrême douceur et aujourd'hui elle portait en lui le plus merveilleux des cadeaux.
Et pour l'avenir de cet enfant inattendu elle mettrait tout en œuvre pour lui offrir tout ce qu'elle n'avait pas eu.
- Bonjour mademoiselle Gray, nous avions rendez-vous il me semble.
Liya força un sourire puis s'installa en face de lui ôtant le dernier lien qui l'unissait encore à cet homme qui n'était plus qu'un épais souvenir.
De l'autre côté des mers mystérieuses Zhayar ouvrit à la volée les deux grandes portes qui renfermaient Jack Carter. Deux mois...voilà deux mois qu'il s'évertuait à le trouver. Épuisé mentalement, isolé et meurtri dans ses chairs Zhayar se redressa de toute sa hauteur mâchoires violemment serrées et le prit à la gorge sans tarder, sous les regards impassible des gardes.
Après une preuve évidente, Hassan avait fini par baisser la tête, honteux d'avoir douté de lui. Il existait bel et bien un danger auquel personne ne croyait possible et pourtant...
- Où est l'homme pour qui tu travailles ! Hurla-t-il si férocement qu'il trembla à l'idée que le monstre qui sommeille en lui ne réapparaisse plus monstrueux encore.
- Je...n'ai pas de nom seulement...
À bout de patience Zhayar resserra son étreinte pour le voir agoniser sous ses yeux. Mais le visage de Liya s'interposa dans la noirceur pour dompter le monstre. Aussitôt il le regarda avec amertume, rictus aux lèvres.
- Je t'avais dit que si jamais tu t'approchais de Liya de près ou de loin je te briserais en deux, siffla-t-il entre ses dents serrées ; Tu as intérêts à te montrer coopératif ou sinon...
- Il a juste dit qu'il m'aiderait à obtenir Liya en échange d'un coup de main pour vous atteindre.
Zhayar se recula pour dévisager ce misérable en train de plaider sa cause d'un regard suppliant.
- Tu dois avoir bien plus que cela à m'apporter ! Dit-il cinglant alors qu'il s'agenouillait en face de lui ; Réfléchi Carter, je suis certain que tu peux faire mieux que ça !
Zhayar referma ses mains en poings jusqu'à faire rougir les jointures de ses phalanges. Les nouvelles que lui avaient rapportés ses gardes du corps l'avaient anéanti. La jeune femme avait quitté la maison de son père pour se réfugier dans une maison près d'un lac et d'après ses hommes elle semblait amaigrie, livide et tout ceci par sa faute.
Il planta son regard qui n'était plus qu'un océan de rage dans celui de Carter misérablement vautré à terre.
- Il avait un accent très prononcé, nous devions nous rejoindre au nord du pays pour faire l'échange.
Zhayar fronça des sourcils, empli de rage à mesure qu'il révélait ses informations. Liya était bel et bien en danger et son ennemi avait eu pour projet de l'enlever. Très vite Zhayar comprit bien trop tard que quelque chose n'allait pas. Son esprit échauffé par mille hypothèses il pivota les talons pour quitter la salle d'interrogatoire tout en pointant Carter du doigt.
- Mettez-le en cellule pour complot envers son altesse royal, ordonna-t-il rageusement.
Il quitta le centre pénitencier d'un pas déterminé suivi de près par Hassan qui semblait à bout de souffle.
- Où allez-vous votre altesse ? S'informa-t-il les yeux écarquillés.
Zhayar héla de la main le garde qui se tenait devant les voitures.
- Je vais écarter une piste potentielle...
Zhayar prit la place du conducteur, envahi de mauvais souvenirs. Lorsque son ami prit place à côté de lui Zhayar sentit son coeur s'arrêter de battre pour une raison bien trop douloureuse à admettre.
Il avait peut-être perdu Liya et s'en voulait presque de ne pas avoir écouté Hassan. En voulant la protéger il avait fait la pire erreur de sa vie. Il démarra en trombe pour tromper les remords qui le rongeaient. Quoi qu'il arrive peu importe l'issue de cette histoire il allait devoir se battre à sang pour la récupérer. La seule chose qu'il retenait de cette éloignement forcé c'est qu'il ne pouvait pas vivre sans elle. Il avait la triste impression de marcher à côté de son corps, d'être seul, complètement déboussolé et pour toutes ces raisons il se vengerait...peu importe comment et le moyen qu'il allait devoir employer pour ça...
- Où allons-nous ? S'informa Hassan.
Quittant sa torpeur, les yeux rivés sur la route sinueuse du désert Zhayar se tourna brièvement vers lui, tendu, les yeux injectés de sang.
- À l'hôpital, à la morgue pour être plus précis.
Nul besoin de se tourner vers lui pour deviner son expression.
- Pour quelle raison ? Demanda Hassan d'une voix étouffée par le choc.
- Mustapha, personne ne m'a jamais montré son corps, j'ignore même s'il a été enterré.
- Zhayar j'étais là lorsqu'il a basculé avec vous, croyez-moi il avait l'air d'être mort.
- L'air ? Tu ne l'as pas approché ni même pris son pouls, rétorqua Zhayar en prenant le virage un peu trop sèchement ; Nous avions été conduit à l'hôpital si mes souvenirs sont intacts.
- Le docteur Dajam était formel, précisa Hassan en fronçant des sourcils ; J'ai vu les papiers officiels.
- Crois-moi avec l'accident qui a failli me coûter la vie je ne m'étonnerais pas si ce fameux docteur Dajam n'était pas un allié de Mustapha.
Sous le choc Hassan se remit sur son siège en jurant en arabe.
La conclusion était claire voire limpide. Le seul ennemi derrière tout ça était son demi-frère. Personne n'avait la preuve qu'il était bien mort hormis le bureau médical. Une fois garé devant le bâtiment il quitta le véhicule sans plus tarder et se dirigea vers l'entrée. Sans politesse ni cérémonie il se dirigea droit vers le directeur et médecin pour lui poser une traînée de questions. Peu à peu l'homme devant lui se décomposa ainsi qu'Hassan jusqu'ici très silencieux.
- Votre altesse nous n'avons jamais eu de docteur Dajam dans nos lieux, avait-il déclaré en le dévisageant avant de baisser la tête.
Zhayar ne vit que l'obscurité l'envelopper pour l'enfermer dans les ténèbres. Celui qui lui avait ôté l'apparence de son visage, celui qui l'avait réduit à néant était bel et bien en vie avec l'esprit vengeur de lui arracher la seule femme qu'il aimait.
- Mustapha n'est pas mort il ne l'a jamais été, articula-t-il sombrement ; Il désire le trône et ne reculera devant rien pour l'obtenir.
- Quel est votre plan ?
- Parcourir les montagnes dès ce soir, demande aux hommes de se préparer, ordonna-t-il en descendant les marches de l'hôpital. Lance un communique dans lequel il sera écris que quiconque le capture sera gracieusement récompensé.
Il se tourna violemment le souffle presque coupé.
- Resserre les gardes qui surveillent Liya, qu'il ne la quitte pas des yeux jusqu'à mon retour.
Liya, songea-t-il la respiration erratique, anéanti de ne jamais la récupérer.
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