Chapitre 9



Liya ignorait peut-être la chance qu'elle avait de l'entendre rire, même si celui-ci fut bref mais teinté de vibrations rauques. Elle se sentit rougir tandis qu'il reculait son fauteuil pour faire demi-tour.

- Suivez-moi miss Gray.

Battant énergiquement des cils, Liya se leva d'un bond et le suivit jusqu'à une porte opposée à celles de la sortie. De bonne foi elle fit le tour du fauteuil pour lui ouvrir mais comme un prédateur visant à immobiliser sa proie le cheikh trouva rapidement son poignet et s'en saisit.

Il l'attira à lui de façon à ce qu'elle se pli en deux.

Son visage n'avait plus aucune trace de ce sourire qu'il avait esquissé il y a pourtant une minute. Il était dur comme du granit.

- Ne faites pas ça ! Je sais où se trouve la sortie, ne le refaite plus c'est compris ?

Sous la menace, Liya acquiesça comme s'il pouvait la voir, saisie d'un tremblement qui l'obligea à la relâcher. Sans excuse ni compassion il poursuivit son chemin et ouvrit de lui-même la porte. Incapable de bouger Liya se massa le poignet en le regardant partir alors qu'elle avait comme l'impression que cette agréable conversation et les efforts qu'elle venait de fournir venaient de se briser...

Refusant toute fois de baisser les bras, Liya le suivit de le couloir étroit et méconnu.

- Je connais le palais sur le bout des doigts, il me suffit juste de savoir dans quelle pièce je me trouve.

Émerveillée par les trésors qu'elle avait devant les yeux, Liya en avait presque oublié sa présence avant que celui-ci le lui rappelle en saisissant une nouvelle fois son poignet.

Sa façon de savoir où elle se trouvait était pour elle un mystère. Il arrivait à la trouver avec une telle facilité qu'elle en vacilla.

- Je ne vous ai pas fait mal au moins ?

- Un peu, admit-elle en dégageant son poignet sans geste brusque ; Je vais bien, rassurez-vous.

- Je n'ai pas pour habitude d'être aidé, je ne veux pas d'aide du moins très peu.

Zhayar Al Elhazar était un homme qui malgré ses handicapes ne désirait pas être vu comme un faible.

- Sauf demande de ma part, n'essayez pas d'intervenir.

- Bien votre majesté.

- Si tout est précis allons-y.

Mieux valait accuser le coup afin de ne pas heurter le peu de confiance qu'il lui vouait.

Alors elle le suivit jusqu'à sa chambre.

- Ce couloir est une sorte de passage secret ?

- Il me permets d'aller plus vite, dit-il brièvement comme si ce détail lui était insignifiant.

- Allez jusqu'à la commode et ouvrez le tiroir du bas.

Liya s'exécuta et récupéra le livre laissé à l'abandon.

- Jamais au grand jamais je n'aurais crû qu'un homme comme vous puisse s'intéresser aux livres.

- La lecture forge l'intelligence, elle permet de durcir notre langage.

- Donc...vous lisez seulement pour ça ?

L'homme haussa des épaules.

- Pour quoi d'autre ?

Liya émit un rire nerveux.

- Vous n'avez jamais pris un livre pour son histoire ?

- Non jamais et si vous me parlez des romans à l'eau de rose je ne donne pas cher de votre peau.

- Vous n'êtes donc pas romantique, conclut-elle en ouvrant le livre.

- Qu'est-ce que le romantisme miss Gray ?

- Oh je...

- Les romans que vous lisez au fond de votre lit n'est malheureusement pas la réalité.

- Je ne suis pas stupide à ce point, répliqua Liya en s'approchant ; Néanmoins j'aime rêver un peu.

- Pour mieux savourer la chute, répliqua le cheikh avec un rire amer ; croyez-moi vous devriez cesser de lire ce genre de stupidité.

- Je continuerais à lire ce genre de stupidité autant qu'il me plaira votre altesse. Ce n'est pas parce que vous haïssez l'amour que tout le monde doit en faire autant.

Ça y est ! Voilà qu'ils allaient encore se confronter.

- J'aime les histoires d'amour, en quoi est-ce un crime ?

- Puis-je savoir ce que vous aimez dans ces histoires ? S'enquit le cheikh en avançant son fauteuil roulant vers elle.

- Dois-je vraiment vous faire un dessin ? L'amour bien-sûr !

Il poussa un bref rire amer, mâchoires serrées.

