Zhayar prit le temps nécessaire pour se retourner. Hassan semblait livide, incrédule mais il s'en moquait. Sa décision était prise et personne serait en droit de le juger ou bien même tenter de le faire changer d'avis. C'était peut-être la décision la plus égoïste qu'il avait pris jusqu'ici.

- Votre majesté, je me sens obligé de vous dire que Liya n'est pas la femme que vous attendez, elle aspire à des rêves, des désirs auxquels vous ne pouvez accéder.

- Pourquoi je ne pourrais pas lui offrir ce qu'elle désire Hassan ? S'enquit-il avec humeur.

- Elle veut être aimé et vous avez été clair à ce sujet.

Zhayar inspira bruyamment, contrarié d'être ainsi réduit à un homme dépourvu d'une âme ou même d'un cœur.

- Je ne veux personne d'autre qu'elle, Hassan, articula-t-il inflexible ; Je sais au fond de mon être que c'est elle.

Hassan tira le fauteuil pour se laisser choir dedans, avec un regard presque désolé.

- En parlant ainsi, vous êtes en train de la condamnée, ce n'est pas ce qu'elle veut votre majesté, contrat-il d'une voix prudente ; Elle est jeune et pleine d'insouciance.

- Crois-moi Hassan, Liya est une femme forte et notre différence d'âge n'est nullement un problème.

Excédé par son attitude trop paternaliste Zhayar mourait d'envie de le renvoyer hors de son bureau mais quelque chose de puissant suffit à le retenir.

Son amitié...

- Elle veut être aimé et non choyée de vêtements et de bijoux.

Zhayar déglutit péniblement parce que c'était la triste vérité. Liya désirait rien d'autre que la protection et l'amour d'un homme. Soudain son image s'imposa dans son esprit.

- Elle est à moi Hassan, tu ne comprends donc pas ? S'emporta-t-il d'une voix grave ; Elle ne me regarde pas comme un monstre, mon dieu...tout ce que j'ai vécu avec elle.

Une violente tristesse se mit alors à l'envahir.

- Ses mains sur mon visage, son air buté, sa douceur, les petites attentions envers moi lorsque je ne voyais plus.

Il marqua une pause dans laquelle il secoua de la tête.

- La nuit où elle s'est empressée de venir à mon secoure a été pour moi comme une évidence que j'ai refusé de voir, maintenant je sais.

Il prit les dossiers inachevés sur son bureau et la tapa sèchement sur son bureau.

- Ce n'est ni égoïste ni irréfléchi.

Hassan baissa les yeux un moment avant de les relever.

- Je ne peux aller contre votre décision votre majesté, seulement vous dire que je tiens énormément à cette jeune femme et je ne veux pas la voir souffrir.

- Je ne la ferais jamais souffrir, murmura Zhayar avec force ; Je refuse de...si jamais je prends une autre femme pour épouse alors je perdrais Liya, elle partira d'ici et je m'y refuse.

Zhayar s'interrompit un instant, envahi de souvenirs douloureux.

- Je n'ai jamais pu connaitre ma mère quant à mon père, il m'a formé à la guerre comme si j'étais un robot sans âme.

Un rictus amer couvrit ses lèvres.

- Avec Liya, tout me semble différent, murmura-t-il d'une voix étrangement inaudible ; Je suis sûr qu'elle peut m'apprendre à aimer.

Ses confidences semblaient toucher Hassan mais Zhayar ne voulait pas l'attendrir mais lui faire comprendre qu'au delà de ses convictions au sujet de l'amour, une bribe d'espoir le poussait à croire que Liya pouvait lui permettre de le découvrir.

- Elle est à moi Hassan, acheva Zhayar d'une voix catégorique.

Sur ce dire, Zhayar quitta le bureau pour rejoindre cette jeune femme sur laquelle il nourrissait tant d'espoirs. Il caressait même déjà un avenir avec elle...

Lorsqu'il pénétra dans sa suite elle était en train de remettre de l'ordre dans ses cheveux blond. Elle se retourna pour lui offrir l'un de ses plus beaux sourires, celui qu'il aimait par-dessus tout.

Timide, naturel...

Elle s'était changé, constata-t-il en l'observant de la tête aux pieds.

- J'ai une toute petite question à te poser, déclara-t-elle en s'approchant ; Pourquoi tout le monde me regarde différemment ?

Zhayar se redressa de toute sa hauteur sachant qu'il se devait de garder le secret encore quelque temps au risque de l'affoler.

