Chapitre 13



- Pour...pourquoi ce n'est pas le même avion ?

La question lui parut aussitôt ridicule, mais Liya eut besoin de la poser. Le cheikh lui avait donné moins d'une heure pour préparer un sac et dire au revoir à son père. Des souvenirs de leur dernier adieu déchirant avaient rejailli dans son esprit faisant contraste avec ceux qu'elle venait d'avoir. Jamais elle n'avait vu son père si heureux de la voir partir, presque poussée hors de la maison sous une pluie de mots doux, main agitée dans tous les sens, le visage rayonnant de bonheur.

Est-ce que le cheikh avait eu le temps d'ensorceler son père ?

Prise de panique Liya lui arracha son téléphone de la main alors qu'il était en pleine conversation pour avoir toute son attention.

- Vous avez manipulé mon père n'est-ce pas ? Demanda-t-elle d'une voix contenant une colère sur le point de jaillir.

Ses yeux ne s'étaient assombri qu'un bref instant.

- Vous prenez bien des risques Liya, savez-vous ce que vous risquez après un tel geste ? Le ministre Canadien attend une réponse voulez-vous lui répondre à ma place ?

Rouge de honte elle lui redonna le téléphone, déviant son regard désespéré sur les bagagistes en train de charger les bagages du cheikh. Sa voix, son regard ténébreux, son imposante carrure qui l'empêchait de reprendre son air...non il y avait peu de chance qu'elle survive à ce voyage, songea-t-elle en se mordant furieusement la lèvre.

- Pour répondre à votre question je n'ai pas le souvenir d'avoir manipulé votre père, il est juste très heureux de voir sa fille prendre un peu de temps pour elle.

- C'est la première fois qu'il se comporte ainsi, rétorqua-t-elle en fronçant des sourcils, le regard dans le vague ; cela ne lui ressemble pas.

- Détrompez-vous, contrat le cheikh visiblement encore mécontent ; Il n'a pas cessé de nous dire que vous étiez très seule, trop inquiète pour lui et qu'il voudrait vous voir épanouie, heureuse de penser un peu à vous.

Il marqua une pause le temps de détacher sa ceinture.

- J'ai répondu à son souhait, à vous de profiter de cette main tendue au lieu de faire une crise de panique complètement absurde.

Liya le fusilla du regard.

- Mettez-vous un peu à ma place, c'est très...compliqué pour moi et je...

Zhayar la dévisagea craignant qu'elle fasse machine-arrière et la tension dessinée sur les traits fins de son visage lui indiquaient clairement que c'était le cas. Sans plus tarder il leva sa main, lui offrant sa paume, le regard volontairement adouci. Bien-sûr Zhayar aurait pu user de la force pour la faire grimper dans l'avion mais savait de sources sûres qu'il perdrait sa confiance.

- Tout ce que vous avez à faire c'est de prendre cette main et vous laissez guider.

Ses grands yeux vert tombèrent sur sa main, hésitante elle la prit à son plus grand plaisir. Immédiatement il referma ses doigts dessus en tentant d'ignorer l'étrange sensation qui perdurait dans son corps, l'obligeant chaque fois à serrer les dents pour l'endiguer.

- Venez, il est temps d'embarquer.

- Vous n'avez toujours pas répondu à ma question, lui fit-elle remarquer.

Zhayar l'entraîna vers les marches et ne répondrait à sa questions qu'une fois dans les airs.

Saisit par l'opulence du jet privé Liya observa les sièges en cuir crème avant d'être obligée de s'asseoir.

- Laissez-moi faire.

Liya referma ses doigts sur les accoudoirs, la respiration coupée alors que ses longs doigts s'attardaient sur la boucle de la ceinture.

- Je pouvais le faire vous savez ? Je suis capable de m'attacher seule.

Il se redressa, impassible augmentant le pression qui bouillait en elle.

- Pour répondre à votre question ce jet privé est celui que j'utilise pour mes affaires privés, l'autre c'est pour mes affaires professionnelles.

Liya leva un sourcil vaguement irritée par cette information.

- Donc quand vous m'avez expédiée chez-moi c'était une affaire professionnelle ? Ironisa-t-elle en esquissa un sourire en coin.

- Ne jouez pas sur les mots Liya vous allez vous y perdre, prévint-il en retirant sa veste ; Vous savez très bien que vous n'êtes plus une employé à mes yeux.

Zhayar se tourna enfin vers elle, savourant intérieurement cette petite victoire affichant un modeste sourire.

- Détendez-vous Liya, vous êtes en sécurité.

Elle se tourna vers lui, l'expression de son visage semblait intriguée voire méfiante.

- Plus vous répétez cette phrase plus j'ai l'impression que je le suis.