- Croyez-moi par expérience à notre époque, les femmes sont intéressées par l'argent et l'homme par le plaisir d'une compagnie nocturne pour éviter d'être vulgaire. Ainsi les deux parties sont satisfaits.

Choquée par la brutalité de cette analyse Liya cligna plusieurs fois des yeux.

- Vous parlez de votre monde pas du mien, répliqua Liya d'une voix sèche.

- Il n'y a qu'un monde mademoiselle Gray, la seule différence qu'il y a c'est que les personnes de pouvoir utilisent des personnes comme vous comme des pions dans un échiquier.

- Vous ne niez rien, souffla Liya sous le choc ; Vous semblez assumer être ce genre de personne.

- Pourquoi m'en cacher ? Avant même d'aborder ce sujet je devine que c'est exactement ce que vous avez pensé de moi.

Liya tressaillit car c'était pour ainsi dire la vérité.

- Quant à l'amour, ce sentiment est bien plus destructible que la haine.

- C'est votre avis, j'ai le miens, conclut-elle en tirant sur le marque-pages ; Voulez-vous que je lise à présent ?

- Vous aspirez à l'amour miss Gray ? Demanda le cheikh en ignorant sa question.

- Comme n'importe quelle femme je suppose.

- Vous êtes bien trop jeune pour être en mesure de le reconnaître, votre façon de parler m'indique que vous avez peu d'expérience en matière d'hommes.

Liya s'empourpra violemment.

- Suffisamment pour reconnaître les menteurs, les profiteurs et...

- Voilà qui est intéressant...

- Dieu du ciel ! Essayez-vous de me mettre hors de moi ? S'énerva Liya en refermant le livre sèchement.

- J'essaye de vous déchiffrer, hélas vous êtes comme un mystère pour moi.

- Et je compte bien le rester ! Je suis ici pour travailler pas pour parler de moi.

Un sourire mystérieux se dessina sur le visage impassible de l'homme.

- Dois-je vous rappeler que vous êtes l'auteur de cette tension palpable ?

- J'ai commenté un fait vous en avez fait un jeu de fléchettes votre majesté.

- Je veux simplement comprendre comme pouvez-vous espérer un amour sincère et honnête dans ce monde impitoyable.

- L'espoir votre altesse l'espoir...

Zhayar retint un second rire amer. La jeune femme semblait bien trop naïve pour espérer ce genre de stupidité. Zhayar en avait fait la triste expérience avec son père. Durant son enfance il s'était plié aux exigences de son père avec l'espoir qu'un jour l'entendre lui dire qu'il l'aimait. Hélas, Zhayar avait eu en retour une éducation impitoyable. L'indifférence de son père l'avait convaincu d'une chose, l'amour n'avait pas de place dans sa vie et encore moins maintenant. Quant aux femmes, Zhayar n'avait nullement besoin de fouiller leur âme pour connaître leur motivation. Il lui avait suffit de voir les maîtresses de son père qui s'étaient succédées dans ce palais pendant des années pour les comprendre.

Le même sourire enjôleur, le même regard pétillant.

Cependant, avait-il le droit d'arracher l'espoir à cette jeune femme ?

- Lisez-moi un passage du livre s'il vous plaît Liya...

C'était la première fois qu'il l'appelait par son prénom et il devait l'admettre, il était séduisant à prononcer.

- A...au début ? Bredouilla celle-ci.

- Oui.

Entendre son prénom quitter sa bouche pour la première fois fut suffisant pour apaiser sa colère. Liya s'installa sur le tapis en face du fauteuil les doigts tremblants et se mit à lire les premières pages de l'ouvrage ancien. Chaque fois qu'elle relevait brièvement son regard, le cheikh avait les yeux fermés, donnant l'impression d'être apaisé. Mais il n'en était rien, Liya le savait.

Le cheikh était une boule de nerf. Il ne vouait pas seulement une haine pour son ennemi mais aussi envers les femmes et tout sentiments ressemblant à de l'amour.

Jamila avait peut-être raison. Cet homme avait manqué cruellement d'amour et à présent le repoussait avec dégoût.

Liya inspira profondément et reprit sa lecture.

- Votre voix tremble, nota-t-il en ouvrant les yeux.

- Je me sens légèrement fébrile, la journée a été longue.

- Alors il est temps pour moi de vous rendre un peu de liberté.

Réprimant un souffle de soulagement Liya se leva puis reposa le livre.

- Merci votre majesté.

Mais alors qu'elle pensait en avoir fini pour aujourd'hui il déclara ;

- Nous nous verrons pour le dîner...

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