- Ils sont curieux comme hier avec les habitants du village, expliqua-t-il en venant lui prendre le menton pour déposer un léger baiser sur ses lèvres roses.

- Pour quelle raison ? S'enquit-elle en fronçant des sourcils ; Est-ce que c'est marqué sur mon front que nous avons fait l'amour ?

Zhayar sentit un sourire frémir sur ses lèvres.

- Tu as quelques rougeurs adorables sur le visage certes, la taquina-t-il en la dévisageant longuement, une lueur amusée au fond du regard.

Elle lui tapa l'épaule en feignant d'être vexée.

- Plus sérieusement Zhayar que se passe-t-il ?

- Rien qui puisse valoir une telle expression d'inquiétude Liya, déclara-t-il assurément.

Pour sceller son dire Zhayar fondit ses lèvres sur les siennes mais la sentit étrangement tendue.

Zhayar se dressa le regard rembrunit mais ne put lui en vouloir d'être aussi inquiète voire perplexe. Il glissa ses doigts derrière sa nuque, caressant de son pouce la ligne parfaite de sa mâchoire.

- Tu doute de moi ?

Elle s'empressa de secouer de la tête, les lèvres pincées.

- Non, j'ai seulement énormément de mal à me faire à cette nouvelle situation, expliqua la jeune femme d'une voix hésitante ; Hier à la même heure ont se vouvoyez, aujourd'hui nous ressemblons à deux amants en fuite.

- Je n'ai tendance à fuir, je suis seulement prudent, il est important pour moi de te protéger.

Zhayar devait impérativement trouver un moyen de détourner la conversation. Alors il survola son corps frêle de sa main.

- Tu devrais manger, je suis en train de réaliser que nous n'avons rien avalé depuis hier.

Elle inspira profondément en touchant son ventre.

- Tu as probablement raison, fit-elle en haussant des épaules.

À force de la connaître Zhayar savait une chose à propos d'elle. Elle n'était pas maîtresse de ses émotions et peinait à les dissimuler derrières des sourires forcés. Il déposa un baiser sur son front puis arrima son regard au sien.

- Ne t'inquiète pas, tout va bien pour le mieux.

Elle plissa des yeux, bouche pincée.

- La dernière fois que tu m'as dit de ne pas m'inquiéter c'était lorsque tu m'as proposé de venir ici...tu n'as eu de cesse de le répéter.

Zhayar fit mine d'être lassée puis la jeta sur son épaule, appréciant son rire doux accompagné de protestations.

Liya fut emportée dans le salon principal en faisant mine de protester.

En fait Liya sentait qu'il était différent et répétitif quant à ses besoins de la rassurer.

Il se passait quelque chose mais elle ne sut expliquer quoi.

- Mange avant de t'évanouir, ordonna-t-il en s'installant en face d'elle.

Liya ne se fit pas prier plus longtemps et mordit dans sa pitas avec entrain.

- As-tu téléphoné à ton père ?

- Oui, juste avant que tu rentres dans ma chambre.

- Comment va-t-il ?

Déroutée Liya acquiesça vaguement.

Le cheikh plissa un instant du front après s'être hydraté d'un trait.

- Tu n'as pas peur qu'il te pose des questions à mon propos ?

- Papa est très sensible à ma vie et il veut me protéger mais si je suis ici c'est qu'à l'évidence il a confiance en toi.

Elle remplit alors sa bouche, affamée ignorant les yeux rieurs de son amant.

Amant ?

Liya faillit s'étouffer à cette pensée qui attira son attention.

- Liya, regarde-moi s'il te plaît.

Cédant à cette inflexion Liya releva doucement les yeux vers cet homme qui quelques heures auparavant avait fait d'elle une femme comblée, heureuse...vivante.

- Ton regard est différent, lui fit-il remarquer ; Je ne veux pas qu'il change après ce qu'il s'est passé entre nous.

- Rien n'a changé Zhayar, je suis toujours la même, seulement j'essaye de m'accommoder à la situation.

- Tant mieux parce que...

Il s'interrompit et se leva pour la rejoindre. Le cœur battant à vive allure elle le suivit des yeux jusqu'à ce qu'il se dresse devant elle, le regard déterminé, presque inquiétant.

- À partir de maintenant, les choses seront différentes, et je veux pouvoir admirer ton visage sans y lire une expression de peur.

- Enfin pourquoi aurais-je peur ? Dis-moi ce qu'il se passe Zhayar.

Son regard la couvrit entièrement puis il déclara ;

- Bientôt, très bientôt je te le promet...