Zhayar éclata de rire...un rire qu'il avait l'impression de redécouvrir. Cette pensée lui serra le coeur. La dernière fois qu'il avait ri avec une femme celle-ci avait été congédiée la seconde suivante pour avoir laissée entendre qu'un mariage était possible entre eux.

Quelle foutaise...

Et pourtant...

- Peut-être qu'en réalité je suis en train de vous kidnapper ?

- Vraiment ? Osa-t-elle répliqué avec bravade.

Dieu que ça lui avait manqué ! Songea-t-il sans la quitter des yeux. À présent il pouvait la voir et cette bravade était encore plus savoureuse.

- Vous n'avez pas peur ? Si c'était vraiment la cas ?

Le teint livide la jeune femme le dévisagea longuement avant de répondre.

- J'ai pleinement confiance en vous, finit-elle par répondre en retirant son manteau ; Je ne pense pas que l'enlèvement d'une Américaine soit bénéfique pour vos affaires.

- Je suis le roi d'un puissant pays, sans paraître arrogant, comme je vous l'ai dit ma volonté fait loi.

Elle leva les yeux au ciel puis les baissa sur le livre qu'elle venait de sortir de son sac.

- Orgueil et préjugés, pourquoi je suis pas étonné ?

- Parce que nous avons déjà eu cette conversation vous vous rappelez ?

Lèvres pincées en un sourire moqueur elle reporta son attention sur la page écornée.

- Qu'est-ce que la romance vous apporte si ce n'est une illusion de l'amour ?

- Que savez-vous de l'amour ? S'enquit-elle visiblement agacée.

- Que c'est un poison, surtout quand l'homme l'accorde difficilement et qu'il finit par se rendre compte qu'il aurait mieux fait de s'abstenir.

- Vous parlez comme si vous aviez vécu cette situation, nota-t-elle en agitant doucement sa tête.

Rictus aux lèvres, il se souvint amèrement de la bribe d'amour qu'il avait offerte à Chléo.

- Et vous vous parlez comme si vous aviez vécu l'amour de vos romans ridicules.

- Je me le souhaite de tout coeur, lâcha-t-elle sans masquer son irritation ; C'est mon droit de vouloir y croire surtout maintenant que vous m'avez donné une chance d'y croire encore.

Liya affronta son regard sombre sans fléchir même si ses jambes lui indiquèrent le contraire.

- En effet, je vous ai donné une chance et ce n'est certainement pas pour que vous creusiez un peu plus votre naïveté.

Blessée mais sereine quant aux espoirs qu'elle portait sur l'amour Liya préféra ignorer sa remarque cinglante.

- Vous vous rappelez de ce que je vous ai dit avant de vous quitter ?

Le cheikh plissa légèrement ses yeux ténébreux.

- Oui, vous m'avez souhaité de trouver le bonheur.

- Eh bien vous êtes mal parti c'est moi qui vous le dit, lâcha-t-elle en reportant son attention sur son livre qui n'était plus qu'un tourbillon de mots qu'elle avait peine à déchiffrer.

- Je n'éprouve pas le désir d'être heureux ma vie me convient parfaitement. Mon seul bonheur a été de recouvrer la vue. Je suis né pour m'occuper de mon pays, j'ai été formé pour ça, je n'ai besoin de rien d'autre dans ma vie.

- Parce que l'argent a tout détruit, rétorqua Liya en suscitant l'intérêt du cheikh.

- Soyez plus précise.

- Vous craignez l'amour parce que vous ignorez si les femmes que vous rencontrez sont motivé par l'argent ou pour ce que vous êtes. Dans mon monde au moins l'argent n'est pas un point d'ancrage il passe au second plan.

- Excellente analyse miss Gray et elle risque de perdurer maintenant que je suis un infirme balafré, dit-il d'une voix sèche ; Un mariage de convenance me suffira amplement.

- C'est triste, votre vie est triste, murmura-t-elle d'une voix si sincère que Zhayar serra le poing.

- Ma vie me convient, répondit-il d'une voix à peine contenue mais basse.

Elle tourna son beau regard vers le sien, visiblement peinée puis haussa des épaules avec indifférence.

- Alors c'est parfait ainsi. Continuez votre vie votre altesse et moi je continuerais à espérer le grand amour, j'ai vingt-trois ans, j'ai encore du temps pour le trouver.

Zhayar la dévisagea longuement irrité voire dévasté par une rage inexplicable.

Jamais une femme n'avait osé lui parler de la sorte et jamais il s'était sentit aussi touché par ses propos. Il l'avait jugé et elle s'était risqué à en faire de même sans craindre les représailles d'une telle prise de parole.


Zhayar sut alors que les quinze prochains jours lui réservaient bien des surprises auxquelles il n'était pas préparé...

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